Direction Générale de l'Enseignement et de la
Recherche
Processus d'externalisation en Grande-Bretagne et
privatisation de la sécurité : Quels rapports, quels enjeux
?
Mémoire présenté par le Sous-lieutenant de
BONNIERES Hugues
Sous la direction de Monsieur André BRIGOT, Professeur
à Saint-Cyr- Coëtquidan
Filière Relations internationales et Stratégie
Promotion décembre 2006
Lieutenant Brunbrouck
Option : Relations Internationales et
Stratégie
Sujet du mémoire : Processus
d'externalisation en Grande-Bretagne et privatisation de la
sécurité. Quels rapports, quels enjeux ?
Grade, nom, prénom du rédacteur :
Sous-Lieutenant de Bonnières Hugues Directeur de
séminaire : M. André BRIGOT
Directeur de mémoire : M. André
BRIGOT
Jury:
Date de soutenance :
|
Résumé du mémoire :
Les changements conséquents à la fin de la
Guerre Froide, les mutations des armées occidentales et les nouvelles
missions qu'elles doivent remplir ont permis le développement magistral
de la privatisation de la sécurité. La Grande-Bretagne
présente un visage particulier, autorisant l'expression de ce
phénomène, tout en cherchant à le réglementer, et
à se prémunir contre ses effets indésirables. Que ce soit
l'externalisation, c'est à dire la sous-traitance de certaines fonctions
militaires, ou la privatisation, c'est à dire la possibilité
libre pour des Sociétés Militaires Privées de se placer en
concurrence des forces armées, le phénomène
génère des problèmes dans les domaines financier,
éthique, politique, juridique, etc. Fortement engagé dans ce
phénomène, le Royaume-Uni doit donc s'affranchir des
problèmes qui y sont liés, ce qui passe par une
réglementation forte à mettre en place, tâche
délicate et ardue ; af in de conserver un rôle majeur dans les
activités de Défense, sans pour autant que cela se traduise par
un renoncement à l'exercice de fonctions régaliennes majeures,
comme certains critiques l'affirment.
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Mots clés : Armée - Etat -
Externalisation - Grande-Bretagne - Mercenariat - MoD ONU - Private Finance
Initiative - Privatisation - Public Private Partnership Sociétés
Militaires Privées
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Option: International Affairs & Strategy
Dissertation subject: Outsourcing Processes in
Great-Britain, Privatisation of Security: Which Relations, Which Stakes?
Rank, Last name, First name: Second Lieutenant
de BONNIERES Hugues Head of seminar: Mr André BRIGOT
Dissertation director: Mr André BRIGOT
Jury:
Date of presentation:
|
Summary of dissertation:
The changes, consequent upon the end of the Cold War, the
mutations that the western armies know, and the new missions they have to carry
out have let a massive increase in the privatisation of security. The special
position of the United Kingdom, allowing such a phenomenon to exist, whilst
searching to cope with its side-effects, is a very instructive one. By
outsourcing, which consists to subcontract some military functions, or by
privatisation, which lets the possibility arise that some Private Military
Companies act as serious competitors with the armed forces, this global
phenomenon generates a lot of difficulties in politics, economics, ethics and
international law. Strongly involved in this way, Great Britain has to cast
itself off the yoke created by these problems; which does mean that the
government has to implement effective regulation, a tricky and arduous task, in
order to keep its major role in defence activities, and to prevent as much as
possible a state's abdication of its duties, as some critics assert is the
case.
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Key words: British Army - Mercenaries Activity -
MoD - Outsourcing - UNO Private Finance Initiative - Private Military Companies
- Privatisation - Public Private Partnerships
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Avertissement
« Les idées et opinions émises dans ce
mémoire n'engagent que la responsabilité de son
auteur, et ne
reflètent en aucun cas celles du directeur de séminaire ou des
Ecoles de
Saint-Cyr Coëtquidan. »
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer ma reconnaissance et mes remerciements
à :
M. André Brigot, mon directeur pour ce mémoire,
au Dr Stephen Deakin, MBA, de la Royal Military Academy de
Sandhurst, à M. Sami Makki, pour ses conseils,
au lieutenant-colonel Kohn,
et à madame Valérie Girard,
pour leur aide.
SOMMAIRE
Introduction.
A. Une situation particulièrement favorable pour
l'externalisation et la privatisation de fonctions militaires : la
Grande-Bretagne.
1. Les conditions d' une situation favorable.
a) Un héritage culturel et politique adapté.
b) Les actions gouvernementales.
c) Mécanismes & acteurs de la privatisation et de
l'externalisation.
2. Un secteur mature.
a) Un secteur mature.
b) L'exemple de SERCO.
c) Les critiques du secteur.
d) Un apport pour l' Union Européenne ?
B. La Réglementation est-elle une réponse
adaptée à l'externalisation et à la privatisation de la
sécurité ?
1. Les difficultés de l' externalisation et de la
privatisation.
a) L'épineuse question de la rentabilité.
b) Le domaine de l'intangible.
c) Différences entre Paix et Guerre, ultime
critère.
2. Volonté de changement et contraintes liées
à la réglementation du secteur privé de la
Défense.
a) Un point de départ : le Green Paper de 2002.
b) Quelle(s) option(s) retenir ?
3. Réglementer, une bonne option ?
a) L'instabilité du secteur.
b) Le double-jeu des acteurs ? c) Une tâche trop ardue
?
C. Privatiser les fonctions régaliennes de la
sécurité et de la Défense, quel contexte, quels enjeux
?
1. La réponse britannique au phénomène de
privatisation.
a) Une réponse locale à un phénomène
globale.
b) Un modèle exportable ?
2. Une réflexion de toutes les parties.
a) Les commanditaires.
b) Les prestataires.
c) La communauté internationale.
3. Privatiser la sécurité, privatiser l' Etat ?
a) L'extension du domaine étatique.
b) La dilution de la responsabilité. c) Démission
ou adaptation de l'Etat ?
Conclusion générale.
Table des Abréviations
BAPSC : British Association of Private Security
Companies
CICR : Comité International de la Croix Rouge.
ESS : Eurest Support Services, « contractor »
britannique.
IPOA : International Peace Operations Association.
MoD : Ministry of Defence, ministère britannique
de la Défence
MPRI : Military Professional Ressources Incorporated.
ONU : Organisation des Nations Unies.
PESC : Politique Etrangère et de Sécurité
Commune.
PESD : Politique Européenne de Sécurité et
de Défense.
PFI : Private Finance Invitiative, Initiative de
Financement Privé.
PMC : Private Military Company, Société
Militaire Privée.
PPP : Public Private Partnership, Partenariat
Public-Privé.
PSC : Private Security Company, Société de
Sécurité Privée.
SMP: Société Militaire Privée.
SSP : Société de Sécurité
Privée.
UE : Union Européenne.
«Some have even suggested that private security
firms, like the one which recently helped restore the elected president to
power in Sierra Leone, might play a role in providing the United Nations with
the rapid reaction capacity it needs.
When we had need of skilled soldiers to separate fighters
from refugees in the Rwandan refugee camps in Goma, I even considered the
possibility of engaging a private firm.
But the world may not be ready to privatize
peace.»
Kofi Annan,
Secrétaire Général de l'
Organisation des Nations Unies,
Lecture XXXV de la Ditchley
Foundation,
le 26 juin 1998.
INTRODUCTION.
Le monde de la Guerre Froide n'est plus.
Le temps des blocs, de l'affrontement Est - Ouest, dans lequel
chaque Etat se situait par rapport à l'une ou l'autre des grandes
puissances est révolu. La disparition de l'Empire Soviétique a
provoqué d'innombrables changements de par le monde,
particulièrement dans les affaires militaires. En effet, la Guerre
Froide achevée, un nombre considérable de soldats ont
été démobilisés, que ce soit en Russie ou dans des
pays occidentaux.
La fin de la conscription en France en 1996 montre que les
armées se sont adaptées aux besoins : les formats se sont
réduits, les missions ont changés. Les guerres dans les Balkans
sont l'exemple de ces mutations des missions que connaissent les armées
occidentales de l'après Guerre Froide. De plus, l'influence des grandes
puissances dans certaines parties du monde se fait plus discrète
dès lors qu'elles ne s'y affrontent plus indirectement. En
conséquence, certaines zones du monde sont devenues « grises
», c'est à dire que la présence de l'Etat y est faible, et
que le pouvoir est à celui qui peut le prendre. Parallèlement,
les armées des Etats modernes se sont tournées vers le monde
civil, afin d'y trouver des solutions à leurs nouveaux problèmes
: comment rester compétent dans le domaine militaire, tout en
fonctionnant à format réduit ? Certaines armées, de
différentes manières, se sont donc engagées dans la voie
de la sous-traitance, dans l' audit et le conseil, l' aide à la
formation, etc.
Tout cela a contribué au développement d'un
nouveau secteur d'activités, regroupant la sécurité
privée par le biais des Sociétés Militaires Privées
(SMP), et l'externalisation des fonctions de Défense.
Bien que le thème de la privatisation de la guerre ne
soit pas nouveau, comme l'histoire en témoigne avec les armées
privées des condottieri italiens du XIVe et
XVe siècles, il se trouve que la situation actuelle est assez
intéressante et justifie que l' on revienne sur ce
phénomène : en effet, à l'heure où les Etats-Unis
d'Amérique, le Royaume-Uni et d'autres pays sont engagés en Irak,
aussi bien avec des troupes régulières qu'avec des
Sociétés Militaires Privées, la France a adopté le
14 avril 2003
une loi relative à la répression de l'
activité mercenaire (Cf. Annexe V), faisant écho à la
Convention Internationale du 4 décembre 1989 contre le Recrutement, l'
Utilisation, le Financement et l'Instruction des Mercenaires (Cf. Annexe IV).
Comment peut-on, d' une part, bannir l' activité des mercenaires , et d'
autre part sous-traiter des activités militaires, externaliser certaines
fonctions de Défense ? C' est bien à cette question que la
Grande-Bretagne cherche à répondre, afin de satisfaire au mieux
ses besoins : avoir une armée relativement réduite (207 000
hommes et femmes pour l'Armée de Terre, la Marine et l'Armée de
l'Air réunies) présente dans de nombreux théâtres
d'opérations (Irak, Afghanistan, ex-Yougoslavie...), tout en remplissant
des missions nouvelles, avec des budgets qui diminuent.
L'étude des processus d'externalisation en
Grande-Bretagne, ainsi que de la privatisation de la sécurité,
nous permet de voir quels sont les rapports entre les secteurs public et
privé, les enjeux d'un partenariat pour la Grande-Bretagne, et comment
réglementer cette relation relativement récente.
L'externalisation, par l'introduction dans le domaine public de la
Défense de sociétés privées, commence dans les
années 1960 avec la décolonisation et connaît une forte
augmentation depuis seulement une petite dizaine d'années. C'est cette
dernière décennie que nous étudierons, avec comme objectif
d' analyser les conséquences des changements en cours pour le visage de
la guerre, le fonctionnement des armées et la conception du rôle
de l'Etat. De plus, si la dynamique générale de ce
phénomène est mondiale, nous nous limiterons à celle
affectant le Royaume-Uni, sans toutefois nous y cantonner de manière
exclusive.
Le secteur que représentent les activités
militaires privées est en pleine expansion, mais ce dernier trouve sa
place dans un système où des règles juridiques existent,
sans pour autant être nécessairement adaptées. L'aspect
économique de ce secteur doit être pris en compte, le
marché mondial annuel des Sociétés Militaires
Privées est évalué pour l'ensemble du monde à plus
de 100 milliards de dollars et devrait doubler d'ici dix ans, ce qui explique
en partie l'incroyable augmentation du nombre de ces entreprises : en
Grande-Bretagne, avant mars 2003, il y avait seulement trois
Sociétés Militaires Privées (Kroll, ArmorGroup &
Control Risks). Il y en a maintenant au moins vingt-trois.
La première difficulté de cette étude se
trouve dans la définition des termes de Société Militaire
Privée. Pour Sami Makki, une Société Militaire
Privée est une << entreprise fournissant des services militaires
d' ordre offensif, destinés clairement à provoquer un changement
dans une situation donnée, et dont les commanditaires sont
généralement des Etats >>. Cependant, Doug Brooks,
président de International Peace Operations Association, va
plus loin dans sa propre définition, puisqu'il entend par SMP une
<< société recherchant le profit et proposant tout
l'éventail des services légaux qui étaient auparavant
fournis par les armées nationales. >> Nous nous trouvons, avec
cette définition, face à une nouvelle interrogation : l'appel par
un gouvernement aux services d' une société privée n' est
il pas, de facto, un renoncement certain à quelques fonctions
régaliennes ? Peut-on, sans risques, rendre privées les fonctions
étatiques ?
Les principales sources utilisées lors de la
rédaction de ce mémoire proviennent de revues
spécialisées dans les affaires de politique, de relations
internationales et de Défense, de langue anglaise en
général, comme The R USI Journal, European Security,
International Peacekeeping, Small Wars and Insurgencies, The British Army
Review, World Today, Civil Wars, Foreign Affairs, Armed Forces Journal, Defence
Studies, and Foreign Policy, ou The Financial Times et Jane's
Defence Weekly pour ne citer que ces titres. Quelques articles en
français aussi, extraits du Monde Diplomatique, de Politique
Etrangère, ou des publications de l'Ifri, nous ont permis d'avoir un
regard extérieur sur notre sujet. A cela s'ajoutent quelques livres,
mais leur nombre reste limité. Une bibliographie détaillée
se trouve à la fin de ce mémoire.
Les changements provoqués par la fin de la Guerre
Froide (que ce soit la réduction des effectifs, l' ouverture vers le
secteur privé, ou l' apparition de nouvelles missions de maintien de la
paix), sont à l'origine d'une évolution dans la conception de l'
action militaire, et de nouvelles activités dans le domaine de la
sécurité.
En lien avec ces mutations de la fin du siècle dernier,
nous pouvons examiner les processus d'externalisation et les relations entre
les secteurs publics et privés du domaine militaire et de la
sécurité. Quelles sont les caractéristiques de ces
relations ? Comment se sont-elles développées, quels sont les
fruits de ces rapports ?
Toutefois, la situation mondiale révèle des
différences flagrantes selon les Etats et les régions du globe.
Si les Etats-Unis d'Amérique apparaissent comme les précurseurs
de l'externalisation et du rapport privilégié entre secteurs
public et privé, bien des Etats semblent souffrir de cette
évolution, notamment ceux d'Afrique. Nous ne pouvons nous empêcher
de voir ici l'une des limites de ces rapports : une fructueuse collaboration se
fait nécessairement au détriment d'une tierce partie, comme ce
fut le cas lors des activités de SMP au Sierra Leone ou en Papouasie
Nouvelle-Guinée. Le nombre d'Etats concernés par les
activités du secteur privé de la sécurité et du
militaire augmente considérablement, ainsi que le nombre d' acteurs sur
le terrain : l' Etat, l' Organisation des Nations Unies, quelques Organisations
Non Gouvernementales, quelques grandes sociétés industrielles de
la matière première et quelques Sociétés Militaires
Privées se côtoient en plusieurs points du globe.
Face à une telle situation, la Grande-Bretagne depuis
2002 se pose la question d'une régulation. En effet, au regard de la
disparité des lois et règlements au niveau mondial, du nombre de
Sociétés Militaires Privées, du large spectre de leurs
activités, le Royaume-Uni estime nécessaire de clarifier les
activités de ce secteur. Le problème est d'une part d'entamer une
clarification du sujet par un travail de définition des acteurs et des
activités, puis d' autre part de s' accorder sur la forme de la
régulation.
Partant du postulat de principe selon lequel une
régulation est possible, il demeure cependant de nombreux
problèmes à résoudre : Quelle devra être la forme de
la régulation, quels seront les organes de contrôle ? Une
réglementation, pour être un tant soit peu efficace, devra
être d' ordre international, est-ce seulement envisageable ?
En dernier lieu, une seule interrogation demeure,
problématique : La régulation et l 'externalisation de
fonctions militaires ne seraient-elle pas une façon de privatiser la
sécurité ? Que doit-on penser de cette nouvelle tendance qu 'ont
certains Etats à se détacher de leur fonction régalienne
qu 'est l 'utilisation de la force ?
Ainsi, afin de répondre à cette
problématique, nous étudierons l'exemple de la Grande-Bretagne,
replacé dans un contexte européen et mondial.
Dans notre première partie, nous étudierons la
situation particulière de la Grande-Bretagne et du secteur de la
sécurité privée : en effet, les SMP, l'
externalisation de nombreuses activités au sein des forces armées
britanniques, la PFI
(Private Finance Initiative ; ou quête de nouvelles
sources de financements dans le secteur de la Défense), le PPP
(Private-Public Partnership ; concept de relation de travail entre les secteurs
publics et privés) font du Royaume-Uni un Etat à part dans ce
domaine. Cela se justifie par un héritage adéquat, qui fait du
secteur de la sécurité privée un secteur mature et en
croissance, mais qui présente cependant toujours des
difficultés.
Notre deuxième partie sera consacrée à la
question suivante : Peut-on affirmer que réglementer le secteur de
la sécurité privée soit une réponse adaptée
à ce phénomène ? En effet, au delà de la
volonté de changement qui se fait sentir dans ce secteur, de nombreuses
contraintes appartenant à la régulation elle-même
apparaissent et semblent empêcher tout évolution. Ainsi, les
options de la régulation et de la réglementation ne semblent pas
être de bonnes options en réaction à ce
phénomène.
La troisième partie de notre travail nous amène
à nous interroger sur ce que signifie vraiment une
réglementation. Peut-on dire que l 'on assiste à un
phénomène de privatisation de la sécurité ? Quelles
en seraient les conséquences ? Effectivement, si l' essai
britannique pour réguler l' activité des SMP et l'
externalisation de certaines de ses fonctions dans les armées peut
apparaître comme un modèle pour l'Union Européenne, les
acteurs de la sécurité (de l'Etat à l'Organisation Non
Gouvernementale, de la SMP à l'Organisation des Nations Unies) ont
entamé une réflexion qui va plus dans le sens d' une
privatisation de la sécurité. Il semble que l' Etat n' a plus,
désormais, le monopole de la violence, de l'usage de la force. Il nous
est alors permis de nous interroger, au risque de choquer, sur une
éventuelle démission de quelques Etats de leur fonction
régalienne qu' est l' usage de la force.
A. Une situation particulièrement favorable pour
l'externalisation et la privatisation de la sécurité : la
Grande-Bretagne.
Le Royaume-Uni présente une situation unique en Europe
et dans le monde concernant l'activité de sociétés
travaillant dans le domaine militaire privé, dans la
sécurité privée. A cela s' ajoute une ouverture forte vers
le secteur privé par l' externalisation, la sous-traitance d'
activités publiques, qui concerne d' ailleurs tous les différents
domaines étatiques : santé, éducation, forces
armées, police...
Une telle situation est l'héritage d'une situation
sociale et culturelle particulière, et permet au secteur des
activités militaires privées d'être mature, en pleine
croissance, sans pour autant éviter quelques difficultés.
1. les conditions d'une situation favorable.
a) un héritage culturel et politique
adapté
La Grande-Bretagne connaît une culture économique
libérale, où la liberté d'entreprendre est une notion
largement partagée et acceptée. L'Angleterre a depuis bien
longtemps une politique économique libérale, et les thèses
d'Adam Smith (1723- 1790) sur le libre échange traduisent cet
état d' esprit. Dans sa Recherche sur la Nature et la Cause de La
Richesse des Nations, publiée en 1776, Smith développe
l'idée que la richesse provient des marchandises (entendues maintenant
comme biens et services) ; et que l'économie politique a deux objets :
procurer d'une part au peuple un revenu (une substante abondante)
mieux, de le mettre en état de se procurer lui-même cette
abondante substante ; et d'autre part de fournir à l'Etat ou
à la communauté un revenu suffisant pour le service public.
Partant de ce principe, la « main invisible » qu'est la concurrence
assure l'intérêt de tous, à condition que celle-ci soit
libre. David Ricardo, en 1817 avec ses Principes de l'Economie Politique et
de l'Impôt, propose une théorie du libre échange dans
laquelle toutes les parties engagées trouvent un avantage à faire
du commerce entre elles. Nous comprenons dès lors pourquoi il
apparaît comme étant naturel pour la Grande-Bretagne, comme les
Etats-Unis d'Amérique d'ailleurs, de permettre une privatisation de
certaines fonctions considérées comme relevant de l'Etat. A ce
sujet, il est intéressant de noter que les thèses de Smith ont
étés modifiées depuis,
car il considérait que l'armée et l'usage de la
force étaient des prérogatives de l'Etat. En effet, dans un pays
où il n'est pas choquant de s'affirmer sur les marchés
économiques, de souscrire aux thèses libérales, la
possibilité d'entreprendre librement est utilisée jusqu'au bout.
Et le seul domaine qui n'est pas concerné par la liberté
d'entreprendre est normalement celui qui appartient à l'Etat, c'est
à dire que ses fonctions régaliennes comme l'usage de la force,
l'éducation,
etc. ne peuvent être assurées
par personne d'autre. Dans un système libéral, l'Etat peut
envisager et permettre la réalisation de certaines fonctions : il
possède toujours la fonction régalienne, mais en confie
l'exécution à une société privée. Le lien
est ainsi fait entre les théories et les idées du
XVIIe siècle et la situation actuelle.
Cependant, les idées libérales ont dû
trouver des échos dans les faits, ont dû être
actualisées ; les lois britanniques ont permis d'ancrer cet état
d'esprit dans la mentalité des gens et dans les coutumes
économiques.
Deux textes sont fondamentaux dans la situation actuelle de la
Grande-Bretagne : le premier est le Foreign Enlistment Act de 1870, et
le second, plus d'un siècle après, est le Diplock Report
de 1976 (du nom de son auteur, Lord Diplock).
En 1870, de nombreux officiers et soldats de l'armée
britannique désertèrent et partirent se battre en Amérique
du Sud dans les guerres d'indépendance contre l'Espagne. La loi
adoptée par le Parlement cette année-là rends tout citoyen
britannique qui s'enrôle dans une armée étrangère
coupable d'un crime. Rapidement, la loi est devenue honteuse pour le
gouvernement, car il était impossible de l'appliquer, et le dernier
procès eut lieu en 1896. Mais cette loi est toujours valide, et sert de
point de départ juridique face à la question de l'
externalisation et de privatisation de la sécurité.
En 1976, Lord Diplock, rédacteur du rapport
éponyme1, recommande au gouvernement qu'il interdise le
recrutement de tout citoyen britannique par une force armée
étrangère au Royaume-Uni. Une telle option est proposée
car beaucoup plus simple à appliquer que le Foreign Enlistment Act.
Ce rapport a été publié en 1976, en
conséquence de l'implication de mercenaires anglais en Angola, où
trois citoyens britanniques furent condamnés à mort et
exécutés le 10 juillet 1976, neuf autres étant
1. Report of the Committee of Privy Counsellors appointed to
inquire into the recruitment of mercenaries (the «Diplock
Report»), Her Majesty Stationery Office, Londres, août 1976.
condamnés à des peines de prison. Le rapport de
Lord Diplock rappelle qu'il est virtuellement impossible de déterminer
exactement les motivations des combattants, des mercenaires en l'occurrence:
« [...] toute définition des mercenaires qui requerrait un
indice positif de motivation serait [...] inopérante, ou tellement
hasardeuse dans son application entre deux cas individuels identiques qu'elle
en serait inapplicable. Nous pensons que les mercenaires ne peuvent être
définis qu'en référence à ce qu'ils font, et non en
référence à pourquoi ils le font ». Le rapport
recommande donc d'interdire toute activité militaire à l'
étranger pour toute personne n' étant pas au service de la Reine.
Il propose aussi une loi d'habiitation, qui pourrait être
renforcée ponctuellement, afin de cibler les pays qui seraient
concernés par le recrutement de mercenaires. L'Etat britannique n'a pas
désiré cependant donner suite aux recommandations de Lord
Diplock, considérées comme trop fortes, et allant à
l'encontre de la liberté individuelle et économique. En effet, si
l'on va au bout de la pensée de lord Diplock, les employés des
sociétés privées font exactement ce que font les
mercenaires : soutien, conseil, entraînement, instruction et combat.
Dès lors, il devient extrêmement délicat pour le
gouvernement de légiférer sur le mercenariat sans
légiférer du même coup sur la privatisation, entamée
depuis déjà plus de quinze ans à l'époque de la
publication du rapport.
Après ces deux textes à caractère
législatif, qui n' ont pas cependant l' aspect coercitif de
véritables lois, la Grande-Bretagne a adopté en 2001 une loi sur
l' industrie de la sécurité privée. Elle permet de
facto la privatisation de son monopole étatique dans la production
de services publics, et par là même l' expression des SMP.
The Private Security Industry Act 2001 pose les bases
de la gestion des services de sécurité privée au
Royaume-Uni. Cependant, à l'automne 2006, cette loi n'a pas encore
été mise en application dans sa totalité. La loi a mis en
place une Security Industry Authority (SIA), qui a contribué
à définir des critères spécifiques pour accorder
des licences particulières aux gardiens, aux entreprises de
sécurité événementielle, etc. En 2004, il
était question d' étendre ces licences aux détectives
privés et aux consultants du domaine de la sécurité. Les
critères retenus dans l' accord d' une licence sont assez restrictifs :
une enquête est réalisée afin de vérifier que les
casiers judiciaires des prétendants soient vierges, même si une
simple supposition ne doit pas empêcher l'octroi de la licence. Il est
par ailleurs exigé des candidats qu'ils reçoivent une
formation d'une trentaine d'heure (une semaine) afin de se
garder de certaines erreurs dues à un manque de formation. La loi
comprend donc un certain nombre de réglementations qui contribuent
à la bonne gestion de ces activités. Cependant, cette loi n' est
valable que sur le territoire britannique, et ne couvre pas l' export de
services d' ordre militaire à des clients outre-mer.
De plus, les contrats passés avec ce secteur par le
gouvernement, ainsi que les décisions financières imposées
par le ministère des finances britannique favorisent l'activité
privée dans le domaine de la Défense et de la
sécurité.
b) les actions gouvernementales
Les actions gouvernementales sont en réalité
complexes et variées. Du Private Finance Initiative (Initiative
de Financement Privée - PFI) au concept de Best Value for Money,
du Public Private Partnership (Partenariat Public - Privé,
PPP) à la soustraitance, le gouvernement anglais mène de
nombreuses actions renforçant le poids du secteur privé dans les
activités de Défense, qui se traduisent de manière
très concrète: ces actions sont à l'origine de la
fermeture des hôpitaux militaires, de la location de véhicules
pour les Forces Armées, de la location d'avions de transport par la
Royal Air Force...
Le PPP (Public - Private Partnership) est un système
dans lequel un service public est financé et mis en place par un
partenariat entre le gouvernement et une ou plusieurs sociétés
privées. Dans le PPP, le gouvernement utilise le secteur privé
comme investisseur permettant de fournir des services qui sont dispensés
par le secteur public. Nous nous trouvons ici dans le cas d'une économie
mixte, dans laquelle des fonctions publiques sont fournies par le secteur
public qui a cependant fait appel au secteur privé. Le PPP trouve son
origine dans les inquiétudes des années 1960 à 1980 au
sujet du niveau de la dette publique, pendant les bouleversements
macroéconomiques. Le gouvernement a alors encouragé les
investissements privés dans l' infrastructure, pensant utiliser le
secteur privé pour augmenter la rentabilité d'un service ou d'un
produit, par la baisse des coûts de fabrication. En résumé,
le secteur public passe un contrat avec le secteur privé par le biais
d'entreprises, afin de fournir à moindre coût ce
qui lui est nécessaire pour assurer ses propres
fonctions. Un exemple type du PPP serait les bâtiments d'un hôpital
financés, construits et entretenus par une société
privée, qui louerait alors la structure hospitalière à
l'Etat. La société privée est alors propriétaire
foncière de l' hôpital, fournissant les fonctions de gestion et d'
entretien, tandis que l' Etat lui même fournit les fonctions et services
de santé. L'intérêt majeur du PPP réside dans le
fait que ce système permet une réduction des coûts de
production des services, une plus grande flexibilité, une gestion dans
laquelle les risques financiers sont mieux contrôlés.
Initialement, les partenariats étaient négociés
individuellement, mais John Major, Premier Ministre conservateur, a introduit
en 1992 le PFI, programme qui encourage systématiquement le recours au
PPP. Concrètement, lorsqu'un service public envisage la production d'un
service, il doit envisager avant tout recours au financement public l' appel au
secteur privé pour financer sa prestation. Un tel raisonnement est
érigé en dogme dans la fonction publique, et le financement par
l'Etat n'est envisagé qu'en dernier recours.
La Private Finance Initiative (PFI) a débuté
sous le mandat du premier ministre conservateur John Major en 1992.
Immédiatement, elle a été controversée, et les
critiques ont affirmé que c'était là l'antichambre de la
privatisation. Néanmoins, le ministère des finances britannique a
trouvé cette perspective d'allégement de ses budgets tellement
intéressante du point de vue financier qu'il a poussé les
travaillistes à l'adopter après les élections
législatives de 1997. La PFI a donc été maintenue et a
connu une croissance certaine depuis lors. En 2002, le congrès annuel du
parti travailliste a voté une motion contre la PFI, mais cela n'a en
rien changé la position du gouvernement. Le gouvernement britannique a
consacré à la PFI depuis 1987 plus de 48 412 millions de
livres2, tous secteurs d'activités confondus (du
ministère des transports à l'Education, du cabinet du Premier
Ministre à la Défense.). Nous détaillerons ces chiffres,
principalement ceux en lien avec le ministère de la défense
britannique (MoD), et tenterons d'établir un bilan de la PFI plus tard
dans notre étude.
Développée par la Grande-Bretagne, la PFI
consiste à fournir un soutien financier pour le Partenariat Public -
Privé ; en rapport avec la réforme plus large du secteur public
et de ses prestations menée par l'Organisation Mondiale du Commerce,
le
2. Au sujet du PPP et de la PFI, consulter le site officiel du
Trésor britannique, visité le 9 octobre 2006.
http://www.hm-treasury.
gov.uk./documents/public private partnerships/ppp index.cfm
Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, en
vertu de leur campagne de déréglementation et privatisation. Le
projet vise à fournir toutes les sortes de prestations du service
public, avec des prestataires du service privé. En échange, le
secteur privé est payé, au dessous du prix demandé par le
service public si ce dernier avait eu ces prestations à fournir,
conformément aux normes établies par les deux parties. La PFI est
utiisée par les autorités locales et nationales, et le
gouvernement national permet le recours à la PFI pour une
autorité locale par le biais de << crédits >> qu'il
lui octroie. Faire appel à la PFI n'est pas seulement un emprunt, c'est
une gestion calculée des risques que les autorités ne sont pas
prêtes à assumer : le coût effectif de la PFI est plus cher
qu'un emprunt gouvernemental, mais moindre quand les risques sont mieux
gérés et pris en compte par le secteur privé. Bien que
tous les contrats souscrits au titre de la PFI diffèrent au regard des
circonstances locales, ils ont de nombreux points communs. L'autorité du
secteur public (un ministère, ou une autorité locale) signe un
contrat avec un << contractor >> du secteur privé.
Pendant la durée du contrat, le << contractor >>
fournit un service qui était précédemment fourni par le
service public et est payé pendant le contrat sur la base d'un accord
stipulant qu'en l'absence de prestations, il n'y a pas de paiement. L'
autorité rédige un cahier des charges, qui sert de base à
l' accord ; si le << contractor >> faillit à l'un
des termes du cahier des charges, le << Plan Gate Approval
>>, et qu' il ne corrige pas sa prestation, l' autorité peut
diminuer ses honoraires et/ou mettre un terme au contrat. Ainsi, le bon
fonctionnement d'un contrat dépend du bon intérêt qu'ont
les deux parties à l'appliquer. Tous les contrats sont examinés
par The National Audit Office, The Public Accounts Committee et
The Audit Commission. L'exemple type d' un contrat passé au
titre de la PFI est celui où l' on a volontairement utilisé le
secteur privé afin de produire un service public, comme lors du projet
de la nouvelle ambassade britannique à Berlin, construite et
gérée par une société privée.
Cependant, en avril 2006, un rapport intitulé "PFI
: Strenghtening Long-Term Partnerships" a confirmé le modèle
de la PFI tout en proposant des améliorations. Ce système
continuera à représenter 10 à 15 % du total des
investissements dans les services publics, soit 200 projets d'une valeur de 37
milliards d'euros au cours des cinq prochaines années.
c) Mécanismes et acteurs de la privatisation en
Grande-Bretagne.
Ainsi, le gouvernement britannique permet et encourage
l'externalisation de fonctions et services publics. Nous allons d' abord
étudier les entreprises qui sont les prestataires de ces services
externalisés, puis nous étudierons la mise en place d'un contrat
ayant recours à la PFI.
Comme nous l'avons vu en introduction, le terme de
Société Militaire Privée regroupe plusieurs
réalités. Nous nous accordons sur la définition selon
laquelle une SMP est une société privée fournissant
des services du domaine de la Sécurité ou de la Défense,
autrefois pris en charge par les gouvernements ou les armées nationales,
dans le but légal de réaliser des bénéfices.
L' éventail des prestations fournies nécessite d'être
prudent avec ce concept : toutes les SMP ne sont pas à loger à la
même enseigne ; certaines se contentent de conseiller, de former ou de
faire de la maintenance ; d' autres se spécialisent dans la protection
de biens et de personnes, ou encore dans les actions de déminage ou de
reconstruction... Bref, si toutes les activités des SMP ont un lien avec
les affaires miitaires, seules de très rares entreprises prennent
directement part aux combats. Il faut ici éviter l'habituelle erreur
d'assimiler les SMP à du simple mercenariat.
Nous avons vu en introduction toute la difficulté de
bien définir les termes qui sont souvent utilisés, sans toujours
signifier la même chose. Si les mercenaires sont souvent des individus
qui se battent dans des conflits étrangers afin de s'enrichir, et leurs
employeurs souvent des groupes armés non-étatiques, rarement des
gouvernements, les SMP, quand à elles, sont des sociétés
de droit privé qui fournissent des services offensifs, ayant pour but
d'avoir un impact militaire dans une situation donnée. Signalons
d'ailleurs qu'elles oeuvrent en majorité pour des gouvernements, des
organismes internationaux comme l' ONU, ou des firmes multinationales.
Les SSP (Sociétés de Sécurité
Privées) fournissent quant à elles des services de
Défense, de protection de biens et personnes, en général
pour des grandes entreprises
internationales (du secteur de l' extraction de
matières premières), des individus, des agences humanitaires dans
des situations instables ou conflictuelles3.
Enfin, certaines sociétés du secteur
privé, en rapport avec le MoD, ne sont pas des SMP. Elles ne sont que
des prestataires de services ordinaires, de la vie courante, n'ayant aucun
rapport avec le domaine militaire. Nous parlons ici des sociétés
fournissant des véhicules civils, des logements pour les militaires et
leurs familles, ou les prestataires dans le domaine du nettoyage des locaux, de
la restauration, du transport...
Pour autant, si les SMP nous intéressent
particulièrement, car ce sont elles les plus impliquées dans le
domaine de la Défense et de son externalisation au RoyaumeUni, les
sociétés normales ont un rôle bien plus important dans la
privatisation des fonctions de Défense. Nous pourrions assimiler les SMP
à la partie émergée de l'iceberg de l' externalisation,
car plus médiatiques que les sociétés normales, elles les
occultent trop par rapport à leurs véritables rôles.
Possédant des structures internes à l'image de n'importe quelle
société commerciale (conseil d'administration, actionnariat,
etc.), les SMP travailent pour leurs clients avec des contrats clairs, des
obligations de résultat, et s' engagent dans des opérations
militaires si nécessaire, ce que ne font pas, ou très rarement
les SSP, voire les simples « contractors ».
Kevin O'Brien, en revanche, ne juge pas nécessaire de
faire la distinction entre SMP et SSP : pour lui, les activités ayant
rapport au miitaire, à la Défense et à la
sécurité sont à considérer comme un tout
4. Ainsi, les activités des SMP peuvent être
classifiées en trois domaines :
· Les activités létales :
activités de combat, et activités de soutien sur le
théâtre des opérations.
· Les activités de soutien opérationnel
: entraînement des forces armées, protection de biens et de
personnes (personnages politiques, autorités militaires de haut
niveau...), gardiennage d'installations (ambassades ou sites d'extractions de
matières premières), conseils d' ordre tactique ou
stratégique, renseignement, activités policières et
applications de lois...
3. Ces trois définitions ( mercenaires, SMP et SSP ) sont
celles de Sami MAKKI, Damian LILLY, Sarah MEEK et alii, in Private Military
Companies and the Proliferation of Small Arms : Regulating the Actors,
Londres, juin 2001.
4. Kevin O'BRIEN, Private Military Companies: Britain's
Options for Regulation, The World Today, août / septembre 2003, pp.
37 - 40.
· Enfin, les activités générales
: conseil lors d' achats, aide médicale, transport, administration,
aide logistique, soutien lors d'aide aux réfugiés,
déminage, etc.
Dans ce sens, que nous conserverons tout au long de ce
mémoire, la privatisation est un phénomène national en
Grande-Bretagne, regroupant deux aspects différents : celui de l'
activité des SMP / SSP et celui des activités de sous-traitance
militaire. Phénomène national, généralisé
à tous les types de prestations étatiques, mais dont le secteur
de la Défense fait apparaître des difficultés
particulières. Dans les transports, dans l'éducation, les
intervenants sont tous les mêmes, en revanche, dans le domaine militaire,
certains intervenant diffèrent des autres : c' est le cas pour les SMP
et les SSP. Ne serait-ce l'utiisation de la force, le problème serait
réglé ; cependant, utiliser la violence ne peut pas être
accepté de n'importe quelle société, ce qui explique la
séparation de facto entre les différents fournisseurs de services
au Royaume-Uni.
Après avoir vu les différents prestataires qui
peuvent apparaître dans le secteur de la Défense en plus des
institutions gouvernementales, voyons maintenant quels sont les
mécanismes mis en place dans un processus de financement privé.
De manière simple, le paragraphe suivant répond à la
question << comment ça marche ? >>, et est basé sur
un document de travail du MoD, la PFI Procurement Process Guidance Note
5. Dans une telle démarche, il y a quatre principaux
acteurs :
- L'Inte grated Project Team (IPT), équipe de
travail du MoD, chargée de l'évaluation ;
- Le << premier client >> qui est le MoD au travers
du Director of Equipment Capability (DEC) lequel possède
l'argent ;
- Le << deuxième client >> qui est le
bénéficiaire du service ; une arme, un service, ou un
régiment... ;
- Le fournisseur de service, issu de la société
civile.
Le lieutenant-colonel Philippe Kohn, officier de liaison ALAT
à Middle Wallop au sein de l'Aviation Army, arme qui utilise de
manière très importante la PFI, pour la maintenance, la
formation, les services météorologiques..., a produit une
étude sur ce
5. PFI Procurement Process Guidance Note,
http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/13454ABA-FC75-4723-
8C5B-DDA8015B0058/0/pfupfi proc process guide note.pdf , visité le
25 septembre 2006.
sujet : L'externalisation de la formation dans l'Army
Aviation, en novembre 2005.6 Laissons-le nous expliquer le
mécanisme de l' acquisition d'un service par le biais de la PFJ :
- « La conception du besoin relève de la
responsabilité conjointe du DEC et de l'JPT et apparaît dans un
document commun marquant la première étape (Initial Gate).
Ce document (User Requirement Document - URD) sera
approuvé dans le cadre de l'évaluation (Assessment)
devant l'Investment Approval Board (JAB). Cette démarche
correspond plus ou moins à la stratégie d'acquisition
établie au ministère de la Défense français
où l'on envisage toutes les possibilités de répondre aux
différents besoins exprimés, tout en conservant des solutions de
repli.
- Le document détaillant les spécifications (le
System Requirement Document-SRD) sera rédigé
sous la responsabilité de l'JPT, en vue de l'étape principale
(Main Gate) et de la réalisation d'un démonstrateur.
Cette étape sera éclairée par les résultats de la
Training Needs Analysis (TNA) qui va détailler le savoir, les
compétences et le comportement nécessaires à la
prestation. C' est à l'issue de cette démonstration que se
terminera la mise en concurrence des compagnies.
- Après la signature du contrat, pourra commencer la
phase de production (Manufacture) sous la responsabilité du
DLO. La date de mise en service (In Service date- JSD) est
planifiée dans le contrat.
- La réception s' effectue selon les termes du SRD
sous l' autorité de l' JPT. Dans le cas d'une mise en conformité
insuffisante, la réception peut être progressive. Encore une fois
les termes du contrat décideront des pénalités à
appliquer.
- La phase de mise en service suivra les
éléments contenus dans le Through Life Management Plan
(TLMP). Ce document détaille les résultats escomptés
par le client, les modifications susceptibles d'intervenir en cours de vie du
produit ainsi que l'ensemble des coûts. La date de mise en service sera
prononcée par le DEC lorsque l' ensemble est jugé
opérationnel. »
Le mécanisme du processus d'un contrat souscrit par le
biais de la PFJ est relativement compliqué. La question n'est pas
néanmoins de juger de sa complexité dans l'absolu, mais bien par
rapport aux mécanismes d'acquisitions du MoD autre que la PFJ. Cette
dernière introduit des contraintes supérieures en comparaison
avec le
6. Document personnel de l'auteur, transmis gracieusement lors de
la rédaction de ce mémoire.
précédent système. Contraintes à
mettre en relation avec les gains qu' apporte le système de la PFI, afin
de savoir dans quelle mesure avoir recours à la PFI est une
stratégie gagnante.
2. Un secteur mature.
a) un secteur mature
L' éventail des activités des SMP est un exact
parallèle des activités de Défense que l'on trouvait il y
a quelques années dans un gouvernement national. A l'époque de la
conscription et de la guerre froide, les Etats faisaient réaliser tout
le spectre des activités touchant de près ou de loin au secteur
de la Défense par leurs forces armées. L'armée
construisait les bases, les gérait, fournissait le personnel
nécessaire à l'entretien, au service de restauration, de
santé, s'occupait de maintenir en état opérationnel les
véhicules, les armes... Suite à la focalisation des armées
sur le « coeur du métier » qu' ont connus les pays
développés, les fonctions préalablement remplies et
assurées par l' armée elle-même sont maintenant
dévolues à des entreprises civiles. Ainsi, chaque maillon de la
chaîne miitaire a son équivalent dans une entreprise civile de
sécurité et de Défense, à l'exception des
combattants, qui n'ont comme équivalents que les mercenaires. Les
raisons de tels changements se trouvent dans la volonté de continuer
à mener les missions qui dépendent de l'armée, comme les
opérations de guerre, sans pour autant se disperser dans des
opérations de soutien, de logistique, qui exigent du temps et des moyens
en terme de personnel et de financement. C'est pourquoi sont apparus les
concepts que nous avons vus plus haut : le PPP et la PFI.
Avec un budget de 33,2 milliards de livres en 2005-2006 (soit
près de 50 milliards d'euros), le Ministry of Defence se place au
deuxième rang mondial en terme de budgets militaires, loin après
les Etats-Unis d'Amérique, mais juste devant la France. Comme dans tous
les budgets militaires, la majeure partie des ressources est consacrée
aux personnels : 11,3 milliards de livres sterling (17 milliards d' euros) sont
consacrés aux salaires, pensions et retraites des soldats de Sa
Majesté. En 2004-2005, le MoD a dépensé 14,5 milliards de
livres (21,7 milliards d' euros) avec l' industrie britannique, ce
qui a permis l'emploi de plus de 310 000 personnes. Ces
chiffres montrent bien l'importance et le poids financier qu'ont les
activités de Défense dans une économie nationale. Plus
encore, le ministère de la Défense a passé en 2005 - 2006
près de 26 000 contrats pour une valeur totale de 18,2 milliards de
livres (27 milliards d'euros). Le nombre de contrats passés par la
Défense, comprenant les contrats passés au titre de la PFI, a
diminué, tandis que la valeur de ces derniers a augmenté de 3,4
milliards (5,1 milliards d'euros), soit 22,5 % en un an7. Il faut
noter, évidemment, que les paiements de ces contrats ne sont pas
effectués dans l'année, mais sont échelonnés sur la
durée des contrats, qui peut atteindre plusieurs décennies. C'
est ici qu' interviennent deux concepts importants dans les mécanismes
favorisant la PFI : les Value for Money et Whole Life Costing.
Le Whole Life Costing est l'évaluation du coût total
d'un projet sur l' ensemble du processus d' acquisition depuis le concept
initial, et en inté grant l' ensemble des coûts (conception,
fabrication, entretien,...). C'est probablement l'une des principales
difficultés de la conception économique de la privatisation :
comment peut-on envisager, de manière précise, le coût
réel d'un projet ? Même si les études de marché et
l' expérience permettent d' apprécier les coûts, les marges
d' erreurs restent importantes. Il suffit de se rappeler les chocs
pétroliers des années 1970 pour comprendre aisément que
les paris sur l'avenir comportent tous leurs parts d'incertitude. Le concept de
Value for Money est l'association entre le Whole Life Costing
et la qualité du service ou du produit qui correspond le mieux aux
besoins exprimés. Autrement dit, la quête de la PFI consiste
à se tourner vers le secteur privé afin de se procurer au
meilleur coût le meilleur produit ou service. Mais cette quête est
donc délicate, car les démarches effectuées
préalablement à la signature d'un nouveau contrat exigent
beaucoup de temps, et par là même mobiisent beaucoup de moyens et
de personnes.
b) l'exemple de SERCO
Une entreprise comme SERCO, qui se définit comme une
« entreprise internationale de service, qui combine des savoir-faire
commerciaux avec une véritable culture du service public
»8 , se trouve être un exemple très
révélateur de ce que peut être une compagnie militaire
privée. Le graphique suivant nous montre que SERCO est
7. Ces chiffres sont extraits de UK Defence Statistics 2006,
publié par le MoD.
8 . Les citations, ainsi que les graphiques, sont extraites du
site Internet de SERCO,
www.serco.co.uk .
véritablement l'exemple d'une compagnie qui fonctionne
sur le système du PPP et PFT, car toutes ses activités sont
directement issues des fonctions autrefois dévolues au seul service
public.
25 % de son activité appartient au secteur de la
Défense, le reste étant dédié au service public :
« SERCO soutient des gouvernements, des agences et des entreprises qui
recherchent un partenaire de confiance, avec des antécédents
solides dans la fourniture de services d'excellence. Notre personnel vous offre
un management opérationnel, une expertise à titre de consultant,
dans les domaines de l'espace, la Défense, l' éducation, la
santé, les affaires intérieures, la science et la technologie,
les transports et le commerce... »
SERCO est un acteur majeur dans les marchés mondiaux de
la Défense. Son expérience dans ce domaine remonte à 1964
quand le tout premier contrat d'externalisation britannique lui a
été confié, la maintenance et la mise en service du
Missile Early Warning sur la base de la RAF de Fylingdales. Aujourd'hui, ce
sont plus de 2,5 milliards de livres - 3,75 milliards d'euros - de contrats que
SERCO a passé avec la Défense, entre les secteurs terrestres,
aériens, maritimes et spatiaux.
Les enjeux financiers pour une entreprise comme SERCO sont
énormes, et ne cessent de croître. Ce deuxième graphique
nous montre les revenus de SERCO en 2005 et 2006, et nous pouvons noter l'
augmentation de 161 milliers livres (240 milles euros) d'une année sur
l'autre. La raison d'une telle progression dans le chiffre d'affaire de SERCO
se trouve dans le fait que le principal atout de cette société
est sa présence dans tous les domaines de la Défense, dans tous
les secteurs de service, sur tous les continents.
A terre, SERCO fournit des services de soutien à la vie
de garnison pour le
Ministère de la Défense australien et
gère trois centres d'entraînement pour la
Bundeswehr. Le groupe
dirige aussi un consortium qui a défini, construit et financé
le
Joint Services Command and Staff College à Wiltshire, un de ses
contrats majeurs avec
le MoD britannique. Sami Maki y consacre un paragraphe
dans son Processus et Bilan
de l'Externalisation dans l'Armée
Britannique : Quels Enseignements pour la France ?:
« Le Joint
Services Command and Staff College basé à Shrivenham fut
créé en
janvier 1997 et mis en oeuvre par une formule de
financement innovant pour être géré
sur 30 ans par
Defence Management (Watchfield) à partir de juin 1998. Dans ce
projet
important de l'Académie de Défense britannique, les
partenaires Serco Investments
Limited et Equion plc ont
investi 3 millions de livres (4,5 millions d'euros) chacun.
Serco
Defence and Aerospace (...) est l'organisme en charge de la gestion du
projet de
Shrivenham. L'enseignement et la recherche ont été
sous- traités pour 10 ans au
Defence Studies Department
(DSD) dans le cadre d'un partenariat avec le King's
College de Londres.
La mise en place de ce partenariat original entre le client (les
forces
armées) et le fournisseur de services (Serco Defence
Aerospace) repose sur un
processus d'évaluation conjoint
(joint analysis). (...) l'expérience du Joint College
(et de
la Defence Academy) présente sur de nombreux
points une illustration des capacités
britanniques à exploiter
les possibilités offertes par la PFI pour offrir aux forces
armées,
et au-delà à la nation britannique toute
entière, un cadre innovant permettant de fournir
une formation de
haut niveau en mobilisant les experts de talent tout en développant
une
culture civio-militaire bénéfique pour le lien
Armée-Nation. Cet important projet mis
en oeuvre par un financement
novateur comporte différentes dimensions. Il existe sur le
site du JSCSC, qui conserve un net caractère militaire
bien qu' étant géré par le secteur privé, divers
sous-traitants chargés d' offrir de nombreux services d' entretien et de
maintenance du Collège interarmées.» 9
SERCO fournit aussi des services dans le domaine de la marine,
pour les marines du Royaume-Uni et d'Australie. En Australie, SERCO dispense
des services portuaires et a récemment remporté un contrat PPP de
18 ans pour construire et mettre en oeuvre des navires de patrouille pour
surveiller les côtes australiennes.
Le soutien dans le domaine aérien est une de ses
compétences majeures de par le monde, y compris des services de
maintenance aérienne, de lutte anti-incendie, des services d'urgence, de
sécurité et de contrôle du trafic aérien. La base
aérienne de Goose Bay au Canada est gérée par le groupe,
qui fournit par ailleurs des repas aux armées de l'air du Royaume-Uni,
d'Allemagne, et d'Italie. SERCO a aussi la gestion des simulateurs de vol pour
hélicoptères de la base de Benson, en Grande-Bretagne, au profit
de la RAF. SERCO délivre aussi des services de communications par
satellite, via le programme Skynet 5 aux forces armées britanniques, qui
est le plus gros contrat passé par le MoD.
De cet exemple nous pouvons retenir le fait que SERCO,
à l'image de beaucoup de ces sociétés, possède deux
dimensions: la première, verticale, représente la
variété de ses domaines d'activités : Transport,
Défense, Administration... SERCO gère aussi bien une flotte de
satellites de communication militaire que des plateaux repas pour
l'armée de l'air. La deuxième dimension, horizontale, de SERCO
est son caractère géographique. Par ses implantations dans le
monde entier, SERCO est devenu un acteur international du secteur de la
Défense. Pour résumer, le paysage des activités
étatiques de Défense, loin de se simplifier par
l'externalisation, devient de plus en plus complexe. Mais, de même que le
paysage devient de plus en plus complexe, le nombre de problèmes qu' il
soulève augmente.
c) les critiques du secteur
Le professeur Keith Hartley est directeur du Centre d'Economie de
la Défense à l'université de York. Il est l'un des
économistes majeurs d'Angleterre et travaille
9. Processus et Bilan de l 'Externalisation dans l
'Armée Britannique : Quels Enseignements pour la France ? , Centre
d'Etudes en Sciences Sociales de la Défense, octobre 2004.
comme consultant pour le MoD, et son équivalent
américain, le DoD. Rédacteur pour Defence & Peace
Economics, il a publié de nombreux ouvrages dans le domaine des
finances de la Défense. Le professeur Hartley est Secrétaire
Général de l'Association Internationale de l'Economie de la
Défense, et aussi conseiller de commissions parlementaires en
Grande-Bretagne. Ses travaux reconnus dans le domaine de l'économie de
la Défense lui permettent d'être assez critique face à la
PFI et au PPP.
Il a publié en octobre 2002 un essai intitulé
The Economics of UK Procurement Policy, dont nous avons traduit
l'extrait qui suit :
« La politique actuelle du Royaume-Uni face à
l'externalisation s'exprime à travers la PFI et le PPP. Ces deux options
ont pour but de faire réaliser des économies, et elles
comprennent :
1. des économies par la diminution des coûts de
construction et d' entretien,
2. le transfert des risques d'un projet au secteur
privé,
3. l'encouragement des sociétés privées
à innover dans la conception, la réalisation, la mise en oeuvre
et la maintenance.
Une fréquente méprise doit être mise en
évidence dès à présent. Transférer des
ressources du budget public au secteur privé n'a aucune
conséquence efficace si ce sont les mêmes ressources qui sont
utilisées. De plus, les gouvernements peuvent toujours emprunter
à des taux plus intéressants que le secteur privé : en
conséquence, si l'on attend des économies par le PPP ou la PFI,
les coûts supplémentaires que supportent le secteur privé
devront être compensés par des économies dans une autre
partie du projet (c'est à dire sur l'ensemble de la durée du
projet).
Le secteur de la Défense est souvent regardé comme
un bien public qui requiert
à la fois des financements publics et
privés. PFI et PPP montrent les intérêts qu'ont les
deux
secteurs, public et privé, à financer de tels projets.
Actuellement, le Royaume-Uni
s'intéresse à de nouveaux et
radicaux projets. Nous trouvons parmi ces nouveaux
projets celui qu'a la RAF
d'externaliser son ravitaillement aérien et la formation des
pilotes
militaires. Le MoD prétend que la PFI et le PPP lui feront
réaliser des économies
de 5 à 40 % ; cependant, il est
difficile d' accorder du crédit à de telles affirmations
(les
contrats portant sur 30 ans, l' estimation des économies est
nécessairement incomplète.).
Le PPP comme la PFI
soulève deux problèmes. Premièrement, mettre en
place
de longs contrats (25-30 ans) qui fournissent une gamme de services
d'une qualité
connue et approuvée pour faire face à une gamme
d'événements inconnus qui vont de la paix à la guerre est
un risque. Deuxièmement, les sociétés ont une tendance
à économiser sur la part des contrats qu'il est difficile de
spécifier et de faire appliquer [l'intangible, la disponibilité
totale...] ; de tels comportements peuvent avoir de sérieuses
conséquences pour les capacités militaires (c'est à dire
qu' elles peuvent faire la différence entre le succès et
l'échec au combat.). » 10
Le professeur Hartley a donné comme exemple le
ravitaillement aérien de la Royal Air Force (RAF) qui était en
projet lors de la rédaction de son article, publié en 2002.
Depuis lors, la RAF a effectivement passé un contrat d'une valeur de 13
milliards de livres sterling (20 milliards d' euros) le 28 février 2005
avec AirTanker11, une société privée, et pour
une durée de 27 années, pour sous-traiter sa capacité
opérationnelle de ravitaillement aérien et de transport
aérien. AirTanker possède une flotte d'Airbus A330, en version
ravitailleurs et transporteurs (passager ou fret), les entretient, les
répare, et forme les équipages. La RAF possède cependant
toujours la première main sur l'utilisation des appareils, même en
temps de crise. Ce contrat vient du fait que la RAF n'a pas le besoin permanent
de tous ses appareils, car elle ne fonctionne que rarement à plein
régime. En revanche, le fait pour cette dernière de
posséder de nombreux appareils ne signifie pas qu'elle ne paie que pour
ceux qui volent. Les appareils au sol aussi nécessitent un entretien,
une maintenance en capacité opérationnelle qui a son coût.
Alors, plutôt que d'avoir une flotte dont un tiers vole, un autre tiers
est en réparation, et le tiers restant en réserve, la RAF a
décidé de louer ses appareils de transports et de ravitaillement
chez AirTanker. Cette dernière loue les appareils en fonction de la
demande, à la RAF et à des compagnies privées, ce qui lui
permet de satisfaire deux clients, avec une primeur pour la RAF en cas de
nécessité. L' entretien et la maintenance en capacité
opérationnelle sont ainsi assurés, et mieux amortis par le fait
d'avoir plusieurs clients. Il faut savoir que les avions ravitailleurs
transportent leurs carburant non pas en soute mais dans les ailes, ce qui
laisse la soute des avions toujours libre pour une autre utilisation (fret,
passagers...). Les manipulations à effectuer sur les appareils
10 . On trouvera l'article complet en suivant ce lien,
visité le 29 octobre 2006.
http://www.rmc.ca/academic/poli-econ/idrm/papers/Hartley-2.pdf
11. Le site Internet d'AirTanker Limited, bien
construit, présente toutes les données relatives à ce
contrat.
http://www.airtanker.co.uk,
dernière visite le 9 octobre 2006.
lors du changement entre les différents clients ne
nécessitent que quelques heures, et ne présentent pas de
coût particulier : il s'agit seulement de monter ou démonter les
rangées de sièges dans la carlingue, et l'avion est en version
cargo ou ligne. L'intérêt pour la RAF est énorme : elle
n'achète pas les avions, ne les entretient pas ; elle n'achète
que des heures de vol par avion, et ne paye pas même les
équipages. Seule la notion de crise pourrait être un
inconvénient à ce contrat : un équipage civile
accepterat-il tous les risques d'une mission en cas de conflit ? Comment, sous
l' aspect du droit et de la légalité, considérer alors les
équipages : sont-ils civils, militaires ? Autant de questions qui
montrent déjà les éventuelles limites d'un tel
système. La situation cependant au Royaume-Uni donne pour l'instant de
bons résultats, malgré un dépassement par AirTanker de 10
millions de livres - 15 millions d'euros - par rapport à la Plan
Gate Approval, étape où le prestataire et le client se
mettent d'accord sur les valeurs des contrats.
Dans une autre publication, The Economics of Military
Outsourcing 12 , le professeur Hartley recommande des
évaluations critiques et prudentes, nécessaires pour identifier
les véritables limites entre les secteurs publics et privés
lorsqu'il s'agit de fournir des activités de Défense. Selon lui,
les économistes peuvent contribuer à estimer les coûts et
profits dégagés par l'avancée d'une privatisation plus
grande des activités militaires. Le défi consiste à
désigner clairement ce qui est le coeur de l'activité militaire,
ce qui doit être du domaine des forces armées et ce qui donc ne
peut être sujet à l' externalisation.
Cependant, si ce phénomène affecte le
Royaume-Uni, il concerne aussi la majorité de la communauté
internationale. La polymorphie est une des caractéristiques principales
du phénomène de privatisation, dans lequel nous comprenons les
activités des SMP aussi bien que l'externalisation par le PPP ou le PFI.
La privatisation de fonctions miitaires, quels que soient les armées,
les sociétés, ou les gouvernements qui y ont recours, s'inscrit
toujours dans deux dimensions : l'une horizontale, l'autre verticale.
La première dimension est celle qui représente
la variété des activités externalisées par un
gouvernement, ou proposées par une société civile ou
militaire. On
12 . HARTLEY Keith, The Economics of Military Outsourcing,
in Defence Studies, Vol. 4, N° 2, été 2004, pp. 199 -
206.
y trouve ce que nous avons vu en première partie, de
l'activité de conseil à la restauration des troupes, du transport
à la gestion de satellites militaires. Nous pouvons classer ces
activités selon une méthode simple, dont le critère est l'
engagement sur le champ de bataille, idée que nous avons
déjà rencontré chez Kévin O'Brien, et que Peter
Warren Singer 13 reprends et nomme typologie << Fer de Lance
>>.
o f 0
En 0 nous avons les activités non mortelles d' aide et
d' assistance, comme les services de santé, de restauration, etc. En f
nous trouvons les activités de conseil et d'entraînement, comme la
gestion des simulateurs de vols, les réseaux de transmissions... Enfin,
en 0 nous sommes en présence des activités de mise en oeuvre, de
commandement, de maintien de la paix, où l'usage de la force est
possible.
La seconde dimension est la dimension géographique de
l'activité : les localisations géographiques des
sociétés (sièges sociaux), des clients (armées,
gouvernements, entreprises, etc.) et des lieux de prestations sont souvent
différentes. Par exemple, SERCO, entreprise britannique, gère
plus de 450 000 km² d'espace aérien dans 5 pays
différents.
Il nous est donc possible de classer alors les activités
du secteur selon un axe vertical (<< fer de lance >>) et un axe
géographique, comme dans le schéma suivant :
13 . P. W. SINGER, Corporate Warriors, Cornell
University Press, Londres, 2003.
Si l'on pointe sur le schéma les différentes
caractéristiques des contrats, chaque prestation aura sa propre
représentation et pas une ne sera identique aux autres. Nous prenons
donc bien conscience de la difficulté qu'il y a de gérer un
phénomène de cette ampleur, et dont les manifestations sont
multiples.
Nous pouvons valider cette théorie par l'étude
des contrats passés par le MoD. Le tableau
référencé comme Annexe I à la fin de ce
mémoire, extrait du Ministry of Defence Annual Report and Accounts,
publié par The Stationery Office le 14 juillet 2006, nous donne un
aperçu général de l'ampleur des contrats que le MoD a
signé. Ce sont au total plus de 4 milliards de livres (6,5 milliards d'
euros) qui ont étés dépensés par le biais du PFI,
depuis 1996.
Deux points sont importants suite à la lecture d'un tel
tableau. Le premier est celui de la diversité des contrats. Tout
ce qui peut être externalisé l' est, des simples tâches
ménagères (Aquatrine Project A, approvisionnement en eau et
traitement des eaux usées, contrats d'avril 2003 et septembre - octobre
2004, courant jusqu'en 2030 pour une valeur totale de 604 millions de livres,
soit un milliard d'euros) à la gestion des satellites militaires (Skynet
5, activités de gestion des satellites militaires, contrat d'octobre
2003 de plus de 2,7 milliards de livres - 4 milliards d'euros - courant
jusqu'en 2020). Sont aussi sous-traitées des tâches comme la
construction des logements militaires, la gestion et l'utiisation de chalands
de débarquement, les services d'archivages, l'entraînement par
simulateur de vol pour avions (E3 Sentry) et hélicoptères (Lynx,
Chinook CH - 47...), maintenance et armements des hélicoptères
d'attaque, etc. Le problème qui peut alors apparaître suite
à cette externalisation massive est celui d'une dispersion qui pourrait
être fatale en cas de situation conflictuelle. Peut-on espérer
raisonnablement que la diversité des intervenants dans l'
activité des militaires ne les gênera pas lors de leurs
interventions ? Externaliser la formation au pilotage, par le biais de
simulateurs, n'est-ce pas prendre le risque de ne plus avoir une pleine
assurance de la bonne formation des pilotes ? Le nombre d'acteurs non
militaires dans cette branche de la Défense ne risque-t-il pas de
créer des différences au sein des pilotes ? Il est probable que
des formations différentes provoquent des compétences
professionnelles différentes : même si les procédures sont
identiques, ne prend-on pas un risque en les faisant apprendre par des
formateurs
civils ? De même, peut-on attendre d'un équipage
de roulier (chaland de débarquement Roll-on / Roll-off, appelé
RoRo en anglais) le même comportement qu'un équipage
servant à bord d'un navire de Sa Majesté ? Pour les
opérations en tant de paix, ou ne présentant pas de danger
majeur, l'utiisation de ces moyens civils peut s'avérer
justifiée. Dès lors que le danger apparaît, il est permis
de se demander si les équipages se comporteront comme des soldats, et
s'acquitteront de leurs tâches quoi qu'il puisse leur en coûter.
L'autre point particulièrement intéressant dans
ce tableau est la durée des contrats. La plupart des contrats
passés par le MoD sont signés pour des durées qui
paraissent normales, c'est à dire entre 2 et 10 ans. C' est le cas par
exemple avec << RAF Mail >> qui est un contrat signé pour
dix années en vue de fournir un service postal interne à la Royal
Air Force. De même, les 10 ans du contrat de location et d'entretien
d'une flotte de 240 véhicules civils que loue le MoD ne paraissent pas
être une durée incohérente, par rapport à
l'espérance de vie même du matériel utilisé. En
revanche le contrat << Medium Support Helicopter Aircrew Training
Facility (MSHATF) >>, signé le 16 octobre 1997 pour une
valeur de 114 millions de livres, pour une durée de 40 ans, paraît
être des plus surprenants. Si l'on comprend aisément que certains
contrats courent sur deux ou trois décennies, comme tel est le cas pour
les contrats de construction de logements militaires, on peut s'interroger sur
des contrats de quarante ans ayant pour but de dispenser une formation de piote
sur des appareils Chinook CH-47 et Puma. Quelles garanties possède en
effet la Royal Air Force que ces appareils seront toujours en service d'ici
2037, sachant que les premiers CH 47 sont en service depuis 1980 ? N'est-il pas
pensable aux yeux des chargés de contrats de la RAF que ces appareils
soient remplacés, que de nouveaux appareils soient achetés ? Si
les contrats doivent être modifiés quand l'Armée change ses
matériels, pourquoi alors miser sur 40 ans ? L'idée du contrat
est relativement simple : une société privée, CAE
(Canadian Aviation Electronics Ltd.) fait l'investissement initial de l'achat
de 6 simulateurs de vol, constitue une équipe d'instructeurs et propose
ses services à des clients civils et militaires. La RAF achète
alors un certain nombre d'heures de vol sur simulateurs et envoie ses pilotes
en formation. Le gain économique est très intéressant, car
l' armée s'affranchit de l'achat, assez conséquent, des
simulateurs et n'a pas à sa charge l'entretien de ces derniers. La RAF
doit cependant créer le programme des cycles de
formations, et établir un cahier des charges,
respecté par la société CAE. Le point particulier ici est
bien la durée du contrat: si CAE doit refondre ses programmes quand
l'armée change ses matériels, le prix des prestations de cette
société augmente nécessairement. En effet, il lui faudra
acquérir de nouveaux simulateurs, établir de nouvelles
procédures, etc. Si le contrat est établi pour une durée
de 40 ans, il est raisonnable d'espérer que les prix n'iront pas en
augmentant ; il faut cependant attendre le changement des appareils, dans
quelques années, pour valider l'expérience. En effet, s' il est
dans l' intérêt de l' armée de signer des contrats qui
courent sur de longues durées afin d'épargner un maximum
d'argent, la société prestataire a tout intérêt en
revanche à dégager du profit. Le bât blesse lorsqu'un
changement survient au cours du contrat, entraînant une hausse des
coûts, qui se fait nécessairement sentir sur le prix
demandé pour la prestation fournie. Or, si la RAF change ses types
d'hélicoptères, CAE va devoir changer ses simulateurs de vols et
ne voudra pas en supporter seule le coût, qu'elle s' empressera d'
intégrer dans ses factures. La RAF sera alors face au pire : la
prestation achetée (des heures de vol), contrairement aux
prévisions, risque de ne plus s'avérer rentable en comparaison de
l' ancien système pendant lequel l' armée formait ses propres
pilotes.
Ainsi, la majorité des contrats conclus au titre du PFI
ont des durées trop longues pour que l'on puisse savoir avec certitude
s'ils sont économiquement de bonnes options. Il faudrait pour cela
attendre la fin des contrats, mais il y a bien un moment ou le choix
s'avère nécessaire : Externaliser, pour faire des
économies conséquentes dès la signature d'un contrat ; ou
bien continuer à produire tous les services nécessaire au
fonctionnement d'une armée, quitte à dépenser plus ?
Lorsque l'Armée doit justifier de ses dépenses, l'externalisation
paraît être une bonne solution, adoptée à ce
moment-là comme la recherche d'un mieux.
d) un apport pour l 'Union Européenne ?
Au regard de ce qui se fait en France, en Allemagne ou aux
Etats-Unis d'Amérique, il est possible de s'interroger sur la
capacité britannique à ouvrir une troisième voie dans la
relation entre les secteurs privés et publics.
En Allemagne, le gouvernement imite la Grande-Bretagne depuis
1994, dans une moindre mesure cependant. Afin de toujours garder un
contrôle fort sur les activités
privatisées, le gouvernement allemand ne signe que des
contrats de courte durée (de cinq à dix années), et base
leur reconduction sur une satisfaction en termes économiques et
qualitatifs. Dans les contrats de formation au pilotage outre-Rhin, European
Aeronautic Defence and Space (EADS) fournit à la Bundeswehr une
formation au pilotage d'hélicoptères. Cependant, l'Armée
allemande, tenant à conserver le contrôle de ses activités
récupère ensuite les pilotes formés par EADS et en fait
ses propres formateurs. Le contrat est conclu pour trois ans, et n' est pas
reconduit ; ce qui laisse à la Bundeswehr une grande marge de manoeuvre
dans le choix de l'externalisation. L'Allemagne agit en toute prudence, imitant
la Grande-Bretagne par petites touches, ce qui semble satisfaire et l'Etat et
le secteur privé. Selon Elke Krahmann, dans Private Military
Services in the UK and Germany, << pendant que le gouvernement
britannique plaçait une confiance considérable dans la
privatisation de la sécurité et qu'il n'a que tout
récemment renforcé la réglementation nationale, l'
administration allemande a été prudente dans sa capacité
à garder la barre pour elle, par le biais de partenariats
publicprivé restreints des fonctions militaires importantes et par une
législation plus stricte. >>14
La France, quand à elle ne fait pas le choix de
l'externalisation. Le rapport de monsieur Michel Dasseux, député
de l'Assemblée Nationale, nous présente la situation
française en février 2002, expliquant la réticence
gouvernementale face à la soustraitance et à l' externalisation.
Seules les activités non stratégiques, dans lesquelles les
notions de danger et d' urgence ne sont pas présentes, et qui sont
effectuées uniquement sur le territoire national peuvent être
sous-traitées en France.
<< Le ministère de la Défense externalise
ce qui est jugé << délégable >> et qui ne fait
pas partie du << coeur du métier >> : ces activités
portent notamment sur l' entretien des immeubles et espaces verts, la
propreté et le ramassage des ordures, les transports de personnels, mais
aussi, de manière partielle, le gardiennage et la
sécurité, la restauration, l' hôtellerie, la formation.
Plusieurs principes ont été posés :
- les activités concernées relèvent
principalement des fonctions de soutien sans qu'aucune liste ne soit
publiée, les décisions d'externalisation étant prises au
cas par
14 . Dr Elke KRAHMANN, Private Military Services in UK and
Germany, in European Security, Vol. 14, N° 2, juin 2005, pp.
277-295.
cas; [ nous voyons bien que pour la France, la PFI ne constitue
aucunement un dogme, contrairement à ce que fait la Grande-Bretagne.]
- dans un souci d' efficacité, l' externalisation est
gérée au niveau le plus déconcentré ;
- dans un but de réversibilité il a
été décidé de conserver au sein du ministère
une compétence minimale pour pouvoir éventuellement
réintégrer l'activité externalisée. » 15 Au
contraire d'autres pays, la France hésite à perdre ses
savoir-faire par l'externalisation, ce qui ne préoccupe pas le
Royaume-Uni ou les Etats-Unis d'Amérique.
La Défense américaine, très fortement
engagée dans l'externalisation, a dépensé par le biais du
Département de la Défense plus de 300 milliards de dollars avec
au moins 3061 contrats identifiés fournis par 12 compagnies
américaines. Les prévisions américaines quand aux gains de
l'externalisation (estimés en 2003 à 6 milliards de dollars par
an) sont revues à la baisse : il apparaît que l'externalisation
aux USA permet l'épargne de seulement 1 milliard par an.
En conclusion, rappelons donc qu'il existe autant de
manières d'externaliser qu'il existe de pays. L'externalisation à
outrance des Etats-Unis d'Amérique se solde par un semi échec sur
le plan financier, car les gains sont infimes rapportés au budget de la
Défense : un milliard de dollar est épargné sur les 419
milliards de dollars dépensés en 2006 par le département
de la Défense. Le Royaume-Uni externalise beaucoup d' activités,
de fonctions et de services, et les économies semblent plus
intéressantes, de l'ordre de 6 milliards de livres - plus d'une dizaine
de nos milliards d'euros. Quant à elle, l'Allemagne externalise quelques
fonctions, le temps pour elle de se les approprier, ce qui lui permet certaines
économies, dans une moindre échelle, mais un meilleur
contrôle sur l' externalisation et l' acquisition de savoir-faire
directement issu s du secteur privé. Enfin, la France s'implique
très peu dans l'externalisation, car elle tient, par dessus les
possibles économies, à conserver ses savoir-faire.
15. Rapport d'Information déposé par la
Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées, sur
l 'externalisation de certaines tâches relevant du ministère
de la Défense et présenté par M. Michel DASSEUX,
député ; enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale le 12 février 2002. Disponible sur
http://www.assemblee-nationale.fr/legislatures/11/pdf/rap-info/i3595.pdf,
dernière visite le 13 novembre 2005.
B. La Réglementation est-elle une réponse
adaptée à l'Externalisation et à la Privatisation de la
Sécurité ?
Nous avons vu dans notre première partie que la
principale caractéristique de la situation en Grande-Bretagne est celle
d'une situation très complexe, dans laquelle nous pouvons sentir
confusément que de bonnes choses peuvent être tirées du
parti de l'externalisation. Cependant, quelques points particuliers attirent
notre attention sur la nécessité de changer certaines
règles de ce jeu moderne de l' externalisation. Que l' on
considère cette dernière comme une véritable tendance, ou
comme simple effet de mode, ses processus sont à reprendre, de
manière à recadrer ses effets. La problématique de cette
partie est de savoir si les problèmes occasionnés par
l'externalisation sont suffisants pour créer une volonté de
changement assez importante qui sera à l'origine de la création
d'un nouveau cadre d'action à l'externalisation de fonctions de la
Défense. Cette question en appelle une autre : comment
réglementer un tel secteur ? Sur qui doit-on peser pour obtenir une
clarification de la situation ? Enfin, et tout naturellement, nous nous posons
la question de savoir si une réglementation serait une réponse
adaptée à ce phénomène de « sur -
externalisation » ?
1. Les difficultés de l' externalisation et de
la privatisation.
a) La question épineuse de la rentabilité
effective de la privatisation.
Si la question du coût était un problème
épineux lors même du passage à l'externalisation, il n'a
toujours pas été prouvé que les processus
d'externalisation soient rentables. Du reste, l'emploi du secteur privé
pour remplir des missions d'ordre public a pour conséquences de
créer des difficultés dans plusieurs domaines, comme ceux de
« l'intangible » et dans le contrôle de l'externalisation. Nous
pouvons ici considérer que l'externalisation est un échec
relatif, eu égard simplement aux coûts qu'elle engendre.
En effet, et bien que le but officiel premier de l'
externalisation soit la recherche d' économies substantielles, force
nous est de constater l' absence de résultats clairs et
convaincants dans ce domaine. La question de la
rentabilité se trouve être plus simple à expliquer à
l'aide d'un graphique. Le premier graphique nous montre deux courbes, A et
B.
Symbolisant le coût d'une prestation lorsqu'elle est
fournie par le secteur public, A est volontairement horizontale pour simplifier
le problème (nous ne prenons pas en compte une éventuelle
inflation, les amortissements...). B, quand à elle, représente le
coût de la même prestation, fournie par le secteur privé. La
zone hachurée représente l'économie réalisée
par l'externalisation, proportionnelle aux qualités que présente
le secteur privé. En effet, contrairement au secteur public, les
sociétés privées ont recours aux outils du capitalisme :
ce sont des gestions de stocks différentes, des recours aux aides
informatiques, la mise en application de concepts comme le JIT ( Just In
Time), les flux tendus, le zéro stock, etc.
Prenons maintenant la même situation, mais avec un facteur
extérieur perturbateur.
Nous avons étudié le cas de l'externalisation de
la formation au pilotage d'hélicoptères. Supposons un changement
dans la dotation de l'armée britannique, qui engendre de nouveaux
coûts pour le sous-traitant ; ces derniers se traduisent dans le
coût de l'externalisation, comme le schéma précédent
l'indique. La courbe des coûts de l'externalisation augmente lorsque le
facteur perturbateur se dévoile. Certes, la courbe des coûts de la
prestation si elle avait été réalisée par le
service public aurait augmenter aussi, mais probablement moins. En effet,
l'effort d'adaptation est plus important à l'échelle d'une
société privée, qui dispose de moins de ressources que
l'Etat. Par ailleurs, l'Etat sous traite sa formation
d'hélicoptères à plusieurs sociétés. Chacune
doit donc acquérir de nouveaux simulateurs en petites quantités,
tandis que l'Etat, en regroupant tous ses besoins aurait pu
bénéficier d' économies substantielles. C' est pourquoi
certains cas montrent bien les limites de la privatisation à des
sociétés d'importance plus modeste que le commanditaire.
Le problème est donc le suivant : seule
l'expérience montre la rentabilité du système de
l'externalisation. En effet, beaucoup de variables ont des effets
considérables sur les coûts de ce système. Un changement de
matériel, une mise à niveau (comme les problèmes de
calibres, de réseau de transmission interopérables, etc.) comme
celles que peuvent engendrer les normes de l'OTAN sur les armées, une
pénurie de matière première, etc. sont autant de risques.
Mais le fait pour un Etat d' externaliser les fonctions de son secteur public
ne signifie pas la fin de ces risques et de leurs répercussions sur les
finances publiques. Tôt ou tard l'Etat assumera ces coûts. Reste
à savoir si les économies réalisées entre le
début de l' externalisation et l' arrivée d'un facteur
perturbateur sont supérieures aux pertes engendrées par ces
perturbations, comme le montre ce schéma :
Ainsi donc, à la vue de ces trois schémas
expliquant les mécanismes de rentabilité, seule la durée
peut donner une véritable réponse à la question de la
rentabilité de l'externalisation. Cependant, rappelons que si la
rentabilité reste le principal objectif de la privatisation, beaucoup
d'autres aspects entrent en ligne de compte dans le bilan qu'il faut en faire.
Et c'est le cas avec tout ce que l'on ne peut mesurer
précisément.
b) Le domaine de « l 'intangible »
Le domaine de << l'intangible >> ne semblait pas a
priori être gênant lors du passage à la privatisation et
à l'externalisation, mais il recouvre une certaine réalité
dans le service public, et plus particulièrement dans les forces
armées. Lors du passage à l'externalisation, il n'a, semble-t-il,
pas ou très peu été pris en compte. Nous appelons <<
intangible >> tout ce qui comprend l'Esprit de Corps, la Tradition, la
Culture d'un métier. Nous avons des exemples de << l'intangible
>> dans tous les régiments, dans toutes les Armes, dans toutes les
armées du monde. Qui ne ressent pas la fierté d'appartenir
à un corps ? Tout personne ayant un métier, qu'il soit civil ou
militaire, a la certitude d'oeuvrer au sein d'une entité
matérielle, son entreprise ou son unité, mais aussi d'une
entité morale, comme peut l'être le service public pour le
fonctionnaire, ou le corps médical pour le médecin, etc.
L'arrivée dans le service public de travailleurs civils, par la mise en
place de l' externalisation de fonctions de Défense, fragilise
l'appartenance à ces structures. Prenons l'exemple du cercle-mess de la
Royal Military Academy of Sandhurst, identique à ceux que l'on peut
trouver en France. Externalisée il y a 12 ans, la gestion du mess est
civile, et c'est le Groupe Eurest Support Services16
(ESS) qui en assure le bon fonctionnement. Aux dires de nombreux
officiers, le service et la qualité de la prestation sont quasiment
identiques à ce qu'ils étaient avant, quand le mess était
géré par l'armée. Cependant, l'esprit à
changé, l'atmosphère du lieu n'est plus la même. Cela
provient du fait que les personnes travaillant dans la restauration ne sont
plus en uniforme mais en civil, et surtout de la mise en place du
système << Pay as you dine >> (Littéralement
: << payez ce que vous mangez >>, Cf. en fin de mémoire
16. Il est assez intéressant de comparer ESS avec SERCO,
ce qu l'on peut faire sur
http://www.essglobal.com/index.htm
et sur
http://www.serco.co.uk ,
visités le 29 septembre 2006.
l'Annexe II). Les mess étaient véritablement des
lieux de détente, de calme, où l' on pouvait se reposer, sans
penser à des choses qui paraissent bassement matérielles à
certains comme le prix des repas. Alors qu'autrefois une somme forfaitaire
était déduite de la solde de tout miitaire, qu' il prenne ou non
ses repas au cercle, la gestion est devenue plus rigoureuse : le consommateur
paye ce qu'il consomme exactement à chacun de ses repas. Si l'on
comprend aisément la recherche d'économies, le fait que cette
dernière entraîne une modification de l' état d' esprit
dans lequel est réalisé la prestation est moins bien
accepté.
Faut-il alors sacrifier << l' intangible >> afin
de diminuer les coûts ? Cet exemple du mess est révélateur
d'un sentiment largement partagé en Grande-Bretagne, et qui concerne
plusieurs activités. Prenons l'exemple dont nous avons
déjà parlé d'AirTanker. Peut-on attendre que des relations
de travail entre des équipages civils, payés par une entreprise,
et des militaires, payés par l' Etat, soient identiques à ce qu'
elles sont entre militaires ou entre civils uniquement ? Il est permis de
penser que la confiance entre les deux mondes n'est pas innée, ni aussi
naturelle qu'au sein de la même entité. Un militaire fait plus
confiance à quelqu'un qui appartient à son monde, plutôt
qu'à un civil qui ne partage pas les mêmes motivations, la
même culture que la sienne ; et inversement. Lorsque l'on est au
quartier, la coopération entre le monde civil et le monde militaire ne
pose que des problèmes d'ordre pratiques : coordination des horaires,
hiérarchies parallèles, régime et droit du travail
différent... En France, si les uns n'ont pas le droit de grève,
les autres ne peuvent travailler plus de 35 heures par semaine. Il est parfois
difficile de nourrir les troupes hors des horaires réguliers de repas,
dans le cas, relativement fréquent, où le départ en
mission se fait tôt le matin, ou dans la nuit.
Le problème de la confiance est crucial : elle diminue
quand la difficulté de la mission augmente. Si le problème est
quasiment inexistant en temps de paix, il semble avoir des conséquences
importantes sur le moral des soldats en opérations. Le raisonnement est
le suivant : engagé en Irak ou en Afghanistan, le << Tommy
>> accorde moins de confiance aux civils travaillants dans les
activités de soutien. Il se sent plus isolé ; son lien naturel
avec l'arrière, avec sa hiérarchie, son commandement, son
gouvernement, semble plus ténu, plus fragile. Le cordon ombilical entre
le pays et le soldat, rompu seulement pour certaines forces spéciales,
est impératif pour la bonne
réussite de la mission. Si un soldat ne sent plus sa
relation avec l'arrière, s'il traite avec des civils plutôt que
d'autres soldats, cela peut être préjudiciable à sa
mission, il peut failir.
Une polémique a éclatée en
Grande-Bretagne suite à la fermeture de 6 hôpitaux militaires sur
les 7 existants au Royaume-Uni, au début des années 1990. Sous
l'administration de sir Malcolm Rifkind, Ministère de la Défense
britannique de 1992 à 1995, la décision de fermer les
hôpitaux a été prise dans le but d'épargner 500
millions de livres (750 millions d'euros) en 10 ans. Il ne reste donc plus
qu'un seul hôpital militaire, le Royal Navy Hospital Haslan à
Gosport ; les autres sont maintenant sous l'administration du ministère
de la Santé, ou laissés à l'abandon. Le Daily
Telegraph, grand journal conservateur de référence,
atlantiste et anti-européen sur le fond, pugnace et engagé sur la
forme, publie de manière très régulière des
articles à ce sujet. Le 17 octobre de cette année, il publie un
témoignage, celui de Nick Britten, soldat britannique, assez
impressionnant au sujet de cette rupture de cordon ombilical 17:
«They put me in a ward with grannies and drug
addicts». «Nick Britten, a soldier who was treated in a civilian
NHS (National Health Service) ward said yesterday that he was left screaming in
pain for five hours as nurses struggled to cope with under-staffing. He painted
a grim picture of how members of the Armed Forces were being cared for on
civilian wards, and said the Government had "betrayed" them by closing
military hospitals. The man, who suffered serious combat wounds, said he awoke
to find himself sandwiched between pensioners and drug addicts. He said
civilian nurses and patients failed to understand the trauma some soldiers had
suffered and were not trained or equipped to cope with the flashbacks and night
terrors they experienced. Soldiers feared for their lives because of a lack of
security and their recovery was being hindered because they were not surrounded
by fellow servicemen who understood the culture of the Army and what they had
been through.»
Plus grave évidemment que l'exemple du cercle des
officiers de Sandhurst, le témoignage de Nick Britten
révèle une conséquence inattendue de l'externalisation, de
la quête absolue de l'économie au sein des forces armées
britanniques. On estime à plus
17 . Les citations suivantes sont extraites du Daily
Telegraph, et l'article complet est disponible, ainsi que d' autres, sur :
http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/17/nsoldier17.xml
, visité le 17 octobre 2006.
de 5 000 le nombre de soldats blessés, inaptes
temporaires, qui ne peuvent reprendre leurs postes dans leurs affectations,
à cause des listes d' attentes des hôpitaux du service public, et
dont les séjours en milieu hospitalier se passent parfois mal :
«A paratrooper wounded in Afghanistan was threatened by a
Muslim visitor to the British hospital where he is recovering. Seriously
wounded soldiers have complained that they are worried about their safety after
being left on wards that are open to the public at Selly Oak Hospital,
Birmingham. On one occasion a member of the Parachute Regiment, still dressed
in his combat uniform after being evacuated from Afghanistan, was accosted by a
Muslim over the British involvement in the country.» 18
Ces deux extraits nous montrent l'ampleur du
phénomène : les soldats blessés sont rapatriés
d'Irak ou d'Afghanistan en Grande-Bretagne, après avoir
étés stabilisés (c'est à dire mis en condition pour
leur permettre de supporter le retour au pays) et ne sont réellement
soignés que dans des hôpitaux publics en Angleterre. Ils
reprennent donc conscience après avoir étés
opérés, parfois amputés, dans des salles communes, au
milieu de civils. Au traumatisme de la blessure s'ajoute la fracture
psychologique que le sentiment d'abandon occasionne, car ils se sentent
abandonnés par l'Armée, par l'Etat.
Une fois de plus, la question de la confiance est cruciale. On
reproche souvent, dans le débat de la privatisation et
l'externalisation, le manque de confiance dans les sociétés
privées : selon le Professeur Keith Hartley, « il y a des
problèmes de loyauté, de confiance et de réputation. Les
chefs d'Etats doivent croire à la loyauté de leurs forces
armées. Il y a une croyance forte dans l'idée que les forces
nationales (donc publiques) sont plus loyales et plus dignes de confiance que
les firmes privées »19 . De plus, les
sociétés privées sont soupçonnées de ne pas
remplir leurs contrats comportant des opérations de combat, même
si des armées régulières peuvent, elles aussi, se mutiner,
se rebeller, ou fuir l'ennemi. Cependant, des SMP qui ne rempliraient pas leurs
missions en souffriraient car leurs contrats ne seraient pas reconduits, et
leurs réputations seraient ternies. Le point particulier ici est de
retourner les reproches de confiance : peut-on reprocher à l'Etat de ne
plus mériter la confiance de ses soldats ? N' est-ce pas le devoir de
chacun (Etats et soldats) de mériter la confiance de l' autre ?
18 .
http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/02/ntroops02.xml.
Visité le 23 octobre 2006.
19 . Keith Hartley, The Economics of Military Outsourcing,
op. cit.
Nous l'avons vu, les premiers à souffrir de ce
problème de confiance sont les soldats eux-mêmes : l'Etat, en
employant des SMP, montre bien le peu de confiance qu'il leur accorde pour
réaliser des types de missions assez particulières.
Réduire les budgets ne doit pas signifier diminuer la confiance à
l'égard des soldats. La confiance fait partie de l'intangibles, et a une
place prépondérante dans les affaires militaires. Dans l'histoire
des armées, les tensions entre politiques et militaires ont toujours
existé, et les grandes crises ont souvent été dues
à un manque de confiance de la part des militaires vis-à-vis de
leurs gouvernants, de leurs chefs politiques. Peut-être qu'ici nous
touchons du doigt le véritable coeur du problème de la
privatisation : rendre privé un service peut parfois être
interprété comme tourner sa confiance vers d' autres...
Après l'étude de l'intangible, peut être
faut-il bien prendre conscience que l'aspect économique, qui au
départ du processus était l'objectif majeur, s'avère mis
en question par les effets secondaires qui n' apparaissaient pas au
début. Mais ces effets indésirables ont tous des
conséquences majeures sur l'exercice du métier, notamment pour
les soldats, plus que pour les employés privés du secteur.
L'objet de ce mémoire n'est pas de juger une quelconque situation, mais
de décrire et d'analyser ce qui se passe outre-Manche. Nous nous
autoriserons cependant le droit de trouver de telles situations
désolantes et absurdes, et de nous demander si, en autorisant cela,
l'Etat ne failit pas à certains de ses devoirs, ce que nous traiterons
en dernière partie.
c) L'ultime problème : la différenciation
entre paix et guerre.
Enfin, dernière donnée du problème, la
différence entre temps de paix et temps de guerre. Les situations sont
en général assez simples, assez claires en temps de paix : les
contrats peuvent être honorés sereinement, la prestation peut
être de qualité. En revanche, dès lors que la prestation a
lieu outre-mer, dans un cadre d' opérations réelles comme l'Irak
ou l'Afghanistan, la qualité du service rendu n'est plus la même.
L'armée, pour pallier ces problèmes se sert de plusieurs outils :
la Territorial Army (une réserve opérationnelle), et la
Sponsored Reserve (une réserve ponctuelle). De fait, la plupart
des employés des sociétés qui sont en contrat avec le MoD
appartiennent à la TA ou à la
Sponsored Reserve.20 Ainsi,
lorsque la situation l' exige, ils sont mis en situation militaire, portent un
uniforme et des grades correspondants à leurs responsabiités, et
sont obligés de faire leur travail quelles que soient les conditions
dans lesquelles ils l'effectuent (ligne de front, théâtres
d'opérations extérieures...). La Sponsored Reserve
regroupe des personnels civils, employés par des entreprises
civiles, dont le contrat de travail est particulier. Possédant des
compétences particulières (dockers, médecins,
informaticiens, etc.), travaillant dans des entreprises déjà sous
contrats pour l' armée, les termes des contrats de travail stipulent
qu'ils peuvent être appelés par l'armée à poursuivre
leur travail en cas de besoin, lors d'un conflit ou d'une intervention
humanitaire, par exemple. Ils revêtent alors l'uniforme et sont
employés en fonction des besoins de l'armée, pour quelques jours
ou semaines, et reçoivent une double paye. Ce système semble
faire ses preuves et a fonctionné notamment avec les navires roll-on /
roll-off lors de l' Opération TELIC, nom donné à l'
intervention britannique en Irak. Lors de l'engagement britannique en Irak,
plus de 1500 personnes ont servi sous le titre de Sponsored Reserves.
Ce chiffre est à mettre en relation avec les 7500 militaires
britanniques présents là-bas. Si la différence entre le
temps de paix et le temps de guerre est maintenant un moyen de faire la
distinction entre forces armées et civils travaillant pour la
Défense, elle ne s'applique pas dans le cas du travail de certaines SMP.
Certaines d' entre elles fournis sent des services à la Défense
et aux armées, en temps de paix comme en temps de guerre. Si l'on
assiste bien à une multiplication des acteurs dans le système
britannique de la Défense, il est important de réguler, de
réglementer ce secteur en conséquence de ce
phénomène.
Ces exemples attirent notre attention sur la
nécessité du contrôle de l' externalisation, de la
privatisation. L' Etat doit s' assurer que la prestation externalisée
est assurée de la même manière qu'elle l'était
avant. Cela suppose un contrôle des coûts, une vérification
scrupuleuse de la qualité de la prestation. Le problème est que
l'armée ne peut pas se permettre de ne pas vérifier la bonne
exécution des contrats qu' elle signe avec le secteur privé. Il
lui faut donc monopoliser des hommes et des moyens pour vérifier cela,
effectuer des enquêtes sur les prestations fournies... Les
procédures de contrôles existaient aussi au sein des
armées, avec les services administratifs et financiers, mais la
procédure a maintenant une importance accrue, car
20. Sur
http://www.archive.official-documents.co.uk/document/mod/defence/c5tx4.htm
on trouve les textes officiels définissant la réserve
britannique. Visité le 10 octobre 2006.
elle est garante du bon fonctionnement effectif de
l'externalisation, ce qui est un des rôles du National Audit Office,
ou du Her Majesty Treasury, le ministère des finances
britannique.
Le National Audit Office examine chaque année
les comptes du gouvernement (plus de 650 milliards de livres) et publie des
rapports (une cinquantaine à l'année) visant à
améliorer la Value for Money. EN 2001, le NAO a permis l'épargne
de 250 millions de livres et a proposé plus de 1200 changements aux
procédures existantes. Pour aboutir à de tels résultats,
le NAO se base sur trois critères, lesquels constituent la règle
des 3 E : Economy (dépenser moins), Efficiency
(dépenser mieux) et Effectiveness (dépenser
sagement). C'est aussi le rôle du Defence Select Committee, que
l'on pourrait comparer à la commission parlementaire de Défense
en France, et qui publie des rapports concernant les finances, les
dépenses et l' administration du MoD.
Les deux organes se rejoignent dans leur volonté de
rendre les contrôles du phénomène de privatisation et d'
externalisation plus stricts, plus critiques, afin de les rendre plus
efficaces.
2. Volonté de changement et contraintes
liées à la réglementation du secteur privé de la
Défense.
L'augmentation massive du nombre de SMP, la diversité
des << conseillers >>, des << experts en
sécurité >>, le nombre croissant de civils au service de la
Défense, les statuts des personnels des forces armées (Army,
Territorial Army, Sponsored Reserve, High Readiness Reserve...), font du
secteur de la Défense un secteur sans cesse plus complexe. Le
gouvernement britannique en a pris conscience, et a publié en 2002 un
Green Paper (littéralement Livre Vert, l' équivalent de nos
Livres Blancs de la Défense) à ce sujet : << Private
Military Companies, Option for Regulation >>. 21
a) Un point de départ : le Green Paper de 2002.
21 . «Pivate Military Companies: Option for
Regulation», House of Commons, 12 février 2002, Londres, Her
Majesty Stationery Office.
http://www.fco.gov.uk/Files/kfile/mercenaries,0.pdf,
en date du 19 novembre 2006.
L' origine de ce document est une requête faite par le
Ministère des Affaires Etrangères à la Chambre des
Communes suite aux actions menées par Sandline International en Sierra
Leone et son implication dans la guerre civile en 1997 et 1998. Cet engagement,
contractualisé entre la société et le président
Tejan Kabbah, portait sur des activités de soutien mais aussi de combat.
Comme le souligne l'avertissement du Green Paper, « Le contrôle de
la violence est un des problèmes fondamentaux de la politique. (...)
c'est donc un sujet que nous devons prendre avec sérieux. » Le
Green Paper recommande en effet en premier lieu que le gouvernement britannique
reconnaisse les SMP comme de nouveaux acteurs de la scène
internationale.
Jack Straw, alors ministre des Affaires Etrangères,
rappelle les nouveaux problèmes et les nouvelles opportunités
conséquentes à la fin de la Guerre Froide. Il ajoute à
cela que le monde est en passe de demander de plus en plus l'aide des PMC, qui
ne sont plus à considérer comme celles des années 1960. Il
fait ensuite deux suggestions importantes. Selon lui, les PMC pourrait
constituer une alternative viable aux forces nationales. Il rejoint en cela le
point de vue de Koffi Annan, lors de la Lecture XXXV de la Ditchley Foundation,
le 26 juin 1998:
«When we had need of skilled soldiers to separate
fighters from refugees in the Rwandan refugee camps in Goma, I even considered
the possibility of engaging a private firm. But the world may not be ready to
privatize peace.»22
Il suggère ensuite que le gouvernement considère
l' option d' accorder une licence à certaines SMP pour distinguer les
SMP correctes du point de vue moral, du point de vue de la législation
de celles qui le sont moins. Le défi que doit relever le gouvernement du
Royaume-Uni est donc d'établir ce qui peut être mis en application
dans ce domaine, et ce qui peut satisfaire les points clés de cette
situation : défendre l'intérêt public, c'est à dire
défendre l'intérêt du gouvernement et du peuple
britannique, tout en permettant aux compagnies privées de continuer
à exercer leurs activité légales.
Christopher Kinsey, auteur de Regulation and Control of
Private Military Companies : The Legislative Dimension,23
trouve huit principales raisons de réglementer les SMP. Il s'agit
par des mesures fortes de réglementation de s'assurer que
22 . Le discours entier du Secrétaire
Général de l'Organisation des Nations Unies est disponible sur le
site suivant :
http://www.ditchley.co.uk/page/173/lecture-xxxv.htm
,visité le 3 décembre 2006. 23. Christopher KINSLEY,
Regulation and Control of Private Military Companies : The Legislative
Dimension, Contemporary Security Policy, Vol. 26, N°1, avril 2005,
pp. 84 - 102.
les SMP n' ont pas d' impact sur la paix, la
sécurité et le règlement des conflits ; que faire appel
à elles n' est ni illé gal, ni illégitime, que cela ne
contrevient pas aux droits de l'homme ; que le SMP ne sapent pas la politique
du gouvernement ; qu'elles ne causent pas de dommages économiques
à leurs clients ; qu'elles puissent être tenues responsables de
leurs actions et de celles de leurs employés ; qu'elles soient le plus
transparentes possible ; de les prémunir contre tout jugement
illégal ; et enfin de garantir qu' elles ne fragilisent pas la
souveraineté des Etats.
Le Green Paper étudie donc six propositions de
réglementation, qui vont de la plus restrictive à la moins
contraignante pour l'activité des SMP. Nous avons donc dans l'ordre :
· Une interdiction des activités militaires
à l' étranger ; bien qu'une telle proposition soit des plus
difficiles à mettre en pratique, elle poserait un problème dans
la définition de l'activité militaire (pour toutes les
activités de conseil et de soutien, pour les opérations
humanitaires...). Selon les conclusions du rapport Diplock, une telle
interdiction irait à l'encontre des libertés individuelles. De
plus, les Etats faibles, mais légitimes, pourraient souffrir plus
fortement que d' autres Etats les privent du soutien reçu par le biais
des SMP.
· Une interdiction du recrutement à l'
étranger pour des activités militaires serait plus
adaptée, car elle libérerait le gouvernement britannique de la
difficulté de légiférer sur les activités
militaires privées, mais lui permettrait d'intervenir quand ses
intérêts sont menacés. Cependant, une telle option pourrait
avoir un impact économique négatif sur l' industrie militaire
privée depuis que les SMP ont tendance à sous traiter certains
contrats. Le contrôle de ces interdictions pourrait s' avérer
difficile si les SMP se réfugient à l' étranger et
recrutent par Internet, et augmenterait le nombre de SMP
réfugiées dans des paradis fiscaux à l'étranger.
· Régime de Licence. Cette solution
reçoit en apparence le soutien des SMP. Chaque société
devrait obtenir une licence du gouvernement afin d' exercer ses
activités ; le parlement aurait la responsabilité de
décider quelles activités doivent être ou non
autorisées, par le biais de la licence. Attribuer des licences poserait
le problème des délais, ce que ne pourraient supporter certains
clients, ni certaines SMP. La confidentialité de certains contrats, qui
ne s'oppose pas à la transparence, pourrait souffrir de l'attribution de
licences. Faut-il étaler au grand jour les contrats pour
contrôler vraiment l'activité des SMP ? Le
système de licence pourrait être conditionné à l'
emploi de la force : une société fournissant des services sans
usage de la force pourrait être dispensée de la demande de
licence.
· Enregistrement et Notification. Une base de
donnée regroupant les noms des SMP agréées par le
gouvernement serait constituée ; les entreprises n' auraient alors qu'
à rendre compte des contrats qu' elles prétendent signer, ce qui
serait plus souple. Cependant, ce système désavantagerait les SMP
britanniques qui ne seraient plus en concurrence avec les SMP
étrangères qui n'auraient pas de notification ni d'enregistrement
à obtenir avant chaque contrat. Cette option serait soumise aux
mêmes problèmes que les autres : mise en application,
circonstances changeantes, confidentialité et discrétion,
évasion par déménagement à l'étranger.
· Licence Générale. Le gouvernement
accorderait une licence d'ordre général à une SMP, quels
que soient les contrats passés. C'est le cas aux Etats-Unis
d'Amérique, ce qui améliore l'image de l'industrie en lui donnant
une réputation de sérieux. Cependant, le gouvernement peut alors
devenir caution de services dont il n'est pas au courant, ce qui peut nuire
à ses intérêts. Le problème de cette solution
réside dans le fait qu'elle risque de léser les SMP de petites
tailles, peu connues, mais qui honorent cependant leurs contrats.
· « Self-Regulation » : Une
dernière option consisterait à introduire dans les SMP un code de
bonne conduite, mais cette option s'oppose à de nombreux
détracteurs : certains reprochent aux SMP de ne pas respecter les Droits
de l'Homme, d'autres pensent que ce système est voué à
l'échec car il n'y aurait pas de possibilité de sanctions
à l' encontre des SMP contrevenantes à ces règles.
A toutes ces propositions, dont aucune n'a été
retenue par le gouvernement britannique depuis plus de quatre ans qu'elles ont
été publiées, s'ajoute une autre solution, proposée
par Kévin O'BRIEN 24 . Il s'agirait d'un système de
licence en trois phases, afin de contrôler l'industrie des SMP depuis
l'origine (la compagnie privée), jusqu'à la prestation
réalisée. La première phase consiste à obtenir une
licence pour la gamme d'activités réalisées par une SMP,
la seconde consiste à obtenir une licence pour
24 . Kévin O'BRIEN est l'auteur de nombreuses
études sur le sujet, référencées dans la
bibliographie de ce mémoire. Il est Senior Policy Analyst à RAND
Europe, think-tank international dont la mission est
d'améliorer la gouvernance étatique et mondiale et la prise de
décision par la recherche et l'analyse.
les moyens militaires de la SMP (matériels, armement,
etc.) ; enfin, la troisième étape est la notification par la SMP
de chaque contrat qu'elle passe, afin d'obtenir l'autorisation d'exercer son
activité. Ce renforcement complet du régime de la licence
rassurerait les Etats et le public, car le contrôle serait ici
véritablement effectif ; il serait néanmoins la cause d'une
bureaucratie importante, et rendrait les SMP moins concurrentes face aux
sociétés étrangères non soumises à cette
triple licence.
La conclusion de ce Green Paper s'impose d'elle-même :
rien n'est véritablement préconisé par les
rédacteurs de ce rapport, et les solutions envisagées ne
règlent pas tous les problèmes. Tenter de réprimer ou de
réguler l' activité des SMP ne supprimera pas la demande dans le
secteur. Les pays développés trouveront d'autres SMP, moins
regardantes sur les valeurs des Droits de l'Homme, et la Grande-Bretagne en
souffrira économiquement. La seule solution qui peut paraître
intéressante est celle de O'Brien, car c' est la plus contraignante pour
tous les acteurs et pour les activités du secteur qui sont alors prises
en compte. En effet, s'il existe réellement une urgence dans la
régulation des sociétés qui vendent de la
sécurité militaire privée, il ne faut pas que cette
réglementation soit précipitée. L'introduction d'un
régime de régulation adéquat devrait avoir une influence
positive sur la stabilité et la sécurité internationale.
Cependant, un tel régime ne peut fonctionner que si les employés
des SMP adhèrent sans réserve aux idées d'un comportement
respectueux des Droits de l'Homme. Enfin, et plus que tout, un tel
régime ne peut fonctionner que si un gouvernement le met en place, ce
qui n' est touj ours pas le cas en Grande-Bretagne, et que si ce régime
est partagé à l'échelle mondiale. Si cela n'est pas le
cas, un Etat seul qui introduirait une législation stricte se
pénaliserait lui-même, car il s' imposerait seul des limites dans
cette activité. Son secteur privé de la sécurité en
pâtirait, et le problème ne serait pas résolu.
b) Quelles options en définitive ?
Pourquoi rien n'a été fait depuis le Green Paper
? Sorti en 2002, avant la deuxième guerre en Irak, il annonçait
des problèmes qui se sont effectivement révélés
dans le Golf. Dans les faits, le Royaume-Uni est d'une certaine manière
en guerre, ce qui ne lui laisse peut être pas beaucoup de temps pour
s'occuper de mettre en place une organisation de contrôle des SMP, une
pour le contrôle des contrats passés au titre du
PFI, etc. Cependant, si la régulation, comme nous
serions tentés de le croire, est un réel avantage pour le
gouvernement, pour l'Etat, pourquoi tarde-t-il à répondre au
phénomène des SMP ? Est-il possible de prendre le contre-pied de
cette question et de dire que le gouvernement n'a pas, en
réalité, la volonté de réguler les SMP ? En effet,
tous les obstacles à la réglementation des sociétés
privées constituent une gêne pour l'Etat : les délais
engendrés par l' enregistrement ou l' octroi d' une licence, les
coûts d'un organisme de contrôle, la transparence
nécessaire, tout cela pourrait en fait ne pas être absolument du
goût de l'Etat.
Il s' agit donc, d' une part, de repenser le problème
des SMP comme si elles n' étaient que des sociétés sous
contrat avec le MoD, au titre de la PFI par exemple, et d'autre part de trouver
une solution qui satisferait toutes les parties : gouvernement, SMP, etc.
Considérer les SMP comme des entreprises tout à
fait normales aurait des conséquences délicates du point de vue
du droit et de la morale. Ce serait, nous l'avons dit, faire de l' usage de la
force un marché, un bien, que l'on pourrait vendre ou acheter. Une fois
de plus, privatiser la force, usage régalien par excellence, serait un
progrès dans la manière qu' on les Etats de gérer leurs
relations internationales, de protéger leurs intérêts,
selon la tradition économique libérale. Mais certains pensent que
privatiser l'usage de la force, même de manière limitée et
encadrée, reviendrait à diminuer le pouvoir et la
souveraineté étatique. Si l'on confie à une
société le pouvoir d'agir par la force, même dans un but
juste et honorable, comment ensuite réaffirmer le rôle de l'Etat ?
Se pose ici le problème de la légalité de l'
externalisation. S' il est évident que tout est légal dans
l'externalisation, la sous-traitance et l'emploi par un gouvernement de «
contactors » civils, le phénomène met en exergue
les limites du droit sous sa forme actuelle, qu'il soit international,
privé, ou de la guerre.
Nous connaissons les textes en vigueur concernant les
mercenaires, notamment la Convention Internationale contre le Recrutement,
l'Utilisation, le Financement et l'Instruction des Mercenaires, adoptée
par l'ONU le 4 décembre 1989 (Cf. Annexe IV). La définition d'un
mercenaire qui nous est donnée par cette convention est très
restrictive et énonce plusieurs critères cumulatifs qui sont
très rarement satisfaits :
«Le terme "mercenaire" s'entend de toute personne:
a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou
à l'étranger pour combattre dans
un conflit armé;
b) Qui prend part aux hostilités essentiellement en vue
d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise,
par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération
matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou
payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues
dans les forces armées de cette partie;
c) Qui n'est ni ressortissante d'une partie au conflit, ni
résidente du territoire contrôlé par une partie au
conflit;
d) Qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au
conflit; et
e) Qui n'a pas été envoyée par un Etat
autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des
forces armées dudit Etat. » 25
Dès lors, il devient très difficile de faire
valoir cette déclaration, de l' appliquer et de sanctionner les
contrevenants. Il est intéressant de noter que les employés de
SMP peuvent facilement être considérés comme des
mercenaires, si l' alinéa e) ne les excluait pas de la
définition, bien que ce point soit très limite au regard de la
loi : en effet, les employés civils d'entreprises ne font pas partie des
forces armées, alors qu'il sont cependant mandatés par un
Etat.
Ainsi, au vu des difficultés que pose l'
externalisation, et les contraintes liées à l' application d' une
réglementation, il est permis de se demander si réglementer un
tel secteur est véritablement un bon choix.
A ce sujet, la Suisse a tenue une conférence
internationale à Montreux fin novembre 2006, afin de
réfléchir sur un cadre juridique international au sujet de
l'activité des SMP. Directeur du droit international public au
ministère suisse des Affaires Etrangères, Paul Seger nous
explique que « le nombre de ces entreprises s'est multiplié dans le
monde entier, au point de devenir un phénomène international. De
plus en plus d'Etats recourent à ce genre de milices privées et
d'entreprises de sécurité. C'est pourquoi nous pensons que c'est
le moment de rappeler leurs obligations internationales aux Etats qui mandatent
ce genre d'entreprises. Notre objectif est de
25. Le texte intégral de la convention est disponible en
français sur le site de la Croix-Rouge :
http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/530?OpenDocument,
visité le 19 septembre 2006.
définir quelques normes juridiques communes au niveau
international applicables dans ces situations. Nous voulons rappeler aux Etats
qu'ils ont des obligations. Il est faux de dire que les entreprises
privées de sécurité opèrent dans un désert
juridique. Les réglementations internationales comptent de multiples
règles en matière de droit humanitaire et de droits de l'homme.
Il n'est pas question d'interdire ces sociétés, mais nous
aimerions améliorer les pratiques en développant, sur la base des
obligations existantes, des recommandations et des indications pour aider les
Etats à assumer leurs responsabilités en matière de
respect du droit international humanitaire et des droits humains. Le but n'est
pas nécessairement une convention internationale parce que ce serait
trop difficile. >> 26
La Suisse semble avoir compris que l'activité des SMP
ne peut être interdite, que l'enjeu n'est donc pas, contrairement aux
premières propositions du Green Paper britannique de 2002, dans
l'interdiction, mais bien dans la réglementation. L'aspect international
de la réflexion semble effrayer la plupart des gouvernements, mais la
présence du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) montre
bien que les choses semblent évoluer dans leurs perceptions au niveau
international.
Cependant, face aux difficultés annoncées et
rencontrées dans les faits, de nombreux gouvernements semblent penser de
plus en plus que la mise en place d'une règlementation ne soit plus la
meilleure des options.
3. Réglementer, une bonne option ?
Trois aspects du secteur de l'industrie militaire
privée nous amènent à penser que réglementer un tel
secteur n'est pas une chose facile. En effet, le secteur est, par essence,
très instable ; de plus, il est possible de penser que la plupart des
« contractors >> mènent une sorte de double-jeu avec
leurs commanditaires ; enfin, la tâche apparaît comme
véritablement trop ardue pour être menée à bien.
26 . Interview de Paul Seger par le journal swissinfo, le 20
octobre 2006, disponible en ligne sur :
http://194.6.
181. 127/fre/swissinfo.html?siteSect=105&sid=7 179458,
visité le 29 novembre 2006.
a) L'instabilité du secteur.
L'instabilité du secteur de la sécurité
privée impose d'être très prudent. Nous avons vu que bien
des choses peuvent changer, surtout pendant les 25 ou 30 années que
durent la majorité des contrats. Les doctrines peuvent changer, les
alliés ou les ennemis aussi, le matériel évolue... Autant
de raisons de rester prudent. Nous pouvons voir trois causes majeures d'
instabilité dans ce domaine : l' instabilité du mécanisme
de la privatisation comme de l' externalisation, l' instabilité des
acteurs, et enfin l'instabilité des services fournis.
Les arguments avancés en faveur de l'externalisation ne
sont pas toujours recevables ; ce qui est le cas, à notre avis, pour la
gestion des risques, partie majeure du mécanisme de privatisation par le
biais du PFI. La PFI aurait l'avantage de permettre une meilleure gestion des
risques, notamment financiers, par leur transfert de l'organisme commanditaire
(ici, le MoD) à l'entreprise privée (« contractor
»). S'il est évident que l'Etat ne supporte plus ce risque,
cela ne signifie en aucune manière qu'il cesse d' exister. Les risques
existent toujours, l'Etat les fait peser sur l' entreprise avec laquelle il
passe contrat, mais si le risque se réalise, l' entreprise ne pourra le
supporter comme l' Etat. Selon le RUSI, la PFI pourrait être une
meilleure manière de gérer le risque financier. Quand les
capitaux d'un projet sont privés, le risque est calculé plus
sérieusement, et la relation entre le coût du projet et les
risques liés est des plus stimulantes pour la société
privée. L'entreprise tend alors naturellement à diminuer ses
risques, ce que ne fait pas nécessairement un
ministère.27 Cependant, si l' argument est valable tant que
le risque ne se manifeste pas, dès lors que ce dernier se
réalise, le mécanisme s'inverse : la société
privée, ne pouvant assurer le risque financier, se voit contrainte de
modifier son contrat en cours d' action. Dans le meilleur des cas, la
société augmente le coût de sa prestation, ce qui fait que
le risque se retrouve de nouveau transféré vers le commanditaire.
Dans le pire des cas, la firme privée ne peut assumer ce risque et doit
fermer ; l' Etat assume alors totalement les risques : il supporte à lui
seul d'honorer un contrat qui ne lui apporte rien, et doit réinvestir
dans le privé pour satisfaire sa demande. S'il le souhaite, il peut
toujours reprendre à son compte la
27. C'est la position du Royal United Services Institute (RUSI),
que l'on trouve dans The Whitehall Paper, The Innovative Use of PFI in
Defence Acquisition, 7 janvier 2005, Londres.
prestation, comme avant, mais il ne dispose déjà
plus du savoir faire et de la main d'oeuvre compétente. L' Etat est donc
doublement perdant : ni lui, ni le secteur privé ne peuvent assurer une
fonction dont il a besoin.
Une autre cause d'instabilité se trouve dans la
mutation des acteurs : nous avons déjà abordé le
problème de la multiplicité des acteurs, mais il nous
apparaît nécessaire d' y voir une des principales raisons de l'
instabilité de ce secteur. Les commanditaires possibles dans un
processus de privatisation sont nombreux : ce peut être un Etat, comme
c'est le cas déjà pour les Etats-Unis d'Amérique ou la
Grande-Bretagne, ce peut être une communauté d'Etats comme l'ONU,
ou une autre plus restreinte comme l'OTAN ou l'Union Européenne. A ce
sujet, il serait intéressant de voir dans quelle mesure une
opération de maintien de la paix pourrait être confiée
à une SMP ou à une entreprise privée. C'est d'ailleurs ce
qu'a réclamé Doug Brooks, dans un entretien donné au
Washington Post, le 2 juin 2003 28, en se fondant sur
l'inefficacité des missions de l' Union Européenne en Afrique.
Selon lui, les opérations de maintien de la paix pourraient être
menées de meilleure façon et à moindre coût par des
SMP. Le débat pourrait s'élargir encore un peu plus si l'Union
décidait d'étudier la possibiité d'envoyer des troupes
privées dans le cadre de la PESD et de la PESC.
Un autre facteur d'instabilité provient des mutations
des services fournis. Nous avons vu que l'éventail des prestations est
le même que l'éventail des prestations d'une armée
nationale. Cependant, si les missions, les doctrines, les matériels des
forces armées évoluent, il en va de même pour les
prestations fournies par le secteur privé. Ainsi donc, toute
évolution dans le secteur de la Défense a une répercussion
immédiate sur la privatisation. Cela complique encore plus le
phénomène et rend vaine toute tentative de figer ces
activités par une réglementation. Cela signifie en d' autres
termes que la réglementation mise en place pour contrôler ce
secteur doit être aussi souple que le secteur lui-même, afin de
correspondre au plus juste aux prestations fournies. La mutation de ce secteur
est peut être trop rapide pour permettre une quelconque
réglementation.
28 .
http://www.sandline.com/hotlinks/beleaguered
peacekeepers.html, le 12 octobre 2006.
b) Le double jeu des acteurs
La question de savoir qui perd ou qui gagne dans des relations
économiques comme celles qu'engendrent le PPP et la PFI pose
naturellement le problème de savoir si les deux parties sont bien
honnêtes dans leurs comportements. Nous étudierons d'abord la
question du point de vue du secteur privé, puis du côté des
commanditaires.
Il ne s'agit pas de faire le procès de l'une ou l'autre
des parties, mais la simple raison nous autorise à penser que dans l'
intérêt des entreprises privées, il est certes
nécessaire de satisfaire le client, mais il faut aussi tirer profit de
ces contrats. Ainsi, il est légitime de croire que les
sociétés privées ne mettent pas tout leur potentiel dans
les prestations demandées, qu'elles se réservent de
manière à bénéficier de profits plus grands encore.
Milton Friedman, économiste américain, évoque pour nous ce
qui gêne dans ces relations entre société capitalistes et
Etats : << la responsabilité sociale de l'entreprise est
d'accroître son bénéfice. >> Dès lors, comment
ne pas se demander si les entreprises n' ont pas intérêt à
remplir leurs contrats, mais aussi à rester toujours en
deçà d'une limite qui leur permet de tirer un maximum de profit
lors d'un contrat. En clair, le raisonnement est le suivant : les entreprises
n' ont aucun intérêt à tout donner, à tout mettre en
oeuvre pour réaliser leurs missions, ce qui est exactement l'inverse de
ce que font les armées nationales.
La difficulté de contrôler de manière
efficace les contrats au titre de la PFI rend cette possibilité de
double-jeu plus forte. Les SMP ont tout avantage à remplir leurs
missions pour voir leurs contrats reconduits et augmentés. Cependant, si
elles investis sent trop dans telle ou telle opération, elles ne peuvent
assurer les suivantes. L'intérêt des entreprises n'est pas
satisfait dans ce cas. En clair, l'Etat se défait d'une fonction qu'il
confie à une entreprise qui ne se donnera pas totalement pour l'
assurer. Il y alors probablement une perte : en qualité, en
quantité, dans l'esprit de la mission... Cette perte est faible, car le
<< contractor >> ne doit pas se la faire reprocher, et l'
Etat cherche toujours à savoir si les prestations sont bien
réalisées, s' il n' est pas perdant.
Le revers de ce problème se trouve dans la collusion
des intérêts des gouvernements et des gouvernants. Lorsque nous
parlons des Etats, nous avons trop tendance à considérer l'Etat
comme une personne morale, en oubliant peut être que
l'Etat n'est rien de plus que la somme des hommes
détenant le pouvoir. Afin d'apporter un nouvel éclairage à
ce phénomène, nous tenons à présenter ici un
exemple polémique. Les décisions de l'Etat sont les
décisions de ce certains hommes. Et parfois les décisions, les
attitudes de certains surprennent. Nous n'affirmons pas que tel est toujours le
cas, mais il est des choses surprenantes que nous avons vues lors de nos
recherches : M. Dick Cheney, vice-président des Etats-Unis
d'Amérique depuis 2001, était pendant les cinq années
précédentes le Chief Executive Officer de Halliburton
Corporation qui possède Kellogg Brown & Root, laquelle SMP a
remporté en 2001 le contrat américain portant sur le LogCap
(LOGistic Civil Augmentation Program, c'est à dire la
gestion de toute la chaîne logistique en opérations
extérieures), faisant d' elle le premier contractant des
opérations de paix du Department of Defence américain
29 . Un tel exemple, bien que non généralisé,
devrait attirer notre attention sur les précautions à prendre
dans les processus d' externalisations, sur la nécessité de
mettre en place des organes de contrôles. Le 13 avril 2004, sir Malcolm
Rifkind est nommé «non executive chairman» de Armor
Group (l'équivalent du poste de directeur de conseil de surveillance, ou
président d' une entreprise ; ce poste a surtout une vocation de conseil
et d' administration, et n' est pas exécutif.) ; cette entreprise de
sécurité privée réalise 60% de son chiffre
d'affaire en Irak, et emploie plus de 5000 personnes dans plus de 50 pays. Il
est intéressant de voir que sir Rifkind a été
précédemment Ministre de la Défense et Ministre des
Affaires Etrangères sous le gouvernement de John Major, avant de
démissionner pour prendre ses fonctions chez Armor Group, et se pose
maintenant en faveur du retrait des troupes britanniques en Irak.
Dernier point intéressant au sujet du double-jeu des
acteurs de la privatisation et de l'externalisation des fonctions militaires,
dans un document de la cellule en charge du PFI au MoD, la MoD Private Finance
Unit, nous pouvons découvrir ce diagramme, intitulé « PFI
Performance ». Nous trouvons assez intéressant de noter que selon
le MoD lui-même, tous les contrats signés au titre du PFI
s'avèrent être globalement avoir des effets positifs, et que les
différentes rubriques n' incluent pas de possibiité
négatives dans ce diagramme.
29 . In Sami MAKKI, Militarisation de l'Humanitaire,
Privatisation du Militaire, Cahier d'Etudes Stratégiques 36 - 37, juin
2004, p. 73.
Ainsi donc, si la critique du secteur privée est la
plus aisée, il s'agit de relativiser et de voir que les deux parties
peuvent tomber dans des travers qui leurs sont préjudiciables. Les
gouvernements comme les sociétés privées cherchent
à gagner sur tous les plans, ce qui n' était pas le cas lorsque
les fonctions de Défenses étaient assurées
entièrement au sein d' une même voie hiérarchique :
gouvernement, Ministère de la Défense, Etatmajor, Armée.
Dans ce cas de figure, l'intérêt commun primait sur l'
intérêt particulier. En revanche, dans le mécanisme actuel,
les intérêts parfois divergent, et il est difficile pour tous les
acteurs de rester conscients de leurs devoirs et de faire preuve de renoncement
à leurs intérêts personnels.
c) Une tâche trop ardue ?
Mettre en place une réglementation efficace du secteur
privé des affaires militaires apparaît comme une véritable
gageure. Tous les arguments vus ci-dessus nous amènent à penser
que mettre en place une réglementation internationale, applicable et
appliquée, est proprement impossible. Il ne s' agit pas ici de se
montrer pessimiste ou défaitiste, mais les grands responsables de l'
ordre international sont aussi les premiers fournisseurs et acheteurs de
services de sécurité privée. Les Etats-Unis
d'Amérique et la Grande-Bretagne, tous deux ayant un siège au
Conseil de Sécurité de l' ONU en tant que membre permanent,
fournissent à eux seuls plus de 80 % de la demande et de l'offre de ce
marché. La Chine et la Russie ne devraient pas tarder à suivre ce
chemin, le temps pour elles de s'adapter à ces nouvelles règles
du jeu. Seule la France fait bande à part, par son refus
catégorique de se lancer dans cette course. Cependant, si la
privatisation
prend un aspect de plus en plus humanitaire, par les missions
des SMP, il est très probable que la France se mette à l'heure
des américains et des britanniques.
Un autre point intéressant quand à la
difficulté de mettre en place une réglementation est le suivant :
<< Un État peut être responsable des violations du droit
international humanitaire commises par une entreprise miitaire et de
sécurité privée qu' il a habilité à exercer
une partie de l' autorité gouvernementale, ou qui agit de facto
selon ses instructions ou sous son contrôle direct >> explique
Mme Emanuela-Chiara Gillard. << De plus, même si l' entreprise
privée n' agit pas en tant que représentante de l'État,
celui-ci a le devoir d'assurer le respect du droit international humanitaire et
d'user de la << diligence voulue >>, en faisant le
nécessaire pour prévenir et réprimer les violations
commises par des personnes ou des entités qui opèrent sur son
territoire ou à partir de celui-ci. >> Mme Gillard est
conseillère juridique au département du Droit du CICR, et en
s'exprimant ainsi pointe du doigt le problème manifeste d'une
réglementation : comment croire que les Etats vont se mettre d'accord
pour se condamner eux-mêmes ? En effet, selon Mme Gillard, la
responsabilité d'une SMP se trouve chez son commanditaire, chez le
donneur d' ordre. Et c' est bien là l' intérêt de certains
Etats : faire faire par le biais de SMP un travail que l'on peut qualifier de
sale, à la place de ses propres forces armées. Dans le scandale
d'Abou Ghraib, des SMP étaient impliquées, comme AEGIS, mais
leurs membres n'ont pas été jugés contrairement aux
membres des forces armées américaines. Peut-on penser que les
Etats vont accepter de renoncer à cette opportunité pour eux de
se détacher des aspects obscurs de la guerre si facilement ? Les SMP
leurs permettent de réaliser certaines choses de manière plus
discrète, et les liens entre une SMP et le gouvernement d'un Etat sont
moins évidents que les liens entre cet Etat et ses forces armées.
Ainsi donc, l'intérêt des Etats ne réside pas
nécessairement dans une réglementation trop stricte des
activités des SMP, et encore moins dans un transfert de la
responsabiité pénale de la SMP vers son employeur.
Mettre en place une réglementation signifierait que
certaines étapes doivent être respectées avant d'aboutir
à un projet valable. Il faut tout d'abord que tous les Etats acceptent
de se concerter sur le sujet, car tout prouve que le phénomène
est mondial, et qu' aucun Etat ne peut être seul concerné par le
sujet. Ensuite, il s' agit d' entamer une réflexion sur le point de vue
juridique. << Si la responsabilité civile des entreprises
militaires et de sécurité privées est
généralement acceptée, leur responsabilité
pénale est
bien plus limitée dans la plupart des pays. La
responsabilité des sociétés commerciales qui les engagent,
telles que les compagnies pétrolières ou minières, peut
aussi être aussi difficile à établir, spécialement
dans les procédures pénales >>. Et Mme Gillard d' ajouter :
<< Il est parfois difficile d' intenter une action en justice contre des
entreprises militaires et de sécurité privées pour des
raisons pratiques. Elles peuvent avoir obtenu l'immunité de poursuite
judiciaire auprès des tribunaux des pays où elles mènent
leurs activités ; et il est possible que ces tribunaux locaux ne
fonctionnent même pas, du fait du conflit armé. Une complication
supplémentaire est qu'il peut être difficile d' intenter un
procès devant les tribunaux des Etats où les entreprises sont
constituées, car les violations présumées peuvent avoir
été commises dans d'autres pays ; la plupart des tribunaux n'ont
qu'une compétence extraterritoriale limitée. De même,
continue Mme Gillard, bien que sur le plan juridique les employés de ces
entreprises soient personnellement responsables des violations du droit
international humanitaire, dans la pratique il peut être difficile de
trouver un tribunal pénal national ayant compétence
extraterritoriale pour connaître du crime allégué et la
volonté politique d'exercer cette compétence. >> Le
<< désert juridique >> dont parle M. Paul Seger est bien
présent, et véritablement au coeur du débat. Tant que ce
point n'aura pas été résolu, rien ne pourra être
fait. Ensuite, la tâche sera délicate car il s' agira de faire
accepter par tous les Etats une définition et un statut juridique clair
pour les SMP et leurs membres. Responsabiité, crime et délit,
sanctions pénales, tout doit être abordé, et faire l'objet
d'un consensus international. Dernière étape, la mise en place
d'un organisme de contrôle et d'application des peines
éventuellement décidées. Et donc nouveaux problèmes
: comment accorder une compétence internationale à un tribunal
national ? Peut-on envisager de créer une cour de justice
spéciale pour les membres des SMP ? Faut-il juger ceux que l'on qualifie
de << nouveaux mercenaires >> dans leurs pays d' origine, ou dans
le pays où ils ont commis des crimes et délits ? Ici encore le
débat n' est pas prêt de se terminer, et les questions qu' il
soulève sont nombreuses.
En résumé, les difficultés de
l'externalisation comme de la privatisation sont parfaitement mises à
jour par le problème de la rentabiité, par les changements que
cela implique dans le domaine de l' intangible, et par les différences
que cela entraîne dans les opérations en temps de paix et en temps
de guerre. Cependant, la volonté de
changement de la part d'un certain nombre d'Etats comme la
Grande-Bretagne ou la Suisse montrent bien que les problèmes sont
traités avec sérieux, mais la contrepartie de ceci se trouve dans
les nouvelles difficultés qui surgissent : le Green Paper de 2002 s'
avère être trop délicat pour être suivi d' effets.
Enfin, toutes ces questions nous laissent penser que réglementer ce
secteur des activités militaires privatisées n'est peut
être pas la meilleure option, au regard de l'instabilité du
secteur, du double-jeu des acteurs et de l'ardeur de la tâche.
C. Pourquoi privatiser les fonctions régaliennes
de Sécurité et de Défense ?
Nos deux précédentes parties nous ont permis de
voir que la Grande-Bretagne présente une situation
particulièrement favorable pour l'externalisation des fonctions de
Défense et de sécurité, mais aussi que les réponses
qu'elle propose pour encadrer ce phénomène ne paraissent pas
être satisfaisantes. Dans cette dernière partie, nous traiterons
sur un plan plus large de ce phénomène, que nous pouvons
interpréter comme une privatisation des fonctions régaliennes de
l'usage de la force. Ce renoncement à une fonction essentielle de l'Etat
n'est-il dû qu'à la quête objective d'une meilleure
efficacité, ou relève-t-il plus de la démission de l'Etat
?
Nous aborderons dans cette partie trois principales questions
: il s'agira de voir dans quelle mesure la Grande-Bretagne modifie le
débat de la privatisation de la sécurité ; puis de faire
le point sur les réflexions que mènent les parties participants
à ce phénomène ; et enfin de replacer le débat dans
un cadre plus général, celui d'une nouvelle conception de
l'Etat.
Etudions en premier lieu l'essai britannique, en nous
demandant dans quelle mesure la position anglaise quand au
phénomène d'externalisation et de privatisation s' avère
être positive, et si elle peut être un modèle pour
l'Europe.
1. La réponse britannique à la
Privatisation de la Défense et de la sécurité.
a) Une réponse locale à un
phénomène global.
Lorsque le gouvernement de Grande-Bretagne a publié le
Green Paper en 2002, ce dernier fut bien accueilli par l' ensemble des acteurs
concernés par l'externalisation et la privatisation. De nombreux Etats
se sont penchés sur ce rapport afin de s'inspirer de la position
anglaise pour définir les leurs, et la majorité des acteurs
(simples « contractors » ou SMP) y ont vu un avertissement
quand au futur de leur secteur. Des leçons ont étés
tirées de ce document, ce qui a conduit bon nombre de SMP à
prendre des décisions au sujet de leurs comportements : nombre d' entre
elles ont adopté des
chartes de bonne conduite, des codes d'honneur, dont nous
présentons un exemple en annexe à ce mémoire. (cf. Annexe
III).
Le véritable problème au Royaume-Uni à
l'heure actuelle est que rien n'a été fait, aucune
décision significative n'a été prise, aucune orientation
n'a été donnée par une autorité politique
(Ministère de la Défense, cabinet du Premier Ministre, etc.)
depuis 2002. La situation évolue comme avant le Green Paper, les
contrats avec le MoD continuent à être signés chaque
année, et le phénomène prend une ampleur qui
inquiète certains, des analystes économiques aux militaires, en
passant par les Défenseurs des Droits de l'Homme et les hommes de
lois.
Dans un article publié par l'Express le 31 octobre
2006, Eric Lecluyse rapporte que War on Want, une association
internationale britannique qui se bat contre la pauvreté dans le monde,
dénonce le manque d'action de la part du gouvernement de la
Grande-Bretagne.
D'après l'article, << Les SMP se sont accrues de
manière "exponentielle" après l'invasion de l'Irak en 2003. Mais
il est difficile, selon War on Want, d'obtenir qu'elles rendent des
comptes sur le comportement de leurs employés dont certains ont
été impliqués dans le scandale des tortures
infligées aux prisonniers à la prison irakienne d'Abou Ghraib.
L'association demande au gouvernement britannique d'interdire à ces
sociétés de prendre directement part aux combats ou même
d'agir comme force de soutien. Malgré la publication en 2002 d'un livre
blanc [le Green Paper] du ministère des Affaires
étrangères sur le thème, aucune mesure n'a
été prise à leur encontre. "Dans un environnement de
conflit comme l'Irak, la distinction entre combat et soutien au combat n'a plus
de sens", considère War on Want dans son rapport. "Il n'y a souvent
aucune différence perceptible entre soldats réguliers et forces
de soutien privées engagées pour protéger les convois ou
les matériels. Le risque d'abus des droits de l'homme dans de telles
situations est toujours présent et il est presque impossible d'obtenir
des employés des SMP qu'ils rendent des comptes".»
L'article continue avec des chiffres alarmants : <<
War on Want estime que les SMP britanniques se sont
considérablement enrichies avec ce conflit. Elles ont tiré de
leurs contrats irakiens plus de 1,8 milliards de livres en 2004 (2,68 milliards
d'euros), contre 320 millions de livres (477 millions d'euros) en 2003. "Le
gouvernement n'a pas su
légiférer [contre les mercenaires britanniques]
pour punir leurs atteintes aux Droits de l'Homme, dont l'usage d'armes à
feu contre des civils irakiens", a déclaré John Hilary, directeur
de la campagne de War on Want. "Comment M. Tony Blair peut-il espérer
ramener la paix et la sécurité en Irak tout en permettant
à des armées de mercenaires d'opérer complètement
en dehors de la loi?" a-t-il ajouté.
Selon des chiffres fournis par le Congrès
américain, environ 48 000 employés de SMP sont actuellement en
Irak, la plupart travailant pour des compagnies britanniques. Ce chiffre
représente presque sept fois le nombre des soldats britanniques (7000)
présents dans le pays. >>30
Sur le site Internet de War on Want 31 ,
on trouve le rapport de l'association intitulé << The Threat
of Private Military & Security Companies >> et publié le
lundi 30 octobre 2006 à l'intention du gouvernement de M. Tony Blair. Si
le titre du rapport nous indique clairement l'état d'esprit de
l'association, il n'en reste pas moins vrai que les données
publiées sont exactes, et que la demande exprimée (une
réglementation rapide) est un sentiment que beaucoup expriment.
<< Plus de quatre années se sont
écoulées depuis que le gouvernement a publié le Green
Paper mettant en relief le défi que posent les SMP, et il n'y a toujours
pas eu de progrès dans la réglementation de leurs
activités. Les mercenaires ne doivent en aucun cas constituer une menace
pour la paix et la sécurité de par le monde, sous le
prétexte qu' elles exercent une activité lucrative. Il n' y a
aucune loi réglementant leurs activités au Royaume-Uni, et le
gouvernement britannique a montré qu'il était
particulièrement au courant des problèmes que soulèvent
les SMP lorsqu' il a publié son Green Paper, lequel exprime une position
en faveur d'un système de réglementation par l'octroi de
licences, à l'image de ce qui se fait déjà pour l'export
et le commerce de l'armement. Mais le Green Paper a été
publié avant la guerre en Irak. Depuis lors, l' industrie des SMP et de
la sécurité privée a connue une forte augmentation, tandis
que les exactions qui sont en rapport avec ce phénomène se sont
multipliées. La réglementation de ces activités fait
défaut depuis trop longtemps. War on Want a la ferme conviction
que le
30 . La Privatisation de La Guerre en Question, Eric
Lecluyse, L'Express du 31 octobre 2006. Disponible sur :
http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=6837,
visité le3 1 octobre 2006
31.
http://www.waronwant.org ,
et sur le sujet, voir le document disponible sur le lien suivant :
http://www.waronwant.org/Corporate+Mercenaries+13275.twl,
visité le 28 novembre 2006.
gouvernement britannique doit faire de l'avancée de
cette réglementation une de ses priorités. La législation
à venir doit rendre ilé gale toute forme de participation directe
à des activités de combat, et de soutien opérationnel,
entendues dans leur sens le plus large possible. Une auto réglementation
de ce secteur n'est pas une option à envisager. »
Ainsi donc, les associations considèrent que rien n'a
été fait, ce qu'elles trouvent inquiétant. Cependant, la
position du gouvernement britannique n'est pas la plus évidente : elle
doit concilier des intérêts économiques, des obligations
éthiques et morales, des obligations de résultat sur le terrain
(en Irak et en Afghanistan), des contraintes budgétaires... A ses yeux,
les SMP et l' externalisation sont les meilleures options possibles, et
réglementer ce secteur ne serait pas nécessairement une bonne
option. En conclusion de son rapport, War on Want présente ses
recommandations, au nombre de cinq :
1. Le gouvernement britannique doit avancer vers une
législation, et en faire une de ses priorités. Une auto
réglementation n 'est pas une option. Ce qui signifie que selon
War on Want, les SMP ne sont pas dignes de confiance, du point de vue
de leur capacité à travailler en transparence et à se
réglementer elles-mêmes. Cela montre la mauvaise image qu'elles
offrent encore à la face du monde. Cependant, comme nous pouvons le
constater, beaucoup de SMP ont entamé des réflexions au sujet de
l'éthique de leurs activités et de leurs comportements.
2. La législation à venir doit rendre
illégale toute forme de participation directe à des
activités de combat et de soutien opérationnel, entendues dans
leur sens le plus large possible. La remarque faite ici nous ramène
au problème de définition des activités des SMP: faut-il
considérer la logistique ou l' entraînement comme du
«support combat»? Le débat ici semble assez
stérile, peut être faut-il rappeler que la Convention de
Genève définit un combattant par le fait qu'il porte une arme ?
Si donc on interdisait le port d'armes aux SMP, elles ne seraient plus
dès lors considérées comme parties prenantes au combat.
Mais rappelons que ce phénomène est mondial, et que pour
l'exemple, les armes sont en vente libre aux Etats-Unis d'Amérique. La
raison d'être des SMP est cependant bien de fournir des services d'ordre
militaire. War on Want ne se montre-t-elle pas un peu trop
idéaliste et rêveuse quand à ses exigences ? De plus, en
imaginant que War on Want voit cette demande se
réaliser, et que le port d'armes ne soit plus autorisé aux
membres des SMP, cela signifierait-il pour autant la fin de leurs
activités et des dommages qu' elles peuvent occasionner ? En effet, un
technicien d'une SMP qui fournit des services de gestion de satellites, ou qui
ravitaille des avions de combat pour un gouvernement, ne fournit-il pas
toujours un service militaire, en lien direct avec la perte de vies humaines ?
Le satellite permet de savoir quel endroit bombarder, le ravitaillement des
avions permet des frappes aériennes. Ott donc est cette limite entre les
activités de combat et les activités de soutien sans implications
ni conséquences dans la guerre ?
3. Toutes les autres SMP doivent être soumises
à l'obtention d'une licence individuelle, et faire l 'objet
d'enquêtes parlementaires et être validées par des scrutins
publics. De plus, il devrait y avoir un registre public des SMP dans le but de
pouvoir éliminer les sociétés possédant de mauvais
antécédents. Les arguments du Green Paper sont repris ici
par War on Want, qui renforce cependant l'aspect de contrôle des
SMP et de leurs activités par le Parlement. Il est intéressant de
noter que War on Want fait tout de même une distinction parmi
les SMP : certaines ont de mauvais antécédents, ce qui signifie
qu' il en existe quand même de correctes, effectuant leur travail sans se
mettre hors la loi, ou commettre des infractions au droit international.
4. De stricts contrôles devraient être mis en
place sur les «revolving doors» afin de s'assurer que les anciens
membres du gouvernement ou officiels ne puissent pas faire de lobbying en
faveur des SMP. War on Want fait ici référence à ce
dont nous avons déjà parlé, c'est à dire la
communauté d'intérêts qu'il peut y avoir entre un
gouvernant et les SMP. De la même manière que Dick Cheney
entretient des rapports particuliers avec les SMP aux Etats-Unis, le
phénomène existe aussi en Grande-Bretagne. Le fait que Sir
Malcolm Rifkind, membre du parlement, ancien Ministre de la Défense et
aussi des Affaires Etrangères, soit maintenant président
d'ArmorGroup illustre bien cette remarque au sujet de la « revolving
door ». ArmorGroup est probablement la plus grande SMP du Royaume-Uni
; elle a fourni des services de protection à des entreprise d'extraction
de matières premières depuis sa création en 1981 sous le
nom de Defence Systems Limited (DSL). En 2004, Armor Group s'est
enregistrée comme société anonyme
à responsabilité limitée, et est actuellement la seule SMP
britannique cotée à la Bourse de Londres. Son chiffre d'affaires
est passé de 71 millions de dollars en 2001 à 233,2 millions en
2005. The British Foreign Office et le Department for
International Development (DFID) ont choisi ArmorGroup pour des contrats
de sécurité à Kaboul (mars 2005), Bagdad (juin 2005) et
Bassora (juin 2005), ainsi que pour le contrôle et l'entraînement
de la police à Bassora. ArmorGroup a récemment soutenu la
création de l'association britannique des SMP (BAPSC), l' association
britannique des entreprises du secteur privé de la
sécurité, et de ceux qui les soutiennent. Une fois de plus, ces
rapports si particuliers entre des membres de gouvernements et des SMP montrent
bien toute la complexité du phénomène de privatisation,
ainsi que les enjeux immenses qui y sont liés.
5. Tout gouvernement qui externalise un service à
une SMP doit rester pleinement responsable du comportement de cette SMP. Les
charges retenues contre des membres de SMP doivent être traitées
de la même manière que sont traitées celles retenues contre
des membres des forces armées régulières. La
dernière recommandations de War on Want concerne les possibles
dérives comportementales liées à l'emploi de SMP dans ce
secteur. Les trop nombreux scandales impliquant des troupes
régulières de pays occidentaux (Etats-Unis d'Amérique,
Grande-Bretagne, Allemagne...) comme l'affaire de la prison d'Abou Ghraib fait
craindre que ce comportement , qui est aussi celui de certains membres de SMP,
ne soit pas considéré de la même manière. Si nos
recherches ne nous ont pas permis de trouver jusqu'à quel point les
compagnies privées sont concernées, excepté pour l'affaire
de la prison d'Abou Ghraib et la société AEGIS, les
inquiétudes restent grandes. En effet, les SMP, tout en disposant d'une
hiérarchie comme les forces armées, sont moins sujettes à
rendre compte de ce qui peut se passer lors de leurs missions, ni quels sont
les moyens qu' elles ont pris pour réaliser leurs missions. On ne sait
pas jusqu' à quel point elles ont recours à la torture, ou
à des traitements humiliants, dégradant la condition humaine,
envers les populations locales.
Ainsi donc, la parution de ce rapport de War on Want
montre bien la limite de l' action britannique dans la
réglementation du secteur des SMP. Les cinq remarques que
l'association fait en guise de conclusion, même sans
apporter d'éléments véritablement neufs, nous permettent
d'affirmer que l'essai anglais, s'il n'est pas renforcé par une mise en
application efficace et totale, est voué à l'échec.
Toutefois, il nous apparaît important de souligner le fait que War on
Want semble négliger un aspect fondamental du problème. Si
toutes les recommandations de cette association sont suivies et entrent en
application, le problème ne cessera pas pour autant d' exister, il se
déplacera tout simplement. Le problème est tellement vaste, qu'un
Etat seul décidant d'agir ne peut en venir à bout. Seule une
action commune, internationale, peut obtenir les résultats
escomptés. Nous pouvons dès lors nous poser la question de savoir
si cette réflexion de la Grande-Bretagne peut constituer un
modèle pour l' Union Européenne.
b) Un modèle exportable ?
La tentative britannique prend une autre dimension si on la
place dans la perspective européenne. En effet, si la position de la
Grande-Bretagne montre bien qu'elle partage le point de vue américain
sur l'externalisation et la privatisation, elle montre aussi qu' elle n' oublie
pas le rôle qu' elle veut jouer à l' échelle
européenne.
Deux points attirent notre attention sur
l'impossibilité pour le Royaume-Uni d'être un modèle pour
l' Union Européenne : l' inefficacité de sa démarche, et
les cultures particulières des pays européens.
Si le modèle britannique n'est pas recevable aux yeux
de pays européens comme la France ou l'Allemagne, c'est en raison du
fait que le système semble apporter plus de problèmes que de
solutions. L' apparente anarchie du secteur effraie certains Etats, et les
difficultés rencontrées par les britanniques ne semblent pas
contribuer à donner une image positive de ce changement dans la
conception de la Défense et de la sécurité.
Le rapport d'information de M. Michel Dasseux,
déposé en février 2002 à la présidence de l'
Assemblée Nationale, montre bien la position de la France. Cette
position n' est pas celle du gouvernement, ni celle de militaires, mais bien
celle de l'Assemblée. Cependant, la commission a entendu de nombreux
témoins, tant militaires que civils, et a pu par là même se
faire l'écho de sentiments partagés. L'idée
générale de ce rapport est que « en accord avec le rapport
du Comité économique de Défense, votre rapporteur [ Michel
Dasseux ] considère que les expériences américaine,
britannique et allemande
démontrent que l'externalisation ne peut être
réalisée dans la perspective d'économies à court
terme. Si l'externalisation est supposée déboucher sur des
économies budgétaires à long terme, les gains paraissent
plutôt faibles et, en tout état de cause, très difficiles
à évaluer. >> Au delà de cette simple constatation
d'ordre économique, M. Michel Dasseux estime que «
déjà lourde de conséquences en raison des pertes de
savoir-faire qu'elle entraîne, des enjeux financiers et de la
durée des engagements contractuels, l'externalisation se heurte à
des limites inhérentes aux armées de projection que l'utilisation
de réservistes [ ou de personnels civils ] ne permet pas de
dépasser. >>
Il s'agit donc de traiter d'une part le problème de
l'externalisation, et d'autre part de créer un système permettant
de contrôler le phénomène, de s' assurer qu' il ne nuise
pas au bon fonctionnement des armées et à la qualité des
services qu'elles produisent. La conception britannique de cette situation et
la position française face à cela montrent que chaque pays
possède sa propre culture de Défense, de sécurité,
et que l' externalisation dans son ensemble est traitée
différemment en fonction des pays, ce que nous avons vu avec les
exemples britanniques, allemands et français.
L'efficacité de l'externalisation dépend donc du
dépassements des problèmes intrinsèques au
phénomène (surcoût, cadre légal, principe de
qualité, augmentation des charges de contrôle, gestion et
administration, etc.), ainsi que de la culture du pays mettant en place une
telle pratique. Ce qui fonctionne aux Etats-Unis d'Amérique ne
fonctionne pas de la même manière en Grande-Bretagne, et l'exemple
britannique ne convient pas à l'Allemagne, et ainsi de suite. Il est
donc possible de voir ici une nouvelle limite à ce
phénomène : chaque pays possédant une vision
différente, des attentes différentes, il est illusoire de penser
à unifier le problème, à faire de l'externalisation un
mécanisme commun aux armées occidentales. Au même titre que
les armées sont dans l' OTAN ou dans l' Union Européenne, que les
pays font partie de la PESD ou de la PESC, les implications nationales varient
selon les quantités, les qualités, les objectifs.
Il n'est pas possible, selon nous, de concevoir un
système unique. Chaque Etat fera de l'externalisation ce qu'il souhaite
: axe d'effort comme les britanniques, à la limite du dogme (la PFI est
fortement recommandée, peut être trop ?), ou source d'inspiration
comme l'Allemagne. Il serait en revanche intéressant de mettre en place
un organisme de contrôle au niveau supérieur. En effet, chaque
Etat, concerné un tant soit peu par
l' externalisation et la privatisation de la
sécurité, dispose d' organes de contrôle qui
vérifient les processus et les prestations du secteur privé. Que
ce soit pour l'externalisation comme pour la privatisation de l'usage de la
force, une chose est certaine : il y a une nécessité
réelle à coordonner les nations. Le problème n'est pas ici
de faire que toutes les nations aient la même politique, mais que tous
les Etats puissent disposer d'une base juridique commune, d'un
répertoire commun des acteurs, etc.
Cela permettrait une meilleure transparence dans le secteur,
et un travail plus sain. Reste à convaincre chaque acteur d'entamer une
réflexion à ce sujet, de comprendre que ce changement dans la
manière dont fonctionnent ces activités est nécessaire.
2. Une réflexion de toutes les parties.
Au vu de l'apparente anarchie du secteur, du polymorphisme de
la privatisation de la Défense et de la sécurité
(externalisation, sous-traitance, SMP, etc.) il nous paraît important de
souligner l'idée de créer une organisation internationale. Organe
de centralisation des données (répertoire des prestataires, des
clients et fournisseurs de services...), voire de contrôle, cet organisme
devrait apporter un bénéfice certain à chaque intervenant
dans les processus de privatisation de la sécurité. Cependant,
afin d'aboutir à une telle avancée, les différents acteurs
prenant part aux différentes étapes des processus
d'externalisation et de privatisation doivent d'abord entamer une
réflexion à leurs niveaux.
a) les commanditaires
Les Etats, ainsi que les plus grandes entreprises du domaine
de l'extraction de ressources naturelles (pétrole, gaz, charbon,
métaux rares et pierres précieuses...), devraient être les
plus favorables à un tel système. Il est en effet dans leurs
intérêts de faire savoir publiquement quels sont les buts qu' ils
poursuivent en se tournant vers le secteur privé, quels sont les moyens
qu' ils mettent en oeuvre pour cela, quelles sont leurs éventuelles
restrictions (charte éthique, Droits de l'Homme), et ainsi faire par ce
biais à la fois des appels d'offres et des bilans de l'intervention du
domaine privé au
profit du service publique. Si les commanditaires acceptent
l'idée de ce genre de structure, ils doivent passer outre leurs
réticences naturelles et légitimes qui consistent à
dissimuler aux autres la manière dont ils accomplissent ou font
accomplir leurs obligations de service à la société, et la
tendance à trouver des réglementations internationales et des
formes de gouvernance << mondiale >> pour les
sociétés internationales devrait s'appliquer aussi dans ce
secteur. L'Organisation des Nations Unies pourrait peut être remplir
cette fonction de dialogues, d'échanges et de réflexion commune.
Une organisation commune devrait voir le jour, destinée à donner
un cadre à l' existence de ce secteur de la privatisation. La question
est donc de savoir quelle forme aura cette organisation, qui y prendra part,
quels seront ses moyens et ses objectifs.
b) les prestataires
Il y a, nous l'avons vu tout au long de cette étude,
deux catégories principales d'intervenants dans les processus de
privatisation de la sécurité. La première catégorie
regroupe les << contractors >>, c'est à dire les
entreprises qui fournissent des prestations aux forces armées, dans le
but de les aider à se focaliser sur le coeur de leur métier. Nous
retrouvons ici les sociétés que nous avons étudiés
plus haut, qui ne jouent pas de rôle significatif dans les
opérations de combat. Cependant, une société qui fournit
des repas à une force armée, même si elle se trouve sur le
territoire national, peut avoir une influence sur les missions réelles
menées par l'armée : << dans l'armée de l'Air, il
n'est pas nécessaire de quitter le sol national pour que
l'externalisation soit confrontée aux défis opérationnels.
En effet, les forces aériennes participent souvent aux opérations
extérieures depuis leurs bases nationales. Ainsi, la base de
Mont-de-Marsan a hébergé au cours du conflit du Kosovo des avions
ravitailleurs américains qui décollaient tous les matins
très tôt et dont les équipages devaient prendre leur petit
déjeuner vers une heure du matin. Un tel horaire n'étant pas
prévu par le contrat d'externalisation liant l'armée de l'Air
à la société de restauration, la surfacturation fut
particulièrement élevée. Dans le même temps, le
personnel militaire de la base était plutôt enthousiaste à
l'idée de participer, même à une heure aussi inhabituelle,
à un effort de guerre pour lequel il passe le plus clair de son temps
à s' entraîner. >> 32
32 . Rapport d'Information déposé par la Commission
de Défense Nationale et des Forces Armées, op. cit.
Ces entreprises, qui ne fournissent que des prestations
annexes au métier militaire, ne peuvent pas être
considérées comme appartenant au domaine des activités
militaires, contrairement à la seconde catégorie, qui regroupe
les sociétés fournissant des services d'ordre militaire, ou des
prestations directement liées à ce domaine : entraînement,
formation, ravitaillement, soutien logistique et même activités de
combat.
Nous avons vu qu'il existe déjà des cas dans
lesquels des sociétés fournissent des services qui appartiennent
aux deux catégories. L'intérêt pour les prestataires de la
sécurité privée est donc double dans ce cas. La
création d'un organisme de référence, reconnu
publiquement, leur permettrait de se placer avantageusement sur le
marché de la sécurité privée, et de gagner en
respectabilité, en reconnaissance. Beaucoup de SMP exigent une meilleure
reconnaissance, et veulent être connues comme des entreprises
respectables, au comportement irréprochable :
<< Comme elle l'a toujours déclaré,
Sandline International est en faveur d'une réglementation et d'un cadre
légal strict qui engendrerait de la confiance dans le professionnalisme
et les pratiques légales et éthiques des participants à la
privatisation. >>33
La majorité des entreprises travaillant pour l'Etat ne
sont pas concernées par ce phénomène de transparence
éthique. En effet, où se trouve l'éthique lorsque l'on est
une société de restauration, de transport, de maintenance
informatique, si ce n'est dans la bonne réalisation de la prestation. En
revanche, les SMP sont plus que concernées par les aspects moraux de
leur profession. Elles savent que de la gestion de leur réputation
à ce niveau dépend leur survie, et que pas une << bavure
>>, pas une erreur d'ordre moral ne doit entâcher leur travail. C'
est pourquoi elles ont pris les devants, en se réclamant toutes de
diverses chartes de bonne conduite, de différents codes d'honneur et de
nombreuses associations (Cf. Annexe III, Code de conduite de l'IPOA). Est-il
permis de se demander dès lors si l' auto réglementation tant
critiquée par certains, comme War on Want, ne pourrait pas
produire des effets positifs sur le secteur ?
c) la communauté internationale
33. Sandline International, Comments on Government Green Paper
entitled Private Military Companies: Options for Regulation published
12 February 2002, juillet 2002.
Elle devra venir à la volonté expresse de mettre
en place ce système car elle a peut être le plus à gagner
d'une telle organisation. Si le terme de << communauté
internationale >> est un peu vague, l'idée est qu'une structure
mondiale, au delà du simple débat public / privé,
nationalisation / privatisation devrait voir le jour, afin de se positionner au
dessus du problème. Cela lui permettrait alors de saisir l' ensemble des
données du problème, et, pourquoi pas, d'instaurer une sorte de
droit international dans ce domaine. Peut être qu'une telle idée
est déjà présente dans la pensée de Kofi Annan,
dès 1998 :
«Some have even suggested that private security
firms, like the one which recently helped restore the elected president to
power in Sierra Leone, might play a role in providing the United Nations with
the rapid reaction capacity it needs. When we had need of skilled soldiers to
separate fighters from refugees in the Rwandan refugee camps in Goma, I
even considered the possibility of engaging a private firm. But the world may
not be ready to privatize peace.»
34
L'utilisation des SMP par l'Organisation des Nations Unies,
comme Kofi Annan l'avait envisagé, est le résultat d'une
volonté particulièrement affirmée quand aux
résultats recherchés par l'Organisation des Nations Unies. Il
s'agit donc de voir jusqu'à quel point les Nations Unies sont
prêtes à aller pour réaliser leur mission. Nous entrons ici
dans une nouvelle problématique, qui concerne le secrétariat et
le Conseil de Sécurité des Nations Unies : faut-il faire passer
en premier l' efficacité ou la morale ? Si elle n' est pas neuve, cette
alternative prends une nouvelle dimension car l'Organisation des Nations Unies
à toujours su se positionner comme << arbitre moral >> dans
la résolution des conflits à travers le monde. Cependant, le but
premier de l'Organisation des Nations Unies est de « maintenir la paix
et la sécurité internationales et à cette fin de
prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et
d'écarter les menaces à la paix, et réaliser, par
des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du
droit international, l'ajustement ou le règlement de différends
ou de situations, de
34. Cf. note infrapaginale n° 22.
caractère international, susceptibles de mener
à une rupture de la paix ; (
·
·
·)
i5, ce qui peut servir de justificatif au recours par l'ONU
à l'utilisation des SMP.
Cependant, l' article 42 du chapitre 7 (Action en cas de
menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression) peut
interdire l'emploi des SMP : << Si le Conseil de Sécurité
estime que les mesures prévues à l'Article 41 seraient
inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles, il
peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres,
toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au
rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des
mesures de blocus et d'autres opérations exécutées
par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations
Unies. >>36 Le problème ici est que l' on ne
peut pas considérer une SMP, quelle qu'elle soit, comme une force
militaire nationale d'un Etat membre de l'ONU. Dès lors donc, les Etats
membres de l'ONU devront choisir entre l' efficacité des actions et le
respect de la morale, de l' argumentation juridique de leur charte. Si
l'efficacité est privilégiée, alors il suffirait que le
Conseil de Sécurité de l'ONU mandate une SMP afin d'intervenir
à son profit, en soutenant une partie des opérations, ou en
organisant complètement la mission. L'ONU a déjà quelques
relations avec des SMP, car ce sont elles qui protègent ses personnels,
ses bureaux ou entrepôts.37 Aux yeux du président de
l'International Peace Operations Organisation (IPOA), Doug Brooks, le fait pour
l'ONU de passer contrat avec une SMP pour régler par la force un
différend ne constituerait donc pas un précédent, et ne
ferait donc pas non plus jurisprudence. Cependant, force nous est de constater
que M. Brooks, par sa position et les intérêts qui en
découlent, ne peut être que favorable à l' externalisation
des missions de maintien (ou de rétablissement) de la paix de l'ONU. Il
semble ne pas tenir compte de la différence qui existe entre un
gardiennage de nourriture et une mission comme Artémis. Ce discours qui
ne prend pas en compte la réalité de la diplomatie onusienne
reflète assez le débat selon lequel l' ONU a perdu sa
légitimité et sa crédibiité. Si l' ONU choisit de
faire appel à une SMP à la place de forces armées
régulières, elle devrait faire alors face à un
problème que l'on pourrait qualifier de << dilution >> du
35. Charte de l'Organisation des Nations Unies, Chap.1 (Buts et
Principes), Art. 1, Alinéa premier. Cf.
http://www.un.org/french/aboutun/charte/txt.html,
visité le 30 octobre 2006.
36 . Idem, Chap. 7, Art. 42.
37. Christopher Spearin, «Private Security Companies and
Humanitarians : A Corporate Solution to Securing Humanitarian Spaces?»,
International Peacekeeping, vol. 8, n°1, 2001, pp. 20-43.
processus de résolution de crise : le Conseil de
Sécurité vote une résolution, l' ONU envoie des troupes,
qui ne sont pas des forces armées régulières.
Porteront-elles quand même le casque bleu ? Auront-elles les mêmes
règles d'engagement ? La population locale sera-t-elle apte à
saisir qui sont ces hommes qui interviennent sur son territoire ? Certes, l'
argument financier selon lequel le recours à des SMP arrangerait les
membres de l' ONU est peu recevable : les missions de l' ONU sont en
générales assez longues, comme l' Organisme des Nations Unies
chargé de la surveillance de la trêve en Palestine (ONUST), qui
dure depuis 1949. Nous reviendrions alors au même argument que celui de
l'économie réalisée par l'externalisation de fonctions
militaires, selon lequel l' externalisation n' est pas nécessairement
rentable.
Une dernière option s'offre aux Etats et au Conseil de
Sécurité de l'ONU: ajouter un amendement à la charte de
telle manière que l'on puisse considérer une SMP comme force
armée mandatée par l'ONU comme une force armée
nationale.
Prononcées en 1998 les paroles de Kofi Annan prennent
une toute autre dimension au moment où nous rédigeons cette
étude. En effet, depuis lors, la guerre a montré un visage
nouveau, et les 48 Sociétés Militaires Privées
présentes en Irak nous le montrent bien.38
Les scandales liés à la présence de
forces armées en Irak comme celui d' Abou Ghraib sont la preuve que la
guerre, et la manière dont elle est faite, demeure une chose
extrêmement compliquée. Toutes les forces armées sont
concernées, tous les pays sont susceptibles d'être un jour sous la
critique pour les agissements de leurs soldats (est-il nécessaire de
revenir sur les évènements dans les prisons iraquiennes ou, dans
un autre registre ou sur l'affaire Mahé ?). Les SMP peuvent ici
apparaître comme une solution intéressante pour les Etats :
constituées généralement d' anciens militaires, elles
offrent un profil de vieille troupe professionnelle, dynamique, et
sensibilisée à la problématique du comportement des hommes
sur un théâtre d'opération. Dans les prisons, ce sont
généralement les soldats, ou les engagés sans grande
expérience, qui sont les plus susceptibles de mal agir et de porter
atteinte aux Droits de l'Homme. Cependant, le fait que les hommes des SMP aient
une plus grande expérience peut signifier que s'ils sont moins enclins
à commettre des exactions pour se distraire, il est probable qu'ils
soient
38. Cf. la liste de ces SMP en Irak disponible sur
http://www.pscai.org/pscmembers.html,
site de l'association des SMP engagées dans ce conflit.
Visité le 15 novembre 2006.
plus rudes que des jeunes soldats dans un contexte de
recherche de renseignement, ou d'interrogatoire. Mais ce peut être un
calcul de la part d'un Etat que de se dire qu'ils seront peut être aussi
plus discrets, plus prudents dans leurs rapports avec les médias...
Après donc avoir vu ce que nous devions penser et
retirer de l'essai britannique et de la réflexion que doivent mener,
à leurs niveaux puis ensemble, tous les acteurs de la privatisation, il
nous reste à voir comment nous pouvons interpréter les
phénomènes de privatisation de la sécurité, dans
quel cadre plus général nous pouvons les replacer, afin de leur
donner un sens plus large qu'une simple évolution économique des
fonctions de Défense.
3. Privatiser la Sécurité, Privatiser
l'Etat ?
La privatisation de la sécurité semble donc nous
amener vers une autre réflexion : une telle privatisation semble
être une partie mineure d'un phénomène plus large,
regroupant tous les secteurs des prérogatives étatiques. Bien que
la privatisation concerne tous les domaines des activités de l'Etat,
comme la santé, l' éducation, les transports, et bien sûr
la Défense, nous restons néanmoins focalisés sur le
secteur de la sécurité. Le phénomène de la
privatisation et de l' externalisation mérite que l' on se penche sur
trois aspects de la sécurité entendue comme prérogative de
l'Etat, et sur trois problèmes : c'est à dire l'extension du
domaine étatique, la dilution de la responsabilité et enfin la
question de savoir si l'Etat démissionne, ou s'il se réforme et
s'adapte à un monde en mutation.
a) l 'extension du domaine étatique.
Il semble important de reconsidérer le mécanisme
de la privatisation sous un angle différent. En effet, outre l'
importance des transformations techniques et la globalisation des modes de
production économique majoritairement fondés sur le
marché, le XX° siècle remet en cause les structures
étatiques de régulation, obligeant les Etats à les
renouveler, à la fois seuls et en coopération entre eux. A cela
s' ajoutent les changements dans la technique, dans la manière de vivre
des gens et dans les mentalités. Mais ces
changements dans la vie quotidienne, dans les idées
philosophiques et politiques se traduisent par une augmentation du domaine
étatique. L'Etat ne prends pas plus de place qu'avant, mais son domaine
s'agrandit sans cesse : il occupe plus d'espace qu'autrefois dans les domaines
de la géographie, de la politique, de l'économie, dans ses
domaines d'action...
L'Etat ne se cantonne plus aujourd'hui à ses simples
frontières et ses habitants, et la zone de son influence ne cesse
d'augmenter. << La doctrine s'accorde pour considérer qu'un
État n'existe au sens du droit international public qu'à la
condition de posséder trois éléments constitutifs : un
espace territorial, la présence sur ce territoire d'une population, et
leur gestion effective par des pouvoirs publics constitués. Lorsque ces
trois éléments sont réunis, cela suffit en principe pour
que l'État puisse être reconnu comme entité souveraine par
les autres Etats et accepté comme interlocuteur dans les relations
internationales.>> 39
Il nous semble que cette définition ne soit pas une
définition suffisante, au sens où elle ne prend en compte que le
minimum constitutif de l'Etat. Il faudrait ajouter que dans le monde actuel,
l'Etat qui << gère effectivement son territoire et sa population
>> doit protéger ses intérêts et ceux de sa
population à l' étranger. Il lui faut prendre en compte les
intérêts de son économie, même à
l'extérieur de son territoire (accords marchands, accords
monétaires...), son espace géographique s'élargit sans
cesse : métropole, outremer, et maintenant l'espace aussi joue un
rôle (communication, météo, armement ...). Au vu de cet
élargissement sans fin de ce qui constitue un Etat, la privatisation
peut alors se concevoir comme une aide, comme un additif à la gestion de
l'Etat.
Territoire : National, International, Espace,...
Population : en métropole et à
l'étranger.
Gouvernement : Elus, représentants...
Economie : Nationale, Internationale, Communautaire (euro)...
Politique : Intérieure, Etrangère, Commune (OTAN,
ONU...)
Domaines : Santé, Education, Défense &
Sécurité...
E
T
A
T
39. Lexique de Droit International Public, Jean Paul
Pancracio, Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, Centre de Recherche
des Ecoles de Coëtquidan, 2003.
Loin d'être exhaustif, un tel schéma nous sert
juste à montrer l'étendue du domaine étatique, et donc par
là même des difficultés qu'il rencontre pour assurer le
meilleur service possible à sa population.
L'extension du domaine étatique provoque un autre
problème dans les prestations que l' Etat doit fournir à ses
membres : la responsabilité se dilue, à notre avis, à
mesure que les frontières de son domaine s'étendent. Pour des
Etats occidentaux, démocratiques, si le nombre de questions qui
dépendent d'un Etat augmente, leur capacité à influencer
directement sur ces dernières diminue. Il en va de même pour le
domaine de la Défense : les engagements nombreux des forces
armées, lointains géographiquement et très
fréquents font que l'Etat risque de perdre une partie de son
contrôle sur ces affaires militaires. A plus forte raison s'il
externalise ou s'il emploie des SMP. Nous arrivons ici à la
croisée des chemins de deux conceptions politiques de l'Etat. Pour
certains, l'Etat est mort et la mondialisation des échanges
(économie, politique internationale) et des idées
(démocratie, liberté politique, etc.) les poussent à
s'affirmer en faveur d'une conception mondiale de l'Etat. En revanche, d'autres
considèrent que si l'Etat n'est pas encore mort, il doit s'adapter
rapidement au monde actuel, et se transformer en structure plus vaste,
généralement de type fédérale. Il est possible d'
ailleurs de voir dans l' Union Européenne et dans des structures comme
celles de l'ONU le point de départ de ces mutations. Lorsque Bruxelles
décide à la place de Paris, le pas est franchi. Notre position
par rapport à ces deux conceptions de l'Etat à l'heure actuelle
est la suivante : Nous ne pouvons croire à la mort de l'Etat, mais
affirmons son besoin de « modernisation ». Il ne s'agit pas pour
l'Etat de s'effacer au profit d' une structure supranationale, mais d'
envisager le recours à des structures qui lui sont supérieures,
afin de mieux répondre à ses besoins, de trouver en elles des
éléments de réflexions, et des organes de contrôles
pour les nouveaux phénomènes comme ceux de l'externalisation et
de la privatisation.
Dès lors, externaliser pour l'Etat est bien une
possibilité qu'il doit envisager ; ne pas le faire serait contraire
à ses devoirs, tout du moins à l' obligation qu'a l'Etat de tout
envisager pour choisir la meilleure option. Cependant, dogmatiser
l'externalisation, la sous-traitance ou le recours aux SMP peut être
interprété comme la fin d'un monde dans lequel l'Etat tenait une
véritable place de commandement et d'exécution.
Ce sujet s'inscrit donc bien dans une vaste discussion entre
deux courants de pensée, séparées par leurs positions
quand à leur conception du rôle de l'Etat. Certains pensent que
l'Etat doit intervenir, de manière plus ou moins importante dans un
nombre de domaines plus ou moins grand. Cette théorie est celle de la
majorité des démocrates, terme accepté dans le sens large,
car être de droite ou de gauche ici n'a aucune importance. Le
critère ici à retenir est celui de la position que l'on tient
concernant l'implication de l'Etat dans la gestion de la société.
L'autre courant de pensée est celui des libéraux, qui pensent que
l'Etat doit diminuer et réduire au strict minimum son implication dans
la vie collective des citoyens. La privatisation et l'externalisation se
trouvent donc être au coeur du débat opposants les
ultra-libéraux aux conservateurs du point de vue de la fonction que
l'Etat doit remplir.
b) La dilution de la responsabilité étatique
par le processus de privatisation et d'externalisation.
L'idée même de décentraliser, de
privatiser des fonctions étatiques comporte un risque majeur : celui de
perdre, dans un processus de transfert de compétences, l'idée de
responsabilité de l' Etat. Si l' Etat demeure toujours à l'
origine des décisions mais qu' il ne s'occupe pas de leur
réalisation, il dilue par cela sa responsabiité, et amoindrit
alors son importance, son poids tant vis à vis de sa communauté
que des autres pays. Que penser alors d'un Etat qui s'affaiblit volontairement
?
Par ailleurs, est-il moralement acceptable que l' Etat traite
la Défense et la sécurité comme des marchandises ? Est-ce
une déviance acceptable ? Si l'Etat externalise, ou emploie des SMP, la
tentation est grande alors pour lui de faire de la sécurité un
bien, une marchandise à valeur commerciale. Lorsque le donneur d'ordre
n'est pas la même personne que l'exécutant, les risques de
déviance par rapport au but originel augmentent. L'objectif du donneur
d'ordre peut être correctement interprété ou non, toujours
est-il que l'objectif de l'exécutant est d'obéir au donneur
d'ordre. Que se passe-t-il en cas de dissociation des volontés, des
moyens, des questions d' ordre moral ou éthique, des
responsabilités ? L'Etat peut trop facilement fuir ses
responsabilités, et l'exécutant se décharger des siennes
sur l'Etat. Comment traiter des affaires comme celles d'Abou Ghraib, si des SMP
étaient impliquées ? Qui serait tenu pour responsable
par l'opinion publique, par la communauté
internationale, ou les tribunaux chargés de juger de tels actes ? Il est
probable que l'Etat ne serait pas inquiété outre mesure au regard
des accusations dont les exécutants auraient à répondre.
Pareillement, les responsabilités de l'Etat ne sont pas pleines
dès lors qu'il y a des intermédiaires : nous avons
étudiés le cas des hôpitaux militaires en Grande-Bretagne,
peut on raisonnablement incriminer les << contractors >>
pour le fait que des soldats britanniques soient soignés dans des salles
communes ? Non, et c'est au gouvernement britannique de prendre ses
responsabilités, de les assumer et de réparer ses fautes, ses
manquements à ce qu'il doit à ses propres soldats, qui demeurent
cependant toujours le bras armé de sa propre volonté.
Ne s' écarte-t-on pas alors de ce que doit être,
idéalement pour le moins, le rôle de l'Etat et de ses
représentants: assurer à ses membres paix et
sécurité ? Nous n'affirmons pas que tel est toujours le cas, mais
il est des choses surprenantes que nous avons vues lors de nos recherches : les
exemples de M. Dick Cheney aux Etats-Unis d'Amérique et de sir Malcolm
Rifkind en Grande-Bretagne sont là pour nous rappeler que ces liens
entre politique et << business >> se
généralisent, à l'image du secteur de la privatisation et
de l' externalisation.
Le problème de dilution des responsabilités
vient du fait que certains Etats font d'un droit un bien que l'on marchande.
L'article Trois de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948,
adopté par l'Assemblée Générale de l'ONU dans sa
résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, stipule que <<
tout individu a droit à la vie, à la liberté et
à la sûreté de sa personne. >> 40
Ainsi donc, si les Etats n' assurent plus eux-mêmes et directement leur
rôle, il est possible de se demander si nous n'assistons pas à la
faillite de l'Etat, à sa démission, au regard des engagements
pris précédemment.
c) Démission ou adaptation de l 'Etat ?
Cette dernière sous partie nous place donc face
à une alternative : faut-il considérer la tendance qu' ont les
Etats à privatiser, à externaliser leurs services de
Défense et de sécurité comme une démission des
fonctions régaliennes ou comme une transformation naturelle en rapport
avec l'époque dans laquelle nous vivons ?
40 . Droits de l'Homme de 1948, adoptée à
l'Assemblée Générale de l'ONU le 10 décembre 1948,
disponible sur
http://www.justice.gouv.fr/textfond/dudh1948.htm,
visité le 18 novembre 2006.
Dans son discours de Bayeux de 1952, le président
Charles De Gaulle a fait cette déclaration : « la Défense,
c'est la première raison d'être de l'Etat. Il n'y peut manquer
sans se détruire lui même. » Un demi-siècle plus tard,
cette affirmation est toujours d'actualité. Nous pouvons en effet
considérer que la privatisation et l'externalisation sont des
phénomènes par lesquels l'Etat se désengage de ses
obligations, de ses responsabilités face au peuple dont il a la charge.
Dans un Etat démocratique, le vote exprimé par un citoyen
reflète la confiance qu'à ce dernier dans une personne, dans un
gouvernement, et lui confère un pouvoir afin de s'occuper de la
collectivité : l'Etat reçoit les pleins pouvoirs de ses citoyens
dans les domaines politiques, économiques de la vie collective. Un
citoyen ayant voté s'attend naturellement à ce que l'Etat lui
apporte ce qu'il ne peut obtenir seul : un système dans lequel il pourra
satisfaire ses demandes, qu'il juge légitimes, dans le domaine de la
Santé, de l'Education, de la Défense. Le citoyen exige que l'
Etat lui rende service, tout comme lui s' acquitte des devoirs de l'Etat :
impôts, taxes, et autrefois service militaire. Cependant, l'
externalisation, mais surtout la privatisation, peuvent se comprendre comme des
fuites en avant de la part de l'Etat. Décidant de s'acquitter de son
devoir d'assurer la sécurité et la Défense de ce qui le
constitue (territoire, population et gouvernement), l'Etat confie cette
tâche à une autre entité. Ce qui peut se comprendre au
regard du principe de subsidiarité : le principe de subsidiarité
est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité
d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, doit être
allouée à la plus petite entité capable de résoudre
le problème d'elle-même. Il va de pair avec le principe de
suppléance, qui veut que quand les problèmes excèdent les
capacités d'une petite entité, l'échelon supérieur
a alors le devoir de la soutenir, dans les limites du principe de
subsidiarité. C'est donc le souci de veiller à ne pas faire
à un niveau plus élevé ce qui peut l'être avec
autant d'efficacité à une échelle plus faible,
c'est-à-dire la recherche du niveau pertinent d'action publique. La
signification du mot latin d'origine (subsidiarii : troupe de
réserve, subsidium : réserve, recours, appuis)
reflète bien ce double mouvement, à la fois de nonintervention
(subsidiarité) et de capacité d'intervention (suppléance).
Trouvant son origine dans la doctrine sociale de l'Église catholique
(par l'encyclique Rerum Novarum, du Pape Léon XIII,
publiée en 1891) il est devenu un des mots d'ordre de l'Union
européenne. Ce principe de subsidiarité est clairement inscrit
tant dans le Droit que dans le Discours européen. La mise en application
et le contrôle de la mise en
oeuvre de ce principe de subsidiarité sont en revanche
des questions légitimes, mais ouvertes à ce jour. Il est
toutefois permis de se demander si un secteur étatique aussi important
que la Défense et la sécurité peut être, ne
serait-ce que partiellement, soumis au principe de subsidiarité. De
plus, l'application du principe de subsidiarité implique que les
échelons supérieurs à celui qui traite le problème
ne sont plus à même de le résoudre, car ils perdent leur
savoir faire et leur compétence. Ce qui signifie que si l' on
désire, après avoir appliqué le principe de sub
sidiarité trop longtemps, mettre en place le principe de
suppléance, les organes chargées de ce principe n' en seront plus
capable, ce que nous avons déjà étudié.
Il est donc possible de considérer que les tendances
qu'ont les Etats à se tourner vers le secteur privé afin de
remplir leurs obligations vis à vis de leurs populations est une
démission, et pourrait être le début de la fin de l'Etat.
Au même titre que M. Francis Fukuyama considère que la fin de
l'histoire commence avec la victoire de l'idéologie démocratique,
peut-on considérer que la fin de l'Etat commence avec la privatisation ?
Que nous reste-t-il alors ? L'Etat, tout du moins son concept sous sa forme
actuelle, s'achève mais il faudra nécessairement qu'il soit
remplacé, ou que l'on lui trouve un substitut. En nous rappelant la
thèse émise par Alexandre Kojève selon laquelle
Napoléon passant sous la fenêtre de Hegel en 1806 constitue le
terme de l' Histoire, il nous est impossible de nous montrer catégorique
quand à la fin de l'Etat.
Nous devons alors chercher plus vers une transformation de
l'appareil étatique, de sa manière de fonctionner. Max Weber
définissait l'Etat par le monopole de la violence légitime. Si
l'on est bien conscient que ce n'est plus le cas aujourd'hui, faut-il y voir
nécessairement la fin d'un monde, celui de l'Etat ? Ne faut-il pas se
poser plutôt la question de voir ici une conception réaliste de
nos systèmes politiques, dans lequel la force de l'Etat réside
dans le fait qu'il s'adapte ? Le rôle de l'Etat, encore une fois, est de
réagir de manière efficace aux attentes de la population dont il
a la charge, pas de correspondre à l'idée que l'on peut s'en
faire. Si la tendance actuelle du monde fait que l'Etat éprouve le
besoin ou la nécessité de sous traiter au secteur privé ce
qui lui incombe, cela ne signifie pas nécessairement que l'Etat se
privatise et que l'on assiste par cela à sa fin. L'Etat n'a jamais
été figé, et l'histoire politique ainsi que l'étude
des relations internationales nous le montrent bien. Des premiers Etats de
l'époque gréco-
romaine aux Etats de l'Europe de la paix de Westphalie, puis
à ceux de la Révolution française, l'Etat au travers des
siècles n'a jamais été le même. Il connaît lui
aussi un polymorphisme institutionnel ou politique : aujourd'hui, les
Etats-nations se déclinent en toute une variété de
modèles institutionnels et politiques, chacun définissant sa
forme de gouvernance (fédéral, unitaire, présidentiel,
parlementaire, constitutionnel, démocrate, dictatorial, etc.).
Dans tous les cas, l'Etat remplit cependant certaines
fonctions, et c'est ici que la thèse de Léon Duguit (1859 - 1928)
nous est d'un grand intérêt, et le fait que ces idées
soient centenaires n' enlèvent rien à leur intérêts,
bien au contraire même. Pour lui, l'État n'est
caractérisé ni par la souveraineté, ni par son
identification à un ordre juridique. L'État n'est qu'une coquile
vide, il n'a pas de personnalité, ne peut disposer de droits subjectifs
et ne saurait être en mesure d' imposer quoi que ce soit à qui que
ce soit. L'État est donc une coquille vide derrière laquelle se
cachent des gouvernants, or rien ne garantit que ces gouvernants accepteront de
limiter leur puissance pour touj ours et continueront à se soumettre au
droit (nous retrouvons ici nos développements sur les
intérêts croisés entre le secteur privé et les
gouvernants). Ce qui justifie, selon Léon Duguit, l'existence de
l'État, c'est le service public. L'État est en effet selon lui
l'expression de la solidarité sociale. Les hommes, regroupés en
sociétés, sont devenus de plus en plus interdépendants.
Cette interdépendance a été accompagnée de la
création de normes, et pour faire respecter ces normes, des dirigeants
ont émergé afin de les faire respecter. Mais ces dirigeants ne
restent dirigeants qu'aussi longtemps qu'ils continuent à se
dévouer à la société et à l'organisation de
la solidarité sociale au moyen du service public. Pour Léon
Duguit, l'État n'est alors que l'émanation de la
société et non pas la conséquence d'une quelconque
souveraineté de l'État ou d'un ordre juridique
préexistant. « La solidarité sociale au moyen du service
public... » Voilà le véritable enjeu de notre
discussion, car cette solidarité sociale englobe tous les domaines de
l'Etat : Défense, éducation, santé, transports... Autant
de domaines largement externalisés et privatisés en
Grande-Bretagne ; autant de domaines sujets là-bas à quelques
problèmes.
La tendance étudiée ici trouve son aboutissement
idéologique dans le mouvement minarchique, dont les ardents
théoriciens sont des penseurs politiques comme David
Friedman ou les penseurs du mouvement libertarien comme Robert
Nozick ou Murray Rothbard.
Les termes de << minarchisme >> et de <<
minarchie >>, qui datent du début des années 1970, sont des
équivalents français des mots anglais << minarchism
» et << minarchy ». Le minarchisme est une
théorie politique appelant de ses voeux un État minimum (ou
État minimal), réduit dans de strictes limites de
légitimité. Le minarchisme est une version extrême du
mouvement libertarien, dans lequel l'Etat étant
caractérisé comme un monopole de la violence, ses
prérogatives légitimes sont souvent identifiées aux seuls
domaines où la violence est justifiée, les << fonctions
régaliennes >> de l'État : le maintien de l'ordre, la
justice, la Défense du territoire. On parle alors d'État
gendarme. Parfois, les minarchistes assignent aussi à l'État des
infrastructures qu'ils jugent essentielles, comme par exemple la santé
ou l' éducation.
Le minarchisme, appelant à une limitation de
l'État, est donc une variante du libéralisme et s'oppose
dès lors à l'étatisme. Au sein du libéralisme, on
lui opposera l'anarcho-capitalisme. En marge intellectuelle du minarchisme
(mais avec une assise politique bien plus étendue), on peut trouver des
sociaux démocrates, et des néoconservateurs, qui ont une vision
très proactive du maintien de l'ordre par l'État. Les
thèses de David Friedman sont à cet égard
intéressantes, en particulier à travers son premier ouvrage,
Vers une société sans État (1973). David Friedman
cherche à démontrer non seulement la faisabilité pratique,
mais aussi la désirabilité d'une société
fonctionnant sans le moindre Etat, défini comme une agence de type
gouvernementale bénéficiant d'un monopole de la violence
légale et parfois de divers autres droits exclusifs. Il s'attache donc
à déterminer les conditions pratiques d'existence d'une telle
société. Il défend ainsi la privatisation de fonctions
régaliennes comme la justice, la police ou la monnaie. Il aborde
également la question des services publics dans une économie
libertarienne, c'est à dire que ces services ne sont pas de la
responsabilité de l'Etat.
En résumé, les partisans du maintien de la
sécurité et de la Défense au sein des prérogatives
de l'Etat sont des minarchistes, tandis que ceux qui soutiennent la
privatisation de ces fonctions sont des ultra-libéraux. A titre
personnel, nous ne prenons pas part à ce débat, mais tenons juste
à rappeler que l'une comme l'autre de ces positions, restent des formes
idéologiques de l' extrémisme politique ; et à ce titre,
la plus grande prudence doit être observée.
CONCLUSION GENERALE.
Les changements conséquents de la Guerre Froide, et
l'apparition de la « Global War on Terror » semblent rendre
les prestations des forces armées occidentales plus délicates.
Les prestations étatiques du domaine de la Défense sont
aujourd'hui parfois remplies par des acteurs qui ne sont pas des Etats. Nous
avons vu que la Grande-Bretagne, à la suite des Etats-Unis
d'Amérique, s' inscrit très largement dans cette voie nouvelle.
Notre conclusion s'articulera en trois mouvements : nous reprendrons les
éléments principaux de notre étude, nous ferons ensuite
des recommandations fondées sur l'expérience de plusieurs mois de
travail et nous présenterons ensuite une matrice et son principe
permettant de mieux saisir les enjeux de l'externalisation et de la
privatisation.
Suite à un héritage particulier dans le domaine
politique et culturel, le gouvernement britannique depuis 1992 s'engage sans
cesse dans la privatisation. Retenons bien que le phénomène de
privatisation comprend deux aspects différents participants du
même principe. Nous avons d'une part l'externalisation, qui consiste pour
un gouvernement à sous-traiter certaines fonctions exercées
auparavant par ses forces armées, comme le transport, l'alimentation,
l'instruction, les soins des blessés, etc. L'externalisation peut aller
jusqu'à concerner des activités véritablement militaires,
comme le soutien en opérations extérieures, la gestion de flotte
de satellites ou d'avions ravitailleurs et de transport, l' analyse et la
gestion d' opérations, tâches confiées à des
entreprises du secteur privé, et que remplissent donc des travailleurs
civils. Si le secteur anglais de l' externalisation est fortement
développé, les critiques qui lui sont adressées ne le sont
pas moins. L'externalisation pose en effet un certain nombre de
problèmes, liés à la manière dont se fait
l'externalisation (est-ce bien moral, n'allons-nous pas un peu trop vite et
trop loin ?), liés aux secteurs qu'elle concerne (activités
militaires, traditionnellement dévolues aux Etats), et aux risques
qu'elle génère (rentabilité limitée,
problème éthiques et moraux, inquiétude juridique...).
D'autre part, la Grande-Bretagne s'investit aussi dans le
phénomène de la privatisation pure, qui consiste à
autoriser des SMP à fournir des services militaires aux Etats ou
à la communauté internationale. Ces sociétés se
proposent de remplacer les forces armées dans la conduite d'
opérations
militaires, dans la délivrance de services de
sécurité et de Défense. Ici également, au
delà du marché économique florissant (100 milliards de
dollars par an, chiffre qui devrait doubler en 10 ans), le
phénomène fait face à de nombreux problèmes.
Comment réglementer ces activités ? Comment concilier
efficacité et morale ? Autant de questions délicates, que le
Green Paper britannique de 2002 soulève, et dont les solutions
proposées se heurtent à l'instabilité d'un secteur en
permanente mutation, à un possible double-jeu des acteurs de la
privatisation, et enfin à l'ardeur de la tâche : entreprendre un
contrôle strict sur les activités et les sociétés
privées de par le monde. Ainsi, la vertu de l' exemple britannique de la
privatisation et de l' externalisation est peut être à chercher
dans le fait que la Grande-Bretagne nous montre par son exemple ce qui
fonctionne et ce qui dérange. Aux autres pays, principalement
européens, de s'inspirer de l'exemple du Royaume-Uni avant de se lancer
dans l'entreprise d'une privatisation massive. Nous nous trouvons par ailleurs
avec cet exemple face à un débat politique. Comment
interpréter l'externalisation de certaines fonctions régaliennes
de l'Etat ? Estce à considérer comme une adaptation, une
évolution destinée à augmenter la
compétitivité de l'Etat, ou bien comme une démission, un
renoncement de la part de l'Etat à des prérogatives que les
citoyens lui concèdent ? La privatisation dans tous ses aspects ne
serait-elle donc pas la partie la plus visible d'une évolution, ou d'une
révolution, dans notre manière de concevoir l' Etat et son
rôle dans la société civile ?
Ne pourrait-on pas dire, à l' imitation de Kofi Anna,
que nos société ne sont peut être pas prêtes pour
privatiser l' Etat ?
Ainsi donc, avant de conclure définitivement notre
travail, nous tenons à lui donner une orientation pratique, ce qui
permettrait à ceux qui le désirent de continuer notre
réflexion. Nous proposons donc quelques recommandations, que plusieurs
mois de travail justifient. Ces recommandations pourraient constituer des
« règles » à respecter lors de toute réflexion
concernant la privatisation et l' externalisation.
La première d'entre elles se trouve dans le fait
qu'il ne faut en aucune manière se focaliser
uniquement sur l'épargne financière que pourraient
permettre l'externalisation ou la privatisation de fonctions militaires. Il est
dangereux de ne voir dans ces phénomènes d'externalisation que
l'aspect économique, tout comme il est illusoire de croire fermement que
l' externalisation permet de réaliser des économies
substantielles. Il s'agit donc pour quiconque
s'intéresse à ce sujet de considérer l'externalisation et
la privatisation comme des outils à double tranchant. Les gains
apportés par la privatisation ont une contrepartie trop souvent
négligée, comme nous l'avons vu pour les services de santé
dans l'armée britannique.
La deuxième recommandation que nous nous autorisons
à faire fait écho à la tentative britannique. Il
ne faut aucunement chercher à imiter, mais à innover.
Les britanniques n'ont pas cherché à imiter les
Etats-Unis d'Amérique, ils ont innové par la PFI, par le PPP
généralisé. De même, ne cherchons pas, dans
l'Armée Française en particulier, et au niveau de l'Etat en
général, à imiter nos voisins d'outre-manche. Il s' agit,
en respectant ce qui fait notre spécificité historique,
culturelle, politique, de trouver notre propre voie dans ce domaine de
l'externalisation. Le sentiment qui nous anime ne doit pas être une
banale concurrence avec la Grande-Bretagne, mais bien la quête d'un
mieux. D'un mieux qui nous serait propre, et qui ne satisferait que nous.
Une dernière recommandation nous semble importante.
La privatisation, comme l'externalisation, doivent faire l'objet de
réflexions communes. Les communautés
interétatiques doivent communiquer en leur sein sur le sujet. A l'heure
d'une certaine forme de mondialisation des échanges, d'une augmentation
du domaine commun, les relations internationales ne peuvent faire l'impasse sur
un tel sujet. Peu importe la forme que prendra cette réflexion
collective, internationale ; il s'agit juste de mettre en commun des
idées et d'agir en conséquence, ou la face du monde pourrait
changer.
Afin de mettre en pratique ces recommandations, nous avons
construit deux outils de travail. Il s'agit d'abord d'une matrice qui permet
d'analyser le bien fondé d'un recours à l'externalisation ou
à la privatisation d'un service au regard des gains apportés au
niveau économique et des pertes engendrés dans le domaine de l'
intangible, de ses effets indésirables ; le tout à l'image de la
matrice inventée par le Boston Consulting Group dans les années
1970. Ainsi, placer un service quelconque dans ce diagramme permet de savoir si
une telle démarche est intéressante ou non, et une telle grille
de lecture peut permettre de saisir en un coup d'oeil la viabiité d'un
service externalisé ou privatisé. Il ne s'agit pas de
révolutionner la manière de concevoir ou de réaliser la
privatisation, mais bien de simplifier le problème du processus de prise
de décision. Ce diagramme se trouve en Annexe VI. L'intérêt
de cette matrice est de
permettre au décideur, dans notre cas à un chef
de corps ou un chef de service dans l'armée de saisir les enjeux de la
privatisation. Il suffit de lister les activités que le décideur
doit fournir, de les placer sur le diagramme. En clair apparaissent alors les
domaines faisant partie du « coeur du métier » militaire, et
ceux qui peuvent être assurés par le secteur civil. Dans tous les
cas cette matrice est adaptable, il est possible de changer les
critères, de mettre en abscisse le coût d' un service et en
ordonnée le nombre d'hommes pour le réaliser. On peut donc alors
avoir un élément de comparaison avec le secteur civil, ou voir
quels sont les postes qui mobiisent le plus de personnes.
Le second outil de travail est un diagramme mettant en forme
les différentes questions qu'il faut se poser avant d'engager un
processus d'externalisation ou de privatisation. Conçu comme une aide
pour celui qui doit décider, cet organigramme, disponible en Annexe VII,
constitue en quelque sorte un aide-mémoire, qui repose sur une
série de questions et de conduite à tenir en fonction de leurs
réponses. Il traite des trois aspects que nous voyons dans tout
phénomène de privatisation et d' externalisation : la
décision préalable, suivant les études ; le transfert au
secteur public ; et enfin le contrôle et le retour d'expérience.
Le diagramme présenté ici peut être certainement
amélioré, mais s' il devient trop complexe, il perdrait de son
utilité, car il doit cibler le coeur des problèmes.
Ainsi, nous présentons deux outils afin de donner
à nos recherches une portée matérielle. Ces deux outils
nous ont manqués dans notre étude, c'est pourquoi nous nous
sommes efforcés de les créer. Cependant, leurs limites sont assez
visibles : le placement d' une activité et l' évaluation des
critères restent assez largement subjectifs ; une fois de plus, il
s'agit de considérer toutes les options possibles, et de choisir celle
avec laquelle on se trouve être en accord.
Bibliographie
I. Sources
1. Sources françaises.
a) Articles de presse.
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Sociétés Militaires Privées à la Française
>>,
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49-66.
CONESA Pierre, << Les Ravages d'une Guerre Arbitraire,
Modernes Mercenaires de la Sécurité, >>
in Le Monde Diplomatique, avril 2003, p. 22 et 23.
DOMINGUEZ François et VIGNAUX Barbara, << Zones
grises entre public et privé, la nébuleuse des mercenaires
français.>>,
in Le Monde Diplomatique, août 2003, p. 4-5.
LECLUYSE Eric, << Grande-Bretagne, la privatisation de la
guerre en question >>, L'Express du 31 octobre 2006.
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Monde >>, in Le Monde Diplomatique, novembre 2004, pp. 24 &
25.
b) Ouvrages.
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droit objectif et la loi positive », Paris, Ed. A. Fontemoing, 1901,
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État », (1973), Paris, Les Belles-Lettres, 1992.
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Privées, la privatisation de la violence armée >>,
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stratégiques 36-37, CIRPES, 2004, 293 p.
c) Sources officielles.
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répression de l'activité mercenaire, Journal Officiel
n° 89 du 15 avril 2003, p. 6636.
Disponible sur :
http://www.legifrance.gouv.fr
DASSEUX Michel, député, << Rapport
d'Information déposé par la Commission de la Défense
Nationale et des Forces Armées, sur l'Externalisation de certaines
tâches relevant du Ministère de la Défense >>, 12
février 2002.
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l'Armée Britannique, Quels enseignements pour la France ? >>,
Paris, La Documentation Française, octobre 2004, 154 p.
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Défense.
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Militaires Privées à l'Heure de l'Externalisation >>,
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Défense, n° 34, p 11 à 15, 2004.
FARTEK Gilles (CDT), << Mercenariat : Vers une
Privatisation des Conflits ? >>, in La Tribune du Collège
Interarmées de Défense, n°27.
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Opérationnelles et de Soutien : une Boîte de Pandore ?
>>,
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Défense, n°28.
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KOHN Philippe, (LCL), Officier de Liaison Terre / ALAT à
Middle Wallop, << L'Externalisation de la Formation dans l'Army Aviation
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des Ecoles de Coëtquidan, 2003.
2. Sources britanniques. a) Articles.
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in International Peacekeeping, Vol. 8, N° 1,
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N° 63, RUSI, London, September 2004
b) Ouvrages.
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c) Sources officielles.
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http://www.fco.gov.uk/Files/kfile/mercenaries,0.pdf
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http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200102/cmselect/cmfaff/922/922.pdf
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appointed to inquire into the Recruitment of Mercenaries», also known
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August 1976.
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Her Majesty's Treasury, London, Her Majesty's Stationery Office, March
2006.
«PFI Procurement Process Guidance Note», document de
travail du MoD, February 2006 ; disponible sur
http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/13454ABA-FC75-4723-8C5BDDA80
15B0058/0/pfupfi_proc_process_guide_note.pdf
«UK Defence Statistics»,
Rapport annuel des statistiques de la Défense, Ministry of
Defence, 2005.
«Defence Industrial Policy»,
Ministry of Defence Policy Paper, No 5, Ministry of Defence,
London, 2002.
«MoD Annual Report and Accounts»,
MoD, Her Majesty's Stationery Office, London, July,
14th 2006.
d) Autres
«Picking Up the Pieces of Conflict»
Reportage de la série «Real Story» du 22
novembre 2006, BBC One. Cf.
http://news.bbc.co.uk/1/hi/programmes/real
story/6 135286.stm
Journal Télévisé de France 2, 14 novembre
2006, édition de 20 heures. Dossier de la Rédaction, les
Sociétés Militaires Privées.
3. Sources internationales.
CHARTE DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES,
En 1945, les représentants de 50 pays à la
Conférence des Nations Unies sur l'organisation internationale se sont
rencontrés à San Francisco pour élaborer la Charte des
Nations Unies. Ils prirent pour base de leurs travaux les propositions
rédigées entre août et octobre 1944 à Dumbarton Oaks
(Etats-Unis) par les représentants de la Chine, des Etats-Unis, du
Royaume-Uni et de l'URSS. La Charte fut signée le 26 juin 1945 par les
représentants des 50 pays; la Pologne, qui n'avait pas été
représentée à la Conférence, la signa plus tard,
mais elle fait néanmoins partie des 51 Etats Membres originels.
http://www.un.org/french/aboutun/charte/index.html
DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME
Le 10 décembre 1948, les 58 Etats Membres qui
constituaient alors l'Assemblée générale ont adopté
la Déclaration universelle des droits de l'homme à Paris au
Palais de Chaillot (résolution 217 A (III)). Pour commémorer son
adoption, la journée des droits de l'homme est
célébrée chaque année le 10 décembre. Pour
en savoir plus, lisez la rubrique consacrée à l'histoire de la
Déclaration des droits de l'homme.
http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm
CONVENTION INTERNATIONALE CONTRE LE RECRUTEMENT, L'UTILISATION,
LE FINANCEMENT ET L'INSTRUCTION DES MERCENAIRES.
La Convention de l'ONU du 4 décembre 1989 "contre le
recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires"
considère le mercenariat comme "infraction" (art. 2 et suivants );
ratifiée par 22 Etats, elle est entrée en vigueur le 20 octobre
2001.
http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/530?OpenDocument.
CONVENTION DE L'ORGANISATION DE L'UNITE AFRICAINE SUR
L'ELIMINATION DU MERCENARIAT EN AFRIQUE.
La Convention africaine sur le mercenariat signée
à Libreville le 3 juillet 1977, est entrée en vigueur le 22 avril
1985. C'est un instrument régional important eu égard aux dangers
réels ou supposés que représente le mercenariat pour de
nombreux Etats africains depuis le début de la décolonisation. Ce
texte, adopté moins d'un mois après les Protocoles de 1977
additionnels aux Conventions de Genève de 1949, définit de
manière extensive le mercenaire mais ne contient pas de "clause de
sauvegarde" du Droit International Humanitaire. Le mercenariat n'est pas
considéré par le Protocole I de 1977 comme "infraction grave"
alors que la Convention africaine incrimine le mercenaire et le mercenariat
(art. 1er).
http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/485?OpenDocument.
II. Entretiens et aides reçues.
M. Sami MAKKI,
de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS),
chercheur au CIRPES, Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et
d'Etudes Stratégiques. Entretien le 29 juin 2006, à Paris.
Mme Valérie GIRARD,
Economiste et juriste, détachée au
Ministère de la Défense britannique. Correspondance par mail,
envoi de documents.
M. le lieutenant-colonel KOHN,
Officier de Liaison ALAT à Middle Wallop. Correspondance
par mail, envoi de document.
III. Internet. 1. Au sujet des Hôpitaux
Militaires en Grande-Bretagne.
«Scandal» of soldiers waiting for treatment»,
05/10/2006;
http://www.telegraph.co.uk/opinion/main.jhtml?xml=/opinion/2006/10/05/do0503.xml
MoD pays NHS to speed up care of troops, 05/10/2006;
http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/05/nmod05.xml
«Pledge on wounded made two years ago», 06/10/2006;
http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/06/npledge06.xml
«They put me in a ward with grannies and drug addicts»,
17/10/2006;
http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2006/10/17/nsoldier17.xml
2. Les publications du MoD.
Defence Industrial Strategy,
http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200506/cmselect/cmdfence/824/824.pdf
Rapports Financiers Annuels du MoD,
http://www.mod.uk/DefenceInternet/AboutDefence/CorporatePublications/AnnualRepo
rts/MODAnnualReports0506
<< Using the Contract >>, MoD,
http://www.nao.org.uk/publications/nao
reports/05-06/0506 1047 .pdf
3. Concernant le PPP / la PFI.
PFI Process Guidance Note (Mode d'emploi de la PFI au sein du
MoD),
http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/13454ABA-FC75-4723-8C5BDDA8015B0058/0/pfupfi
proc process guide note.pdf
<< La privatisation de la guerre en question >>,
Eric Lecluyse, L'Express du 3 1/10/2006,
http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=6837
New Finance Model for the new British Embassy,
http://www.britischebotschaft.de/building/more.htm#oak
What are Public Private Partnerships?
http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/1518523.stm
Public private partnerships,
http://www.hm-treasury.gov.uk./documents/public
private partnerships/ppp index.cfm
4. Sociétés, Organisations.
Archives officielles britanniques,
http://www.archive.official-documents.co.uk
Lex Defence,
http://www.lexdefence.co.uk
Air Tanker,
http://www.airtanker.co.uk
British Association of Private Security Companies,
http://www.bapsc.org.uk/default.asp
Eurest Support Services,
http://www.ess-global.com/index.htm
International Peace Operation Association,
http:iipoaonline.org/php
Private Security Companies Association Iraq,
http://www.pscai.org
Sandline International,
http://www.sandline.com/site/index.html
SERCO Group,
http://www.serco.co.uk
War on Want,
http://www.waronwant.org/Corporate+Mercenaries+13275.twl
Liste des Annexes.
Annexe I : Tableau présentant les différents
contrats signés par le MoD au titre de la
PFI ;
Annexe II : Le système « Pay As You Dine
» ;
Annexe III : Code de Conduite de l'International Peace
Operations Association ;
Annexe IV : Convention internationale contre le recrutement,
l'utilisation, le
financement et l'instruction des mercenaires du 4
décembre 1989 ;
Annexe V : Loi française n° 2003-340 du 14 avril
2003, relative à la répression de
l'activité de
mercenaire ;
Annexe VI : Matrice d'aide à la décision dans les
processus d'externalisation et de
privatisation.
Annexe VII : Diagramme d'aide à la décision dans
les processus d'externalisation et de privatisation.
Annexe I,
Tableau présentant les différents
contrats signés par le MoD au titre de la PFI,
Extrait du Ministry of Defence Annual Report and
Accounts,
publié par The Stationery Office le 14 juillet 2006
COMMISSIONING BODY
|
LOCATION
|
DATE OF FINANCIAL CLOSE
|
VALUE (em)
|
DETAILS
|
Germany White Fleet
|
National
|
1-2-96
|
52,0
|
Provision of support vehicles in Germany
|
Storage Facilities
|
National
|
1-4-96
|
21,9
|
Storage of submarine propulsion fuel
|
RAF White Fleet
|
National
|
1-6-96
|
35,0
|
Provision of support vehicles for RAF
|
TAFMIS (IT)
|
National
|
5-8-96
|
41,0
|
Training administration and financial management information
system
|
Material Handling Equipment (MHE)
|
National
|
17-9-96
|
8,0
|
Provision of tri-service material handling equipment for Army,
Navy and RAF storage depots
|
Defence Helicopter Flying School (DHFS)
|
Shawbury
|
1-12-96
|
72,8
|
Provision of helicopter training services
|
Hazardous Stores Information System (HSIS)
|
National
|
27-2-97
|
1,0
|
Provision of a hazardous stores information system across
whole MoD for 10.5 years
|
Electronic Messaging System (Armymail)
|
National
|
24-4-97
|
33,0
|
Project to provide email connectivity between MoD IS networks
|
Defence Fixed Telecommunications Service (DFTS)
|
National
|
1-7-97
|
70,0
|
Telecommunications services, consisting of six services managed
by the Defence Communications Services Agency
|
Medium Support Helicopter Aircrew Training Facility (MSHATF)
|
Benson, Oxon
|
16-10-97
|
114,0
|
Helicopter training facilities
|
Armed Forces Personnel Administration Agency (AFPAA)
|
National
|
13-11-97
|
264,0
|
Project to implement tri-service pay, personnel and pensions
following Betts Review
|
Hawk Simulator
|
Valley, Angelsey
|
19-12-97
|
20,2
|
Provision of Hawk aircrew training simulators to replace existing
facilities
|
Tidworth Water & Sewerage
|
Tidworth
|
1-2-98
|
5,0
|
Provision of water and sewage services to Tidworth Garrison
|
RAF Lossiemouth Family Quarters
|
Lossiemouth
|
1-6-98
|
25,0
|
Redevelopment and reprovision of 279family quarters
|
Joint Services Command and Staff College
|
Swindon
|
5-6-98
|
93,0
|
Command and staff college for all three services, including
construction, IT, furnishing and facilities management
|
RAF Lyneham Sewerage
|
Lyneham, Wilstshire
|
1-7-98
|
4,0
|
Refurbishment of existing facilities to meet regulatory
standards
|
Yeovilton Family Quarters
|
Yeovilton
|
24-7-98
|
8,0
|
Accommodation for 88 aircrew of two Lynx squadrons
|
Attack Helicopters Training - Apache Simulator Training
|
Dishforth; Wattisham; Middle Wallop
|
1-8-98
|
165,0
|
Aircrew training for the Apache Attack Helicopter and some REME
training
|
RAF Mail
|
National
|
1-11-98
|
12,0
|
Informal messaging service for RAF
|
RAF Fylingdales (Power)
|
Fyli ngdales
|
1-12-98
|
8,0
|
Provision of guaranteed power supply to the missile early warning
system
|
Light Aircraft Flying Training (LAFT) (Bulldog)
|
National
|
30-1-99
|
20,0
|
Provision of flying training and support services for University
Air Squadron (UAS) and Air Experience Flight (AEF) tasks
|
RAF Cosford and Shawbury Family Quarters
|
Cosford; Shawbury
|
30-3-99
|
15,0
|
Accommodation for 145 service families
|
NRTA Fire Fighting Training Units
|
Portsmouth
|
1-4-99
|
21,8
|
Provision of fire fighting training facilities for Naval
Recruiting and Training Agency
|
Defence Intelligence System (DIS)/Information System
(Touchstone)
|
National
|
30-6-99
|
5,0
|
Defence Intelligence Service (DIS) IS/IT, media and information
services
|
Tornado GR4 Simulator
|
Marham; Lossiemouth
|
30-6-99
|
54,2
|
Full training package including simulators, CBT and
instructors
|
Central Scotland Family Quarters (HQ)
|
Edinburgh; Glasgow
|
18-8-99
|
24,0
|
Provision of accommodation for service families in Edinburgh and
Glasgow. NOTE: The property portfolio is widely spread and is in a number of
constituencies. Consequently the constituency references are an approximation
only.
|
Army Foundation College (AFC)
|
Harrogate, North Yorkshire
|
4-2-00
|
73,6
|
Design and build of foundation college
|
Main Building Refurbishment
|
Whitehall,London
|
5-5-00
|
345,0
|
Project to redevelop MoD main building and staff decant during
build phase
|
Tri Service Materials Handling Service
|
National
|
31 -5-00
|
35,0
|
Provision of remaining MHE vehicle fleet
|
Naval Communications
|
National
|
1-6-00
|
58,0
|
Submarine fleet communications service
|
Defence Electronic Commerce Service (DECS)
|
National
|
21 -7-00
|
9,0
|
Strategic partnership to deliver e-business environment to share
information between MoD and trading partners.
|
RAF Sentry E3D Aircrew
|
Waddington, Lincs
|
1-8-00
|
5,5
|
Simulators, instructors and maintainers at RAF Waddington
|
Lynx Aircrew Training
|
Middle Wallop
|
1-8-00
|
15,0
|
Provision of aircrew training service at Middle Wallop
|
Defence Animal Centre (DAC)
|
East Midlands
|
18-8-00
|
10,6
|
Redevelopment of new office, residential accommodation, animal
husbandry and training support
|
Tri Service White Fleet
|
National
|
26-1-01
|
40,0
|
Standard commercial vehicles for non-operational functions
|
Commercial Satellite Communication Service - INMARSAT
|
National
|
1-4-01
|
2,5
|
Provision of replacement Inmarset terminals and airtime contract
for RN ships
|
Wattisham Married Quarters
|
Wattisham, nr Bury St Edmonds, Suffolk
|
18-5-01
|
34,0
|
DBFO of serviced accommodation for 250 properties
|
Defence Housing Executive - Information Systems (DOMIS)
|
National
|
7-9-01
|
11,0
|
Provision of IT/ IS infrastructure services to around 200 DHE
sites
|
ASTUTE Class Training Service (ACTS)
|
Scotland
|
13-11-01
|
79,6
|
Provision of a training environment for crewmen and maintainers
to support Astute Class Submarines
|
Bristol, Bath and Portsmouth Family Married Quarters
|
Bristol; Bath; Portsmouth
|
30-11-01
|
78,0
|
Provision of serviced accommodation for 317 service families.
NOTE: The property portfolio is widely spread and is in a number of
constituencies. Consequently the constituency references are an approximation
only.
|
Heavy Equipment Transporters (HET)
|
National
|
11-12-01
|
58,0
|
Provision of vehicles to replace existing fleet and meet future
requirements
|
Marine support to Range & Aircrew Services
|
National
|
20-1 2-01
|
11,9
|
To bring the management,
manning, operation and maintenance of Air Support Craft and Range
Safety Craft into one integrated company
|
Material Handling Equipment (MHE) - (Follow on)
|
National
|
2-5-02
|
12,3
|
Provision of equipment, maintenance, training and IS for MHE
fleet worldwide
|
Strategic Sealift (Ro-Ro Ferries)
|
National
|
1-6-02
|
175,0
|
Provision of Strategic Sealift service based on six RO RO ferries
in support of Joint Rapid Reaction Force
|
Field Electrical Power Supplies (FE PS)
|
National
|
1-7-02
|
73,5
|
Provision of generator sets to support operational electrical
requirements in the field
|
MOD-wide Water and Waste Water Project (Aquatrine) (Package A)
|
National
|
1-4-03
|
154,0
|
Provision of water and waste water services
|
Defence Sixth Form College (DSFC)
|
Garats Hay, Leicestershire
|
10-6-03
|
20,0
|
The development of a 6th Form college to help meet the future
recruiting requirements technical officers for the Armed Forces and the MoD
Civil Service.
|
Hayes PFI Project - Records Storage and Management
|
National
|
18-9-03
|
11,1
|
Pan-government Records Management and Archive Services.
|
Skynet 5
|
National
|
24-1 0-03
|
1079,0
|
Range of satellite services,
including management of existing Skynet 4 satellites.
|
Colchester
|
Colchester, Essex
|
9-2-04
|
539,4
|
Redevelopment, rebuilding and refurbishment of Colchester
Garrison to provide accommodation and associated services (messing, education,
storage workshops etc)
|
Devonport Support Services - ARMADA
|
Devonport
|
6-7-04
|
44,5
|
Provision of Support Services and Fleet Accommodation Centre
services at Devonport Naval Base (HMS Drake) for 25 years.
|
MOD-wide Water and Wastewater (Project Aquatrine) - Package C
|
National/More Than One Region
|
26-6-05
|
174,3
|
Provision of water and wastewater services at over 1 ,500 MOD
sites in GB covering north, east and southeast England.
|
C vehicles
|
National/More Than One Region
|
27-6-05
|
114,4
|
Provision of "C" vehicles (Earthmoving and Specialist Plant.
Engineer Construction Plant and Materials Handling Equipment) and support for
15 years.
|
MOD-wide Water and Wastewater (Project Aq uatrine) - Package B
|
Scotland
|
7-9-04
|
86,4
|
Provision of water and wastewater services at over 490 MOD
sites in Scotland.
|
Portsmouth Housing 2
|
Portsmouth
|
1-10-05
|
27,0
|
Provision of accommodation for service families.
|
Total:
55 PFI contracts in 10 years
Total 4,57 milliards de livres
value : 6,85 milliards d'euros
Annexe II,
Le système « Pay As You
Dine »,
« FOCUS », novembre 2006,
l'équivalent d'Armées d'Aujourd'hui en
Grande-Bretagne.
Annexe III,
Code de Conduite de l'International Peace Operations
Association.
Préambule
Les membres de l'IPOA qui fournissent des services militaires
exercent leur profession avec un profond sens de responsabilité. Ils
sont conscients du grand impact potentiel de leurs services et s'efforcent
d'assurer que leur savoir-faire n'est ni mal employé ni abusé.
Les membres croient que les sociétés privées devraient
être plus responsables, transparentes et franches en ce qui concerne
leurs motifs que les organisations militaires semblables qui sont
gérées par les Etats. Les sociétés croient
fermement que les restrictions et les contrôles rigoureux sont
appropriés dans la prestation de ces services afin qu'ils soient
utiisés au plus grand profit de l'humanité.
Le présent Code de Conduite vise à faire
respecter les normes éthiques par les sociétés membres de
l'IPOA qui travaillent dans les situations de conflit et de post-conflit afin
qu'ils puissent offrir leurs services au profit de la paix internationale et de
la sécurité humaine.
Les membres de l' IPOA ont pris l' engagement de respecter les
principes suivants dans toutes leurs opérations:
1. Des droits de l'homme
1.1. Dans toutes leurs opérations, les signataires
respecteront la dignité de tout être humain et s'
adhéreront strictement à toutes les lois et tous les accords
relevant des droits de l'homme.
1.2. Ils prendront toutes les dispositions utiles pour minimiser
la perte de vies humaines et la destruction des biens.
1.3. Les signataires acceptent de suivre tout règlement
relevant de Droit international humanitaire et de Droit des droits de l'homme
ainsi que tout accord et toute convention internationale, y compris, entre
autres:
1.3.1. La Déclaration universelle des droits de l' homme
(1948) 1.3.2. La Convention de Genève (1949)
1.3.3. Les Protocoles additionnels des Conventions de
Genève (1977) 1.3.4. Le Protocole sur l'usage des armes toxiques et
chimiques (1979)
1.3.5. Les Principes volontaires sur la sécurité et
les droits de l'homme (2000)
2. De la transparence
2.1. Les signataires travailleront avec intégrité,
honnêteté, et équité.
2.2. Les signataires commis dans les opérations de la
paix ou de la stabilité s'engagent, dans la mesure du possible et
conformément aux limitations contractuelles, à être ouverts
et communicatifs avec le Comité International de la Croix Rouge et
d'autres autorités concernées en ce qui concerne la nature de
leurs opérations et tout conflit d'intérêt qui pourrait de
n'importe quelle façon être perçu comme facteur ayant de
l'influence sur les initiatives actuelles ou potentielles.
3. De la responsabilité
3.1. Les signataires comprennent la nature unique de la
situation de conflit ou postconflit dans laquelle ils travaillent, et ils
reconnaissent entièrement l' importance des lignes de
responsabiité nettes et opératives pour assurer les
opérations de paix efficaces et la viabiité de l'industrie
à long terme.
3.2. Les signataires acceptent de répondre
légalement de leurs actions et celles des employés de la
société devant les autorités compétentes. Alors que
les sociétés ellesmêmes devraient sanctionner les petites
infractions, les signataires s' engagent, dans la mesure du possible et
conformément aux limitations contractuelles et légales, à
coopérer pleinement avec les investigations officielles en ce qui
concerne des allégations des violations contractuelles et celles du
Droit humanitaire international et du Droit des droits de l'homme.
3.3. En outre, les signataires s' engagent à prendre des
actions fermes et définitives si les employés de leur
organisation s'adonnent aux activités illégales.
4. Des clients
4.1. Les signataires s'engagent à ne travailler que
pour les gouvernements légitimes et reconnus, les organisations
internationales, les organisations non-gouvernementales et les
sociétés privées légitimes.
4.2. Les signataires n'acceptent pas des clients illégaux
ou ceux qui contrecarrent activement les efforts internationaux pour la
paix.
5. De la sûreté
5.1. En reconnaissant les niveaux de risqué
inhérents aux activités dans les situations de conflit et de
post-conflit, les signataires s' efforceront touj ours à travailler de
façon sûre,
responsable, et prudente, et feront de leur mieux pour assurer
que tout le personnel de la société se tienne à ces
principes.
6. Des employés
6.1. Les signataires s' assurent que tous leurs
employés sont entièrement informés vis-à-vis du
niveau de risque associé à leur travail, ainsi que des
dispositions, des conditions et du contenu de leurs contrats.
6.2. Les signataires promettent d'assurer que leurs
employés sont en bonne santé, et que tous leurs employés
sont bien passés au crible en ce qui concerne les besoins physiques et
mentaux de leurs obligations conformément aux termes de leur contrat.
6.3. Les signataires s'engagent à utiiser le personnel
suffisamment formé et préparé dans toutes leurs
opérations conformément aux normes bien précises de la
société.
6.4. Tout personnel sera examiné soigneusement, bien
formé, encadré et pourvu d' instruction supplémentaire sur
le cadre légal applicable et les sensibilités régionales
dans la zone des opérations.
6.5. Les signataires s'engagent à ce que tous leurs
employés aient un statu légal dans leurs pays respectifs de
citoyenneté ainsi qu'au niveau international.
6.6. Les signataires acceptant d'agir de façon
responsable et éthique vis-à-vis de leurs employés, y
compris s'assurer que les employés sont traités avec respect et
dignité, et de répondre de manière appropriée au
cas où les allégations de mauvaise conduite de la part de
l'employé seraient soulevées.
6.7. Les signataires s'engagent à fournir à
tous les employés la formation, l'équipement, et les
matériaux appropriés et nécessaires pour leurs obligations
selon les dispositions de leur contrat.
6.8. On exige que les employés se comportent humainement,
avec honnêteté, intégrité, objectivité et
diligence.
7. Des assurances
7.1. Les employés locaux et étrangers auront
à leur disposition des polices d'assurances de santé et de vie
proportionnelles à leur salaire et au niveau de risque de leur service
conformément au droit.
8. Du contrôle
8.1. Les signataires approuvent fortement l'utilisation des
contrats détaillés qui précisent le mandat, les
restrictions, les objectifs, les points de références, les
critères pour le retrait et la responsabilité pour l'
opération.
8.2. Dans tous les cas - et compte tenu du retrait
sécurisé du personnel et des autres sous la protection des
signataires - les signataires sont commis à se conformer de façon
professionnelle et dans les meilleurs délais aux requêtes
légitimes du client, y compris le retrait d'une opération
à la demande éventuelle du client ou des autorités
gouvernementales compétentes.
9. De l'éthique
9.1. Les signataires promettent d'aller au-delà des
exigences légales minimales et de soutenir les besoins éthiques
impératifs supplémentaires qui sont nécessaires aux
opérations efficaces relatives à la sécurité et la
paix.
9.2. Des règles
d'engagement
9.2.1. Les signataires qui pourraient éventuellement
s'engager dans des hostilités armées établiront des «
Règles d'engagement » appropriés avec leurs clients avant le
déploiement, et travailleront avec leur client pour toute modification
nécessaire en cas de changement important au niveau de menace et de la
situation politique.
9.2.2. Tous les règlements devraient se conformer au
Droit international humanitaire et au Droit des droits de l'homme et mettre l'
accent sur la bonne retenue et la prudence afin de réduire le nombre de
victimes et les dommages, tout en sauvegardant le droit inhérent d'
auto-Défense.
9.3. Du soutien des organisations internationales
et des ONG/la société civile et la
reconstruction
9.3.1. Les signataires reconnaissent que les services fournis
par les organisations humanitaires sont nécessaires pour mettre fin aux
conflits et pour soulager la souffrance humaine y associée.
9.3.2. Dans la mesure du possible et conformément aux
limitations contractuelles et légales, les signataires s'engagent
à soutenir les efforts des organisations internationales, humanitaires
et les organisations non gouvernementales et d'autres entités qui
oeuvrent à épargner la souffrance humaine et à soutenir
les objectifs de reconstruction et de réconciliation des
opérations de la paix.
9.4. Du Contrôle d'armes
9.4.1. Les signataires qui utilisent les armes promettent
d'accorder une importance capitale en ce qui concerne la responsabiité
et le contrôle de toutes armes et munitions utiisées pendant une
opération.
9.4.2. Ils promettent de soumettre un compte-rendu
authentifié et approprié de ces armes, et de les déclasser
au terme d'un contrat. Les signataires s'abstiennent d'utiliser les armes
illégales, toxiques, ou chimiques ou celles qui pourraient nuire
à la santé à long terme et compliquer l' assainissement
post-conflit et elles se limiteront aux armes appropriées aux
opérations militaires ou celles de sécurité ou de maintien
de l'ordre.
10. De la qualité
10.1. Les signataires s' engagent à assurer la
qualité de leur travail et la satisfaction des clients.
11. Des sociétés partenaires et
sous-traitantes
11.1. Dû à la nature complexe des situations de
conflit ou post-conflit, les sociétés recourent souvent aux
services des sociétés partenaires et des sous-traitantes pour
l'exécution des obligations de leur contrat.
11.2. Les signataires acceptent de choisir des
sociétés partenaires et des sous-traitantes avec le plus grand
soin et la due diligence et d'assurer qu'ils sont en conformité aux
normes éthiques appropriées - en l' occurrence le présent
Code de Conduite.
12. De l'application
12.1. Le présent Code de Conduite est le code officiel
de l'IPOA et de ses sociétés membres. Les signataires s' engagent
à respecter les normes énumérées dans le
présent Code.
12.2. Tout signataire qui faillit à faire respecter une
disposition quelconque du présent Code peut être sujet de la
révocation de l'IPOA à la discrétion du Conseil
d'Administration de l'IPOA.
Version: 10, adoptée le 31 mars 2005, crée le
1er avril 2001.
Annexe IV.
Convention internationale du 4 décembre
1989,
contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction
des mercenaires.
Les Etats parties à la présente Convention,
Réaffirmant les buts et principes consacrés par la
Charte des Nations Unies et par la Déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies,
Sachant que des mercenaires sont recrutés,
utilisés, financés et instruits pour des activités qui
violent des principes du droit international tels que ceux de
l'égalité souveraine, de l'indépendance politique et de
l'intégrité territoriale des Etats ainsi que de
l'autodétermination des peuples,
Affirmant que le recrutement, l'utilisation, le financement et
l'instruction de mercenaires doivent être considérés comme
des infractions qui préoccupent vivement tous les Etats et que toute
personne ayant commis l'une quelconque de ces infractions doit être
traduite en justice ou extradée,
Convaincus de la nécessité de développer et
de renforcer la coopération internationale entre les Etats
en vue de prévenir, de poursuivre et de réprimer de
telles infractions,
Préoccupés par les nouvelles activités
internationales illicites liant les trafiquants de drogues et les mercenaires
dans la perpétration d'actes de violence qui sapent l'ordre
constitutionnel des Etats,
Convaincus également que l'adoption d'une convention
contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de
mercenaires contribuerait à l'élimination de ces activités
répréhensibles et, par conséquent, au respect des buts et
principes consacrés par la Charte des Nations Unies,
Conscients que les questions qui ne sont pas
réglées par une telle convention continuent d'être
régies par les règles et les principes du droit international,
Sont convenus de ce qui suit:
Article premier
Aux fins de la présente Convention,
1. Le terme "mercenaire" s'entend de toute personne:
a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou
à l'étranger pour combattre dans un conflit armé;
b) Qui prend part aux hostilités essentiellement en vue
d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise,
par une partie au conflit ou en son nom, une rémunération
matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou
payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues
dans les forces armées de cette partie;
c) Qui n'est ni ressortissante d'une partie au conflit, ni
résidente du territoire contrôlé par une partie au
conflit;
d) Qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au
conflit; et
e) Qui n'a pas été envoyée par un Etat
autre qu'une partie au conflit en mission officielle en tant que membre des
forces armées dudit Etat.
2. Le terme "mercenaire" s'entend également, dans toute
autre situation, de toute personne:
a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou
à l'étranger pour prendre part à un acte concerté
de violence visant à:
i) Renverser un gouvernement ou, de quelque autre
manière, porter atteinte à l'ordre constitutionnel d'un Etat;
ou
ii) Porter atteinte à l'intégrité
territoriale d'un Etat;
b) Qui prend part à un tel acte essentiellement en vue
d'obtenir un avantage personnel significatif et est poussée à
agir par la promesse ou par le paiement d'une rémunération
matérielle;
c) Qui n'est ni ressortissante ni résidente de l'Etat
contre lequel un tel acte est dirigé;
d) Qui n'a pas été envoyée par un Etat en
mission officielle; et
e) Qui n'est pas membre des forces armées de l'Etat sur le
territoire duquel l'acte a eu lieu.
Article 2
Quiconque recrute, utilise, finance ou instruit des mercenaires,
au sens de l'article premier de la présente Convention, commet une
infraction au sens de la Convention.
Article 3
1.Un mercenaire, au sens de l'article premier de la
présente Convention, qui
prend une part directe à des hostilités ou à
un acte concerté de violence, selon le cas, commet une infraction au
sens de la Convention.
2. Aucune disposition du présent article ne limite le
champ d'application de l'article 4 de la présente Convention.
Article 4
Commet une infraction quiconque:
a) Tente de commettre l'une des infractions définies dans
la présente Convention;
b) Se rend complice d'une personne qui commet ou tente de
commettre l'une des infractions définies dans la présente
Convention.
Article 5
1. Les Etats parties s'engagent à ne pas recruter,
utiliser, financer ou instruire de mercenaires et à interdire les
activités de cette nature conformément aux
dispositions de la présente Convention.
2. Les Etats parties s'engagent à ne pas recruter,
utiliser, financer ou instruire de mercenaires en vue de s'opposer à
l'exercice légitime du droit inaliénable des peuples à
l'autodétermination tel qu'il est reconnu par le droit international et
à prendre, conformément au droit international, les mesures
appropriées pour prévenir le recrutement, l'utilisation, le
financement ou l'instruction de mercenaires à cette fin.
3. Ils répriment les infractions définies dans la
présente Convention par des peines appropriées qui prennent en
considération la nature grave de ces infractions.
Article 6
Les Etats parties collaborent à la prévention des
infractions définies dans la présente Convention, notamment:
a) En prenant toutes les mesures possibles afin de
prévenir la préparation sur leurs territoires respectifs de
ces infractions destinées à être commises
à l'intérieur ou en dehors de leur territoire, y compris des
mesures tendant à interdire les activités illé gales des
individus, groupes ou organisations qui encouragent, fomentent, organisent ou
perpètrent de telles infractions;
b) En coordonnant les mesures administratives et autres à
prendre pour prévenir la perpétration de ces infractions.
Article 7
Les Etats parties collaborent en prenant les mesures
nécessaires pour appliquer la présente Convention.
Article 8
Tout Etat partie qui a lieu de croire que l'une des infractions
définies dans la présente Convention a été, est ou
sera commise fournit aux Etats parties intéressés, directement ou
par l'intermédiaire du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies, conformément aux dispositions de sa
législation nationale, tous renseignements pertinents dès qu'il
en a connaissance.
Article 9
1. Chaque Etat partie prend les mesures nécessaires pour
établir sa compétence aux fins de connaître des infractions
définies dans la présente Convention qui sont commises:
a) Sur son territoire ou à bord d'un navire ou d'un
aéronef immatriculé dans ledit territoire;
b) Par l'un quelconque de ses ressortissants ou, si cet Etat le
juge approprié, par les apatrides qui ont leur
résidence habituelle sur son territoire.
2. De même, chaque Etat partie prend les mesures
nécessaires pour établir sa compétence aux fins de
connaître des infractions définies aux articles 2, 3 et 4 de la
présente Convention dans le cas où leur auteur
présumé se trouve sur son territoire et où ledit Etat ne
l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats mentionnés au paragraphe 1
du présent article.
3. La présente Convention n'exclut pas une
compétence pénale exercée en vertu de la
législation nationale.
Article 10
1. S'il estime que les circonstances le justifient, tout Etat
partie sur le territoire duquel se trouve l'auteur présumé de
l'infraction assure, conformément à sa législation, la
détention de cette personne ou prend toutes autres mesures
appropriées pour s'assurer de sa personne pendant le délai
nécessaire à l'engagement de poursuites pénales ou d'une
procédure d'extradition. Cet Etat partie procède
immédiatement à une enquête préliminaire en vue
d'établir les faits.
2. Lorsqu'un Etat partie a, conformément aux dispositions
du présent article, mis
une personne en détention ou pris toutes autres mesures
prévues au paragraphe 1 du présent article, il en avise sans
retard directement ou par l'entremise du Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies:
a) L'Etat partie où l'infraction a été
commise;
b) L'Etat partie qui a fait l'objet de l'infraction ou de la
tentative d'infraction;
c) L'Etat partie dont la personne physique ou morale qui a fait
l'objet de l'infraction ou de la tentative d'infraction a la
nationalité;
d) L'Etat partie dont l'auteur présumé de
l'infraction a la nationalité ou, si celui-ci est apatride, l'Etat
partie sur le territoire duquel il a sa résidence habituelle;
e) Tout autre Etat partie intéressé qu'il juge
approprié d'aviser.
3. Toute personne à l'égard de laquelle sont prises
les mesures visées au paragraphe 1 du présent article est en
droit :
a) De communiquer sans retard avec le plus proche
représentant qualifié de l'Etat dont elle a la nationalité
ou qui est autrement habilité à protéger ses droits ou,
s'il s'agit d'une personne apatride, de l'Etat sur le territoire duquel elle a
sa résidence habituelle;
b) De recevoir la visite d'un représentant de cet
Etat;
4. Les dispositions du paragraphe 3 du présent article
sont sans préjudice du droit de tout Etat partie ayant établi sa
compétence conformément à l'alinéa b du paragraphe
1 de l'article 9 d'inviter le Comité international de la Croix-Rouge
à communiquer avec l'auteur présumé de l'infraction et
à lui rendre visite.
5. L'Etat qui procède à l'enquête
préliminaire visée au paragraphe 1 du présent article en
communique rapidement les conclusions aux Etats mentionnés au paragraphe
2 du présent article et leur indique s'il entend exercer sa
compétence.
Article 11
Toute personne contre laquelle une action est intentée
pour l'une quelconque des infractions définies dans la présente
Convention bénéficie, à tous les stades de la
procédure, de la garantie d'un traitement équitable et de tous
les droits et garanties prévus par le droit de l'Etat
intéressé. Les normes applicables du droit international
devraient être prises en compte.
Article 12
L'Etat partie sur le territoire duquel l'auteur
présumé de l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas
ce dernier, est tenu, sans aucune exception, et que l'infraction dont il
s'agit
ait été ou non commise sur son territoire, de
soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour
l'exercice de l'action pénale, selon une procédure conforme
à la législation de cet Etat. Ces autorités prennent leur
décision dans les mêmes conditions que pour toute autre infraction
de nature grave conformément à la législation de cet
Etat.
Article 13
1.Les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus
large possible dans toute procédure pénale relative aux
infractions définies dans la présente Convention, y compris en ce
qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont
ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure.
Dans tous les cas, la loi applicable pour l'exécution d'une demande
d'entraide est celle de l'Etat requis.
2. Les dispositions du paragraphe 1 du présent article
n'affectent pas les obligations relatives à l'entraide judiciaire
stipulées dans tout autre traité.
Article 14
L'Etat partie dans lequel une action pénale a
été engagée contre l'auteur présumé de
l'infraction en communique, conformément à sa législation,
le résultat définitif au Secrétaire général
de l'Organisation des Nations Unies, qui en informe les autres Etats
intéressés.
Article 15
1. Les infractions définies aux articles 2, 3 et 4 de la
présente Convention sont de plein droit comprises comme cas
d'extradition dans tout traité d'extradition conclu entre Etats parties.
Les Etats parties s'engagent à comprendre ces infractions comme cas
d'extradition dans tout traité d'extradition à conclure entre
eux.
2. Si un Etat partie qui subordonne l'extradition à
l'existence d'un traité est saisi d'une demande d'extradition par un
autre Etat partie avec lequel il n'est pas lié par un traité
d'extradition, il a la latitude de considérer la présente
Convention comme constituant la base juridique de l'extradition en ce qui
concerne ces infractions. L'extradition est subordonnée aux autres
conditions prévues par la législation de l'Etat requis.
3. Les Etats parties qui ne subordonnent pas l'extradition
à l'existence d'un traité reconnaissent ces infractions comme cas
d'extradition entre eux dans les conditions prévues par la
législation de l'Etat requis.
4. Entre Etats parties, les infractions sont
considérées aux fins d'extradition comme ayant été
commises tant au lieu de leur perpétration que sur le territoire des
Etats tenus d'établir leur compétence en vertu de l'article 9 de
la
présente Convention.
Article 16
La présente Convention n'affecte pas :
a) Les règles relatives à la responsabilité
internationale des Etats;
b) Le droit des conflits armés et le droit international
humanitaire, y compris les dispositions relatives au statut
de combattant ou de prisonnier de guerre.
Article 17
1.Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties
concernant l'interprétation ou l'application de la présente
Convention qui n'est pas réglé par voie de négociation est
soumis à l'arbitrage, à la demande de l'un d'entre eux. Si, dans
les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne
parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage,
l'une quelconque d'entre elles peut soumettre le différend à la
Cour internationale de Justice, en déposant une requête
conformément au Statut de la Cour.
2. Tout Etat peut, au moment où il signe la
présente Convention, la ratifie ou y adhère, déclarer
qu'il ne se considère pas lié par les dispositions du paragraphe
1 du présent article. Les autres Etats parties ne sont pas liés
par lesdites dispositions envers un Etat partie qui a formulé une telle
réserve.
3. Tout Etat partie qui a formulé une réserve
conformément aux dispositions du paragraphe 2 du présent article
peut à tout moment lever cette réserve par une notification
adressée au Secrétaire général de l'Organisation
des Nations Unies.
Article 18
1. La présente Convention sera ouverte à la
signature de tous les Etats jusqu'au 31 décembre 1990, au Siège
de l'Organisation des Nations Unies, à New York.
2. La présente Convention sera soumise à
ratification. Les instruments de ratification seront déposés
auprès du Secrétaire général de l'Organisation des
Nations Unies.
3. La présente Convention sera ouverte à
l'adhésion de tout Etat. Les instruments d'adhésion seront
déposés auprès du Secrétaire général
de l'Organisation des Nations Unies.
Article 19
1. La présente Convention entrera en vigueur le
trentième jour qui suivra la date de dépôt auprès du
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies du
vingtdeuxième instrument de ratification ou d'adhésion.
2. Pour chacun des Etats qui ratifieront la Convention ou y
adhéreront après le dépôt du vingt-deuxième
instrument de ratification ou d'adhésion, la Convention entrera en
vigueur le trentième jour après le dépôt par cet
Etat de son instrument de ratification ou d'adhésion.
Article 20
1. Tout Etat partie pourra dénoncer la présente
Convention par voie de notification écrite adressée au
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
2. La dénonciation prendra effet un an après la
date à laquelle la notification aura été reçue par
le Secrétaire général de l'Organisation des Nations
Unies.
Article 21
L'original de la présente Convention, dont les textes
anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe font
également foi, sera déposé auprès du
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies,
qui en fera tenir copie certifiée conforme à tous les Etats.
EN FOI DE QUOI les soussignés, dûment
autorisés à cet effet par leurs gouvernements respectifs, ont
signé la présente Convention.
Annexe V,
LOI FRANCAISE relative à la répression de
l'activité de mercenaire,
n° 2003-340 du 14 avril 2003
L'Assemblée nationale et le Sénat ont
adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont
la teneur suit : Article unique.
Après le chapitre V du titre III du livre IV du code
pénal, il est inséré un chapitre VI ainsi
rédigé :
<< Chapitre VI
<< De la participation à une activité de
mercenaire
<< Art. 436-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et
de 75 000 EUR d'amende le fait
<< 1° Par toute personne, spécialement
recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n'est ni
ressortissante d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces
armées de cet Etat, ni n'a été envoyée en mission
par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des
forces armées dudit Etat, de prendre ou tenter de prendre une part
directe aux hostilités en vue d'obtenir un avantage personnel ou une
rémunération nettement supérieure à celle qui est
payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions
analogues dans les forces armées de la partie pour laquelle elle doit
combattre ;
<< 2° Par toute personne, spécialement
recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence
visant à renverser les institutions ou porter atteinte à
l'intégrité territoriale d'un Etat et qui n'est ni ressortissante
de l'Etat contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces
armées dudit Etat, ni n'a été envoyée en mission
par un Etat, de prendre ou tenter de prendre part à un tel acte en vue
d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération
importants.
<< Art. 436-2. - Le fait de diriger ou d'organiser un
groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la
rémunération, l'équipement ou l'instruction miitaire d'une
personne définie à l'article 436-1 est puni de sept ans
d'emprisonnement et de 100 000 EUR d'amende.
<< Art. 436-3. - Lorsque les faits mentionnés au
présent chapitre sont commis à l'étranger par un
Français ou par une personne résidant habituellement sur le
territoire français, la loi française est applicable par
dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les
dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas
applicables.
<< Art. 436-4. - Les personnes physiques coupables des
infractions prévues par le présent chapitre encourent
également les peines complémentaires suivantes :
<< 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de
famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;
<< 2° La diffusion intégrale ou partielle de
la décision ou d'un communiqué informant le public des motifs et
du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par l'article
131-35 ;
<< 3° L'interdiction de séjour, suivant les
modalités prévues par l'article 131-31.
<< Art. 436-5. - Les personnes morales peuvent être
déclarées responsables pénalement, dans les conditions
prévues par l'article 12 1-2, de l'infraction définie à
l'article 436-2.
<< Les peines encourues par les personnes morales sont :
<< 1° L'amende, selon les modalités
prévues par l'article 131-38 ; << 2° Les peines
mentionnées à l'article 13 1-39.
<< L'interdiction mentionnée au 2° de l'article
131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de
l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
La présente loi sera exécutée comme loi de
l'Etat. Fait à Paris, le 14 avril 2003,
Jacques Chirac,
Président de la République.
Annexe VI,
Matrice.
Annexe VII,
Diagramme décisionnel de la
privatisation.
Chronologie de l'externalisation, de la privatisation
et du mercenariat.
1870: Foreign Enlistment Act britannique.
22 octobre 1968: Arms Export Control Act
américain.
Années 1970: Le Royaume-Uni lance les Public Private
Partnerships (PPP),
afin de contrecarrer les désordres
économiques en cours.
Août 1976: Report of the Committee of Privy
Counsellors appointed to inquire into the recruitment of mercenaries (the
'Diplock Report'), HMSO.
3 juillet 1977: Convention de l'Organisation de l'Unité
Africaine pour l'élimination du mercenariat en Afrique, entre en vigueur
en 1985.
4 décembre 1989: Convention des Nations Unies contre le
Recrutement, l'utilisation, le Financement et l'Instruction des Mercenaires.
Ratifiée par 22 Etats, elle entre en vigueur en 2001.
1992: Le gouvernement conservateur de John Major lance la
Private Finance Initiative (PFI) en Grande Bretagne, renforçant l'impact
des PPP.
26 février 1998: Regulation Foreign Military
Assistance Act sud-africain.
11 mai 2001: Private Security Industry Act
britannique.
12 février 2002: Green Paper britannique:
«Private Military Companies: Option
for Regulation».
23 juillet 2002: Ninth Report of the Foreign Affairs
Committee: Private Military
Companies.
14 avril 2003: Loi française n° 2003-340 relative
à la répression de l'activité
mercenaire.
Index
A
Abou Ghraib 61, 65, 69, 77, 81
AirTanker Ltd 31, 43
Armée 2, 11, 16,
25, 28, 29, 35, 36, 37, 41, 42, 45,
46, 47, 57,
60, 73, 77, 90, 91, 92, 93
Armor Group 59, 68
B
Blair Tony 66
British Association of Private Security
Companies 8, 69
Brooks Doug 12, 57, 76
C
Cheney Dick 59, 68, 82
Comité International de la Croix
Rouge .... 8, 55,
61, 107
Contrat 18, 20, 21,
22, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 34, 35,
36, 37, 38, 45, 46, 47, 50, 51, 52, 53, 56, 58, 59, 65, 69, 73, 76, 100, 101,
108, 109, 110, 127
Convention du 4 décembre 1989 100
D
Dasseux Michel 37, 70, 73
Défense 2, 6, 7, 8,
10, 11, 12, 14, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29,
30, 32, 34, 37, 38, 39, 42, 44, 47, 48, 57, 59, 60, 64, 65, 68, 70, 71, 72, 73,
78, 79, 80, 81, 82, 83, 85, 86, 88, 89, 93, 95, 97, 109, 126, 127
Diplock Report 16, 50, 95, 123
Duguit Léon 85
E
Etat 2, 7, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 25, 36, 37, 38, 41, 43, 45, 46,
47, 50, 51, 52, 53, 54, 56, 57, 58, 60, 61, 63, 64, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 74,
76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 88, 89, 90, 96, 97, 106, 111, 112,
113, 117, 119, 120, 123, 127
Etats-Unis 10, 13, 15,
25, 36, 38, 51, 57, 59, 60, 67, 68,
69, 71, 82, 88, 90, 96
Eurest Support Services 8, 42, 99
Externalisation 1, 2, 6,
10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 21,
22, 24, 27, 28, 29, 30, 32, 34, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 47, 48, 53,
54, 56, 59, 62, 64, 67, 70, 71, 72, 73, 76, 78, 80, 81, 82, 83, 88, 89, 90, 91,
93, 100, 123, 126, 127
F
Foreign Enlistment Act 16, 123
France 10, 25, 28,
29, 36, 37, 38, 42, 43, 48, 60, 70, 93,
96
Friedman 58, 86
G
Gouvernement 12, 16, 18,
19, 20, 21, 25, 27, 30, 32, 33,
36, 43, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 55, 58, 59, 60, 61, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70,
79, 82, 83, 88, 107, 112, 118, 123
Grande-Bretagne 1, 2, 6,
10, 11, 13, 15, 16, 17, 19, 21,
22, 23, 29, 30, 32, 36, 38, 39, 43, 44, 45, 49, 52, 57, 60, 63, 64, 65, 66, 68,
69, 70, 71, 82, 85, 88, 90, 92, 96, 97, 105, 123, 126
Green Paper 6, 48, 49,
50, 52, 55, 63, 64, 65, 66, 68, 74, 89, 95, 123, 126
H
Hartley Keith 29, 31, 32, 45
Hôpitaux 18, 44, 45, 82, 97
I
Irak 10, 43, 45,
46, 52, 59, 65, 66, 67, 77, 94, 99
K
Kinsey 49
Kohn Philippe 5, 23
Krahmann Elke 37
M
Major John 19, 59, 123
Makki Sami 5, 12, 22, 59
Mercenaire 11, 16, 21,
22, 25, 53, 54, 62, 66, 92, 96, 97, 100, 111, 112, 113, 119,
123, 127
Minarchisme 86
Ministère de la Défense 24, 26, 28,
37, 38, 44,
60, 65, 73, 93, 97
Ministry of Defence 8, 19, 22,
23, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 34, 35, 46, 48, 53, 56, 59, 65,
95, 96, 97, 98, 100, 101, 102, 103, 104, 127
N
National Audit Office 20, 48
O
Opération TELIC 47
Organisation des Nations Unies 2, 8, 21,
53, 57, 60, 76, 77,
79, 80, 82, 96
P
Private Finance Initiative 8, 13, 18,
19, 20, 21, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 32, 34, 36, 38, 53, 56,
58, 59, 71, 90, 95, 98, 100, 101, 104, 123, 127
Privatisation 1, 2, 3,
6, 7, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17,
19, 20, 21, 22, 23, 26, 32, 37, 39, 41, 42, 45, 47, 48, 53, 56, 57, 59, 60, 62,
64, 66, 69, 70, 72, 73, 74, 75, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 86, 88, 89, 90, 91,
92, 93, 98, 100, 122, 123, 126, 127
Public Private Partnership 8, 14, 18,
19, 25, 27, 29, 30, 32, 58, 90, 98, 123
R
Ricardo David 15
Rifkind Malcom 44, 59, 68, 82
Royal Air Force 18, 27, 29,
30, 31, 35, 101, 102, 103
S
SERCO 6, 26, 27,
28, 29, 33, 42, 99, 126
Singer Peter Warren 33
Smith Adam 15
Société de Sécurité Privée 8,
21, 22, 23
Société Militaire Privée 8, 10,
12,
13, 14, 17, 21, 22, 23, 25, 32, 45, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55,
57, 58, 59, 61, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 72, 74, 75, 76, 77, 80, 81, 88
Sous-traitance 2, 10, 11,
15, 18, 23, 31, 37, 53, 72, 80,
88
Sponsored Reserve 46, 48
Staff College 28, 102
T
Territorial Army 46, 48
U
Union Européenne 6, 8, 14,
36, 57, 70, 71, 80, 126
V
Value For Money 18, 26, 48
W
War on Want 65, 66, 67,
68, 69, 74, 99
Whole Life Costing 26
Table des Matières.
AVERTISSEMENT 4
REMERCIEMENTS 5
SOMMAIRE 6
TABLE DES ABRÉVIATIONS 8
INTRODUCTION 10
A. UNE SITUATION PARTICULIEREMENT FAVORABLE POUR
L'EXTERNALISATION ET LA PRIVATISATION DE LA SECURITE : LA GRANDE-BRETAGNE
15
1. LES CONDITIONS D'UNE SITUATION FAVORABLE. 15
a) un héritage culturel et politique adapté
15
b) les actions gouvernementales 18
c) Mécanismes et acteurs de la privatisation en
Grande-Bretagne 21
2. UN SECTEUR MATURE 25
a) un secteur mature 25
b) l 'exemple de SERCO 26
c) les critiques du secteur 29
d) un apport pour l'Union Européenne ? 36
B. LA REGLEMENTATION EST-ELLE UNE REPONSE ADAPTEE A
L'EXTERNALISATION ET A LA PRIVATISATION DE LA SECURITE ? 39
1. LES DIFFICULTES DE L'EXTERNALISATION ET DE LA PRIVATISATION.
39
a) La question épineuse de la rentabilité
effective de la privatisation. 39
b) Le domaine de « l'intangible » 42
c) L'ultime problème : la différenciation
entre paix et guerre 46
2. VOLONTE DE CHANGEMENT ET CONTRAINTES LIEES A LA
REGLEMENTATION DU SECTEUR PRIVE DE LA DEFENSE. 48
a) Un point de départ : le Green Paper de 2002.
48
b) Quelles options en définitive ? 52
3. REGLEMENTER, UNE BONNE OPTION ? 55
a) L'instabilité du secteur 56
b) Le double jeu des acteurs 58
c) Une tâche trop ardue ? 60
C. POURQUOI PRIVATISER LES FONCTIONS REGALIENNES DE
SECURITE ET DE DEFENSE ? 64
1. LA REPONSE BRITANNIQUE A LA PRIVATISATION DE LA DEFENSE ET DE
LA SECURITE. 64
a) Une réponse locale à un
phénomène global 64
b) Un modèle exportable ? 70
2. UNE REFLEXION DE TOUTES LES PARTIES. 72
a) les commanditaires 72
b) les prestataires 73
c) la communauté internationale 74
3. PRIVATISER LA SECURITE, PRIVATISER L'ETAT ? 78
a) l 'extension du domaine étatique 78
b) La dilution de la responsabilité étatique
par la privatisation et l 'externalisation 81
c) Démission ou adaptation de l'Etat ? 82
CONCLUSION GENERALE. 88
BIBLIOGRAPHIE 92
LISTE DES ANNEXES. 100
TABLEAU PRESENTANT LES DIFFERENTS CONTRATS SIGNES PAR LE
MOD AU TITRE DE LA PFI 101
LE SYSTEME « PAY AS YOU DINE » 105
CODE DE CONDUITE DE L'INTERNATIONAL PEACE OPERATIONS
ASSOCIATION 106
CONVENTION INTERNATIONALE DU 4
DECEMBRE 1989 CONTRE LE RECRUTEMENT, L'UTILISATION,
LE FINAN CEMENT ET L'INSTRUCTION DES MERCENAIRES
111
LOI FRANCAISE RELATIVE A LA REPRESSION DE L'ACTIVITE DE
MERCENAIRE 119
DIAGRAMME DECISIONNEL DE LA PRIVATISATION 122
CHRONOLOGIE DE L'EXTERNALISATION, DE LA PRIVATISATION ET
DU MERCENARIAT. 123
INDEX 124