Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine( Télécharger le fichier original )par David Labreure Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004 |
II : UNE HISTOIRE DE LA MEDECINE SOCIALE:Foucault a retenu trois étapes historiques du passage d'une médecine individuelle à une médecine collective et sociale, coïncidant dans nos sociétés avec l'avènement du capitalisme et de la socialisation du corps : La médecine d'Etat en Allemagne, la médecine urbaine en France et la médecine de la force de travail ou « Health Service » en Angleterre. - La médecine d'Etat : Foucault note que « le concept de Staatwissenschaft (science d'Etat) est un produit de l'Allemagne »72(*).En Allemagne, au début du XVIII ème siècle, s'est développée une pratique médicale consacrée à l'amélioration de la santé publique. Une série de programmes de police médicale aux tâches diverses a été ainsi instaurée, touchant aussi bien l'organisation du corps médical, que l'enseignement ou l'hygiène au niveau de l'Etat. Selon Foucault, le médecin dépasse son rôle de soigneur, de guérisseur pour endosser la tenue d'« administrateur de santé ».L'Allemagne est le véritable premier modèle de médecine sociale, jamais égalé du point de vue de l'organisation selon Foucault : « Depuis l'implantation de la médecine étatique en Allemagne, aucun Etat n'a osé proposer une médecine aussi clairement bureaucratisée, collectivisée et étatisée »73(*). - La médecine urbaine : mise en place en France à la fin du XVIII ème siècle,elle se différencie de la médecine d'Etat allemande dans le sens où ,d'après Foucault,elle n'agit pas sur les mêmes endroits : « Cette médecine restait très éloignée de la médecine d'Etat telle qu'on pouvait la rencontrer en Allemagne,mais elle était beaucoup plus proche des petites communautés comme les villes ou les quartiers »74(*).A partir de 1750, la médecine se développe parallèlement aux structures urbaines .De nombreuses mesures de quarantaine sont mises en place, par peur des épidémies, notamment à Paris. Cette mesure drastique représentait toutefois l'idéal politico- médical d'une bonne organisation sanitaire des villes au XVIII éme siècle. La médecine urbaine va se baser sur le même état d'esprit que ces mesures de quarantaine, avec quelques améliorations cependant : On ne parlera plus de quarantaine mais d'hygiène publique. Les objectifs principaux de cette médecine urbaine sont d'une part l'étude de zones sensibles pouvant générer des épidémies, d'autre part le contrôle de circulation de l'air et de l'eau. A cette époque, la médecine entre ainsi en contact avec d'autres sciences comme la chimie par exemple (notamment pour les analyses de l'eau et de l'air) : Selon Foucault, la médecine s'inscrit alors dans un champ scientifique de discours et de savoir dans une optique collective, sociale et urbaine. L'hygiène publique va être surtout basée sur l'étude et le contrôle du milieu et va contribuer au développement au XIX ème siècle de la médecine scientifique : « Une grande partie de la médecine scientifique du XIX ème siècle trouve son origine dans l'expérience de cette médecine urbaine qui s'est développée à la fin du XVIII ème siècle. »75(*). - Le « Health Service » en Angleterre : L'objectif diffère ici de celui la France et de l'Allemagne. Il prend un tournant radicalement social .Il va s'agir de ne plus considérer le pauvre comme un élément menaçant pour la santé publique. Le contrôle médical pour les plus nécessiteux va en même temps permettre de préserver les populations les plus aisées : « Ainsi les riches se libéraient du risque d'être victimes de phénomènes épidémiques issus de la classe défavorisée »76(*).Fut alors mis en place le système de « Health service » qui avait des missions de localisation des lieux insalubres, la détection des épidémies et le contrôle de la vaccination. Il s'agissait d'une forme de protection de la santé de la population sans distinction : Les soins n'étaient pas individualisés mais concernaient la population toute entière. Seule la « version anglaise » de la médecine sociale a eu un impact important sur la médecine à venir, contrairement aux deux autres modèles européens. Elle a permis d'établir trois choses : l'assistance médicale du pauvre, le contrôle de la santé de la force de travail et les enquêtes générales sur la salubrité sociale. Le système anglais rendit possible selon Foucault l'organisation d'une médecine aux aspects et aux formes de pouvoirs différents. * 72 Michel Foucault, « La Naissance de la médecine sociale » in Dits et Ecrits, Vol III, Gallimard, Paris, 1994, p.210. * 73 Ibid p.214. * 74 Ibid p.223. * 75 Michel Foucault, « La Naissance de la médecine sociale » in Dits et Ecrits, Vol III, Gallimard, Paris, 1994, p. 223. * 76 Ibid p.225. |
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