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Activités agricoles et dégradation des ressources naturelles dans la commune de Ségbana (Bénin) : Impacts sur la santé des populations

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par Aboubakar KISSIRA
EDP- FLASH- Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - DEA Gestion de l'Environnement 2005
  

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CHAPITRE III : RESULTATS, ANALYSES ET DISCUSSIONS

Les analyses des résultats ont porté sur les comportements des producteurs à travers les activités agricoles et sur le rôle des structures d'encadrement.

I - EXTENSION DES ACTIVITES AGRICOLES, PRINCIPAL

FACTEUR DE LA DEGRADATION DU COUVERT VEGETAL

L'augmentation sans cesse croissante des besoins vitaux des paysans les a

amenés à la recherche de nouvelles terres pour l'habitation et la production agricole. Dans le souci d'accroître leurs productions, les paysans ne perçoivent qu'une possibilité majeure : l'extension de leurs champs. Cette extension se fait au détriment du couvert végétal. Citons à titre d'exemple les agriculteurs de Morou, à proximité de la forêt classée des trois rivières, ceux de Ségbana, de Libantè et de Koutè.

A- Dynamique de l'occupation du sol liée au développement de

la culture attelée

La dégradation du couvert végétal représente le premier indicateur de la dégradation des ressources naturelles. De ce fait, l'accent a été d'abord mis sur la description de l'état de la végétation. Cette description s'appuie surtout sur des cartes d'occupation du sol de 1975 et 1996 (Figures 2 et 3).

Les figures 2 et 3 présentent les évolutions de l'occupation du sol en 1975 et en 1996. L'examen comparé des supports des espèces végétales fait apparaître que :

- les superficies des galeries forestières ont régressé de 12.703 ha en 1975 à 10.652 ha en 1996. Elles ont connu une diminution de 2051 ha soit 16,15% entre les deux périodes ;

- les superficies des forêts claires et savanes boisées ont diminué de 88.942 ha en 1975 à 55.266 ha en 1996. Elles ont régressé de 33.676 ha soit 37,8%.

- les superficies des savanes arborées et arbustives sont passées de 237.980 ha en 1975 à 214.432 ha en 1996. Elles ont connu une diminution de 23.548 ha soit 09,89%.

- les superficies des savanes arborée et arbustive saxicoles sont restées intactes, 13.120 ha en 1975 et en 1996. 

- les superficies des savanes à emprise agricole ont progressé de 59.120 ha en 1975 à 92.022 ha en 1996. Elles ont accru de 32.902 ha soit 55,60 %.

- les superficies de la mosaïque de cultures et jachères estimées à 34.840 ha en 1975 sont passées à 60933 ha en 1996. Elles ont augmenté de 26.093 ha soit 74,89%.

- les 545 ha en 1975 occupés par l'agglomération ont progressé à 825 ha en 1996. Elles ont connu une augmentation de 280 ha soit 51,37%.

Les figures 2 et 3 illustrent bien les évolutions des superficies des différentes unités d'occupation du sol de 1975 à 1996 dans la commune de Ségbana. Les données de 1997 à 2004 ne sont pas encore disponibles au CENATEL.

D'une façon générale, en 1975 la superficie des savanes arborée et arbustive arrive en tête avec 53,21% de la superficie totale de la commune de Ségbana.

Les forêts claires et savanes boisées viennent ensuite avec 19,89% et les savanes à emprise agricole avec 13,22%.

En 1996, les savanes arborée et arbustive occupent toujours la première place avec une superficie réduite, estimée à 47,95%. Tandis que les savanes à emprise agricole viennent en deuxième position avec une superficie élevée estimée à 20,58 % de la superficie totale. Les mosaïques de cultures et jachères qui occupaient la quatrième position avec 7,79 % de la superficie totale en 1975 se retrouvent en troisième position avec 13, 62 % de la superficie totale.

L'observation des figures 2 et 3 révèle qu'entre 1975 et 1996 les superficies des galeries forestières, des forêts claires et savanes boisées, des savanes arborée et arbustive ont régressé pendant que celles des savanes à emprise agricole, de la mosaïque de culture et jachères et de l'agglomération ont progressé.

Entre 1975 et 1996, les galeries forestières et les forêts claires et savanes boisées ont été dégradées respectivement de 16,15% et de 37,80%. Les superficies des savanes arborée et arbustive ont régressé de 09,89% dans la même période. Par contre celles des savanes à emprise agricole et la mosaïque de cultures et jachères ont progressé respectivement de 55,60% et de 74,89%. Cette dynamique observée entre 1975 et 1996 s'explique surtout par l'accroissement des superficies emblavées. Bien que les données de l'évolution des superficies des différentes unités d'occupation du sol de 2004 ne soient pas encore disponibles, cette tendance se poursuit jusqu'à ce jour.

A chaque nouveau défrichement, la forêt est progressivement remplacée par des savanes dans lesquelles sont épargnées quelques essences ( Photo 1) ayant un intérêt économique ou sanitaire pour les paysans comme le karité (Vitellaria paradoxa) et le néré (Parkia biglobosa).

D'après les recherches dans la commune de Ségbana, ces deux (02) arbres sont utiles aux populations dans beaucoup de domaines :

- la gousse de néré, évidée et macérée dans l'eau, est utilisée pour imperméabiliser les murs de clôture et les sols damés des cases dans les villages, la graine de néré sert à la fabrication d'un condiment très répandu (kpoo en boo). Il s'agit d'une sorte de moutarde qui possède des vertus nutritives;

- la graine de karité, transformée donne le beurre de karité, utile dans la préparation des repas, le beurre de karité sert de pommade, il a aussi des vertus nutritives, garde l'épiderme lisse, sert de pommade dans le traitement de l'entorse et de la fracture de l'os.

Photo 1 : Champ en jachère à Ségbana dans lequel des karités épargnés sont visibles

Source : (KISSIRA Aboubakar septembre 2004)

Dans le secteur d'étude, cent quatre-vingt-seize (196) producteurs interrogés ont affirmé avoir épargné entre 10 et 15 karité et néré confondus sur une centaine d'arbres abattus par hectare dans leurs champs. Les investigations sur le terrain ont confirmé ces déclarations.

De façon générale, l'arbre joue un rôle dans la pharmacopée, la production du miel, la protection de l'environnement, la stabilité des terres érodées et la fertilité des sols par la production de l'humus (KISSIRA, 2002).

L'augmentation des besoins en terres cultivables entraîne la conquête de nouvelles terres sous forêts. C'est le cas de la forêt classée des trois rivières qui subit du côté de MOROU, la pression des agriculteurs de cette localité en quête de terres fertiles pour les activités agricoles.

Dans l'ensemble, compte tenu de la disponibilité des terres cultivables, la jachère est pratiquée par la quasi-totalité des paysans pour une période minimum de cinq (05) ans (CARDER - Ségbana, 2004). L'extension de la jachère de 1975 à 1996 confirme la disponibilité des terres et le besoin croissant des populations de l'occupation de nouveau sol. L'importance de ce besoin s'explique aussi par l'accroissement de la population et surtout par l'introduction et le développement rapide de la culture attelée (Photos 2 et 3).

En vingt et un (21) ans, la commune de Ségbana a subi une dégradation des ressources naturelles dont les causes sont d'abord liées à l'évolution des activités agricoles.

La déforestation n'a pas pour seul effet l'appauvrissement de la flore, elle affecte le milieu dans son ensemble. Selon N'DABALISHYE I., (1995), il s'en suit des phénomènes suivants :

- l'extension de l'emprise des feux de brousse ;

- la destruction du stock de l'humus ;

- la plus grande sensibilité à l'érosion ;

- le plus grand ruissellement des eaux pluviales.

Photo 2 : Culture attelée faite par une paire de boeufs guidés par un enfant tenant la

charrue et assisté de deux autres sur un terrain déboisé à Morou.

Source : (KISSIRA Aboubakar juin 2004)

Photo 3 : Sarclage d'un champ de coton à Libantè par une traction animale

guidée par un paysan et deux enfants

Source : (KISSIRA Aboubakar, août 2004)

B - Evolution des activités agricoles

L'agriculture est la principale activité de la population de la commune de Ségbana. L'igname, le maïs, le sorgho, l'arachide et le coton sont les cultures les plus importantes qui amènent ces populations à étendre de plus en plus leurs superficies agricoles.

Des données statistiques, étalées sur une quinzaine d'années (1987 - 2003) permettent de faire les constats suivants :

- de 1987 à 2003, les superficies de la culture du coton ont augmenté cinq (05) fois plus passant d'une moyenne de 3500 ha à plus de 18000 ha (Figure 4) ;

Figure 4: Evolution des superficies emblavées pour la culture du coton dans la commune de Ségbana de 1987à 2003

- au cours de la même période les superficies des champs d'igname ont doublé. Elles ont presque triplé en 13 ans passant de 1200 ha à 3500 ha avant de connaître une baisse à 2700 ha (Figure 5).

Selon le responsable du CARDER cette diminution des superficies des champs d'ignames est compensée par l'augmentation des superficies de coton

Figure 5: Evolution des superficies en igname dans la commune de Ségbana de 1987 à 2003

-les superficies des cultures du maïs ont suivi la même tendance. Elles ont triplé passant de 3000 ha environ à près de 9000 ha

- en quinze (15) ans, les superficies de la culture du sorgho ont légèrement varié. Elles ont évolué de 4300 ha environ à près de 7000 ha (Figure 6);

Figure 6 : Evolution des superficies en céréales (maïs et sorgho) dans la commune de Ségbana de

1987 à 2003

- les champs d'arachide ont d'abord triplé, passant de 600 ha à 1860 ha en 1999 avant d'atteindre 9500 ha, augmentant ainsi 5 fois plus depuis la chute des cours du coton au niveau mondial (figure 7).

Figure 7 : Evolution des superficies en arachide dans la commune de Ségbana (1987-2003)

Ces différentes évolutions confirment les pratiques agricoles liées à l'extension continue des superficies agricoles sur près de 15 à 20Km des habitations.

De fortes pressions sont exercées sur les terres au point que plus d'une cinquantaine de fermes agricoles ont été créées par des habitants de la commune de Ségbana. La pratique de la culture attelée a favorisé l'extension des superficies agricoles par les producteurs. En 2001, la commune de Ségbana disposait de 2458 boeufs de trait contre 2318 en 2000. En un an les boeufs de trait ont connu un taux d'accroissement de 6% (CARDER Ségbana, 2004). Ce qui montre l'importance de l'évolution du matériel d'attelage dans le secteur d'étude et l'ampleur des activités agricoles sur l'environnement. La culture attelée est avantageuse pour les paysans. Elle permet de faire rapidement les travaux champêtres, d'emblaver de grandes superficies et facilite une extension rapide de l'agriculture.

Ces pratiques, ajoutées à celles des exploitants forestiers qui viennent le plus souvent des régions frontalières du Nigéria, contribuent à la dégradation du couvert forestier

D'une manière générale pour les paysans l'agriculture ne peut qu'être extensive. L'augmentation de la production est étroitement liée à celle des superficies plus qu'à l'utilisation des intrants. Mais ils reconnaissent qu'ils accordent la même importance à l'extension des superficies et à l'utilisation des intrants pour la culture du coton, la seule culture dont la production et la commercialisation sont mieux organisées. L'importance de l'utilisation des intrants agricoles s'explique par le fait que la culture du coton est « bénéfique » pour les paysans, parce que génératrice de revenus, aussi parce que le cotonnier est l'une des cultures les plus attaquées par les parasites. Pour mieux rentabiliser le coton une lutte contre ces ravageurs est menée. Cette protection repose essentiellement sur la lutte chimique dans la commune de Ségbana. Mais l'usage des pesticides sans le respect des règles techniques par les producteurs conduit à des conséquences néfastes sur l'environnement et la santé humaine.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo