Les Garanties Autonomes au Maroc( Télécharger le fichier original )par Mohammed SENTISSI Université de Perpignan - Master II (R) 2006 |
CONCLUSION GENERALELongtemps, à la différence de nombre de droits étrangers, le droit français n'a pas connu d'autres formes de sûretés personnelles que le cautionnement. Mais la situation a considérablement évolué, au point qu'il semble possible de parler à l'heure actuelle, d'un « pullulement » de nouvelles sûretés personnelles, qui ont toutes vocation, à échapper d'une manière ou d'une autre aux rigueurs du cautionnement. Certes, le mouvement législatif et jurisprudentiel sans cesse croissant en faveur de la protection des cautions semble être arrivé à son terme ou tout du moins marquer une pause. Néanmoins, dans le cadre d'une économie de marché, le besoin de crédit toujours grandissant, ne peut être assouvi sans qu'une certaine sécurité ne soit accordée au créancier contre les risques courus. Or, la garantie autonome, est parmi d'autres, un moyen de réduire considérablement ce risque. Il n'est d'ailleurs pas étonnant, qu'elle se soit développée en premier lieu en matière de commerce international, où le danger pour le créancier, a toujours été plus important que dans le cadre de relations internes. La situation des créanciers se dégradant de manière significative en droit interne, il n'est pas surprenant, qu'ils se soient tournés vers des formes de garanties plus « dures », ayant fait leur preuve au plan international, pour restaurer leur sécurité. Nous l'avions souligné au début de cette étude, ces nouvelles garanties ont pu être perçues comme marquant une régression au plan du droit. La garantie autonome serait alors, au même titre que d'autres nouvelles sûretés personnelles non accessoires178(*)de substitution au cautionnement, un exemple de retour à l'archaïsme, pour reprendre les termes de M. Oppetit179(*). Selon cet auteur, le droit contemporain des sûretés offrirait en effet, une manifestation éclatante d'épanouissement de l'archaïsme. On se trouverait ici en présence, « d'un retour à des concepts ou des institutions parfois très frustres, qu'une évolution bimillénaire, par un effort constant de perfectionnement de la technique et d'abstraction, avait progressivement abandonné au profit de formes plus adaptées aux nécessités et à l'esprit du temps ». Il s'agirait là, d'une véritable régression. Que penser de ces considérations, au moment de conclure cette étude ? Certes, la garantie autonome n'a pas d'origines romaines directes, mais c'est le cas de certaines formes de sûretés personnelles voisines, telles que le constitut (constitutum debiti alieni), les garanties indemnitaires (qui selon les cas, dérivent plus ou moins de la promissio indemnitatis) ou encore la délégation-sûreté (delegatio certa). Il est par ailleurs vrai, qu'au plan de la technique, la garantie autonome n'est pas un mécanisme des plus raffinés. Néanmoins, on est en droit de s'interroger. Le cautionnement marquerait-il un progrès technique par rapport à ces sûretés arriérées, il n'en demeure pas moins, que « les aberrations jurisprudentielles et législatives » relevées par M. Oppetit lui-même, l'ont véritablement travesti. Au point que bon nombre de cautions ont bénéficié de facto, « d'un droit légal de ne pas payer leurs dettes » pour reprendre la fameuse formule du doyen Ripert180(*). Entre cautionnement et garantie autonome, il est donc possible de se demander laquelle de ces deux sûretés correspond le mieux aux réalités sociales actuelles. Probablement ni l'une ni l'autre, puisque aucune ne parvient à réaliser un compromis satisfaisant entre les droits du débiteur et ceux du créancier. Peut être faut-il, finalement considérer avec M. Aynés, que le droit des sûretés dans son ensemble, obéit à une dialectique permanente. D'une part, une dialectique de la complexité et de la simplicité, toute sûreté étant initialement simple et tendant progressivement à se compliquer, jusqu'à ce que son excès de lourdeur oblige à un retour à la simplicité. D'autre part, une dialectique de l'accroissement et de la diminution, ce que résume l'auteur par une formule « trop de sûretés pas de sûretés ». L'inflation des sûretés, de même que celle de la monnaie ou des diplômes, portant en elle-même les germes de leur disparition. La situation a donc vocation à évoluer, vers une complexification de la garantie autonome, ce qui pourra s'apparenter à un enrichissement technique, mais symbolisera dans le même temps leur déclin inéluctable. D'autre part, il est concevable, que de toutes les sûretés personnelles évoquées dans cette étude, un certain nombre soient vouées à disparaître, ce que nous pressentions déjà, en énonçant leur trop grand nombre et l'absence d'originalité de certaines d'entre elles. En attendant que ne se dégage une voie médiane, si tant est que cela soit possible, rien ne s'oppose en droit positif à la validité des garanties autonomes dans le cadre de relations purement internes. Ce mécanisme doit donc figurer au nombre des choix possibles en matière de sûretés personnelles. Si la liberté contractuelle n'est pas un principe totalement vide de sens, il faut considérer que les parties sont donc libres, sous le respect des conditions de validité des conventions, de recourir à des mécanismes aussi innovants soient-ils, tels que la garantie autonome. * 178 Telles que le constitut, la délégation imparfaite ou toutes les formules de garanties indemnitaires. * 179 B. OPPETIT, Les tendances régressives dans l'évolution du droit contemporain, Mélanges HOLLEAUX, pages 317 et s. cité par Borgas. Qualification de la garantie autonome ; Lyon 2001 * 180 Cité par D. GRILLET-PONTON, Nouveau regard sur la vivacité de l'innomé en matière contractuelle, D. 2000, chron., page 333. cité par N. Borgas. |
|