CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE, OBJECTIFS ET
HYPOTHESES
I - PROBLEMATIQUE
Au Bénin, la satisfaction des besoins vitaux passe
d'abord par l'agriculture, le pays étant essentiellement agricole.
Dans la commune de Ségbana, la disponibilité
des terres agricoles ne constitue pas une contrainte majeure. La terre n'est
pas un facteur limitant pour l'agriculture puisque de vastes superficies
restent encore inexploitées. Selon le CARDER Ségbana, sur 2090
km² de terres cultivables seuls 489,12 km² ou 48.912ha, soit 23,40 %
sont exploitées. Ce qui suppose un potentiel agricole susceptible de
subvenir aux besoins vitaux des populations. L'exploitation de ce potentiel se
fait sans égard à la durabilité des ressources naturelles.
Les pratiques actuelles caractérisées par l'agriculture
extensive, l'agriculture itinérante sur brûlis, l'utilisation des
intrants agricoles (engrais et insecticide) pour le coton, la principale
culture de rente, continuent de soumettre l'environnement à une pression
anthropique importante. Les agriculteurs s'adonnent à ces pratiques
sans se soucier de l'impact qu'elles ont sur leur santé voire sur leur
bien-être, et des problèmes auxquels ils seront exposés si
les ressources naturelles manquaient.
Selon BOKO (octobre 2003) les causes de la dégradation
de l'environnement sont aussi les causes de dégradation de la
santé humaine.
En effet, les producteurs de coton, pendant l'épandage
des intrants agricoles qui polluent l'environnement, absorbent en même
temps les pesticides.
Des cas d'intoxication, de suicide ou d'homicide ont
été évoqués souvent à la radio BIO GUERRA de
Ségbana par les agents du Centre d'Action Régional pour le
Développement Rural (CARDER) actuel CeRPA. En général, les
traitements des champs de coton se font sans protection. Les producteurs de
coton n'utilisent pas l'accoutrement adéquat de protection et ne
respectent pas la position à adopter lors de la pulvérisation des
insecticides.
L'épandage d'engrais se fait à la main libre,
sans gants. Des enfants qui constituent une couche vulnérable, sont
associés aux manipulations de ces intrants. Les insecticides
destinés au coton sont utilisés dans les champs des cultures
vivrières et même pour conserver les produits vivriers. En raison
de la mauvaise utilisation de ces intrants agricoles, les populations sont
exposées aux dangers des pesticides de coton.
A cette situation sanitaire précaire des producteurs
s'ajoutent des problèmes liés à la consommation d'eau de
mares de qualité douteuse lors des travaux champêtres. Une fois,
la réserve d'eau potable transportée de la maison
épuisée, il ne reste aux paysans qu'à se diriger vers un
point d'eau d'un mètre de profondeur environ ou vers un cours d'eau pour
s'en approvisionner à nouveau.
A la pause, lors du repas, les agriculteurs ne se lavent
souvent pas les mains au savon avant de manger. A priori, ces comportements
peuvent être banalisés. Mais au vu des conséquences qu'ils
pourraient engendrer, il s'avère nécessaire d'en faire une
préoccupation, tout comme l'est la sauvegarde de l'environnement.
L'inquiétude sur l'état de santé et le
bien-être des populations agricoles de la commune de Ségbana ne
cesse de croître. Il y a lieu de s'interroger sur ce que sera la
situation sanitaire de ces populations à court, à moyen et
à long termes. Outre les comportements, quels sont les autres
éléments qui constituent des menaces pour l'état de
santé et le bien-être des producteurs agricoles ?
La baisse des revenus des agriculteurs n'engendre-t-elle pas
des problèmes de santé ?
Quel est le lien qui existe entre la pauvreté et la
santé des populations ?
C'est pour réfléchir sur cet ensemble de
situations que ce thème a été choisi.
II - OBJECTIFS
A - OBJECTIF GENERAL
L'objectif général de ce travail est
d'étudier l'ampleur des activités agricoles, la façon dont
les ressources naturelles sont dégradées et l' impact de ces
activités sur la santé des populations.
B - OBJECTIFS
SPECIFIQUES
Le travail vise à:
1. analyser les liens qui existent entre les activités
agricoles et la dégradation des ressources naturelles;
2. apprécier le niveau de connaissance des producteurs
en matière d'utilisation des insecticides coton, en matière
d'hygiène alimentaire et corporelle ;
3. apprécier le rôle des acteurs
agricoles ;
4. analyser les possibilités de création des
activités génératrices de revenus.
Pour atteindre ces objectifs, nous avons émis un
certain nombre d'hypothèses.
III - HYPOTHESES
1. l'extension anarchique des superficies agricoles
accélère la dégradation des ressources naturelles;
2. la recherche du bien-être matériel conduit
à la dégradation des ressources naturelles et à
l'appauvrissement des populations;
3. les pratiques d'utilisation des pesticides par les
producteurs ne respectent pas les normes recommandées;
4. le non-respect des règles d'hygiène
alimentaire et corporelle compromet la santé des producteurs;
5. la restructuration du secteur agricole intervenue en
1992-1993 n'a pas été favorable aux paysans.
CHAPITRE II : DEMARCHE
METHODOLOGIQUE
Ce travail de recherche s'intéresse aux
différents acteurs de l'agriculture en matière de gestion des
ressources naturelles et de l'impact des activités agricoles sur la
santé des populations. Il ne s'appesantit pas sur les différentes
maladies qu'engendrent les pratiques agricoles, mais sur les comportements qui
conduisent à la fragilité de l'état de santé des
populations.
La méthodologie de recherche conçue dans ce
sens comporte trois (03)
Phases:
1. la revue de la littérature;
2. la collecte des données sur la production agricole
et l'impact des activités agricoles sur la santé des
populations;
3. le traitement des données.
I - REVUE DE LA LITTERATURE
La recherche documentaire à travers la revue de la
littérature a permis d'apprécier la réflexion de certains
auteurs sur l'agriculture. La plupart des auteurs sont unanimes à
reconnaître le lien entre les activités agricoles et la
dégradation de l'environnement d'une part, et entre les hommes et
l'environnement dans lequel ils évoluent d'autre part. Ils font
transparaître leurs préoccupations dans la recherche d'un
équilibre avantageux pour la santé et le bien-être des
populations et non pas uniquement pour la protection de l'environnement.
BIAOU (2000) a montré que les pratiques actuelles
caractérisées par l'agriculture itinérante sur
brûlis, l'utilisation des pesticides sur le coton et le
niébé, continuent de soumettre l'environnement à une
pression importante, entraînant une destruction des
écosystèmes. L'auteur, citant TON, P. et VODOUHE, S. (1995) a
expliqué que les agriculteurs béninois utilisent exclusivement
les engrais chimiques, que 90% des pesticides importés sont
utilisés sur le coton, avant de conclure, au vu de la production
cotonnière qui croît à un rythme très rapide (20 %
contre 3 à 7 % pour les productions vivrières), que la culture du
coton constitue une menace pour le sol, la santé humaine et la
biodiversité.
En matière des risques de la culture du coton pour la
santé humaine, DARAN (2004) s'inspire des travaux d'AHLBORG et al (1991)
pour qui il existe trois (03) sortes d'exposition : l'exposition
professionnelle aux pesticides au niveau des travailleurs agricoles,
l'exposition volontaire qui conduit au suicide par ingurgitation du produit et
l'exposition accidentelle qui consiste à la consommation d'un aliment
contaminé (un aliment issu d'un produit agricole traité par
exemple par un pesticide). Ces expositions aux pesticides ont des effets
négatifs sur la santé humaine en général. Le
même auteur cite LAFIA (1996) qui stipule qu'un traitement phytosanitaire
conduit à la contamination du milieu environnant par les nuages à
travers l'air ambiant, la végétation, les cours d'eau et les
nappes souterraines.
Pour DARAN (2004), cette pollution compromet l'état de
santé des individus qui manipulent les pesticides et même ceux qui
ne les manipulent pas.
Par rapport à l'état de santé des
agriculteurs, ADANHOUME (2000) estime que la période pendant laquelle
leurs maladies sont plus virulentes coïncide avec les travaux
champêtres (fumage des champs de cotonniers, période de sarclage
des champs). Selon le même auteur, c'est dans cette période des
activités agricoles que les agriculteurs souffrent le plus des maladies
cutanées, pulmonaires, des diarrhées et du vomissement.
A propos de la contamination des sols et indirectement des
eaux par les engrais chimiques, il suggère de recourir aux engrais
organiques ou aux engrais verts pour éliminer ou réduire l'effet
néfaste de ces engrais chimiques.
Pour le FIDA (2001), il est plus indiqué aux
agriculteurs pauvres en ressources, en particulier, d'adopter des pratiques
telles que la lutte biologique contre les ravageurs, les méthodes de
gestion de la fertilité du sol à l'aide de ressources disponibles
à la ferme et les techniques agricoles nécessitant peu d'intrants
provenant de l'extérieur.
BRISSET (1994) a perçu qu'entre pauvreté,
précarité de la santé et environnement le lien est de plus
en plus étroit. La pauvreté ne donne pas la possibilité
à ceux qui en souffrent de cesser de détériorer leur
environnement. Au contraire, le respect de l'environnement est le dernier de
leurs soucis.
ADAMBIOKOU (2001) rapporte les propos de GENY et al (1992)
qui soulignent l'insuffisance de la prise de conscience pour une meilleure
gestion des ressources de l'environnement. Le même auteur cite WIN et
HELMUT (1997) qui indiquent qu'une approche décentralisée
constitue un meilleur moyen pour réunir les conditions d'une gestion
durable des ressources naturelles.
Abondant dans le même sens, dans un bulletin
d'information, ZAHARIA et APOLLIN (1997) affirment que la gestion des
ressources naturelles doit résulter avant tout d'une concertation entre
les différents acteurs et usagers d'un même territoire.
Les auteurs du PAE (2001) suggèrent que les
populations soient accompagnées vers une prise de conscience
individuelle et collective des impacts négatifs de l'activité
humaine sur l'environnement.
Pour y parvenir ces auteurs accordent un intérêt
particulier au changement des comportements, notamment par une
élévation du niveau de vie de tous les béninois, et
souhaitant une amélioration du cadre de vie.
Ces informations ont pu être obtenues grâce aux
consultations de documents dans les bibliothèques et institutions comme
l'indique le tableau I suivant.
Les différents auteurs ont abordé l'impact des
activités agricoles sur les ressources naturelles et sur la santé
des populations, les conséquences de la pauvreté sur la gestion
des ressources naturelles et la nécessité d'un changement de
comportement vis-à-vis de l'environnement.
Mais les facteurs qui participent à la
précarité de la santé et du bien-être des
agriculteurs voire des populations n'ont pas été abordés
à fond. La dégradation des ressources naturelles et de
l'état de santé de la population par la culture du coton est une
réalité. Il reste à montrer que cette culture de rente
contribue de plus en plus à l'appauvrissement des agriculteurs et que la
pauvreté a des impacts négatifs sur la santé des
populations.
La pauvreté constitue entre autres un handicap
sérieux à la satisfaction des besoins liés à la
survie et à la santé. Elle conduit aussi les agriculteurs
à s'endetter sans cesse et à utiliser de façon excessive
la force physique au cours des activités agricoles, aux fins d'exploiter
d'importantes superficies agricoles. Leur but principal est d'obtenir à
termes de revenus. Tous ces facteurs seront pris en compte dans cette
étude.
Tableau I: Collecte des
données dans les différents Centres de documentation.
Bibliothèques ou centres de
documentation
|
Ouvrages consultés
|
Données exploitées
|
Bibliothèque de l'UAC
|
Documents généraux (livres, thèses)
|
Informations générales sur l'environnement et les
ressources naturelles
|
Centre de documentation de la FLASH-UAC
|
Thèses, mémoires
|
Informations sur les activités agricoles et les ressources
naturelles
|
Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique
(Cotonou)
|
Données démographiques sur le secteur
d'étude
|
Statistiques démographiques
|
Direction des Forêts et des Ressources Naturelles
|
Rapport projet, Etudes spécifiques sur les ressources
naturelles
|
Informations sur l'évolution de la dégradation des
ressources naturelles
|
Centre de documentation du Ministère de l'Agriculture, de
l'Elevage et de la Pêche
|
Rapport annuel d'activités, Données sur la
production agricole du secteur d'études
|
Statistiques agricoles, informations sur la production
agricole.
|
Centre de documentation du Ministère de l'Environnement,
de l'Habitat et de l'Urbanisme
|
Rapports lois sur l'environnement
|
Informations générales sur l'environnement et
études en cours au Bénin.
|
Agence Béninoise pour l'Environnement
|
Documents techniques et articles
|
Informations sur la planification
|
Centre Culturel Français
|
Livres et revues
|
Informations générales sur la dégradation de
l'environnement
|
CARDER Ségbana et Direction Générale du
CARDER Borgou
|
Rapports sur les activités agricoles du secteur
d'étude
|
Informations sur la pluviométrie, l'agriculture et la
gestion des ressources naturelles
|
Les ouvrages consultés ont permis de circonscrire le
thème et de disposer de base théorique pour l'analyse et la
discussion des résultats.
II- TECHNIQUES ET OUTILS DE COLLECTE DES
DONNEES
La phase pratique de ce travail de recherche s'est
déroulée sur le terrain. Les techniques utilisées se
résument en trois (03) opérations :
- l'observation ;
- l'entretien ;
- le questionnaire.
· L'observation directe a permis de
constater le mode de manipulation des intrants agricoles (pesticides, engrais)
par les populations, de voir le mode de préparation ou d'exploitation
des champs et leurs impacts sur l'environnement et la santé des
agriculteurs voire des populations. Ce sont des données qualitatives qui
ont été collectées. Pour illustrer les constats et
observations, des photos de quelques champs de coton, d'agriculteurs en
activité, des emballages vides de pesticides ensachés ont
été prises.
· L'entretien fait à partir d'un
guide d'entretien individuel a permis d'échanger avec des personnes
ressources que sont les agents du CARDER, du Centre de santé et des
responsables des Groupements villageois. L'entretien a porté sur les
différents comportements liés à la dégradation des
ressources naturelles, à la détérioration de l'état
de santé et du bien-être des agriculteurs voire des populations.
L'entretien a été quelques fois enregistré sur accord des
interlocuteurs. Cette opération a servi aussi à la collecte des
données qualitatives.
· Le questionnaire a
permis de collecter des données quantitatives et qualitatives afin de
mesurer les variables importantes en rapport avec les activités
agricoles, l'impact de ces activités sur les ressources naturelles, les
modes d'entretien des cultures et leur impact sur l'état sanitaire des
habitants.
Le travail a été fait en rapport avec le cycle
agricole :
- période de préparation des sols pour les
cultures : du 05 avril au 02 mai 2004, soit 30 jours ;
- période de traitement phytosanitaire des champs de
coton : du 02 au 30 septembre 2004, soit 29 jours ;
- période de récolte : du 14 au 30 octobre
2004, soit 17 jours.
Les enquêtes de terrain ont duré globalement deux
(02) mois, deux (02) semaines, soit 75 jours. L'étude menée est
à la fois qualitative et quantitative comme l'indique le tableau II
suivant.
Tableau II : Techniques
et outils de collecte des informations sur le terrain
TECHNIQUES
|
OUTILS
|
TYPES DE DONNEES
|
Observation
|
Grille d'observation
|
Qualitative
|
Entretien
|
Guide d'entretien
|
Qualitative
|
Questionnaire
|
Questionnaire
|
Quantitative/ Qualitative
|
Source : Résultats
d'enquête (année 2004)
La grille d'observation, les guides d'entretien et le
questionnaire sont en annexes 5,6 et7
ECHANTILLONNAGE
Sur les vingt huit (28) localités que compte la
commune de Ségbana, quatre (04) ont été retenues pour les
enquêtes de terrain.
Il s'agit de Ségbana, Morou, Libantè et
Koutè. Le choix de ces localités est d'abord raisonné,
tenant compte des critères suivants :
- le mode d'exploitation agricole ;
- l'importance des cultures du coton et de l'igname.
Ensuite, le choix est aléatoire, car les quatre (04)
localités enquêtées ont été choisies
à partir d'un tirage au sort parmi dix (10) qui remplissent ces
critères.
Les enquêtes de terrain ont touché un
échantillon de cent quatre vingt seize (196) actifs agricoles
âgés de quinze (15) ans et plus répartis sur les quatre
(04) villages. Quarante-neuf (49) actifs agricoles dont trente-neuf (39) hommes
et dix (10) femmes par village sont concernés par ce travail.
En tenant compte de la spécificité de la zone
d'étude, les hommes jouent un rôle très important dans les
activités agricoles, raison pour laquelle le choix a porté sur
près de 4/5 des hommes et 1/5 des femmes par localité. Par
rapport à l'échantillon retenu, les personnes rencontrées
dans les champs ou les maisons ont été soumises à un
entretien individuel.
En outre, un choix raisonné a porté sur deux
(02) agents du CARDER, deux (02) de santé et deux (02) agents
d'organisation paysanne, tous se trouvant dans le secteur d'étude.
Au total, l'enquête de terrain a concerné un
échantillon de deux cent deux (202) interlocuteurs.
|