Il ressort de cette étude et dans le cadre de notre
échantillonnage, que le groupe des trypanocides occupe la
première place des non-conformités avec un taux de 100%, suivis
des antibiotiques et des anthélminthiques qui, quant à eux,
présentent respectivement 71% et 52% de non-conformité. Cet ordre
correspond à celui de la répartition du marché des
médicaments vétérinaires au Cameroun sur le plan des
classes thérapeutiques. Dans le sondage préliminaire, ABIOLA
(2001b) avait obtenu le même résultat dans le groupe des
trypanocides. Les études évoquées
précédemment (Bénin-Togo, Mali, Mauritanie) ont aussi
montré que le groupe des trypanocides présente le taux de
non-conformité le plus élevé. Cette situation serait due
à la forte demande dont fait l'objet ce groupe de médicaments
vétérinaires en Afrique Subsaharienne en général et
au Cameroun en particulier. En effet, PAILLARD (1997) observait que les
anomalies les plus nombreuses pour les médicaments humains sont
observées dans les classes de médicaments dont la demande est
énorme. Il s'ajoute à cette observation que les trypanocides,
pour la plupart, fabriqués dans les pays
97
développés, sont presque exclusivement
destinés au marché des pays en voie de développement.
III.1.3.4- Types de non-conform ité et
conséquences
Les médicaments vétérinaires
non-conformes révélés par cette étude
présentent des défauts sur le plan galénique ; certains
sont également sous-dosés ou sur-dosés. Tous ces
défauts peuvent être liés aux contrefaçons, aux
défauts de fabrication ou aux mauvaises conditions de stockage des
médicaments vétérinaires que nous avons observées
sur le terrain (température élevée,
précarité des installations). Les défauts de dissolution
que nous avons observés ont principalement concerné les
préparations injectables à partir de poudres et de
granulés de trypanocides. L'utilisation de ces médicaments
vétérinaires peut être à l'origine des troubles
fatales pour l'animal. En outre, six (6) échantillons ont
présenté un pH non-conforme. Le contrôle du pH permet de
s'assurer de la tolérance des solutions injectables (LE HIR, 2000) mais
le pH peut également influencer la biodisponibilité d'un
médicament. En effet, DIALL (2001) expliquait l'apparition des
résistances chez les trypanosomes par la formation au point d'injection
chez l'animal d'un abcès suivie du rejet d'une partie du
médicament, réduisant ainsi sa biodisponibilité.
Sur le plan analytique, deux (2) échantillons se sont
révélés sur-dosés et 22 sous-dosés.
L'administration de produits sur-dosés implique l'introduction dans
l'organisme de l'animal, sans le savoir, d'une quantité excessive du
principe actif pouvant entraîner son accumulation sous forme de
résidus plus dommageable pour le consommateur. Parmi les cas de
sous-dosage, nous avons distingué 2 types: les sous-dosages manifestes
qui contiennent moins de 50% de la valeur nominale en principe actif, ce qui
entraîne une inefficacité immédiate du produit (TANO,
2003). Le deuxième type concerne les sous-dosages subtils qui
contiennent plus de 50% de la teneur du principe actif indiquée par le
fabricant. Dans ce cas, le produit pourrait agir mais il va entraîner des
rechutes rapides et le risque de développement de
phénomène de résistance est grand à long terme.
MULUGETA et al. (1997) rapportent ainsi le développement de
résistances chez les trypanosomes lorsqu'ils sont soumis à des
98
doses infra-curatives de trypanocides. L'existence des
nématodes lévamisole-résistants au Kenya est due selon
MONTEIRO (1998) au fait qu'ils sont soumis à des produits
sous-dosés. C'est donc à juste titre que TETEY et al.
(2002) estiment que la circulation des faux médicaments
vétérinaires dans la plupart des pays africains au sud du Sahara
conduit inévitablement à la persistance des maladies animales,
avec des conséquences négatives sur la productivité et la
survie du bétail.
Le dernier type de non-conformité que nous avons
observé concerne les médicaments (2 échantillons) ne
contenant pas de principes actifs indiqués par le fabricant. Les 2
échantillons concernés proviennent du circuit illicite. Ces
médicaments peuvent contenir des substances contre-indiquées ou
toxiques pour l'animal. Des cas similaires ont été décrits
en médecine humaine par l'OMS (1997) au Nigeria où des centaines
d'enfants sont morts après avoir consommé du sirop de
paracétamol contenant du diéthylène-glycol, un antigel au
lieu de propylène-glycol qui est un excipient pharmaceutique. En 2001,
HAMADOU et BANIPE rapportent des cas de substitution complète de
principes dans les médicaments vétérinaires au Cameroun en
l'occurrence l'utilisation du maïs écrasé mis dans les
sachets et vendu en lieu et place du Bérénil, de même que
le café moulu vendu comme du Trypamidium ou encore des détergents
vendus en lieu et place des vaccins. A la lumière de toutes ces
observations, KLIMEK et PETER (1995) estiment que la dérégulation
des marchés risque de transformer la distribution des médicaments
dans les pays en voie de développement en une activité
criminelle. Des mesures correctionnelles doivent donc être prises pour la
protection de la santé des consommateurs, la préservation du
bienêtre des animaux et pour la promotion de l'élevage en Afrique
subsaharienne en général et au Cameroun en particulier. Notre
contribution serait de faire des recommandations à l'endroit des
différents acteurs de la filière des médicaments
vétérinaires au Cameroun. Certaines de ces recommandations sont
valables pour les autres pays de l'Afrique subsaharienne.
99