CHAPITRE III : RESULTATS, ANALYSES ET
DISCUSSIONS
Les analyses des résultats ont porté sur les
comportements des producteurs à travers les activités agricoles
et sur le rôle des structures d'encadrement.
I - EXTENSION DES ACTIVITES AGRICOLES, PRINCIPAL
FACTEUR DE LA DEGRADATION DU COUVERT VEGETAL
L'augmentation sans cesse croissante des
besoins vitaux des paysans les a
amenés à la recherche de nouvelles terres
pour l'habitation et la production agricole. Dans le souci d'accroître
leurs productions, les paysans ne perçoivent qu'une possibilité
majeure : l'extension de leurs champs. Cette extension se fait au
détriment du couvert végétal. Citons à titre
d'exemple les agriculteurs de Morou, à proximité de la
forêt classée des trois rivières, ceux de Ségbana,
de Libantè et de Koutè.
A- Dynamique de l'occupation du sol liée au
développement de
la culture attelée
La dégradation du couvert végétal
représente le premier indicateur de la dégradation des ressources
naturelles. De ce fait, l'accent a été d'abord mis sur la
description de l'état de la végétation. Cette description
s'appuie surtout sur des cartes d'occupation du sol de 1975 et 1996 (Figures 2
et 3).
Les figures 2 et 3 présentent les évolutions de
l'occupation du sol en 1975 et en 1996. L'examen comparé des supports
des espèces végétales fait apparaître que :
- les superficies des galeries forestières ont
régressé de 12.703 ha en 1975 à 10.652 ha en 1996. Elles
ont connu une diminution de 2051 ha soit 16,15% entre les deux
périodes ;
- les superficies des forêts claires et savanes
boisées ont diminué de 88.942 ha en 1975 à 55.266 ha en
1996. Elles ont régressé de 33.676 ha soit 37,8%.
- les superficies des savanes arborées et arbustives
sont passées de 237.980 ha en 1975 à 214.432 ha en 1996. Elles
ont connu une diminution de 23.548 ha soit 09,89%.
- les superficies des savanes arborée et arbustive
saxicoles sont restées intactes, 13.120 ha en 1975 et en 1996.
- les superficies des savanes à emprise agricole ont
progressé de 59.120 ha en 1975 à 92.022 ha en 1996. Elles ont
accru de 32.902 ha soit 55,60 %.
- les superficies de la mosaïque de cultures et
jachères estimées à 34.840 ha en 1975 sont passées
à 60933 ha en 1996. Elles ont augmenté de 26.093 ha soit
74,89%.
- les 545 ha en 1975 occupés par l'agglomération
ont progressé à 825 ha en 1996. Elles ont connu une augmentation
de 280 ha soit 51,37%.
Les figures 2 et 3 illustrent bien les évolutions des
superficies des différentes unités d'occupation du sol de 1975
à 1996 dans la commune de Ségbana. Les données de 1997
à 2004 ne sont pas encore disponibles au CENATEL.
D'une façon générale, en 1975 la
superficie des savanes arborée et arbustive arrive en tête avec
53,21% de la superficie totale de la commune de Ségbana.
Les forêts claires et savanes boisées viennent
ensuite avec 19,89% et les savanes à emprise agricole avec 13,22%.
En 1996, les savanes arborée et arbustive occupent
toujours la première place avec une superficie réduite,
estimée à 47,95%. Tandis que les savanes à emprise
agricole viennent en deuxième position avec une superficie
élevée estimée à 20,58 % de la superficie totale.
Les mosaïques de cultures et jachères qui occupaient la
quatrième position avec 7,79 % de la superficie totale en 1975 se
retrouvent en troisième position avec 13, 62 % de la superficie
totale.
L'observation des figures 2 et 3 révèle qu'entre
1975 et 1996 les superficies des galeries forestières, des forêts
claires et savanes boisées, des savanes arborée et arbustive ont
régressé pendant que celles des savanes à emprise
agricole, de la mosaïque de culture et jachères et de
l'agglomération ont progressé.
Entre 1975 et 1996, les galeries forestières et les
forêts claires et savanes boisées ont été
dégradées respectivement de 16,15% et de 37,80%. Les superficies
des savanes arborée et arbustive ont régressé de 09,89%
dans la même période. Par contre celles des savanes à
emprise agricole et la mosaïque de cultures et jachères ont
progressé respectivement de 55,60% et de 74,89%. Cette dynamique
observée entre 1975 et 1996 s'explique surtout par l'accroissement des
superficies emblavées. Bien que les données de l'évolution
des superficies des différentes unités d'occupation du sol de
2004 ne soient pas encore disponibles, cette tendance se poursuit
jusqu'à ce jour.
A chaque nouveau défrichement, la forêt est
progressivement remplacée par des savanes dans lesquelles sont
épargnées quelques essences ( Photo 1) ayant un
intérêt économique ou sanitaire pour les paysans comme le
karité (Vitellaria paradoxa) et le néré (Parkia
biglobosa).
D'après les recherches dans la commune de
Ségbana, ces deux (02) arbres sont utiles aux populations dans beaucoup
de domaines :
- la gousse de néré, évidée et
macérée dans l'eau, est utilisée pour
imperméabiliser les murs de clôture et les sols damés des
cases dans les villages, la graine de néré sert à la
fabrication d'un condiment très répandu (kpoo en boo). Il s'agit
d'une sorte de moutarde qui possède des vertus nutritives;
- la graine de karité, transformée donne le
beurre de karité, utile dans la préparation des repas, le beurre
de karité sert de pommade, il a aussi des vertus nutritives, garde
l'épiderme lisse, sert de pommade dans le traitement de l'entorse et de
la fracture de l'os.
Photo 1 : Champ en
jachère à Ségbana dans lequel des karités
épargnés sont visibles
Source : (KISSIRA
Aboubakar septembre 2004)
Dans le secteur d'étude, cent quatre-vingt-seize (196)
producteurs interrogés ont affirmé avoir épargné
entre 10 et 15 karité et néré confondus sur une centaine
d'arbres abattus par hectare dans leurs champs. Les investigations sur le
terrain ont confirmé ces déclarations.
De façon générale, l'arbre joue un
rôle dans la pharmacopée, la production du miel, la protection de
l'environnement, la stabilité des terres érodées et la
fertilité des sols par la production de l'humus (KISSIRA, 2002).
L'augmentation des besoins en terres cultivables
entraîne la conquête de nouvelles terres sous forêts. C'est
le cas de la forêt classée des trois rivières qui subit du
côté de MOROU, la pression des agriculteurs de cette
localité en quête de terres fertiles pour les activités
agricoles.
Dans l'ensemble, compte tenu de la disponibilité des
terres cultivables, la jachère est pratiquée par la
quasi-totalité des paysans pour une période minimum de cinq (05)
ans (CARDER - Ségbana, 2004). L'extension de la jachère de 1975
à 1996 confirme la disponibilité des terres et le besoin
croissant des populations de l'occupation de nouveau sol. L'importance de ce
besoin s'explique aussi par l'accroissement de la population et surtout par
l'introduction et le développement rapide de la culture attelée
(Photos 2 et 3).
En vingt et un (21) ans, la commune de Ségbana a subi
une dégradation des ressources naturelles dont les causes sont d'abord
liées à l'évolution des activités agricoles.
La déforestation n'a pas pour seul effet
l'appauvrissement de la flore, elle affecte le milieu dans son ensemble. Selon
N'DABALISHYE I., (1995), il s'en suit des phénomènes
suivants :
- l'extension de l'emprise des feux de brousse ;
- la destruction du stock de l'humus ;
- la plus grande sensibilité à
l'érosion ;
- le plus grand ruissellement des eaux pluviales.
Photo 2 : Culture attelée
faite par une paire de boeufs guidés par un enfant tenant la
charrue et assisté de deux autres sur
un terrain déboisé à Morou.
Source : (KISSIRA Aboubakar juin
2004)
Photo 3 : Sarclage d'un champ de
coton à Libantè par une traction animale
guidée par un paysan et deux enfants
Source : (KISSIRA Aboubakar, août 2004)
B - Evolution des activités
agricoles
L'agriculture est la principale activité de la
population de la commune de Ségbana. L'igname, le maïs, le sorgho,
l'arachide et le coton sont les cultures les plus importantes qui
amènent ces populations à étendre de plus en plus leurs
superficies agricoles.
Des données statistiques, étalées sur une
quinzaine d'années (1987 - 2003) permettent de faire les constats
suivants :
- de 1987 à 2003, les superficies de la culture du
coton ont augmenté cinq (05) fois plus passant d'une moyenne de 3500 ha
à plus de 18000 ha (Figure 4) ;
Figure 4: Evolution des superficies
emblavées pour la culture du coton dans la commune de Ségbana de
1987à 2003
- au cours de la même période les superficies des
champs d'igname ont doublé. Elles ont presque triplé en 13 ans
passant de 1200 ha à 3500 ha avant de connaître une baisse
à 2700 ha (Figure 5).
Selon le responsable du CARDER cette diminution des
superficies des champs d'ignames est compensée par l'augmentation des
superficies de coton
Figure 5: Evolution des superficies en igname
dans la commune de Ségbana de 1987 à 2003
-les superficies des cultures du maïs ont suivi la
même tendance. Elles ont triplé passant de 3000 ha environ
à près de 9000 ha
- en quinze (15) ans, les superficies de la culture du sorgho
ont légèrement varié. Elles ont évolué de
4300 ha environ à près de 7000 ha (Figure 6);
Figure 6 : Evolution des superficies en
céréales (maïs et sorgho) dans la commune de Ségbana
de
1987 à 2003
- les champs d'arachide ont d'abord triplé, passant de
600 ha à 1860 ha en 1999 avant d'atteindre 9500 ha, augmentant ainsi 5
fois plus depuis la chute des cours du coton au niveau mondial (figure 7).
Figure 7 : Evolution des superficies en
arachide dans la commune de Ségbana (1987-2003)
Ces différentes évolutions confirment les
pratiques agricoles liées à l'extension continue des superficies
agricoles sur près de 15 à 20Km des habitations.
De fortes pressions sont exercées sur les terres au
point que plus d'une cinquantaine de fermes agricoles ont été
créées par des habitants de la commune de Ségbana. La
pratique de la culture attelée a favorisé l'extension des
superficies agricoles par les producteurs. En 2001, la commune de
Ségbana disposait de 2458 boeufs de trait contre 2318 en 2000. En un an
les boeufs de trait ont connu un taux d'accroissement de 6% (CARDER
Ségbana, 2004). Ce qui montre l'importance de l'évolution du
matériel d'attelage dans le secteur d'étude et l'ampleur des
activités agricoles sur l'environnement. La culture attelée est
avantageuse pour les paysans. Elle permet de faire rapidement les travaux
champêtres, d'emblaver de grandes superficies et facilite une extension
rapide de l'agriculture.
Ces pratiques, ajoutées à celles des exploitants
forestiers qui viennent le plus souvent des régions frontalières
du Nigéria, contribuent à la dégradation du couvert
forestier
D'une manière générale pour les paysans
l'agriculture ne peut qu'être extensive. L'augmentation de la production
est étroitement liée à celle des superficies plus
qu'à l'utilisation des intrants. Mais ils reconnaissent qu'ils accordent
la même importance à l'extension des superficies et à
l'utilisation des intrants pour la culture du coton, la seule culture dont la
production et la commercialisation sont mieux organisées. L'importance
de l'utilisation des intrants agricoles s'explique par le fait que la culture
du coton est « bénéfique » pour les paysans,
parce que génératrice de revenus, aussi parce que le cotonnier
est l'une des cultures les plus attaquées par les parasites. Pour mieux
rentabiliser le coton une lutte contre ces ravageurs est menée. Cette
protection repose essentiellement sur la lutte chimique dans la commune de
Ségbana. Mais l'usage des pesticides sans le respect des règles
techniques par les producteurs conduit à des conséquences
néfastes sur l'environnement et la santé humaine.
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