III.1.2.1- Réglementation
Même si la « loi n° 90/033 du 10 août
1990 relative à l'organisation de la profession
vétérinaire » au Cameroun confère l'exercice de la
pharmacie vétérinaire aux seuls docteurs
vétérinaires, elle reste toutefois muette quant aux
modalités de cette activité. En effet cette loi ne précise
ni les conditions d'AMM, ni celles de préparation industrielle,
d'importation, de détention et de distribution en gros et au
détail des médicaments vétérinaires. Ces
défaillances se traduisent sur le terrain par l'existence d'un
système d'assurance de la qualité des médicaments
vétérinaires défectueux caractérisé par
l'absence de procédure même administrative d'AMM et de
système national d'inspection contrôlant l'application effective
des textes réglementaires relatifs à la pharmacie
vétérinaire. Toutefois, dans le but de corriger ces
insuffisances, les autorités camerounaises en charge de l'élevage
ont élaboré un projet de loi qui a été voté
par l'Assemblée Nationale et promulgué par le Chef de l'Etat en
2000 pour devenir la loi n° 2000/018 du 19 décembre 2000 portant
réglementation de la pharmacie vétérinaire au Cameroun.
Cette loi est spécifique à la pharmacie
vétérinaire. Elle vise à promouvoir la
professionnalisation de la pharmacie vétérinaire, à
réguler l'installation des praticiens en clientèle privée
en vue de répondre de manière appropriée à la
demande des éleveurs. Elle définit un cadre juridique
adéquat pour la préparation industrielle, la vente et la
distribution des médicaments vétérinaires. Elle fixe
également les conditions d'importation des médicaments
vétérinaires, de leur mise
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sur le marché et précise les dispositions
juridiques de lutte contre la contrebande, les contrefaçons et toutes
les pratiques irrégulières utilisées en la matière.
Cette loi si heureusement votée devrait permettre une meilleure
organisation de la filière des médicaments
vétérinaires au Cameroun, ce qui n'est malheureusement pas encore
le cas, faute de textes d'application. C'est à ce titre que HAMADOU et
BANIPE (2001) estiment que l'exercice de la pharmacie vétérinaire
au Cameroun se fait dans une situation de << vide juridique >>.
Les résultats de cette étude ont montré
que la distribution des médicaments vétérinaires au
Cameroun se fait dans deux grands secteurs ou circuits : le circuit officiel et
le circuit parallèle.
Le circuit officiel
Comme dans les autres pays de l'Afrique subsaharienne, le
circuit officiel de distribution des médicaments
vétérinaires au Cameroun est caractérisé par une
diversification accrue des produits vétérinaires et de leurs
origines, l'absence d'une segmentation effective des activité de vente
en gros et de vente au détail des médicaments
vétérinaires.
Le nombre important de sources d'approvisionnement et de
marques de médicaments vétérinaires disponibles sur le
marché serait lié à deux facteurs. En effet, la logique
économique oblige les acteurs (importateurs-grossistes) à
privilégier les médicaments les moins chers. Cette situation
expliquerait l'importance des médicaments vétérinaires
provenant de l'Asie sur les marchés africains en général
et camerounais en particulier, mais qu'en est-il de leur qualité car
comme le dit SCHMIDT (1999), << le moins cher n'est pas toujours le
meilleur >> et quand on sait en plus que l'Asie est classée
numéro 1 mondial de la contrefaçon (SCHMIDT, 1999). A ce facteur
s'ajoute l'absence de liste de firmes pharmaceutiques
vétérinaires homologuées par le ministère en charge
de l'élevage. Cette situation permet certes de
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diversifier les sources d'approvisionnement et donc
d'améliorer la disponibilité des médicaments
vétérinaires de toute sorte, mais, elle constitue un réel
handicap à la maîtrise de la qualité de ces derniers. En
effet l'identification, la connaissance et le choix des firmes pharmaceutiques
« fournisseurs » sont des impératifs à la garantie de
la qualité des médicaments vétérinaires
commercialisés dans un pays tant il est vrai que l'unité de
production est le premier maillon de la filière qui doit garantir la
qualité du produit.
Quant à l'absence de séparation effective des
activités de grossistes-répartiteurs et celle de
distributeurs-détaillants, il s'agit d'une conséquence logique du
manque d'application des textes en vigueur en matière de
réglementation de la pharmacie vétérinaire au Cameroun
notamment la loi n° 2000/018 du 19 décembre 2000. En effet, tout
vétérinaire installé en clientèle privée et
disposant de moyens financiers nécessaires, importe, distribue en gros
et au détail les médicaments vétérinaires, pour
certains, de provenance et de qualité douteuses. Ce désordre peut
entraîner une saturation très rapide du marché obligeant
certains grossistes en quête d'une clientèle, à distribuer
leurs produits même dans le circuit parallèle à l'instar de
la situation décrite au Sénégal par THIAM (2002). Les
conséquences sociales de ce phénomène ne sont non plus
négligeables. En effet, à cause de la concurrence déloyale
des grossistes qui offrent généralement des prix plus bas au
détail, huit (8) vétérinaires installés en
clientèle privée au Cameroun ont dû fermer leurs officines
en 1999 et se sont retrouvés au chômage avant d'intégrer
plutard la fonction publique (HAMADOU et NGATCHOU, 1999).
Le circuit parallèle
Le circuit parallèle de distribution des
médicaments vétérinaires est animé en
général par des acteurs non qualifiés. Ce circuit se
développerait à la faveur de plusieurs facteurs parmi lesquels le
manque d'application des textes régissant l'exercice de la pharmacie
vétérinaire, le manque de répression de la part de l'Etat.
En effet comment expliquer que les acteurs du marché parallèle de
médicaments vétérinaires paient-ils des taxes officielles
aux mairies pour exercer une activité
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illégale ? Dans certaines régions du pays, le
marché parallèle des médicaments
vétérinaires occupe un vide réel, probablement lié
au déficit en personnel chargé de la santé animale. Le
diagnostic de la situation par région montre que ce
phénomène semble être plus développé dans les
provinces du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, de l'Extrême-Nord, du Nord, de
l'Adamaoua et de l'Ouest que dans les autres provinces du pays. Cette
différence serait liée à deux facteurs que les
régions où la vente illicite des médicaments
vétérinaires est plus développée ont en commun
à savoir la proximité avec le Nigéria et/ou l'importance
des activités d'élevage. Ce constat corrobore les observations
faites par AKODA (2002) au Bénin et au Togo où le marché
parallèle des médicaments vétérinaires est
également plus important dans les zones frontalières avec le
Nigéria.
Les conséquences de ce fléau sont d'ordres
sanitaire, économique et social. Les préjudices sanitaire et
économique indirecte découlent de la mauvaise qualité et
du mauvais usage des médicaments vétérinaires que mobilise
ce circuit. La persistance des maladies animales s'accompagne
généralement d'une baisse de productivité freinant ainsi
le développement de l'élevage dans le pays. Quant au
préjudice économique direct, le marché parallèle
des médicaments vétérinaires cause un important manque
à gagner aux acteurs du marché officiel (Firmes pharmaceutiques,
grossistes, détaillants, etc.).
III.1.2.3- Usage des médicaments
vétérinaires
Cette étude révèle que le mauvais usage
des médicaments vétérinaires est courant au Cameroun, ces
derniers étant le plus souvent délivrés aux
éleveurs sans ordonnance ou dans le marché parallèle,
lesquels les administrent eux-mêmes à leurs animaux. Dans la
pratique, les éleveurs ne pas les posologies indiquées soit par
soucis d'économie en administrant des doses faibles aux animaux, soit
par soucis de guérir rapidement la maladie en administrant des doses
fortes supérieures aux doses indiquées. Dans la plupart du temps,
les délais d'attente ne sont non plus respectés. Les
conséquences de ces deux pratiques peuvent être aussi bien
dommageables pour l'animal en l'occurrence l'absence de guérison ou
l'empoisonnement que pour le
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consommateur qui s'expose aux risques des résidus
médicamenteux. Ainsi, dans une étude portant sur les
résidus d'antibactériens dans le foie et le gésier de
poulets de chair dans les régions de Dakar et Thiès au
Sénégal, DIOP (2003) a mis en évidence la présence
au delà des LMR, les résidus de tétracyclines, de
sulfamides, de macrolides et ou de bêtalactamines, de nitrofuranes et de
chloramphénicol ; ces deux derniers faisant partie des substances dont
la présence est interdite dans les produits animaux destinés
à la consommation. En 2002, BIAGUI dénonçait
déjà l'utilisation anarchique des produits même interdits
dans les exploitations avicoles dans la zone des Niayes au
Sénégal par des personnes non qualifiées.
Outre les risques sanitaires liés à la
présence de résidus dans les denrées d'origine animale, le
mauvais usage des médicaments vétérinaires peut
également être à l'origine de résistances aux
antimicrobiens chez les animaux destinés à la consommation avec
des effets indésirables sur la santé humaine. En effet des
études réalisées en Europe et aux Etats-Unis ont
montré que l'emploi des fluoroquinolones chez les animaux peut induire
la résistance des bactéries pathogènes des humains en
particulier Campylobacter jejuni et Salmonella enterica
(Santé Canada, 2002). Aussi, afin d'examiner la
résistance à un groupe de 16 antibiotiques utilisés en
médecine humaine et en médecine vétérinaire, FOFANA
(2004) a isolé de la viande de poulet de chair au Sénégal
des souches de Samonella spp et d'Escherichia coli
présentant une résistance multiple à 5
antibiotiques.