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L'harmonisation des systèmes fiscaux
des
États membres par la Cour de Justice
de
l'Union européenne
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Dylan Viry
Master 2 Procédures et Fiscalités
Appliquées
Sous la Direction de Monsieur Jérôme Charpentier,
Maître de conférences en droit public à
l'Université de Metz
Année Universitaire 2018-2019
Île du Saulcy, 57000 Metz Secrétariat : 03 87
31 50 51
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J'adresse mes remerciements aux personnes qui m'ont
aidé pour la réalisation de ce
mémoire.
En premier lieu, je remercie le corps enseignant de la
faculté de droit de Metz qui m'a
permis de découvrir ma vocation pour le
droit.
Je tiens à remercier Monsieur Jérôme
Charpentier, Maître de Conférence à l'Université de
Metz, pour sa patiente, son dévouement envers son Master et la
qualité de ses conseils
dans la réalisation du présent
mémoire.
Je remercie également Monsieur Pierre Tifine, Doyen
de la faculté de droit, économie et administration de Metz qui a
fait naître en moi la passion pour le droit administratif,
Madame Claudie Weisse-Marchal, Maître de
Conférence à l'Université de Metz, qui m'a appris à
apprécier le droit de l'Union européenne, et
Monsieur Florent Roemer, Maître de Conférence
à L'Université de Nancy qui m'a fait
découvrir le droit fiscal.
Je tiens enfin à remercier ma famille et mes amis qui
m'ont soutenu lors de l'écriture du
présent mémoire
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« Le droit est trop humain pour prétendre
à l'absolu de la ligne droite. Sinueux, capricieux incertains, tel il
nous est apparu - dormant et s'éclipsant, changeant mais au hasard, et
souvent refusant le changement attendu, imprévisible par le bon sens
comme par l'absurdité. Flexible droit ! Il faut, pour bien l'aimer
commencer par le mettre à nu. Sa rigueur, il ne l'avait que par
affectation ou par imposture ». Doyen Carbonnier
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Table des abréviations
A- Juridictions
CJCE Cour de justice des Communautés
européennes
CJUE Cour de justice de l'Union européenne
CE Conseil d'État
B- Annuaires, Recueils, Revues
Rev. dr. Union européenne Revue du droit de
l'Union européenne
C- Autres
aff. Affaire
Concl. Conclusions
Éd. Éditions
fasc. Fascicule
Req. Requête
TCE Traité instituant la Communauté
européenne
TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne
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Sommaire
Introduction
Partie I - Une harmonisation jurisprudentielle mouvante
et flexible au détriment de la souveraineté des États
membres
Chapitre I - La jurisprudence de la Cour,
créatrice d'un droit de l'Union prétorien
Chapitre II - La compétence fiscale des
États remise en cause par la Cour de Justice
Partie II - Une harmonisation jurisprudentielle
téléologique pour lutter contre la concurrence
fiscale
Chapitre I - Le marché commun : objet de
l'harmonisation des systèmes fiscaux
Chapitre II - Une harmonisation négative
de la Cour pour consacrer un espace de liberté et de justice fiscal
Conclusion
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Introduction
« Qu'on parle de vous, c'est affreux. Mais il y a une
chose pire : c'est qu'on n'en parle pas »1. En effet, si
la médiatisation de la haute fonction publique européenne est
récurrente, sujette à de nombreuses critiques envers les «
technocrates de Bruxelles »2, les juges de Luxembourg
se situent loin de ces préoccupations, disposant d'une mise en
lumière très limitée. Cette obscurité leur permet
de préserver l'indépendance de leurs fonctions juridictionnelles.
Toutefois, l'action de la Cour ne touche, médiatiquement parlant, que
peu l'opinion publique, et ce, en dépit de la publicité des
décisions de justice. Pourtant, l'action de la Cour est essentielle au
rouage européen à travers son activité juridictionnelle.
Elle est un engrenage dans la machine de la démocratie européenne
influant sur la vie du citoyen, notamment en matière
fiscale3.
1 Oscar Wilde, Citations
2
https://www.lepoint.fr/monde/royaume-uni-boris-johnson-menace-de-ne-pas-payer-la-facture-du-brexit-09-06-2019-2317742_24.php
3 CJCE, 14 février 1995, Finanzamt Köln-Altstadt
contre Roland Schumacker, C-279/93
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Ainsi, s'il est né lentement un droit
fiscal4 de l'Union Européenne5, il n'existe pas
d'impôt6 européen à proprement parler. Et bien
que ce droit ait pour but d'encadrer les législations fiscales
nationales, son influence reste la plupart du temps asymétrique. C'est
d'ailleurs cette caractéristique qui distingue l'Union Européenne
des « véritables » États
fédéraux7.
4 « Du latin fiscalis, lui-même issu de fiscus
désigne un panier à argent, le trésor public ou encore le
trésor impérial. Le droit fiscal est la branche du droit qui
étudie les principes juridiques relatifs aux impôts, taxes,
contributions et cotisations sociales et regroupe l'ensemble des normes de
droit qui les concernent. Il traite des prérogatives de l'Administration
pour percevoir auprès des personnes physiques ou des personnes morales
(citoyens ou agents économiques) leur contribution au fonctionnement de
l'Etat et à la satisfaction de l'intérêt public. Il aborde
aussi les garanties dont disposent les contribuables.
Le droit fiscal, qui relève du droit public, a des
liens étroits avec le droit privé en raison de ses impacts sur
les activités économiques. Il est l'expression de la politique
économique et sociale de l'Etat et interagit avec le droit des affaires,
le droit commercial, la comptabilité et la finance. »
La Toupie, Dictionnaire, "Toupictionnaire" : le dictionnaire
de politique, Droit Fiscal
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Droit_fiscal.htm
5 « Créée le 1er janvier 1993 par
l'application du Traité de Maastricht, l'Union Européenne (UE)
prend le relais dans la construction européenne de la communauté
économique européenne (CEE). L'UE est une union
intergouvernementale, mais n'est pas un État destiné à se
substituer aux États membres existants. Elle est une entité
juridique indépendante des États qui la composent et dispose de
compétences propres (politique agricole commune, pêche, politique
commerciale, etc.), ainsi que des compétences qu'elle partage avec ses
États membres. Elle est reconnue comme étant une organisation
internationale.
Sur le plan économique, elle dispose d'une union
douanière, ainsi que pour les États membres appartenant à
la zone euro, d'une monnaie unique, l'euro. L'Union est donc une structure
supranationale hybride empreinte à la fois de fédéralisme
et d'intergouvernementalisme. Aujourd'hui, les pays de l'Union
européenne sont au nombre de 28. »
INSEE, Définitions, méthodes et qualité,
Définitions, Union Européenne / UE,
https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1753
6 Selon G.Jèze, l'impôt est « Une
prestation de valeurs pécuniaires exigée des individus
d'après des règles fixes, en vue de couvrir des dépenses
d'intérêt général, et uniquement à raison du
fait que les individus qui doivent les payer sont membres d'une
communauté politique organisée » Cours de finances
publiques 1936-1937, LGDJ, 1937, p. 38
Selon G. Vedel « L'impôt est une prestation
pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité, à
titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des
charges publiques » Encyclopedia Universalis, 1996, v°
Impôt, vol. 11, p. 1001
7 « L'État fédéral, ou
fédération, se définit par l'existence d'un État
fédéral se superposant à des entités
fédérées, selon une organisation « à double
étage ». C'est la Constitution fédérale qui assure la
répartition des compétences entre les niveaux
fédéral et fédéré. Les compétences
qui intéressent la souveraineté internationale restent
généralement le monopole de l'État fédéral
(diplomatie, défense, monnaie).
Les États fédérés sont des
entités politiques qui disposent chacune d'un pouvoir exécutif,
législatif et juridictionnel, s'articulant avec ceux des institutions
fédérales. Les États fédérés
participent aux décisions fédérales : le pouvoir
législatif fédéral est composé de deux chambres,
l'une représentant la population de l'État fédéral,
l'autre les États fédérés (Bundesrat allemand,
Sénat américain, etc.). » Dalloz, Fiche d'orientation,
État, Mai 2019
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Pourtant, l'article 2 du traité de Rome8
fixait un objectif ambitieux à la nouvelle communauté
économique, composée de six États9, qui venait
de naître à travers la promotion d'un développement
harmonieux des activités économiques. L'établissement d'un
marché commun et le rapprochement progressif des politiques
économiques des États membres permettraient d'atteindre ce
résultat. Parmi les instruments créés par le
traité, la fiscalité n'y avait qu'une place modeste : cinq
articles10 seulement lui étaient consacrés. En effet,
dans les démocraties parlementaires, le vote de l'impôt est un
symbole historique et une compétence jalousement conservée par
les élus11. Or, aucune institution européenne
comparable à un Parlement national n'avait suffisamment de
légitimité pour lever un « impôt européen
» ou consacrer une telle compétence fiscale.
Dans ce contexte, Union Européenne et fiscalité
ont souvent été éloignées malgré le fait que
ces dernières avaient été institué, ab initio,
dans un but purement économique. Les traités n'accordent
d'ailleurs aucune compétence fiscale à l'Union. Les immixtions de
l'Union dans le domaine fiscal sont par conséquent très
encadrées, même si la Cour de Justice a de plus en plus tendance
à ouvrir ce territoire peu exploré jusqu'ici12.
Toutefois, le fait de supposer que l'Union ne dispose pas de compétence
fiscale ne signifie pas que le droit fiscal de l'Union en est encore à
un stade embryonnaire, visible seulement à travers la jurisprudence de
la Cour de Justice. En effet, il existe des articles dans le TFUE13
qui traitent de questions fiscales. Il ne s'agit toutefois que, pour la
plupart, de dispositions ne se rapportant qu'à la fiscalité
indirecte14. Ces dernières reprenant peu ou prou celles du
traité de Rome, reflétant in fine la
concrétisation de la libre circulation des marchandises15.
8 Le traité de Rome a été signe le 25
mars 1957 et entré en vigueur le 1er janvier 1958. Son article 2 dispose
que « La Communauté a pour mission, par l'établissement
d'un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques
économiques des États membres, de promouvoir un
développement harmonieux des activités économiques dans
l'ensemble de la Communauté, une expansion continue et
équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement
accéléré du niveau de vie et des relations plus
étroites entre les États qu'elle réunit. »
9 La France, la République Fédérale
Allemande, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Italie.
10 Articles 95 à 99 du traité de Rome
11 Article 34 de la Constitution française de 1958
12 CJUE, 26 février 2013, Åklagaren/Hans
Åkerberg Fransson, C-617/10
13 Traité ayant pour origine le traité de Rome
amendé en profondeur par le traité de Lisbonne signé le 13
décembre 2007, entré en vigueur le 1er décembre
2009
14 Articles 110 à 113 du TFUE
15 Les libertés prévues par le traité en
faveur de la circulation des travailleurs (art. 45), de l'établissement
(art. 49), de la prestation de services (art. 49) et des mouvements de capitaux
(art. 63) doivent être respectées dans le domaine fiscal.
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Néanmoins, cette absence d'une cohésion fiscale
suffisamment solide pose de multiples problématiques. En effet, les
impôts deviennent de véritables instruments de concurrence
interétatique, créant ainsi un phénomène de
concurrence fiscale intracommunautaire16. Phénomène
ô combien paradoxal au regard des objectifs d'intégration,
d'uniformisation17, ou tout du moins d'harmonisation18 de
l'Union. Quelques directives éparses voient le jour19, sur le
fondement de l'actuel article 115 TFUE permettant ainsi une harmonisation des
systèmes fiscaux à l'unanimité du Conseil (dans
l'hypothèse selon laquelle ils auraient une incidence directe sur le
fonctionnement du marché intérieur). Le mouvement s'est cependant
accéléré à partir des années 90, lorsque la
Cour de Justice a commencé à appliquer les grandes
libertés communautaires aux mesures fiscales, et ce, même en
matière de fiscalité directe20. Toutefois, la
réglementation fiscale européenne est encore bien trop
incomplète et a prouvé l'entièreté de ses limites.
En effet, dans un contexte de mondialisation économique, certains
États membres tirent leur épingle du jeu en arborant
16 Amélie Barbier-Gauchard, La concurrence fiscale dans
l'Union européenne, Les politiques budgétaires
confrontées à la mobilité, Politique
étrangère 2008/2 (Eté), pages 385 à 400
17 « Composée des mots latins unus qui
signifie « un » et forma qui veut dire « forme »,
l'uniformisation consiste à donner la même formeà un
ensemble d'éléments « dont toutes les parties se ressemblent
entre elles ». Elle postule que, pour une matière précise,
soit minutieusement élaboré un cadre normatif (unité de
second degré) contenu dans un instrument unique auquel les parties
prenantes adhèrent sans pouvoir y déroger ni sur le fond, ni sur
la forme. Concrètement, l'uniformisation suppose par exemple que les
États impliqués dans une intégration se dotent d'un corps
de normes uniformes et détaillées contenu dans un instrument
unique. D'ailleurs, c'est ce support commun à tous les intervenants
à une intégration juridique qui fait la particularité de
l'uniformisation et la distingue de l'unification. »
Innocent Fetze Kamdem, Professeur adjoint, Section de droit
civil, Faculté de droit de l'Université d'Ottawa,
Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours
affiné sur les moyens d'intégration juridique, Revue de
droit uniforme: (2008) Unif. L. Rev./Rev. dr. unif. 709
18 « Du latin harmonia, l'harmonisation
désigne « un simple rapprochement entre deux ou plusieurs
systèmes juridiques » afin d'en réduire ou d'en supprimer
certaines contradictions. Ainsi, l'harmonisation est un moyen qui sert à
établir les grandes lignes d'un cadre juridique (unité
législative de premier degré) en laissant aux différentes
parties prenantes à l'intégration le soin de compléter
l'ossature commune par des dispositions qui correspondent mieux à leurs
valeurs, à leurs préférences ou à leur niveau de
développement. En tant qu'entreprise, l'harmonisation est donc un
processus. »
G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige /
PUF, 2000, p. 423
Innocent Fetze Kamdem, Professeur adjoint, Section de droit
civil, Faculté de droit de l'Université d'Ottawa,
Harmonisation, unification et uniformisation. Plaidoyer pour un discours
affiné sur les moyens d'intégration juridique, Revue de
droit uniforme: (2008) Unif. L. Rev./Rev. dr. unif. 709
19 Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011
concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés
mères et filiales d'États membres différents, directive
2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003 concernant un régime fiscal commun
applicable aux paiements d'intérêts et de redevances
effectués entre des sociétés associées
d'États membres différents, directive 90/434/CEE du Conseil, du
23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux
fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions
intéressant des sociétés d'États membres
différents
20 Pour la libre circulation des marchandises CJCE 16 juillet
1992, Legros, C-163/ 90, Plén., CJCE, 9 juillet 1994,
Lancry SA et alii, C-363/ 93 et 407 à 411/ 93, CJCE, 19
févr. 1998, Chevassus, C- 212/ 96 Pour la libre circulation des
capitaux CJCE, Jessica Safir, 28 avril 1998, C-118/ 96
Pour la libre circulation des personnes CJCE, 14
février 1995, Finanzamt Köln-Altstadt contre Roland
Schumacker, C-279/93
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des systèmes fiscaux des plus avantageux pour les
entreprises21, soulevant des problématiques inédites
face auxquelles l'Union est désarmée par le principe du vote
à l'unanimité22. L'Union Européenne se retrouve
ainsi bloquée entre sa volonté d'harmonisation et le refus des
États membres de lui abandonner leur compétence fiscale, dernier
bastion de leur souveraineté.
Ainsi, « le droit fiscal européen s'entend
comme la composante à part entière d'un système juridique
transnational »23. Le droit de l'Union, sous sa
perspective fiscale, a donc pour but d'assurer la bonne application des
traités de base ainsi que la surveillance des régimes fiscaux
nationaux. Et « s'il n'existe pas de fiscalité de l'Union, cela
ne signifie pas que le droit fiscal de l'Union, ainsi entendu, ne
présente pas d'importance. Tout au contraire, son objet tout d'abord -
les fiscalités nationales - élément par excellence de la
souveraineté nationale, ses méthodes ensuite - des règles
contraignantes - ses objectifs enfin - élimination de toute
discrimination, rapprochement des législations nationales -
commanderaient, s'il en était besoin, d'attacher la plus grande
importance au contenu de ses règles et à leur portée
»24.
Il doit donc s'opérer une harmonisation des
systèmes fiscaux nationaux si l'Union souhaite remplir cet objectif.
Toutefois, selon la doctrine, l'harmonisation fiscale demeure un «
concept flou si ce n'est ambigu particulièrement mis en avant par
les organes communautaires en vue de faciliter la réalisation d'un grand
marché unique. L'harmonisation fiscale est à distinguer de
l'uniformisation fiscale, en ce sens que les règles fiscales des
différents États sont certes rapprochées les unes aux
autres, autour d'un
21 Irlande, Luxembourg, Malte et Pays-Bas
Jean-Christophe Catalon, 28 novembre 2017, La Tribune,
Paradis fiscaux : quatre pays de l'Union européenne méritent
d'être sur liste noire, selon Oxfam
https://www.latribune.fr/economie/international/paradis-fiscaux-quatre-pays-de-l-union-europeenne-meritent-d-etre-sur-liste-noire-selon-oxfam-759371.html
22 « Dans le cadre du traité instituant la
Communauté européenne et du traité sur l'Union
européenne, toutes les décisions en matière fiscale qui
doivent être prises au niveau européen sont soumises à la
règle de l'unanimité, ce qui signifie que tous les États
membres doivent être d'accord sur toute mesure adoptée dans le
domaine fiscal.
Commission européenne, Fiscalité et Union
douanière, information générale sur la fiscalité,
Fiscalité et vote à la majorité qualifiée
»
https://ec.europa.eu/taxation_customs/general-information-taxation/taxation-qualified-majority-voting_fr
23 Jean-Bernard Auby, L'influence du droit européen sur
les catégories juridiques du droit public, Informations sociales 2013/1
(n° 175), Cairn
24 Dominique Berlin, Professeur émérite à
l'université Panthéon-Assas (Paris II), Synthèse - Droit
fiscal de l'Union européenne, JurisClasseur Europe Traité,
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tronc commun, mais tout en maintenant les
différences de législation jugées
acceptables25 ».
« Il y a vingt ans déjà, l'expression
« droit fiscal communautaire » devait être
précisée afin d'éviter toute référence
à un quelconque impôt communautaire dont ce droit aurait
défini le régime. En réalité d'impôt
communautaire ou de l'Union aujourd'hui il n'y a pas et il semble qu'il n'y
aura pas dans un avenir proche, car sa création marquerait sans doute un
tournant dans la construction de l'Union européenne en direction d'un
État fédéral, tournant qui, si tant est qu'il ait
été proche à un moment donné, semble
s'éloigner au fur et à mesure des nouvelles adhésions. En
réalité, sous cette expression sont regroupés les deux
corps de règles du droit de l'Union qui encadrent les droits fiscaux
nationaux : les dispositions des traités et les directives
d'harmonisation. »26
Toutefois, au sens de la doctrine, l'Union européenne
n'est actuellement ni une confédération ni une
fédération au sens constitutionnel de ces deux concepts. L'Union
européenne a dans un célèbre arrêt «
définit sa propre forme de fédéralisme constitutionnel
»27 . En effet, parmi ses objectifs les plus importants
l'intégration économique joue un rôle de moteur à
travers la création et la consolidation d'un marché commun qui
comprend sans discrimination les économies des 28 États membres.
Cependant, la « Petite Europe28 » dispose
toujours d'un « paysage fiscal très fragmenté
». Dans ce contexte, l'Union européenne
quasi-fédérale est également confrontée au
défi de la coordination des compétences législatives et
administratives dans le but de supprimer les entraves au commerce entre
États et d'éviter les discriminations au sein du marché
commun. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui l'ont souligné dans des
rapports29 : le manque actuel de coordination et d'harmonisation a
pour risque d'entraîner une érosion des recettes fiscales par
l'exploitation d'arbitrages fiscaux ou de vides juridiques avantageux. Ainsi,
dans un contexte d'une économie globalisée, la capacité
des États membres à mettre en place un système fiscal
efficace et équilibré est entravée par une concurrence
fiscale
25 Alain Steichen, Lexique fiscal, Édition
Saint-Paul
26 Ibid24
27 CJCE, 23 octobre 1986, Les Verts c/ Parlement, 294/83
28 Terme utilisé par pour désigner l'Union
européenne par contraste avec la « Grande Europe »
désignant généralement les États membres du Conseil
de l'Europe
29 Qu'il s'agisse du rapport Neumark des 7 et 8 juillet 1962,
Werner du 22 mars 1971, Burke de 1980, Ruding de 1992 ou de la Commission en
2001, tous ont énoncé la volonté d'entreprendre à
plus ou moins grande échelle une harmonisation des législations
fiscales au sein du territoire de l'Union
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robuste. Cela implique pour les États une
nécessité de se rassembler pour lutter contre un
phénomène qui entache constamment leur budget depuis plus d'un
siècle30.
En matière fiscale, la jurisprudence de la Cour s'est
étendue considérablement, devenant controversée au regard
de la souveraineté des États. En effet, cette dernière
participe inéluctablement à l'harmonisation fiscale entre les
États membres. Il est évident que la jurisprudence de la Cour,
comme il sera observé ci-après, tend à promouvoir la
neutralité fiscale des transactions économiques au sein du
marché unique, notamment en supprimant les entraves résultant de
l'existence parallèle et de l'interaction de différentes taxes
nationales. L'harmonisation fiscale entre les États membres revêt
donc essentiellement deux dimensions. La première consiste en un
rapprochement du droit fiscal et des règles de procédure connexes
des États membres en vue de réduire, tout du moins, les
disparités entre les systèmes fiscaux nationaux. La seconde
consiste davantage en une suppression des doubles impositions, tant
économiques que juridiques, entre les États membres.
« L'harmonisation ne couvre pas tous les aspects de
l'impôt et peut être limitée aux aspects créant des
dysfonctionnements dans le marché commun. Dans l'harmonisation la
souveraineté nationale continue à exister, quoiqu'en
parallèle avec la compétence communautaire, les États
membres ne peuvent exercer leur souveraineté en matière de
fixation de l'impôt que dans les limites prévues par l'organe
centrale. Ainsi, à l'image du « serpent monétaire
européen » mis en place dans les années 70 pour contenir les
fluctuations des monnaies européennes dans certaines limites, certaines
personnes préconisent un « serpent fiscal européen »
afin d'encadrer les pratiques fiscales des différents membres de l'Union
européenne et de les enserrer dans un standard commun
»31 .
Toutefois, la notion d'harmonisation entre États
membres ne se limite pas à la suppression des entraves à
l'accès au marché intérieur et aux atteintes à la
liberté de la concurrence causées par des dispositions fiscales
discriminatoires et restrictives d'un seul et même État membre.
30 Cour de M. le Doyen Pierre Tiffine, « Le
problème Suisse au XIXe siècle », Théorie de
l'impôt, 2019
31 Politique fiscale communautaire, Encadrement politique des
sources juridiques, §2 harmonisation fiscale, Lexnow
16/101
En ce sens, dans quelles mesures le rôle joué par
la Cour de Justice permet-il la consolidation des fondements du droit de
l'Union au détriment de la souveraineté des États membres
?
Il ne fait nul doute que la Cour joue un rôle important
de promotion mais également de complexification des législations
fiscales des États membres à travers son harmonisation
qualifiée de « négative32 ». Cette
harmonisation fiscale prétoriennes33 s'effectue bien souvent
au détriment de la souveraineté des États membres (Partie
I) et dont la visée téléologique34
assumée s'effectue au profit de la consolidation européenne
(Partie II).
32 L'harmonisation négative doit s'entendre comme
l'harmonisation résultat de la jurisprudence de la Cour et qui a pour
but d'harmoniser et d'offrir un cadre juridique cohérent aux
États membres. A l'inverse l'harmonisation positive se définit
davantage comme une harmonisation provenant du législateur
européen.
Europa, Briefing, Mars 2017, The EU as a community of law -
Overview of the role of law in the Union
33 Se dit d'un droit jurisprudentiel. Cela signifie qu'il est
largement l'oeuvre du juge.
34 « Doctrine philosophique qui repose sur l'idée
de finalité » Dictionnaire Larousse
17/101
Partie I - Une harmonisation jurisprudentielle mouvante
et flexible au détriment de la souveraineté des États
membres
L'harmonisation négative effectuée par la Cour
de Justice est le fruit d'une jurisprudence mouvante et flexible : en un mot
prétorienne (Chapitre I). Cette jurisprudence, en constante
évolution avec son temps et les problématiques de son
époque, est symptomatique, portant inéluctablement atteinte
à la compétence et, a fortiori, à la
souveraineté fiscale des États membres (Chapitre II).
Chapitre I - La jurisprudence de la Cour,
créatrice d'un droit de l'Union prétorien
La jurisprudence de la Cour de Justice est créatrice
d'un droit prétorien. Ce droit prétorien de l'Union s'observe
principalement à travers l'édiction de nombreux principes
généraux du droit de l'Union (Section I). En ce sens, ce
caractère évolutif de la jurisprudence fragilise
inéluctablement la souveraineté fiscale des États membres
(Section II).
Section I - Un droit prétorien à travers
l'édiction de principes généraux du droit de l'Union
Ce droit prétorien de l'Union s'analyse par le biais
d'une jurisprudence novatrice construite autour du triptyque de la
primauté, de l'effet direct et de l'application immédiate du
droit de l'Union (I) et d'autres principes généraux du droit
à l'apport non négligeable (II).
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I - Une jurisprudence novatrice construite autour du
triptyque de la primauté, de l'effet direct et de l'application
immédiate du droit de l'Union
La jurisprudence de l'Union peut être qualifiée
de novatrice, car elle a édicté sous couvert des traités
originels des notions uniques comme la primauté (A), l'effet direct et
de l'application immédiate du droit de l'Union (B).
A - La reconnaissance de la primauté du droit de
l'Union
La primauté consiste dans le fait de faire primer une
norme de l'Union sur une norme nationale35. L'arrêt Costa
contre ENEL est ele précurseur de la notion de primauté du
droit communautaire sur les normes internes. Se superpose en
conséquence, un ordre juridique de l'Union sur l'ordre juridique
national. De plus, la norme communautaire prévaut toujours en cas de
conflit avec une norme constitutionnelle36. Toutefois, une telle
conception intégrante de l'ordre juridique de l'Union dans l'ordre
juridique interne n'a pas été d'emblée acceptée par
les États, encore moins par certaines juridictions nationales telles que
le Conseil d'État en France37 . En effet, dans un arrêt
Sarran et Levacher, les juges du Palais-Royal ont affirmé leur
attachement à la norme constitutionnelle, indétrônable
selon eux par quelque norme que ce soit. En revanche, la seule limite
posée par le juge de l'Union au principe de primauté se situe
à l'alinéa 2 de l'article 4 du traité de Lisbonne qui
prévoit la garantie de « l'identité nationale des
États membres, inhérente à leurs structures fondamentales,
politiques et constitutionnelles ».
Toutefois, outre cette rare exception au principe, la
primauté du droit de l'Union est fondatrice, elle est la sève
même de l'objectif d'intégration poursuivi par l'organisation
européenne. Sans primauté, il n'existerait pas de droit aussi
intégré, et l'Union se résumerait à une
organisation de coopération classique. La primauté permet
l'application effective, rend utiles les normes européennes en leur
conférant une force dépassant la logique nationale. En
matière fiscale bien entendu, le principe de primauté est ô
combien nécessaire pour permettre à la Cour d'effectuer une
harmonisation des systèmes fiscaux
35 CJCE, 15 juillet 1964, Costa contre ENEL, 6/64
36 CJCE, 11 décembre 1970, Internationale
Handelgesellchaft, 11-70
37 CE, Assemblée, 30 oct. 1998, Sarran et
Levacher, n°200286
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des États membres, bien que cette harmonisation
négative se fasse par touche jurisprudentielle successive.
C'est à travers le principe de primauté du droit
de l'Union mais également en raison des principes d'effet direct et
d'applicabilité que la Cour peut émettre des décisions
contraignantes pour les États membres dans un domaine38 qui
relève de la compétence exclusive des États. Mais pour
implémenter durablement le droit de l'Union, le principe de
primauté ne peut fonctionner que lorsqu'il est combiné avec les
principes d'effet direct et d'applicabilité immédiate.
B - L'effet direct et l'applicabilité
immédiate
« L'effet direct du droit de l'Union est un principe
fondamental du droit de l'Union. Il a été consacré par la
Cour de justice des Communautés européennes dans l'arrêt
Van Gend & Loos39 du 5 février 1963
»40. Dans cet arrêt, l'effet direct du droit de
l'Union se caractérise comme le fait de « conférer des
droits individuels que les juridictions nationales doivent sauvegarder
». « Les particuliers peuvent se prévaloir de ces
droits et invoquer directement des normes européennes devant les
juridictions nationales et européennes »41
.
En principe, l'effet direct peut s'observer sous deux
perspectives. La première constitue l'effet direct vertical. Il s'agit
d'un effet direct qui impacte les particuliers dans leur relation avec
l'État. A l'inverse, il existe un effet direct horizontal qui impactera
les relations des particuliers entre eux42.
L'effet direct est qualifié de partiel lorsqu'il s'agit
d'effet direct vertical. A contrario, il est qualifié de complet ou
total lorsqu'il joint la dimension verticale et la dimension
horizontale43.
Ainsi, l'effet direct vertical et partiel consiste en une
norme qui confère des droits aux particuliers dont ils peuvent se
prévaloir à l'encontre de leur État tandis que l'effet
direct
38 La fiscalité
39 CJCE, 5 février 1963, Van Gend & Loos c/
Administration fiscale néerlandaise, 26/62
40 Effet direct du droit de l'Union européenne - Octobre
2018, Fiche d'orientation, Dalloz
41 Ibid40
42 Ibid40
43 Ibid40
20/101
complet, à savoir tant horizontal que vertical, vise
à octroyer des droits aux particuliers mais également à
leur imposer des obligations44.
« Pour se voir reconnaître un effet direct, la
disposition de droit européen doit être, du point de vue de son
contenu, inconditionnelle et suffisamment précise ; elle ne doit
être subordonnée à aucune mesure ultérieure
comportant un pouvoir discrétionnaire, soit des organes nationaux, soit
des organes européens »45.
En droit de l'Union, la notion d'effet direct est essentielle
et utilisée quasiment depuis la création du droit communautaire.
Ce concept joue toutefois de pair avec l'applicabilité immédiate
du droit de l'Union dans les ordres juridiques internes. Cette
applicabilité immédiate doit s'entendre comme le fait pour une
norme du droit de l'Union de s'insérer sans besoin de transposition ou
de nationalisation. Elle doit s'interpréter en ce sens comme jouant en
faveur d'un système moniste46.
Toutefois, au sens de la doctrine47,
l'applicabilité immédiate est à distinguer clairement de
l'effet direct. En effet, l'applicabilité immédiate intervient en
amont de l'effet direct. Il est logique à penser que la norme doit
être appliquée dans l'ordre juridique interne avant que de
quelconques droits ou obligations ne naissent dans le chef de l'État ou
des particuliers.
Le juge communautaire a en conséquence
opéré un travail tout particulier dans l'intégration des
normes communautaires au sein des systèmes juridiques nationaux. Un
véritable tour de force jurisprudentiel, prétorien, qui a permis
l'intégration croissante du droit de l'Union. Depuis le
célèbre arrêt Simmenthal48 qui promeut
notamment ces grands principes, les décisions suivantes de la Cour n'ont
fait que confirmer et affirmer cette position. Imposant, entre autres, les
principes de primauté et d'applicabilité immédiate au juge
national ; faisant ainsi de lui le juge de droit commun du droit de l'Union.
Dans l'arrêt
44 Obligations qui n'étaient à la charge que de
l'État dans le cadre de l'effet direct partiel
45 Ibid40
CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, 41/74
46 A la différence du sytème dualiste qui impose
une ratification de la norme puis une nationalisation de cette dernière
par le législateur de l'État concerné
Henri Chavrier, Droit de l'Union et des Communautés
européennes et contentieux administratif - Primauté et effet
direct du droit communautaire - Mars 2005 (actualisation : Octobre 2014)
47 Ibid46
48 CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77
21/101
précité, le « très grand
pragmatisme » du juge sera à l'honneur en considérant
que ce dernier « ne doit pas appliquer la norme nationale contraire,
sans développer les conséquences pour l'ordonnancement juridique
interne de cette inapplicabilité »49 .
« L'enracinement des compétences du juge
national est en effet passé par certaines adaptations qui rendent
nécessaire de prendre la mesure des incidences de la primauté sur
l'applicabilité immédiate du droit de l'Union. Plus encore, il ne
fait guère de doute que le juge est allé au-delà de cette
simple réaffirmation et s'est attaché à en tirer de
nouvelles conséquences. Aussi bien l'« émancipation du juge
interne au regard du droit national, par l'auto-appropriation de sa part de
certains pouvoirs50 » qui résulte de l'arrêt
Simmenthal, est poussée plus avant. On note ainsi un nombre significatif
de solutions qui ont en définitive pour effet d'affaiblir
l'autorité des juridictions supérieures, de sorte qu'il semble
important d'évaluer les conséquences nouvelles de la
primauté sur la hiérarchie juridictionnelle
interne51 ».
La hiérarchie juridictionnelle nationale est
bousculée par le droit de l'Union. Ce sont ces grands principes qui,
comme la primauté, l'effet direct ou encore l'applicabilité
immédiate bouleversent les frontières du droit et de la
fiscalité. L'ordre juridique des États membres est en pleine
rénovation dont le plus fervent artisan se caractérise par une
jurisprudence constructive qui n'en était pas à ses premiers
coups d'éclat. La plupart des domaines du droit sont concernés et
particulièrement la fiscalité52. Ces principes
fondamentaux sont les marqueurs originels d'une jurisprudence constamment
évolutive par l'édiction de nouveaux principes
généraux applicables en matière fiscale.
II - Une jurisprudence en constante évolution par la
consécration des principes généraux du droit de
l'Union
49 O. Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op.
cit., p. 61
50 E. Dubout, Le « contentieux de la troisième
génération » ou l'incomplétude du système
juridictionnel communautaire, RTD Eur. 2007. 427
51 Brunessen Bertrand, La jurisprudence Simmenthal dans la force
de l'âge - RFDA 2011. 367
52 L'arrêt Costa contre ENEL est relatif au
droit de la concurrence et concernait le paiement d'une taxe
d'électricité à une société en situation de
monopole en Italie.
L'arrêt Van Gend & Loos concernait la
prohibition des droits de douanes déguisés ou non à
l'intérieur du marché commun
22/101
Outre le triptyque originel des grands principes fondateurs du
droit de l'Union, il existe également d'autres principes
généraux du droit de l'Union « découvert
»53 par la suite par le juge européen tels
que les principes de proportionnalité (A) et de sécurité
juridique (B).
A - Le principe de proportionnalité en
matière fiscale
« Le principe de proportionnalité est
également omniprésent dans la jurisprudence de la Cour, en
particulier lorsqu'après avoir reconnu une restriction à
l'exercice d'un droit ou d'une liberté, elle examine à quelles
conditions cette restriction pourrait être reconnue compatible : elle
doit être propre à atteindre l'objectif recherché et ne
doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire »
54.
L'arrêt Commission contre France de
200455 en est un bon exemple. Cet arrêt concernait l'article
522 bis du CGI56. Soumis au contrôle de la Cour par la voie du
recours en manquement, les juges apprécient dans un premier temps que la
norme en cause est une mesure d'effet équivalent à une
restriction quantitative57, car dans d'autres États membres
l'appellation « or » peut s'appliquer aux ouvrages dudit métal
titrant entre 375 et 585 millièmes, alors qu'en France cette appellation
est réservée uniquement aux ouvrages d'or titrant au moins 750
millièmes. Toutefois, la Cour apporte une nuance en jugeant que, bien
qu'il s'agisse effectivement d'une mesure d'effet équivalent à
une restriction quantitative, l'article 522 bis du CGI assure « la
loyauté des transactions commerciales et protège le consommateur
»58. Toutefois, et c'est là où la
Cour fait application du principe de proportionnalité, l'exception au
principe de la libre circulation des marchandises caractérisée
par la Cour n'est valable que s'il n'existe pas d'autres moyens pour parvenir
à l'objectif susmentionné. En ce sens, à travers un
contrôle maximum des normes, le juge ne
53
https://www.carrieres-publiques.com/actualite-fonction-publique-les-principes-generaux-du-droit-d-209
54 Pierre-François Racine, Olivier Fouquet, Cyrille
David, Bernard Plagnet, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale,
Edition : 07/09 - 5e édition
55 CJCE, 20 octobre 2005, Commission c/ France, C-166/
03
56 Article 522 bis du CGI « Seuls les ouvrages d'or dont
le titre est supérieur ou égal à 750 millièmes
peuvent bénéficier de l'appellation "or" lors de leur
commercialisation au stade du détail auprès des
particuliers.
Les ouvrages contenant de l'or aux titres de 585 ou 375
millièmes bénéficient de l'appellation "alliage d'or",
assortie de leur titre, lors de leur commercialisation au stade du
détail auprès des particuliers. »
57 Prohibé par l'article 28 CE
58 Pierre-François Racine, Olivier Fouquet, Cyrille
David, Bernard Plagnet, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale,
Edition : 07/09 - 5e édition
23/101
se limite pas seulement à apprécier la
légalité de la mesure en cause, mais il apprécie
également son opportunité et sa cohérence au sein des
systèmes fiscaux européens. C'est pourquoi, malgré
l'objectif de loyauté des transactions commerciales et de protection du
consommateur défendu par l'État français, la Cour a
statué en déclarant l'article 522 bis du CGI incompatible avec
l'article 28 CE car la mention du titre d'or en millième était
considérée comme une garantie suffisante pour les potentiels
acheteurs.
Ce contrôle maximum des normes nationales au regard des
normes de l'Union induit un véritable pourvoir d'appréciation de
la Cour qui recherchera la légalité du droit interne puis
procédera à des contrôles de nécessité et de
proportionnalité59 des mesures litigieuses. Cette
proportionnalité joue très souvent en la faveur de
l'harmonisation du droit de l'Union tandis que d'autres principes oeuvrent
davantage en la faveur du contribuable tel que le principe de
sécurité juridique.
B - La reconnaissance du principe de
sécurité juridique
Ayant conscience de sa capacité à édicter
des principes généraux du droit, la Cour assure aux particuliers
également le droit à une sécurité juridique. Ce
principe fondamental pour les acteurs économiques « exige que
les règles de droit soient claires et précises et vise à
garantir la prévisibilité des situations et des relations
juridiques relevant du droit communautaire »60.
Fruit d'une jurisprudence constante, le principe de sécurité
juridique est le témoignage du pouvoir prétorien de la Cour, lui
permettant de différer dans le temps les effets juridiques d'une
décision juridictionnelle pour ne pas brusquer certaines
activités économiques.
Ce principe est toutefois à distinguer du principe de
confiance légitime. Ce dernier doit être perçu davantage
comme « le corollaire du principe de sécurité juridique
»61 . Ce principe général du droit
de l'Union garantie tant les personnes physiques que morales des
59 Tel est le cas concernant la fraude à la TVA à
travers les « carrousel de TVA » CJCE 11 mai 2006,
Federation of technological industries, C- 384- 04
60 CJCE, 13 avril 1962, Bosch, 13/61, CJCE, 12
décembre 2002, Universal- Bau, C- 470/ 99 ; CJCE, 11 octobre
2007, Lämmerzhal, C- 241/ 06.
61 CJCE 12 juillet 1957, Algera, 7/ 56 ; CJCE, 14 mai
1975, CNTA c/ Commission, 74- 74 ; CJCE 1975, 25 janvier 1979,
Racke, C-98/ 78 ; CJCE, 15 février 1996, Duff, C-63/
93 ; CJCE, 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma, C-107/ 97
24/101
changements soudains de normes juridiques existantes si et
seulement si le requérant prouve qu'il « avait trouvé
dans le comportement de l'administration des espérances fondées
dans la stabilité des règles »62. Ce
principe peut trouver une application toute particulière en droit
fiscal. En effet, une norme appuyée par une doctrine administrative qui
s'applique de manière continue dans le temps peut déclencher dans
le chef du contribuable un sentiment d'espoir dans le maintien d'une telle
législation.
Toutefois, la marge de manoeuvre des États se trouve
grandement impactée par ce principe, lorsque la Cour déclare
qu'une législation nationale est contraire au droit de l'Union. Ce
principe ne peut être utilisé par réciprocité,
permettant à la Cour de jouir d'un droit prétorien qui ne peut
être contredit. D'une part, la Cour peut garantir les droits de l'Union,
ce qui peut être fondamental dans la protection des contribuables
établis sur le sol de l'Union. D'autre part, l'impossible contestation
s'avère critiquable dans la mesure où ce principe ne peut in
fine pas être utilisé à l'encontre du droit de
l'Union. La Cour verrouille donc la porte à double tour, emprisonnant
les États et leur libre exercice à se défendre.
Dans une décision Ampafrance SA et Sanofi
Synthelabo63, la Cour avait refusé, en invalidant une
décision du Conseil européen qui autorisait l'État
français à « déroger à la clause de gel
des exclusions du droit à déduction
»64 , de faire application du principe de
confiance légitime en arguant le fait que le Conseil n'avait pas fait
exacte application du principe de proportionnalité.
En France, le principe de sécurité juridique
fait désormais partie du paysage jurisprudentiel national à
travers l'arrêt de principe KPMG65, témoignage
une fois encore de l'intégration des grands principes du droit de
l'Union dans l'ordre juridique interne modifiant peu à peu la substance
de ce dernier. Toutefois, le juge administratif français n'est pas
encore allé jusqu'à consacrer le principe de confiance
légitime qu'il rattache davantage au droit de l'Union qu'à son
droit national.
62 Ibid58
CJCE 20 septembre 1990, Commission c/ RFA, C-5/ 89 ;
CJCE, 22 juin 2006, Belgique c/ Commission, C- 182/ 03
63 CJCE, 19 décembre 2000, Ampafrance SA et Sanofi
Synthelabo, C-177/99 et C-181/99
64 Ibid58
65 CE, 24 mars 2006, KPMG, n°288460
25/101
En ce sens, si les tentatives de résistance des
États membres sont visibles, elles sont toutefois minoritaires ; le juge
préférant se plier aux exigences de son homologue
communautaire.
Section II - La souveraineté fiscale des
États membres fragilisée par la jurisprudence évolutive de
la Cour
La souveraineté fiscale des États membres se
retrouve toutefois fragilisée par cette jurisprudence créative
entraînant une mutation des ordres juridiques nationaux avec
l'intégration des nouveaux principes du droit de l'Union (I) mais
également à travers le fort pouvoir de contrainte des
arrêts en manquement rendu par la Cour (II).
I - La mutation de l'ordre juridique interne des
États membres par l'intégration de nouveaux principes du droit de
l'Union
La mutation de l'ordre juridique interne s'observe à
travers la mise en application du principe de l'autonomie procédurale et
institutionnelle des États membres (A). Les ordres juridiques des
États membres entrent par conséquent en pleine mutation à
travers l'imposition du consensus voulu par le législateur
européen (B).
A - L'application controversée du principe
d'autonomie procédurale et institutionnelle
Le principe d'autonomie procédurale et institutionnelle
pourrait induire que les États membres disposent d'une marge de
manoeuvre particulièrement importante. Il en est toutefois autrement. En
effet, si ce principe laisse bel et bien le champ libre aux États de
définir leurs propres règles procédurales, ces
dernières doivent être « destinées à
assurer la pleine sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit
communautaire notamment en matière de répétition de l'indu
ou d'action en responsabilité »66 .
66 Marie Hindré-Guégen, Responsabilité
des États membres - Août 2006 (actualisation : Janvier 2012),
Dalloz
CJCE, 22 janvier 1976, Russo c/ AIMA, C-60/75 ; CJCE, 16
décembre 1976, Rewe c/ Landwirtschaftskammer Saarland, C-33/76;
CJCE, 16 décembre 1976, Comet c/ Produktschap voor
Siergewassen, C-45/76; CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et
Bonifaci., C-6/90 et C-9/90
26/101
Il convient donc pour les États membres qui ne
disposent pas de règles procédurales en matière de
répétition de l'indu, par exemple, de se plier aux exigences de
l'Union en créant de nouvelles règles. La souveraineté des
États est atteinte car, bien que disposant d'une certaine marge de
manoeuvre, ce qui intéresse véritablement le principe d'autonomie
institutionnelle et procédurale c'est sa finalité :
l'instauration d'une harmonisation des buts. Peu importe le moyen si l'objectif
est rempli, si l'indu est recouvré. En effet, ce principe prend une
dimension toute particulière en matière fiscale67. Une
aide d'État illégalement octroyée devra être
répétée, tout comme des avantages fiscaux discriminatoires
non conformes avec le droit de l'Union et les grandes libertés promues
par le marché unique.
Ainsi, il revient à l'ordre juridique national des
États membres « de fixer les critères permettant de
déterminer l'étendue de la réparation à la charge
de ce dernier » 68. Le but du droit de l'Union en cette
matière est de garantir efficacement les droits des justiciables
conférant au principe la dénomination de « loi de
subsidiarité juridictionnelle »69 . Un
seuil minimum de protection des droits est en conséquence
garanti70.
En ce sens, « Il ressort de la jurisprudence de la
Cour que la mise en oeuvre des critères permettant d'établir la
responsabilité des États membres pour des dommages causés
aux particuliers par des violations du droit communautaire doit, en principe,
être opérée par les juridictions nationales71,
conformément aux orientations fournies par la Cour pour procéder
à cette mise en oeuvre72, a néanmoins
empiété sur les compétences qu'elle a ainsi par ailleurs
reconnues aux États membres » 73.
Une ingérence aussi importante de la Cour dans le droit
national n'est cependant pas sans conséquence. En effet, l'obligation
pour les États membres de faire muter leur système pour appliquer
des principes parfois inutilisés en droit interne peut être
qualifiée de
67 CJCE, 16 décembre 1976, C-33/76; CJCE, 29 juin 1988,
Deville c/ Administration des impôts, C-40/87,
68 Ibid66
CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et
Factortame, C-46/93 et C-48/93
69 D. Simon, Droit communautaire et responsabilité de la
puissance publique. Glissements progressifs ou révolution tranquille ?,
AJDA 1993. 235
70 CJCE, 19 novembre 1991, C-6/90 et C-9/90 ; CJCE, 5 mars 1996,
C-46/93 et C-48/93
71 CJCE, 5 mars 1996, C-46/93 et C-48/93
72 CJCE, 17 octobre 1996, Denkavit, C-283/94, C-291/94
et C-292/94
73 Ibid66
CJCE, 30 sept. 2003, Köbler, C-224/01
27/101
changement soudain et brusque. La question de la
sécurité juridique est là encore au coeur du sujet et peut
entraîner pour le contribuable une incompréhension.
La Cour impose sa vision par le biais des principes qu'elle
dégage. Cette vision s'impose en conséquence aux États
membres, façonnant ainsi le consensus issu de l'accord desdits
États à garantir un droit commun sur le territoire de l'Union.
B - La mutation de l'ordre juridique nationale : objet
d'un consensus imposé par la Cour
La mutation de l'ordre juridique nationale est tout d'abord
l'objet d'un consensus. Ce consensus tient pour origine le processus
législatif européen. Qu'il s'agisse des traités issus de
l'accord unanime entre les exécutifs et les législateurs des
États membres, ou des actes législatifs de l'Union74
pris par les instances européennes démocratiquement élues
par les peuples des États membres75. En effet, depuis 1979,
le Parlement européen est élu au suffrage universel76.
Chaque institution législative de l'Union dispose d'une
légitimité qui lui est propre, fondée tant sur le citoyen
européen que national.
A l'inverse la Cour de Justice ne dispose pas de cette
légitimité. A ce titre, « la Cour de justice est
composée de 28 juges et de 11 avocats généraux. Les juges
et les avocats généraux sont désignés d'un commun
accord par les gouvernements des États membres, après
consultation d'un comité chargé de donner un avis sur
l'adéquation des candidats proposés à l'exercice des
fonctions en cause. Leur mandat est de six ans, renouvelable. Ils sont choisis
parmi des personnalités offrant toutes les garanties
d'indépendance et qui réunissent les conditions requises pour
l'exercice, dans leur pays respectif, des plus hautes fonctions
juridictionnelles ou qui possèdent des compétences notoires
»77 .
74 Règlement, directive, décision, recommandation,
avis, acte délégué et acte d'exécution.
75 Conseil de l'Union européenne et Parlement
euopéen
76 « La décision et l'acte portant
élection des représentants au Parlement européen au
suffrage universel direct ont été signés à
Bruxelles le 20 septembre 1976. Après ratification par tous les
États membres, l'acte est entré en vigueur en juillet 1978 et les
premières élections ont eu lieu du 7 au 10 juin 1979. »
http://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/11/le-parlement-europeen-contexte-historique
77 Cour de Justice - Présentation
https://curia.europa.eu/jcms/jcms/Jo2_7024/fr/
28/101
Ainsi, contrairement au législateur européen, la
Cour ne dispose d'aucune légitimité démocratique. Elle
n'est, par essence, ni élue ni représentative de
l'intérêt et de l'action politique des États membres. Au
contraire, la Cour dispose d'une légitimité judiciaire. Elle est
indépendante de toute considération nationale et ne doit pas
tirer son pouvoir du peuple, sans quoi elle ne pourrait plus représenter
l'intérêt européen. Elle est le bras armé de
l'Union, celle par laquelle les actes législatifs sont appliqués
avec effectivité. Elle est l'institution qui contourne les entraves
nationales et les réprime.
La Cour est le garant de l'effet utile du droit de l'Union.
Cet effet utile du droit de l'Union est permis par les grands principes
définis précédemment. Le législateur
européen est l'initiateur de l'acte issu du consensus78,
représentatifs d'un accord des peuples européens. Les juges de
Luxembourg, eux, imposent le consensus aux États membres qui laissent ou
font naître des réglementations ou des législations
nationales non-conformes au droit de l'Union.
La notion de conformité est, de surcroît,
employée dans un sens strict par rapport à une autre notion,
celle de la compatibilité. A titre d'exemple, une chose peut être
compatible à une autre, à défaut d'être conforme. La
Cour exige une conformité avec le droit de l'Union. Sa jurisprudence est
donc le véritable ciment de la législation européenne. Le
consensus est imposé à travers ce besoin de conformité et
le but d'atteindre cet effet utile du droit de l'Union, si cher aux
fédéralistes.
La fiscalité n'aurait ainsi pu être
modifiée avec autant d'aisance. Cette branche du droit hautement
inflammable dans son sujet appartient encore de manière pleine et
entière aux États, enfin en principe. En pratique, la Cour de
Justice a trouvé des moyens détournés pour se mêler
de la fiscalité qu'il s'agisse de l'utilisation des textes de droit
primaire pour réprimer les atteintes aux grandes libertés ou de
l'incursion rapide de sa jurisprudence pour suppléer les directives
fiscales.
L'imposition d'un tel consensus peut être
également visible à travers la force contraignante des
décisions prises à la suite d'un recours en manquement.
78 Qu'il soit unanime comme pour les traités de droit
primaire ou adopté à la majorité qualifiée selon la
procédure législative ordinaire
29/101
II - Le pouvoir de contrainte des décisions prises
à la suite d'un recours en manquement
En matière fiscale, le pouvoir de contraintes des
décisions prises à la suite d'un recours en manquement est
couvert par l'autorité absolue de chose jugée (A) auxquels de
nombreux États peuvent tenter, en vain, de résister (B).
A - L'autorité absolue de chose jugée des
décisions prises à la suite d'un recours en manquement
« Le recours en manquement est une procédure
juridictionnelle par laquelle la Cour de justice de l'Union européenne
contrôle le respect par les États membres des obligations qui leur
incombent en vertu du droit européen » 79.
Le recours en manquement peut être qualifié de
deux manières. Dans le premier cas, il est intentionnel, dans le second,
il résulte d'une négligence. « Le manquement doit
être imputable à l'État »80 .
Cette notion est à entendre de manière extensive, car elle
concerne l'État central ainsi que ses entités
infra-étatiques telles que les collectivités locales
autonomes ou indépendantes. La seule exemption pouvant être
invoquée contre un recours en manquement est la force majeure.
Toutefois, elle n'est interprétée que strictement par les
juges.
Dans le cas d'un recours en manquement, la Commission met en
demeure l'État en cause à régler le problème du
litige et lui octroie un délai dans lequel l'État doit s'engager
pour résoudre le manquement. Dans l'hypothèse selon laquelle
l'État n'applique pas les demandes de la Commission, cette
dernière adresse un avis motivé en droit et en fait sur la
constatation du manquement en prévoyant « un délai
raisonnable pour permettre à l'État d'adapter son droit ou
préparer sa défense »81 . A
l'expiration du délai, la Commission a ensuite l'opportunité de
poursuivre l'État devant la Cour.
79 Fiche d'orientation - Recours en manquement (Droit de l'Union
européenne) - Septembre 2018 Dalloz
80 Ibid79
81 Ibid79
30/101
« La constatation du manquement est purement
déclaratoire. La Cour de justice ne peut ni annuler, ni abroger les
mesures nationales. Il appartient alors aux autorités nationales de
prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l'exécution
de l'arrêt en manquement »82 au sens du principe
d'autonomie procédurale et institutionnelle. « L'article 260 du
TFUE permet seulement à la Cour de justice d'infliger à
l'État membre récalcitrant des sanctions pécuniaires sous
la forme d'une somme forfaitaire et/ou d'une astreinte
»83.
En conséquence, la Cour semble en théorie
disposer d'un pouvoir de contrainte plutôt limité. Or la pratique
de la jurisprudence de la Cour a bien souvent l'effet inverse.
A titre d'illustration, la Cour a jugé pour «
la première fois84 » qu'une cour nationale
aurait dû la saisir afin d'empêcher une décision
juridictionnelle risquant d'interpréter de manière erroné
le droit de l'Union.
En l'espèce, le Conseil d'État imposait dans une
jurisprudence constante des restrictions relatives au remboursement de
l'impôt indûment recouvré sur le précompte
mobilier85. En conséquence, dans un arrêt Ministre
du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique contre Accor
SA86, la Cour a censuré cette jurisprudence
française non-conforme au droit de l'Union. Toutefois, le Conseil
d'État continua à adopter la même position, à la
suite de l'arrêt rendu à la suite d'un recours préjudiciel.
La Commission se saisit ainsi du dossier et enjoint l'État
français à changer sa jurisprudence. Le changement demandé
n'ayant pas eu lieu, la Commission introduit en conséquence un recours
en manquement devant la Cour de Justice.
En effet, dès lors que le Conseil d'État a omis
de procéder à cette saisine, alors même que l'application
correcte du droit de l'Union dans ses arrêts ne s'imposait pas avec une
telle
82 Ibid79
83 Ibid79
84 CJUE, 4 octobre 2018, Commission contre France,
n° C-310/09
http://www.etudes-fiscales-internationales.com/action-en-manquement/
85 « Le précompte mobilier est une somme
prélevée sur un revenu mobilier. Le précompte est en tout
ou partie libératoire de l'impôt pour la personne qui le supporte.
En France, le précompte mobilier s'est ainsi appliqué aux
sociétés qui distribuaient des dividendes et qui n'avaient pas
supportés l'impôt au taux plein au cours des 5 exercices
précédents la distribution de ces revenus. »
https://www.mataf.net/fr/edu/glossaire/precompte-mobilier
86 CJUE, 15 septembre 2011, Ministre du Budget, des Comptes
publics et de la Fonction publique contre Accor SA, C-310/09
31/101
évidence, qu'elle ne laissait pas place à aucun
doute raisonnable, le manquement est établi. La question dont aurait
dû être saisi la Cour concernait le fait de savoir « s'il
y avait lieu de refuser de prendre en compte l'imposition subie par une filiale
non-résidente sur les bénéfices sous-jacents à des
dividendes redistribués par une société
non-résidente »87 .
Dans l'arrêt rendu à la suite du recours en
manquement, la Cour somme la France de mettre fin au traitement
discriminatoire. Le Conseil d'État aurait dû considérer
l'absence de double imposition sur les distributions de dividendes des
sous-filiales. Cette interprétation extensive sur le fond du litige
impose le changement jurisprudentiel et législatif sous astreinte.
Ainsi, si les arrêts rendus à la suite de recours
en manquement font preuve d'une force juridique et symbolique toute
particulière, certains États effectuent parfois des actes de
résistance à l'encontre de telles décisions.
B - Les vaines tentatives de résistances des
États à la suite d'une condamnation par un recours en
manquement
Dans un arrêt en date du 15 décembre
200088, la France fut condamnée à raison de son
régime de sécurité sociale. En effet, « en
appliquant la contribution sociale généralisée aux revenus
d'activité et de remplacement des travailleurs salariés et
indépendants qui résident en France, mais qui, en vertu du
règlement89 du 14 juin 1971, ne sont pas soumis à la
législation française de sécurité
sociale90 », la Cour estime que la législation en
matière de prélèvement sociaux de État
français n'est pas en conformité avec le droit
européen.
Si la France a modifié par la suite sa
législation sur ce point précis, elle n'a toutefois pas
généralisé cette jurisprudence dans son système de
prélèvement social obligatoire. En effet,
87 Ibid85
88 CJCE, Commission c/ France, 15 avril 2000,
C-169/98
89 Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin
1971 relatif à l'application des régimes de
sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux
travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se
déplacent à l'intérieur de la Communauté
modifié par le règlement n° 118/97 du Conseil, du 2
décembre 1996
90
https://www.cleiss.fr/docs/jurisprudence/c169-98.html
32/101
le régime des prélèvements sociaux
obligatoires sera une nouvelle fois à l'honneur dans un arrêt de
la Cour de Ruyter91 . La Cour réitère sa
position en matière de prélèvements sociaux obligatoire
sur un non-résident. Dans son arrêt, comme à la suite du
recours en manquement formulé devant son prétoire quinze
années auparavant, la Cour censure l'application des
prélèvements sociaux obligatoires français sur les revenus
de capitaux mobiliers d'un non-résident fiscal.
Comble de l'ironie, dans un récent arrêt
Wenceslas de Lobkowicz contre Ministère des Finances et des Comptes
publics92, la législation en matière de
sécurité sociale française est de nouveau censurée.
L'État français n'avait dans cette affaire toujours pas
tiré les conséquences des deux jurisprudences
précédentes en soumettant là encore les revenus fonciers
d'un non-résident, en l'espèce un fonctionnaire de la Commission
européenne, aux contributions sociales obligatoires.
Entre oubli et mauvaise volonté, il est difficile de
croire en la bonne foi de l'État français. La Cour de Justice
aura toutefois réussi à faire évoluer crescendo
la législation française en matière de contributions
sociales, atteignant par là même la compétence fiscale de
l'État en cause.
91 CJUE, 26 février 2015, De Ruyter, C-623/13
92 CJUE, 6 décembre 2016, Wenceslas de Lobkowicz
contre Ministère des Finances et des Comptes publics, C-690/15
33/101
Chapitre II - La compétence fiscale des
États remise en cause par la Cour de Justice
Il ressort des développements précédents,
que la compétence fiscale des États est inéluctablement
atteinte par la jurisprudence de La Cour de Justice. Cette dernière a
ainsi permis l'accroissement du champ de compétence du droit de l'Union
en matière fiscale (Section I). Toutefois, certaines juridictions
nationales comme la France font parfois preuve de résistance face
à ce phénomène d'harmonisation négative (Section
II).
Section I - L'accroissement du champ de
compétence du droit de l'Union en matière fiscale
L'accroissement du champ de compétence du droit de
l'Union en matière fiscale s'observe à travers une harmonisation
supplétive de la Cour en matière de fiscalité indirecte
(I). Il s'agit, en effet, d'un domaine qui a déjà connu les
effets de l'harmonisation positive du législateur européen. En
outre, en matière de fiscalité directe, qui reste le plus grand
chantier pour les penseurs d'une Union européenne
fédérale, l'harmonisation de la Cour se montre davantage
créative (II).
I - Une harmonisation supplétive de la Cour en
matière de fiscalité indirecte
En effet, il est connu que depuis la directive
TVA93, l'harmonisation en la matière (A) a permis à la
Cour de jouer un rôle supplétif à l'action du
législateur (B). Elle agit en ce sens comme un renfort apportant
précisions et nuances.
A - Le domaine harmonisé de la TVA
Le domaine de la TVA est un domaine harmonisé par la
directive du 28 novembre 2006. La Cour a, en matière de TVA,
exposé une longue série de décisions afin d'harmoniser ce
domaine intégralement. En effet, si l'harmonisation effectuée par
le législateur tente d'être
93 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006
34/101
exhaustive, chaque situation individuelle offre son lot
d'originalité dans l'application générale de la directive.
Par ailleurs, la jurisprudence a, semble-t-il, tellement bien effectué
sa tâche d'harmonisation négative que le législateur
européen plancherait d'ores et déjà sur une nouvelle
directive TVA94 codifiant pour certains points la jurisprudence de
la Cour.
A titre d'exemple, dans un arrêt Hotel
Scandic95, la Cour apporte des précisions si
opération facturée à prix faible entre dans le champ de la
TVA. Sur cette question, la Cour a tranché qu'une telle opération
s'effectue à titre onéreux et pouvait en conséquence
être sujette à TVA.
Le plus célèbre arrêt de la Cour en la
matière est sans doute la décision Apple
Peer96. Dans ce grand arrêt de la jurisprudence fiscale
en matière de TVA, le juge communautaire précise le champ
d'application de la TVA dans l'espace communautaire. Ainsi, l'opération
peut être sujette à TVA en l'existence d'un lien direct
individualisé ou individualisable entre la contrepartie au service et le
service rendu. Dans cette affaire, une société gérait la
publicité et la promotion de produits agricoles. Elle était
rémunérée par une cotisation annuelle payée par
tous les producteurs. En l'espèce, le caractère à titre
onéreux de la prestation semble rempli. Toutefois, au sens de la Cour,
la société agissait dans l'intérêt commun des
producteurs. Les avantages tirés individuellement par les producteurs
bénéficiaient à tout le secteur visé par les
campagnes de publicité. Dès lors, il n'existait pas de lien
direct suffisant entre le niveau des avantages tirés par les producteurs
individuellement et le montant des cotisations annuelles. En
conséquence, les opérations visées étaient donc
exclues du champ d'application de la TVA.
La Cour caractérise ainsi son harmonisation à
travers l'appréciation de la directive TVA. Elle y apporte des nuances,
des méthodologies et des définitions essentielles à la
bonne application du texte, ou tout du moins, une application à la
lumière des travaux parlementaires. A ce titre, les travaux
parlementaires sont d'une importance capitale pour les arrêts de la Cour,
qui peut ainsi relier toujours sa jurisprudence et sa légitimité
en tant qu'organe juridictionnel à la légitimité
démocratique du législateur de l'Union.
94
https://www.anafagc.fr/blog-maj/article/150/2022-vers-une-nouvelle-directive-tva
95 CJCE, 20 janvier 2005, Hotel Scandic, C-417/03
96 CJCE, 8 mars 1988, Apple Peer, C-/88
35/101
En ce sens, la TVA est une matière du droit fiscal qui
a été quasi-totalement harmonisée sous couvert d'une
jurisprudence explicative abondante.
B - Une jurisprudence explicative abondante en
matière de TVA
En ce sens, la jurisprudence a abondé le domaine de la
TVA dans une optique explicative et pédagogique. En reprenant l'exemple
précédent, sont soumises à la TVA, les opérations
ayant un lien direct entre le versement d'un prix et la contrepartie à
ce prix97. A ce sujet, l'harmonisation négative
effectuée par la Cour provient d'une interprétation objective des
activités économiques. Une interprétation
économique logique à ce sujet, car la TVA est un impôt
important pour le budget des États membres. Le recouvrement efficace de
cet impôt est nécessaire pour alimenter les ressources de
l'État. Ainsi, cette approche économique permet l'harmonisation
des systèmes fiscaux européens et le recouvrement efficace et
justifié juridiquement des opérations commerciales, même
issues d'activités illicites ou de fraudes fiscales98. En la
matière, la Cour a ainsi posé les principes distinguant une
activité économique d'une activité de gestion
privée99.
La Cour a également eu à connaître de
litiges en matière de TVA sur la notion d'assujetti. C'est dans ces
situations que l'harmonisation négative prend toute sa forme. La Cour
joue son rôle d'appui au législateur formant, affaire par affaire,
une base juridique solide à laquelle le juge national, premier juge du
droit de l'Union, devra se fonder pour ne pas effectuer d'interprétation
erronée. Harmonisant alors la notion d'assujetti, la Cour estime que
l'assujetti doit être considéré comme tel même s'il
exerce à titre occasionnel une activité autre que celle pour
laquelle il a obtenu la qualité d'assujetti100.
Sur ce sujet, se pose également la question des
personnes morales de droit public, exonérées par principe
à la TVA. Si le principe est l'exonération, l'exception est
l'assujettissement à la TVA lorsque les opérations
réalisées entrent en concurrence avec des
97 CJCE, 1er avril 1982, Hong Kong Crane Dvpt. Council,
C-89-81 CJCE, 3 mars 1994, Tolsma, C-16/93
98 CJCE, 21 février 2006, Halifax PLC,
C-255/02
99 CJUE, 15 septembre 2011, Jarosaw Saby contre Minister
Finansów et Emilian Kuæ et Halina Jeziorska-Kuæ contre
Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie, C-181/10
100 CJUE, 13 juin 2013, Galin Kostov, C-225/26
36/101
opérations réalisées par des personnes
morales de droit privé et sont en capacité de créer des
distorsions de concurrence. A ce sujet, il est fait application de la libre
concurrence qui s'applique sur le territoire de l'Union. Elle impose que les
agents économiques ne soient pas avantagés ou
désavantagés en fonction de leur domaine d'activité. En ce
sens, deux critères vont être posés par la
jurisprudence101. L'assujetti doit être une personne morale de
droit public et son activité, accomplie en tant qu'autorité
publique, va créer une distorsion de concurrence. La façon dont
la personne morale de droit public exerce l'activité est prise en
compte. Ce qui importe pour la Cour n'est pas l'objet mais le résultat
de cette activité.
D'autres domaines tels que celui des cessions d'action sont
également harmonisées. La Cour précise que les cessions
d'actions ne sont jamais soumises à la TVA. Soit elles sont hors du
champ d'application de la TVA, car les critères ne sont pas remplis,
soit elles entrent dans le champ d'application de la TVA, mais
bénéficient d'une exonération102. En ce sens
les opérations de gestion de patrimoine des participations se situent en
dehors du champ TVA, comme la perception de dividendes par une «
holding mixte », même en cas d'immixtion dans la gestion
des filiales103. Dès lors que ces opérations de
prêt ne constituent pas une activité économique de la
holding104, la simple détention par une holding de
participations financières dans ses filiales ne rentre pas dans le cadre
d'une activité économique au sens de la
directive105.
La fiscalité de la TVA est une matière dense et
riche sur laquelle le regard de la Cour s'est posé. Agissant comme un
dictionnaire de la directive, la jurisprudence de la Cour opère les
nuances et garantit une interprétation protectrice de l'activité
économique intracommunautaire en favorisant les recouvrements en cas
d'opérations illicites, mais également, en restant un
système attractif contre les mécanismes de double taxation sur
les valeurs mobilières particulièrement.
101 CJCE, 17 octobre 1989, Communes de Carpaneto, Piacentino
et de Rivergaro, C-231/87 et C-129/88
102 CJUE, 29 octobre 2009, Skatteverket, C-29/08
103 CJCE, 20 juin 1996, Wellcome Trust Ltd, C-155/94
104 CJCE, 14 juillet 2000, Floridienne SA et Berginvest
SA, C-142/99
105 CJCE, 29 avril 2004, EDM, C-77/01
37/101
A l'inverse du domaine harmonisé par une directive, la
Cour a dû se montrer davantage créative en matière de
fiscalité directe ; disposant de moins de bases juridiques en la
matière.
II - Une harmonisation créative de la Cour en
matière de fiscalité directe
Au contraire de l'action de la Cour en matière de
fiscalité indirecte, la fiscalité directe n'a jamais connu
d'harmonisation positive de la part du législateur européen.
L'action de la Cour est quasiment purement jurisprudentielle (A)
généralement sous couvert du principe de non-discrimination
(B).
A - Une harmonisation quasi-jurisprudentielle
« La pénétration du droit communautaire
dans les droits nationaux doit beaucoup à l'oeuvre de la Cour de justice
» 106.
Les recours en manquement et les recours préjudiciels
posés par les juridictions nationales ou encore les recours en
appréciation de validité ont fleuri devant le prétoire de
la Cour. Le mot d'ordre dans la plupart de ces litiges était la
défense des grandes libertés. Ces grandes libertés
disposaient d'un effet direct dans les ordres juridiques nationaux au
détriment de la souveraineté des États. A l'inverse de la
fiscalité indirecte, il n'existe pas d'acte législatif ordinaire
pour les questions relatives à la fiscalité directe. Les seuls
moyens pour la Cour de pénétrer dans ce domaine farouchement
défendu par la souveraineté nationale sont les articles du
traité défendant les grandes libertés qui s'exercent sur
le marché unique.
« La Cour a développé une jurisprudence
particulièrement dynamique en matière fiscale sanctionnant en
premier lieu quasi systématiquement les entraves ou restrictions
à l'exercice de ces libertés que recelaient bien des droits
nationaux, stigmatisant en deuxième lieu comme aides d'État
illégales de nombreux dispositifs fiscaux et enfin en
106 Pierre-François Racine, Olivier Fouquet, Cyrille
David, Bernard Plagnet, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale,
Edition, 07/09 - 5e édition
38/101
mettant en lumière les obligations découlant
de ses arrêts qui s'imposent aux États membres dont la
responsabilité est engagée » 107.
La Cour dispose d'une interprétation rigoureuse dans
les cas d'entraves à une liberté de circulation108.
Elle va tout de même exercer un contrôle des justifications
données par l'État en cause. En ce sens, l'entrave doit
rechercher « un objectif légitime compatible avec le
traité ; elle doit répondre à des raisons
impérieuses d'intérêt général ; elle doit
être de nature à atteindre l'objectif recherché ; elle ne
doit pas produire d'effets allant au- delà de ce qui est
nécessaire pour l'atteindre »109 en application du
principe de proportionnalité.
En outre, la plupart des arrêts de la Cour concernent la
protection des grandes libertés de l'Union et on été
exercés par la voie du recours préjudiciel. Les arrêts de
la Cour bénéficient donc de l'autorité de la chose
interprétée. A ce titre, « le Conseil d'État a
finalement admis que cette autorité s'étendait également
aux points tranchés par la Cour en dehors de là où des
questions qui lui avaient été soumises
»110.
L'harmonisation effectuée en matière de
fiscalité directe relève en grande partie de la jurisprudence qui
utilise de très nombreuses fois comme justification le principe de
nondiscrimination, fondamental pour assurer la cohésion des
systèmes fiscaux au sein de l'Union et ainsi lutter contre la
concurrence fiscale.
B - Une harmonisation effectuée au nom du
principe de non-discrimination
« L'objectif de la non-discrimination est de
permettre à tous les individus de pouvoir accéder, de
manière égale et équitable, aux opportunités
qu'offre la société. Ce principe signifie essentiellement que les
individus qui se trouvent dans des situations similaires doivent être
traités de manière similaire et non de manière moins
avantageuse, uniquement parce qu'ils possèdent une
caractéristique particulière « protégée
»111.
107 Ibid107
108 CJCE 13 décembre 1989, Corsica Ferries
France, C-48/ 89, pour la circulation des marchandises ; CJCE, 14
décembre 2006, Denkavit, C-170/ 05, pour la liberté
d'établissement
109 Ibid107
110 CE, 11 décembre 2006, de Groot, 234560
111 Europa, Page d'accueil EUR-Lex Synthèses de la
législation de l'UE Glossaire des synthèses
https://eur-lex.europa.eu/summary/glossary/nondiscrimination_principle.html?locale=fr
39/101
L'article 110 alinéa 1er du TFUE
prévoit l'interdiction des discriminations qui pourraient être
existantes dans les politiques mises en place par les États membres.
« Les citoyens européens peuvent exercer leur
droit de recours judiciaire en cas de discrimination directe ou indirecte, tout
particulièrement s'ils sont traités différemment dans des
situations comparables ou si un traitement désavantageux ne peut
être justifié par un objectif légitime et
proportionné »112.
La notion de non-discrimination est entendue par la Cour, en
matière fiscale, de manière extensive. En ce sens, «
selon une jurisprudence constante, l'article 90 CE113 doit
recevoir une interprétation large, de manière à permettre
d'appréhender tous les procédés fiscaux qui porteraient
atteinte, que ce soit de façon directe ou indirecte, à
l'égalité de traitement entre les produits nationaux et les
produits importés. L'interdiction qu'il édicte doit donc
s'appliquer chaque fois qu'une imposition fiscale est de nature à
décourager l'importation de biens originaires d'autres États
membres au profit de productions intérieures114
».
Dans cette définition donnée par la
jurisprudence de l'article 110 TFUE, la Cour adopte une interprétation
systémique, appréciant l'article dans son ensemble plutôt
qu'en le scindant alinéa par alinéa. Le principe de
non-discrimination est fondamental en droit fiscal de l'Union, car il permet la
neutralité des transactions économiques115.
Le principe de non-discrimination en raison de la
nationalité est d'une importance essentielle dans l'ordre juridique de
l'Union, car il est le pilier de la réalisation du marché commun
et le protecteur du libre exercice des grandes libertés
économiques.
112 Ibid107
113 Article 90 CE : « Aucun État membre ne frappe
directement ou indirectement les produits des autres États membres
d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient,
supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement
les produits nationaux similaires.
En outre, aucun État membre ne frappe les produits des
autres États membres d'impositions intérieures de nature à
protéger indirectement d'autres productions ».
114 CJCE, 8 novembre 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et
Gemeindebetriebe Frohnleiten, C-221/06, CJUE, 19 décembre 2013,
C-437/12,
115 CJCE, 27 février 1980, C-168/78 ; CJCE,
Commission. c/ France, C-169/78 ; CJCE, Commission c/ Italie,
C-171/78
JCl. Europe Traité, fasc. 1610
40/101
« L'avènement, dans le Traité de
Maastricht, d'une citoyenneté européenne dont l'un des principaux
attributs est le droit à la non-discrimination en raison de la
nationalité a cependant ravivé le caractère fondamental de
ce principe : en effet, en particulier grâce à une jurisprudence
volontariste, ce principe va devenir la clé de voûte non seulement
des objectifs économiques de la Communauté et de l'Union mais
également du projet politique communautaire
»116.
Le principe de non-discrimination reste toutefois un principe
invoqué à titre subsidiaire. A cet effet, il ne peut être
invoqué que sous couvert d'une autre norme émanant des
traités. Seul, il est inefficace. Il doit être couplé comme
moyen de défense avec les grands principes économiques que sont
la liberté d'établissement, la libre prestation de service, la
libre circulation des capitaux, la libre circulation des marchandises ou encore
la libre circulation des personnes.
Et même au sein des grandes libertés «
il convient d'opérer ici une distinction entre la libre circulation
des marchandises et la libre circulation des personnes. En effet, la Cour a
très tôt estimé que les mesures discriminatoires
n'étaient pas les seules entraves possibles à la libre
circulation des marchandises, alors que le concept de discrimination a
longtemps été central en matière d'entrave à la
libre circulation des personnes »117.
L'harmonisation par la non-discrimination est au coeur de la
protection des grandes libertés de l'Union. Ce principe est, comme
rappelé ci-dessus, très souvent attaché à une
liberté ; tel est notamment le cas des mesures à effet
équivalent à des restrictions quantitatives ou des taxes à
effet équivalent à des droits de douanes. Il est en ce sens
interdit pour les États de mettre en oeuvre de telles politiques
commerciales ayant un impact sur les échanges intracommunautaires.
116 B. Favreau, La Charte des droits fondamentaux après le
Traité de Lisbonne, Les spécificités du principe de
non-discrimination dans le droit de l'Union européenne, Bruxelles,
Bruylant, 2010, p. 125, 2010
https://www.academia.edu/5807052/Les_spécificités_du_principe_de_non-discrimination_dans_le_droit_de_l_Union_européenne
117 Ibid117
Le principe de non-discrimination doit toutefois être
relativisé dans son importance. En effet, s'il constitue un cheval de
bataille dans les problématiques liées au droit de l'Union et aux
interactions que ce dernier possède avec le droit des États
membres, il reste marginalisé dans sa force contraignante. Le principe
de non-discrimination se retrouve donc particulièrement
éclipsé par la libre circulation. L'analyse de ce principe ne
peut se faire seule. Au contraire elle doit être effectuée au
regard de tous les autres droits. Le problème est qu'il dispose en
conséquence d'une force juridique moindre. Toutefois, il ne faut pas non
plus laisser entendre que ce principe n'est pas contraignant, car il est une
excellente justification face à des entraves ou à des
discriminations à rebours.
Concernant les entraves à la libre circulation des
marchandises, la Cour adoptait une approche plus stricte, choisissant de
qualifier la taxe d'effet équivalent à un droit de douane sans
prendre réellement en compte le principe de
non-discrimination118. Ainsi que le note D. Martin, « la
jurisprudence relative aux taxes d'effet équivalent reste unique en ce
que le concept de discrimination n'y joue aucun rôle
»119. Le concept de non-discrimination prouve ainsi
l'entièreté de ses limites et ne joue pas réellement de
rôle essentiel dans la protection des libertés économiques
qui se suffisent à elle-même. Le principe est limité dans
son appréhension juridique, dans son pouvoir de contrainte. Il reste
toutefois fortement utilisé par la Cour et reste tout de même un
principe fondateur du droit intégrationiste de l'Union par la
prohibition des comportements différenciant les individus, les biens.
41/101
118 CJCE, 1er juillet 1969, Commission c.
Italie, C-24/68
119 D. Martin, op. cit., p. 45.
Ibid117
42/101
Ab initio, la Cour disposait d'une jurisprudence
stricte en matière de non-discrimination, interdisant celles qui
n'étaient pas prévue comme justifiée au sens des
traités. Cette jurisprudence s'appliquait même lorsqu'il
s'agissait d'une discrimination indirecte120. Or depuis les
années 90, la Cour admet davantage l'emploi par les États de
justifications qui ne sont pas couvertes par les traités, et cela bien
qu'il puisse s'agir de discrimination directe121.
« Le principe de non-discrimination en raison de la
nationalité, principe fondamental pour la réalisation du
marché intérieur, a donc progressivement perdu son
caractère central : assez rapidement en matière de libre
circulation des marchandises, plus tardivement en matière de libre
circulation des personnes. Mais au moment même où le principe de
nondiscrimination en raison de la nationalité perdait son
caractère véritablement central en matière de libre
circulation des personnes, l'instauration d'une citoyenneté
européenne contribuait à le replacer au coeur de la construction
communautaire, non pas tant en ce qu'il est nécessaire à
l'intégration économique qu'en ce qu'il est au fondement de
l'intégration politique »122.
Ainsi, le principe de non-discrimination relève parfois
davantage de la justification politique voire morale. Il a connu un
déclin relatif dans la protection des grandes libertés
économiques qui ont pris, décision après décision,
leur indépendance. Ainsi, le principe de non-discrimination demeure un
principe subsidiaire qui, s'il n'est pas couplé avec d'autres droits de
l'Union, révèle toutes ses limites.
S'il résulte que le principe de non-discrimination
dispose d'une légitimité toute particulière, permettant
d'implémenter lentement, mais sûrement, les principes
européens au centre des droits nationaux, les frondes des juridictions
nationales existent, à défaut d'être nombreuses.
120 « La discrimination indirecte est définie
comme la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une
pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des
personnes par rapport à d'autres, pour des motifs prohibés, comme
le sexe, à moins que cette disposition, ce critère, ou cette
pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et
que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et
nécessaires »
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit
communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : Lutte
contre les discriminations
https://www.senat.fr/rap/r07-252/r07-2523.html
121 Ibid117
122 Ibid117
43/101
Section II - Les frondes minoritaires des juridictions
nationales contre la jurisprudence de la Cour
Si l'harmonisation négative effectuée par la
Cour empiète sur la compétence fiscale souveraine des
États membres, la réaction de ces derniers ne se fait pas
attendre. En effet, certaines juridictions nationales font partie de ces
acteurs parfois revêches à l'encontre du droit de l'Union (I).
Toutefois, le premier juge de l'Union étant le juge national, ce dernier
oeuvre la plupart du temps à la lumière des décisions de
la Cour, influencé sinon soumis par le principe de primauté
(II).
I - La fronde fiscale : remise en cause de
l'autorité de la Cour et de la primauté du droit de l'Union
Au début des années 2000, le Conseil
d'État français s'est illustré à travers une
décision Syndicat national de l'industrie
pharmaceutique123, longuement commentée car à
l'encontre du droit de l'Union, allant jusqu'à remettre en cause
l'autorité de la chose interprétée d'un arrêt de la
Cour rendu à la suite d'une question préjudicielle (A) marquant
par là même une rupture caractérisée avec le
principe de primauté (B).
A - La fronde du Conseil d'État français
à l'encontre de l'autorité des décisions de la Cour
Par un arrêt rendu par le Conseil d'État
français en date du 3 décembre 2001124, la haute
juridiction administrative s'oppose tant à l'autorité de la chose
interprétée d'un arrêt rendu à la suite d'une
question préjudicielle posée devant la Cour qu'au principe de
primauté du droit de l'Union. En l'espèce une ordonnance en date
du 24 janvier 1996125 avait institué « des
contributions exceptionnelles à la charge des laboratoires
pharmaceutiques assises sur le chiffre d'affaire hors taxe
réalisé en 1995 sur les médicaments
remboursables126 ».
123 CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de
l'industrie pharmaceutique (SNIP), n° 2001-063346
124 Ibid124
125 Ordonnance du 24 janvier 1996 tendant au
rétablissement de l'équilibre financier de la
sécurité sociale
126 Curia, Reflet 2002 n°3
44/101
L'ordonnance prévoyait en outre la possibilité
pour ces entreprises de déduire de leur chiffre d'affaire les
dépenses de recherches et développements relatifs aux
opérations de recherches. Toutefois, le droit à déduction
n'était pas octroyé aux succursales d'entreprises pharmaceutiques
disposant de leur siège dans un autre État membre de la
communauté. La Cour censura une telle discrimination à la suite
d'une question préjudicielle du Conseil d'État127.
Toutefois, la loi de financement de la sécurité
sociale128 de 2000 créa une nouvelle fois une contribution
exceptionnelle assise sur le chiffre d'affaire concernant « les
spécialités remboursables et agrées, comportant une
exonération au profit des entreprises dont le chiffre d'affaire
était inférieur à 100 millions de francs ». A ce
titre, le Conseil d'État se défendait en invoquant le fait que
cette nouvelle contribution ne concernait ni les mêmes contribuables ni
la même assiette. Le droit a déduction est également
absent. En conséquence, les juges du Palais-Royal considéraient
que la mesure ne portait pas atteinte à l'autorité de chose
interprétée de l'arrêt de la Cour.
« Cette solution laisse dubitative une partie de la
doctrine. Selon le Professeur Denys Simon, l'aveu même des
autorités françaises, selon lequel la nouvelle contribution est
destinée à effacer les effets de l'annulation de la
première contribution, pourrait conduire à conclure quant
à l'existence d'une « validation déguisée », ou
plus exactement une « mesure d'effet équivalent à une
validation », qui priverait d'effet un jugement définitif et
exécutoire de la Cour. Le même auteur ajoute que, dans ces
conditions, peut-être aurait-il été plus judicieux pour le
Conseil d'État de saisir la Cour d'une question préjudicielle
afin qu'elle se prononce sur une situation tout fait inédite ?
»129.
En conséquence, dans cette chronique judiciaire, le
Conseil d'État a fait preuve de désinvolture refusant d'admettre
complètement la primauté du droit de l'Union par la
méconnaissance de l'autorité d'une décision de la Cour.
127 CJCE, 8 juillet 1999, Baxter, C-254/97
128 Loi de financement de la sécurité sociale
n° 991140 du 29 décembre 1999
129 A. Rigaux et D. Simon, « Summum Jus, Summa injuria
... » à propos de l'arrêt du Conseil d'Etat du 3
décembre 2001 SNIP, Europe, avril 2002, p. 7
Ibid127
45/101
B - Une fronde ayant pour conséquence la remise
en cause du principe de primauté
Dans sa décision Syndicat national de l'industrie
pharmaceutique130, la haute juridiction administrative avait
été saisi de deux moyens à savoir la discrimination
sous-jacente initiée par le dispositif et la potentielle qualification
d'aide d'État. A cet égard, les requérants
considéraient que la contribution exceptionnelle frappait davantage les
entreprises pharmaceutiques situées dans d'autres États membres.
En effet, pour rappel, la loi avait institué une exonération pour
les entreprises qui disposaient d'un chiffre d'affaire inférieure
à 100 millions de francs. Les requérants invoquaient en ce sens
que « 26 laboratoires français sur 44
bénéficieraient de l'exonération en question, contre
seulement 6 sur 50, s'agissant des laboratoires étrangers
»131. A ce titre, s'agissant de ces moyens, le Conseil
d'État a rétorqué aux requérants que
l'exonération litigieuse avait été formulée dans
des termes généraux et pouvait s'appliquer tant aux entreprises
françaises qu'étrangères. Ainsi, aucune discrimination
relative à la liberté d'établissement ne pouvait
être retenue.
« Pour conclure, on notera cette incise du Conseil
d'État au sujet du principe de primauté. La haute juridiction
administrative affirme que ledit principe ne saurait conduire, dans l'ordre
interne, remettre en cause la suprématie de la Constitution, et ce alors
même s'il n'y avait aucun conflit de normes entre une règle
communautaire et une règle constitutionnelle. Cela étant, cette
digression permet au Conseil d'État de proclamer formellement la
primauté de la Constitution, au moins dans l'ordre interne, et ce dans
une formulation se référant, pour la première fois,
expressément au droit communautaire. Tel n'était pas le cas dans
le fameux arrêt Sarran et Levacher132, lequel mentionnait,
plus généralement, les engagements internationaux
»133.
Toutefois, cette décision n'est qu'isolée en
matière fiscale. En effet, la plupart des juridictions nationales
appliquent généralement sans contraintes le droit de l'Union.
130 Ibid127
131 Ibid127
132 CE, 13 octobre 1998, Sarran et Levacher
133 P. Cassia, Droit administratif, mars 2002, n° 55, p. 29
Ibid127
46/101
II - La soumission des juridictions nationales à la
jurisprudence
Toutefois, malgré une contestation plutôt visible
des administrations fiscales nationales, les juridictions nationales utilisent
souvent les principes du droit de l'Union (A) soumises à
l'autorité de la chose interprétée des décisions
rendues à la suite d'un recours préjudiciel (B).
A - L'utilisation par les juridictions nationales des
principes du droit de l'Union
Les exemples en la matière sont nombreux pour prouver
l'application du droit de l'Union par les juridictions des États
membres. Par exemple, dans une décision134 en date du 4
décembre 2004, le Verwaltungsgerichtshof autrichien a
calqué sa jurisprudence sur l'arrêt de la Cour Weber's Wine
World135 « concernant les modalités du remboursement
d'une imposition indûment perçue au regard du droit
communautaire136 ».
Également, en matière de TVA, dans un
arrêt Sezioni unite civili137, la Cour de cassation
italienne interpréta de manière extensive l'arrêt de la
Cour, Commission/ Italie138, du 17 juillet 2008. En effet,
« la cour italienne, en s'inspirant de la ratio decidendi
énoncé dans l'arrêt de la Cour, n'a pas appliqué une
autre disposition de la même loi italienne en estimant celle-ci
également contraire au droit communautaire. De la même
manière que les dispositions attaquées devant la Cour de justice,
ladite disposition prévoyait en fait une facilité de paiement
pour le contribuable, à savoir la réduction du 25% du montant
dû et l'exclusion du paiement des intérêts moratoires. Une
telle facilité de paiement doit être considérée
interdite, selon l'avis de la Cour de cassation, en raison du fait qu'elle
aussi apparaît contraire au principe d'effectivité, à
savoir le principe qui impose d'exiger le paiement exact du montant dû et
par conséquent n'admet pas le paiement d'un montant
inférieur139 ».
134 Verwaltungsgerichtshof, 4 décembre 2004,
n°2003/16/0148
135 CJCE, 2 octobre 2003, Weber's Wine World,
C-147/01
136 Curia, Reflet 2004 n°3
137 Corte di Cassazione, 17 février 2010, Sezioni
unite civili, n°3674
138 CJCE, 17 février 2008, Commission c/ Italie,
C-132/06
139 Curia Reflet 2010 n°2
47/101
Enfin, dans un arrêt en date du 20 février
2008140, le juge national roumain a également suivi la
jurisprudence de la Cour. En effet, « la cour d'appel de
Timiþoara a jugé que les dispositions de l'article 214bis du Code
fiscal roumain concernant la taxe prélevée sur les
véhicules d'occasion lors de leur première mise en circulation
sur le territoire de la Roumanie (taxe communément appelée de
« première immatriculation ») étaient incompatibles
avec l'article 90, premier alinéa, CE. Cet arrêt confirme
d'ailleurs la solution du Tribunal d'Arad du 7 novembre 2007,
représentant le premier arrêt d'une instance juridictionnelle
roumaine statuant sur l'incompatibilité de la législation fiscale
nationale avec le droit communautaire »141.
« La cour d'appel de Timi°oara a fait application des
principes établis par la jurisprudence de la Cour de justice, et
notamment les arrêts Nádasdi et Németh142. En
vertu de la clarté évidente de cette jurisprudence, la cour
d'appel n'a pas considéré nécessaire de saisir la Cour de
justice d'une question préjudicielle. Elle a jugé que le montant
de ladite taxe était indirectement discriminatoire en raison de ses
effets, car une taxe d'immatriculation qui ne tient pas compte de la
dépréciation des véhicules d'occasion frappe plus
lourdement les produits originaires d'autres États membres. Par
conséquence, en raison de cette violation de l'article 90, premier
alinéa, CE, la cour d'appel a réaffirmé la solution de
l'instance de premier degré, qui avait écarté les
dispositions nationales contestées et avait obligé
l'administration fiscale à rembourser la taxe illégalement
perçue et à payer les intérêts y afférents
prévus par la loi, depuis le moment de la perception de la taxe jusqu'au
moment de la restitution effective, ce qui équivaut à la
réparation intégrale du préjudice, conformément aux
dispositions du code civil »143.
A travers ces quelques exemples jurisprudentiels, le constat
d'une subordination des juridictions nationales à
l'interprétation du droit de l'Union par la Cour est clair. Les frondes
juridictionnelles, qui restent minimes en matière fiscale, ne sont que
des éclipses au regard de l'application du droit de l'Union par le
premier juge dudit droit, à savoir le juge national.
140 Curtea de Apel, 20 février 2008, n°188
141 Curia Reflet 2008 n°3
142 CJCE, 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh,
C-290/05 et C-333/05
143 Ibid142
48/101
B - Une soumission au regard de l'autorité de la
chose interprétée des décisions renduees à la suite
d'un recours préjudiciel
« Le renvoi préjudiciel est une
procédure permettant à une juridiction d'un État membre
d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur
l'interprétation ou la validité du droit de l'Union dans le cadre
d'un litige dont elle est saisie
»144.
Les juridictions des États membres sont tenues, par
principe, de saisir la Cour d'un recours préjudiciel, ou
également appelé question préjudicielle, lorsqu'à
l'occasion d'un litige un doute subsiste quant à la conformité
d'une norme de droit interne par rapport à une norme de l'Union.
Seules les juridictions nationales disposent du pouvoir
d'engager un recours préjudiciel devant la Cour. Dans le cadre d'un
recours préjudiciel, la Cour ne peut apprécier la validité
des traités de droit primaire, car ils sont l'oeuvre des États
membres. Au contraire, le rôle de la Cour consiste à
protéger ce droit primaire. Toutefois, concernant le droit
dérivé, la Cour dispose d'une certaine latitude pour
apprécier sa validité.
Cependant, le recours préjudiciel est un atout
particulièrement utile, car la Cour peut se permettre de reformuler les
questions posées à son prétoire. En effet, la Cour dispose
d'une large marge de manoeuvre pour interpréter la question qui lui est
posée, et peut y répondre en y ajoutant des
éléments. Cette démarche peut être critiquable et
attentatoire à la souveraineté des États membres dans le
sens selon lequel la Cour peut adopter une posture ultra petita. Cette
faculté dont dispose la Cour lui permet de se saisir de
problématiques que le juge national n'avait pas évoqué. De
plus, à travers les « remarques liminaires » qu'elle
peut placer avant de répondre à la question préjudicielle,
la Cour s'arroge le droit de donner son point de vue sur le sujet du litige
pour le replacer dans son contexte ou introduire une interprétation sur
un sujet connexe audit litige.
144 Fiche d'orientation - Renvoi préjudiciel (Droit de
l'Union européenne) - Septembre 2018 Dalloz
« L'arrêt rendu sur renvoi en
interprétation est revêtu de l'autorité
générale de chose interprétée. Il s'impose à
la juridiction nationale à l'initiative du renvoi, mais aussi à
toutes les juridictions nationales des États membres qui rencontreraient
une question identique ou similaire »145.
Concernant le cas plus rare des questions en
appréciation de validité, lorsqu'un acte est
déclaré non conforme au droit de l'Union, le juge national est
tenu d'écarter l'acte litigieux. En outre, lors de réponses
obscures ou équivoques rendues par la Cour à une question
préjudicielle, le juge national dispose de la faculté de saisir
de nouveau le juge de Luxembourg afin qu'il puisse clarifier sa
jurisprudence.
En matière fiscale, l'autorité de la chose
interprétée revêt un caractère fondamental car elle
permet une harmonisation des législations fiscales des États
membres. Comme vu précédemment, le juge national se plie et se
soumet aux principes du droit de l'Union et à l'interprétation de
la Cour. Cette hiérarchie d'un ordre juridique de l'Union
supérieur à l'ordre juridique national est la conséquence
directe de l'application des grands principes du droit de l'Union. La
souveraineté des États membres se voit réduite en
matière fiscale à travers une pénétration du droit
de l'Union dans le droit fiscal national. Telle est la conséquence de
cette harmonisation négative qui pose le cadre de ce qui est interdit,
ainsi que du sens qui doit être compris par les États. La
jurisprudence de la Cour est mouvante et flexible, prétorienne diront
certains, bien focalisée sur les objectifs découlant des
traités.
49/101
145 Ibid31
50/101
Partie II - Une harmonisation par une jurisprudence
téléologique pour lutter contre la concurrence fiscale
L'harmonisation des législations fiscales des
États peut également s'analyser sous l'angle de
l'interprétation téléologique des décisions de la
Cour. Une portée téléologique assumée par la Cour
concernant des objectifs considérés comme légitimes comme
c'est le cas pour la protection du marché intérieur,
véritable objet de divergence entre la vision libérale
défendue par l'Union et particulièrement par la Cour et le
protectionnisme fiscal des États (Chapitre I). Toutefois,
intérêt de l'Union et intérêts nationaux peuvent
parfois converger notamment à travers des directives instigatrices d'un
véritable espace de liberté et de justice fiscale (Chapitre II).
Des mesures pour lesquels la majorité des États membres est
prompte à s'engager.
Chapitre I - Le marché commun : objet de
l'harmonisation des systèmes fiscaux
La vision libérale de la Cour s'observe dans sa
jurisprudence, majoritairement à travers sa volonté de
protéger le marché commun, véritable fer de lance de
l'Union économique. La jurisprudence harmonisatrice de la Cour est donc
particulièrement marquée par la protection des grandes
libertés défendues par l'Union (Section I) mais également
par l'interdiction stricte des aides d'État (Section II).
Section I - La protection des grandes libertés
défendues par l'Union
Il ne fait nul doute que les grandes libertés de
l'Union sont défendues becs et ongles par la Cour afin de favoriser
l'intégration économique communautaire des États membres.
En ce sens, ce favoritisme du marché unique (I) encadre fortement les
libertés économiques des États membres (II).
51/101
I - La faveur donnée au marché unique
Le favoritisme du marché unique clairement
affirmé dans la jurisprudence de la Cour est destiné à
protéger les grandes libertés au sein de l'Union à travers
la suppression de toute entrave à la circulation tant des marchandises
et des capitaux (A), liée à la mobilité de la richesse,
que la liberté d'établissement et la liberté de
circulation des individus (B), davantage liée à la
mobilité des personnes physiques ou morales.
A - L'apologie des libertés de circulation des
marchandises et des capitaux
L'Union a toujours eu pour mot d'ordre la protection du
marché intérieur. Cette volonté s'est construite sur un
projet de libre circulation des flux économiques ou matériels. La
Cour a, en ce sens, toujours eu pour mission de protéger les grandes
libertés, et particulièrement la libre circulation des capitaux
et la libre circulation des marchandises : deux libertés fondamentales
en faveur d'un système économique harmonisé.
Ainsi, au sein de l'Union, il est interdit pour un État
membre d'édicter des taxes d'effet équivalent à des droits
de douanes146. La Cour dispose en la matière d'une
jurisprudence abondante. Elle égalise les situations de sorte que la
liberté puisse s'exercer pleinement sur le territoire
intracommunautaire. En effet, la Cour a jugé de la non-conformité
d'un droit de douane sur les produits d'outre-mer147.
Parallèlement au contentieux relatif aux taxes d'effet
équivalent à des droits de douanes, la Cour prohibe
également dans sa jurisprudence les mesures d'effet équivalent
à des restrictions quantitatives148. Cela signifie qu'il est
interdit au sein de l'Union d'appliquer des mesures d'imposition frappant plus
lourdement les produits provenant d'autres États par rapport aux
produits nationaux. A ce sujet, la France a été condamnée
à de maintes
146 Article 30 TFUE
147 CJCE, 16 juillet 1992, Legros, Cc-163/ 90
148 Articles 34 et 35 TFUE
52/101
reprises notamment en ce qui concerne les droits sur les
alcools149, les droits sur le tabac150 ou encore la taxe
sur les véhicules automobiles151.
Toujours sous un angle économique, la Cour oeuvre
également pour la protection de la liberté de circulation des
capitaux. En effet, pilier d'une économie libérale et
globalisée, la libre circulation des capitaux sur le territoire de
l'Union joue en faveur d'une harmonisation des systèmes fiscaux vers
davantage d'attractivité et l'application de règle commune pour
garantir la sécurité juridique des contribuables.
La libre circulation des capitaux présente un
intérêt tout particulier pour la Cour et l'Union de manière
générale. En effet, elle s'applique tant aux États membres
qu'aux États tiers, et sa limitation est entendue de manière
très restrictive152. En ce sens, les entraves à la
liberté de circulation des capitaux ne peuvent être
autorisées si une « discrimination arbitraire
»153 ou une « restriction déguisée
»154 est caractérisée.
Toutefois, l'arrêt le plus célèbre
concernant la libre circulation des capitaux dans l'Union est sans aucun doute
la décision Petri Manninen155. En l'espèce,
« le droit finlandais prévoyait un avoir fiscal limité
aux dividendes versés par une société établie en
Finlande »156. A cet effet, la Cour analysait
cette législation comme une entrave à l'investissement dans des
participations étrangères. La Finlande argumentait sur ce point
en exposant la cohérence de son système fiscal, car l'avoir
fiscal constituait une contrepartie à l'impôt sur les
sociétés finlandais. En ce sens, il n'était pas possible
d'attribuer cette contrepartie à des sociétés
étrangères ne payant pas d'impôt dans le pays. La Cour ne
suivra pas l'argument de l'État finlandais, jugeant que « la
cohérence du régime fiscal reste assurée pour autant que
la corrélation entre l'avantage fiscal consenti en faveur de
l'actionnaire et l'impôt dû au titre de l'impôt sur les
sociétés est maintenue.
149 CJCE, 27 février 1980, Commission c/ France,
C-168/ 78
150 CJCE, 27 février 2002, C- 302/ 00
151 CJCE, 9 mai 1985, Humblot, C-112/ 84 ; CJCE, 17
septembre 1987, Feldain, C-433/ 85; CJCE, 15 juin 1999,
Tarantik, C- 421/97; CJCE, 15 mars 2001, Commission c/
France, C- 265/ 99
152 CJCE, 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/ 98,
153 Pierre-François Racine, Olivier Fouquet, Cyrille
David, Bernard Plagnet, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale,
Edition : 07/09 - 5e édition
154 Ibid154
155 CJCE, 7 septembre 2004, Petri Manninen, C- 319/
02
156 Ibid154
53/101
Dès lors, l'octroi à un actionnaire
assujetti à l'impôt à titre principal en Finlande et
détenant des actions d'une société établie en
Suède d'un avoir fiscal qui serait calculé en fonction de
l'impôt dû par celle- ci au titre de l'impôt sur les
sociétés dans ce dernier État ne mettrait pas en cause la
cohérence du système fiscal finlandais et constituerait une
mesure moins restrictive pour la libre circulation des capitaux que celle
prévue par la réglementation fiscale
finlandaise157. »
A travers cet arrêt, il est à noter la rigueur de
la Cour qui s'emploie à assurer le libre exercice de la liberté
de circulation des capitaux, même si les sociétés peuvent
profiter de cet avantage pour réduire leur base imposable. Les
règles communes s'appliquent de manière harmonieuse peu importe
la cohérence du système en cause qui doit s'adapter au standard
minimum de protection qu'offre la jurisprudence de l'Union.
B - La protection stricte de la liberté
d'établissement et de la libre circulation des personnes en
matière fiscale
La libre circulation des personnes est un principe de l'Union
souvent utilisée en matière de fiscalité des personnes
physiques. Son arrêt de principe est la décision
Schumaker158. Dans cette affaire était en cause le
cas d'un résident Belge salarié en Allemagne. Dans cette affaire,
« la Cour de justice a jugé que si ce contribuable était
marié et que ses revenus salariaux d'origine allemande constituaient
l'essentiel des revenus du ménage, son impôt allemand devait
être calculé selon les mêmes règles de prise en
compte des charges de famille et de procédure qu'un résident
d'Allemagne ayant les mêmes charges de famille
»159.
De même, ne respecte pas la liberté de
circulation des personnes sur le territoire de l'Union l'absence de prise en
compte des pertes fiscales issues d'un bien immeuble situé dans un autre
État membre que celui de résidence160. La Cour trouve
toujours un moyen pour assurer cette liberté aux personnes physiques en
se basant parfois même sur le droit des citoyens européens de
séjourner librement sur le territoire d'autres États
membres161. Ainsi,
157 Ibid10
158 CJCE, 14 février 1995, Schumacker, C-279/
93
159 Ibid8
160 CJCE, 21 février 2006, Ritter Coulais, C-152/
03
161 CJCE 9 novembre 2006, Pirkko Marjatta Turpeinen,
C-520/ 04
54/101
la Cour opère par sa jurisprudence une harmonisation,
certes casuistique, mais nécessaire pour garantir les fondements du
marché commun.
Enfin, la liberté d'établissement est une
liberté essentielle pour les acteurs économiques de l'Union. Son
champ d'application couvre tant les personnes physiques que les personnes
morales. Il peut s'agir de restriction à l'établissement
d'individus étrangers ou encore de restrictions à l'encontre des
ressortissants nationaux de s'établir à
l'étranger162.
Pour ce qui concerne les restrictions dites «
à l'entrée », l'arrêt de principe est la
décision Commission contre France163. Il
était également question dans cet arrêt d'un avoir fiscal
qui ne bénéficiait pas aux dividendes de succursales de
société d'assurance dont le siège de direction effective
se situait dans un autre État membre.
Concernant les restrictions dites « à la
sortie », la Cour illustre son action d'harmonisation en
protégeant la liberté d'établissement des contribuables
par la sanction de mesures fiscales nationales restrictives. A titre d'exemple,
l'ancien article 167 bis du CGI permettait l'imposition des plus-values de
droits sociaux lorsqu'un contribuable français décidait de
transférer son domicile hors de France. L'imposition était
constituée dès lors que le transfert de domicile était
effectif, à l'exception que le contribuable dispose d'un
représentant fiscal en France. Une autre garantie se trouvait dans le
fait qu'une décharge d'impôt était prévu à la
condition que les droits sociaux soient toujours dans le patrimoine
après une période de cinq ans passé le transfert de
domicile ou si le contribuable retournait en France. A ce sujet, la
Cour164 a jugé qu'une telle mesure entravait la
liberté d'établissement du contribuable dans d'autres
États. L'État français a exposé que la mesure
poursuivait un objectif légitime, celui de la lutte contre la fraude
fiscale. Toutefois, la Cour jugea la mesure ni nécessaire ni
proportionnée.
L'action de la Cour lors d'un litige avec un État
membre lui permet d'harmoniser l'ensemble du système fiscal
européen. La Cour emploie une rigueur toute particulière aux
problématiques s'attachant à la liberté
d'établissement, car, comme il a été vu
précédemment, les impacts économiques et financiers
peuvent être important si une mesure
162 CJCE 16 juillet 1998, ICI, C-264/ 96
163 CJCE 28 janv. 1986, Commission c/ France, C-270/
83
164 CJCE, 11 mars 2004, C- 9/ 02,
55/101
nationale est prise en non-conformité de ladite
liberté. Cet effet « rebond » de la jurisprudence de
la Cour est particulièrement marquante à travers les suites
données à l'arrêt Lankhorst Hohorst
GmbH165 dans lequel avait été censuré la
législation allemande prévoyant la limitation de la
déductibilité des intérêts supportés à
la suite de prêt émanant de la société-mère.
A la suite de cet arrêt, la France a échappé à la
censure de l'article 212 du CGI en l'amendant complètement pour se
mettre en conformité avec le droit communautaire. Il en a
été de même pour la législation française
à la suite de l'arrêt finlandais
Verkooijen166. Chaque État membre dont une
législation fiscale est déclarée non conforme influe sur
la législation fiscale de tous les État. La part de
souveraineté de chaque État est ainsi touché en plein
coeur par la décision d'une institution juridictionnelle.
II - Les libertés économiques des
États membres encadrées strictement par la jurisprudence
En ce sens, les libertés économiques des
États membres se voient considérablement encadrées par une
jurisprudence assez autoritaire et implacable en la
matière167, dont les rares exceptions se voient très
rapidement réduites à peau de chagrin (A). Cette jurisprudence
extensive peut paraître en ce point contestable dans sa vision
libérale notamment en ce qui concerne la liberté
d'établissement à travers la décision très
commentée Mark & Spencer (B).
A - De rares exceptions réduites à peau
de chagrin
Il existe de nombreux moyens de défense des
États invocables devant la Cour. Parmi eux les moyens de
préservation de l'ordre public ou de protection de la santé
publique sont des atteintes à l'exercice des grandes libertés au
sein de l'Union. L'État français avait, sur ce sujet,
exprimé un motif d'efficacité des contrôles fiscaux
à l'occasion du célèbre arrêt Cassis de Dijon
168. Toutefois, la Cour n'a pas toujours été
aussi clémente en se fondant
165 CJCE, 12 décembre 2002, Lankhorst Hohorst
GmbH, C-324/ 00
166 CJCE, 6 juin 2000, Verkooijen , C-35/ 98
167 CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France,
« la guerre des fraises », C-265/95
168 CJCE 20 février 1979, Cassis de Dijon, C-120-
78
56/101
« sur la directive169 relative à
l'assistance mutuelle entre État membre pour établir les
impôts directs »170.
De nombreux moyens ont été tenté par les
États membres avec plus ou moins de succès. Certains ont
invoqué « la nécessité d'assurer le recouvrement
de l'impôt »171, la nécessité
de prévenir un « vide fiscal »172
ou encore « la cohérence du système fiscal
»173. Toutefois, ces justifications seront
laissées à l'appréciation de la Cour qui, par son
contrôle maximum, jugera de la nécessité de la mesure et de
sa proportionnalité. Dit autrement, l'objectif atteint doit être
atteint en minimisant les effets négatifs sur les grandes
libertés. En conséquence, très peu de moyens des
États membres sont admis pour justifier une entrave aux grandes
libertés de l'Union. Par ce biais, la Cour s'assure donc de minimiser
les justifications issues de spécificités nationales dans le sens
d'une harmonisation négative. Cette harmonisation est lente mais
subtile, réduisant petit à petit les spécificités
nationales en droit fiscal.
Ce droit national qui, malgré les justifications comme
dans l'arrêt Mark and Spencer, se voit restreint si ce n'est
obligé d'appliquer un traitement fiscal qui n'était pas
prévu dans les textes.
B - Des apports jurisprudentiels parfois contestables :
la décision Mark and Spencer
Les libertés économiques sont ainsi solidement
encadrées par la jurisprudence. Une jurisprudence qui est parfois
insensible à certaines considérations nationales comme dans le
grand arrêt Mark and Spencer174. En 2003, la Cour
reçoit une question préjudicielle de la High Court
britannique dans un litige opposant la société Marks and
Spencer à l'administration fiscale britannique. La société
disposait de filiale qu'elle a liquidé en raison des pertes fiscales
importantes desdites filiales. La société-mère a
demandé la
169 Directive 77/ 799/ CEE
170 CJCE, 28 octobre 1999, Vestergaard, C-55/ 98
Ibid154
171 CJCE, 15 mai 1997, Futura Participations SA et
Singer, C-250/ 95
Ibid154 « législation luxembourgeoise
jugée compatible avec le droit communautaire en ce qu'elle
exigeait
que la comptabilité d'une succursale luxembourgeoise
soit tenue selon les normes luxembourgeoises »
172 CJCE, 28 avril 1998, Jessica Safir, C-118/ 96
173 CJCE, 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/ 90
174 CJCE, 13 décembre 2005, Mark and Spencer,
C-446/03
57/101
censure du « group relief
»175 qui permet le transfert de pertes fiscales
reportables entre sociétés britanniques mais pas entre une
société britannique et une société
étrangère. L'argument de la société était
que la règle britannique contrevenait au principe de la liberté
d'établissement.
Dans un premier temps, l'avocat général Poiares
Maduro estimait que la société avait le droit d'invoquer la
différence de traitement en fonction de la localisation de la filiale.
Cette problématique avait déjà été plus ou
moins esquissé dans l'arrêt Futura participations et
Singer176 dans lequel le Luxembourg autorisait, à bon
droit, la possibilité de transférer les pertes reportables des
établissements stables situés dans d'autres États membres
que le Luxembourg à la condition que ces pertes aient un lien
économique avec les revenus réalisés. Cependant l'avocat
général s'est refusé d'effectuer un raisonnement par
analogie de cette jurisprudence.
A ce titre, l'État britannique invoqua le principe de
territorialité consistant dans le fait de ne pas troubler ses relations
avec un autre État en matière fiscale. Toutefois, l'avocat
général considéra que la justification par la
territorialité n'était pas fondée, l'État
britanniques ne souffrant pas d'une concurrence fiscale particulière
avec d'autres États membres. En second lieu, la Grande-Bretagne invoqua
le principe de cohérence du système fiscal. Là encore,
l'avocat général balaie l'argument qui doit « être
examiné au regard de l'objectif poursuivi par la réglementation
fiscale en cause. La notion de cohérence fiscale vise à garantir
que les ressortissants communautaires n'utilisent pas les dispositions
communautaires pour en tirer des avantages qui ne sont pas liés à
l'exercice de la liberté de circulation »177.
Le problème est que la liberté
d'établissement pourrait être entravée dans cette situation
si d'autres États membres permettraient le transfert des pertes fiscales
entre la société mère et ses filiales
non-résidentes. La Cour adopte en conséquence une démarche
prudente : en admettant que l'entrave puisse être justifié par
trois arguments. Le premier consiste dans le respect de la répartition
du pouvoir d'imposition entre les États membres, les pertes
175 Ibid154
176 CJCE, 15 mai 1997, Futura participations et Singer,
C- 250/ 95
177 Ibid154
58/101
fiscales réalisées par une filiale ont un effet
sur l'imposition de cette dernière dans l'État dans laquelle elle
a son siège. La seconde justification peut être tirée d'un
risque de double emploi des pertes en permettant à la filiale de ne pas
payer d'impôt dans son État de résidence et en les
transférant à sa société-mère afin
d'écraser sa base imposable. En ce sens, le troisième moyen
invocable réside dans le fait qu'une telle liberté de transfert
des pertes fiscales pourrait inciter certaines entreprises à frauder
fiscalement.
« Néanmoins la Cour juge, en vertu du principe
de proportionnalité (l'entrave ne doit pas excéder les
nécessités de l'objectif poursuivi) qu'une société
mère britannique doit pouvoir imputer les pertes de sa filiale
étrangère lorsque celle- ci a épuisé les
possibilités, en avant et en arrière, de les prendre en compte
dans son pays ou par un tiers »178.
En ce sens, la Cour garantie que les pertes fiscales doivent
en premier lieu être reportées sur la base imposable de la filiale
dans son État de résidence avant de pouvoir être
transférées dans un second temps à la
société-mère. Si cet arrêt semble avoir
trouvé un juste milieu entre l'excès de liberté et
l'entrave fiscale, il n'en demeure pas moins contestable dans le sens où
la liberté est clairement privilégiée et où des
montages fiscaux peuvent facilement s'immiscer dans les failles de cette
consécration de la liberté d'établissement. Si
l'harmonisation permet une liberté au sein de l'Union européenne,
elle est aussi son propre piège, car les États sont ainsi
impuissants pour contrecarrer les phénomènes de fraudes fiscales.
En effet, une société-mère qui dispose de plusieurs
filiales dans des États différents qui ne réalisent aucun
bénéfice pourra amoindrir sa base imposable.
En ce sens, l'harmonisation de la Cour touche de nombreuses
libertés et encadre strictement les entraves fiscales nationales. Dans
cette lignée, la Cour prohibe également avec vigueur les
traitements de faveurs envers certains contribuables à travers le
dispositif de sanctions des aides d'État.
178 Ibid154
59/101
Section II - L'interdiction strictes des aides
d'État
La portée protectrice de la Cour ne s'arrête pas
à la garantie des grandes libertés de circulation ou
d'établissement. La Cour intervient également pour harmoniser le
droit de la concurrence fiscale à travers l'interdiction des aides
d'État (I) dont l'analyse méthodologique a été
considérablement étendue (II).
I - Une harmonisation du droit à la concurrence
fiscale
L'harmonisation du droit de la concurrence fiscale entre
États membres est donc notable à travers de multiples
précisions jurisprudentielles apportées par la Cour (A), et
caractérisées par un combat mené de pair avec la
Commission européenne (B).
A - La définition des aides d'État aux
contours définis par les textes et précisée par la
jurisprudence
Inscrite dans le TFUE179, l'interdiction des aides
d'État se caractérise par « une mesure procédant
d'une intervention de l'État ou de la mobilisation de ressources
d'État, quelle qu'en soit la forme ; constituant un avantage
économique susceptible de fausser la concurrence; présentant
caractère sélectif pour une entreprise ou une catégorie
d'entreprises susceptible d'affecter les échanges entre États
membres »180.
Cette notion d'aide d'État a été
caractérisé par la Cour181 comme des mesures
présentant un avantage pour une catégorie de contribuable telle
que des droits à déduction. Cela remet donc en cause la
compatibilité du droit national avec le droit de la libre concurrence au
sein de l'Union et le principe de non-discrimination. En effet, en accordant
des aides d'État ou avantage fiscaux à certains contribuables, le
marché commun et la libre concurrence entre les entreprises se
faussent182. Par ailleurs, comme vu précédemment, la
Cour impose aux
179 Article 107 TFUE
180 Ibid154
181 CJCE 21 mars 1990, Belgique c/ Commission, C 142/ 87
CJCE, Altmark, 24 juillet 2003, C- 280/ 00
182 CJUE, 22 décembre 2008, Sté Régie
Networks, C- 333/ 07
60/101
États de recouvrer en conséquence l'aide
illégalement accordé sous peine de voire leur
responsabilité engagée.
La Cour qualifie donc l'aide d'État comme une violation
de la législation de l'Union, conférant des droits aux
particuliers dans un domaine où « le législateur
bénéficie d'un large pouvoir d'interprétation
»183. Enfin, un lien de causalité doit exister
entre le dommage et la violation de la législation de l'Union.
La Cour définit donc les contours de la notion d'aide
d'État en se fondant sur le TFUE et en précisant sa
jurisprudence. C'est également cette notion d'aide d'État et de
protection de la libre concurrence entre les acteurs économiques que
l'harmonisation s'effectue et que le principe d'autonomie institutionnelle et
procédurale joue son rôle. En effet, la Cour dessine la notion
d'aide d'État, la caractérise, l'interdit et oblige les
États membres à la recouvrir. Si la créance n'est pas
recouvrée, l'État peut voir sa responsabilité
engagée. De surcroît, un recours en manquement est
également envisageable. Si le droit national de l'État ne lui
permet pas de recouvrer sa créance, en vertu du principe d'autonomie
procédurale et institutionnelle, il devient obligé de mettre des
règles parfois contra legem à son droit interne pour
obéir aux prérogatives de l'Union. Ainsi, à travers cet
exemple, de nombreuses notions et grands principes ou libertés se
recoupent, diminuant la souveraineté fiscale mais également
procédurale des États membres pour favoriser une harmonisation
des législations, un marché unique.
B - La sanction des aides d'État : un travail de
coopération avec la Commission européenne
L'intérêt de l'Union est protégé
majoritairement par deux institutions : la Cour de Justice bien entendu et la
Commission européenne. Ces dernières veillent au grain censurant
les États membres mettant en place des dispositifs fiscaux trop
généreux, à leur sens, pour certains de leurs
contribuables.
« Le contrôle des aides d'État vise
à la fois les aides existants déjà (par exemple celles qui
seraient en vigueur dans un État membre avant qu'il n'intègre
l'UE), et les nouvelles.
183 Ibid154
61/101
Pour les premières, la Commission exerce une
surveillance permanente. Si elle constate qu'une aide n'est pas compatible,
elle en informe l'Etat membre. Celui-ci, s'il ne choisit pas de la modifier ou
de l'interrompre, s'expose à l'ouverture d'une procédure d'examen
formel, au terme de laquelle la Commission devra réitérer sa
décision en la motivant »184.
« La seconde catégorie d'aide inclut les aides
individuelles et les régimes d'aide. En général, l'Etat
notifie à la Commission les régimes d'aide qu'il souhaite mettre
en place avant de le faire. Mais pour les aides individuelles, qui ont souvent
lieu dans l'urgence (afin de "sauver" une entreprise par exemple), il arrive
que l'Etat les verse avant de se lancer dans les négociations avec la
Commission, quitte à faire des ajustements ou à devoir se faire
rembourser par la suite. La Commission a l'obligation de répondre
à toute notification, sans quoi l'aide est automatiquement
validée »185.
Concrètement, la Commission avait
estimé186 que « France Télécom avait
bénéficié entre 1990 et 2002 de régimes
dérogatoires en matière d'impôts locaux
»187. L'aide, non-conforme au droit de l'Union,
s'élevait à environ 900 millions d'euros. La somme étant
difficile à évaluer en raison des réticences de
l'État français, la Cour a condamné l'État membre
à de sévères sanctions188.
Le lien entre la Commission et la Cour est flagrant à
l'occasion de certains arrêts dans lesquels la notification de la
Commission demeure obligatoire pour que l'État membre recouvre la
créance fiscale indue. Tel a été le cas pour un juge
national qui refusa d'engager la responsabilité de l'État et en
conséquence d'exiger le remboursement de l'aide sans notification
préalable de la Commission189.
184 Toute l'Europe, Le contrôle des aides d'État, 30
août 2017
« Pour statuer sur l'aide, la Commission dispose de deux
mois, sans quoi l'aide est acceptée. En cas de doute sérieux,
c'est la procédure de l'examen formel qui s'ouvre, avec un nouveau
délai de 18 mois. Il s'agit d'une phase de négociation, au cours
de laquelle la Commission va proposer à l'Etat de nouvelles conditions
pour rendre l'aide compatible. S'il les refuse, l'aide ne peut être
versée ou bien doit être récupérée par l'Etat
dans le cas où elle aurait déjà été
versée ».
https://www.touteleurope.eu/actualite/le-controle-des-aides-d-etat.html
185 Ibid185
186 Dans une décision 2005/709 du 2 août 2004
187 Ibid154
188 CJCE, 18 octobre 2007, Commission c/ France, C- 441/
06
189 CJCE, 12 février 2008, C- 199/ 06
62/101
Toutefois, si la Cour sanctionne strictement les aides
d'État en vue de garantir une harmonisation des systèmes fiscaux,
l'examen desdites aides n'est pas chose aisée. La Cour et la Commission
ont ainsi développé une méthodologie afin d'analyser de
tels dispositifs.
II - L'extension de l'examen méthodologique des
aides d'État par la Cour
L'examen méthodologique des aides d'État a
progressivement évolué passant d'une analyse classique
fondée sur les textes (A) à une extension observable à
l'occasion du célèbre arrêt Gibraltar (B).
A - L'analyse méthodologique classique par la
Cour de la notion d'aide d'État
Un système fiscal anormal peut parfois être
considéré d'« avantage fiscal, de dépense fiscale
ou encore de niche fiscale »190. Par ailleurs, les
rapports publics font souvent état de fiscalité
dérogatoire. Ainsi, coexisteraient des systèmes fiscaux normaux
donc « vertueux »191 et d'autres anormaux donc facilitant
potentiellement la fraude et nécessitant une surveillance accrue. Par
ailleurs, la qualification de système fiscal normal ou
dérogatoire relève de la subjectivité. C'est d'ailleurs
autour de cette problématique que l'arrêt
Gibraltar192 est né.
Comme rappelé précédemment, l'article 107
TFUE et la jurisprudence193 condamne « les aides
accordées par les États ou au moyen de ressources d'État
sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la
concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions
». En ce sens, la doctrine et la Cour ont établi quatre
catégories d'aides d'État : « les aides
géographiques, les aides sectorielles, les pratiques
discrétionnaires et les régimes préférentiels
»194.
190 Édouard Dubout et Alexandre Maitrot de la Motte, Aides
d'État, Normalité, sélectivité et
légitimité des régimes fiscaux dans l'Union
européenne : les paradis fiscaux au purgatoire des aides d'État
?, Droit fiscal n° 5, 2 Février 2012, comm. 126
191 Ibid189
192 CJUE, 15 novembre 2011, Commission c/ Gvt of Gibraltar
et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, C-106/09
193 CJCE, Altmark, 24 juillet 2003, C- 280/ 00
194 Sélectivité matérielle
Ibid189
63/101
La Cour dans l'arrêt Gibraltar débat autour de la
notion d'« avantage fiscal »195 et plus
particulièrement sur la notion de « sélectivité
d'une mesure générale »196,
qualifié de « normal » dans sa forme et d'«
anormal » sur le fond. En l'espèce, le gouvernement de
Gibraltar avait initié une réforme fiscale selon laquelle devait
être instituée sur l'ancienne législation fiscale «
une taxe d'enregistrement des sociétés, un impôt sur le
nombre de salariés et un impôt sur l'occupation des locaux
professionnels (business property occupation tax)197, étant
entendu que l'assujettissement à ces deux derniers était
plafonné à 15 % des bénéfices
»198. La Commission199 a estimé
à ce titre que la réforme fiscale constituait une exemption
totale aux obligations fiscales des entreprises qualifiées d'«
offshore ». En effet, ce type d'entreprise, très courant
à Gibraltar, n'aurait pas eu à payer d'impôt, car elle ne
dispose pas de locaux professionnels ou de salariés et ne réalise
qu'une faible part de bénéfice. Ce système venait en
conséquence accorder une exemption générale à la
plupart des sociétés constituées à Gibraltar. En
outre, la Commission qualifiait également la sélectivité
géographique200 de la mesure car les sociétés
domiciliées à Gibraltar étaient moins imposées
qu'au Royaume-Uni.
« Traditionnellement, la méthode retenue par
la Commission européenne et la Cour de justice aux fins
d'apprécier le caractère sélectif d'un avantage fiscal
consiste à raisonner en trois étapes. »
Premièrement, il convient d'identifier si le système fiscal en
cause peut être qualifié de « normal ».
Deuxièmement, les deux institutions européennes apprécient
la sélectivité de la mesure litigieuse au sein du système
fiscal. Troisièmement, la Cour et la Commission vérifient la
justification tirée de « la nature ou l'économie du
système fiscal »201. En d'autres termes,
la mesure doit être justifiée par des objectifs
légitimes202. Par
195 Ibid189
196 Ibid189
197 BPOT
198 Cour de justice de l'Union européenne,
Communiqué de presse n° 120/11, Luxembourg, le 15 novembre 2011, Un
régime fiscal conçu de telle façon que des
sociétés offshores échappent à l'imposition
constitue un régime d'aide d'État incompatible avec le
marché intérieur
199 Décision 2005/261/CE de la Commission, du 30 mars
2004, relative au régime d'aides que le Royaume-Uni envisage de mettre
à exécution concernant la réforme de l'impôt sur les
sociétés par le gouvernement de Gibraltar
200 Dans le cas présent régional
201 CJCE, 2 juillet 1974, Italie c/ Commission,
C-173/73
202 Cf. A - De rares exceptions réduites à peau de
chagrin
64/101
la qualification d'aide d'État, le système
fiscal « normal » devient « anormal »
sous couvert des éventuelles justifications apportées par
l'État membre.
Cette analyse méthodologique avait pour but de ne pas
restreindre la liberté des États membres dans le choix de leurs
politiques fiscales et in fine économiques. En ce sens, un
système fiscal qui « n'a pas créé une
dérogation en faveur de certaines entreprises ou de certaines
productions par rapport à un « système normal » de
taxation (...) n'est pas constitutif d'un régime d'aides au sens de
l'article 107 du Traité »203. En ce sens,
« le seul élément fondamental requis pour l'application de
l'article (107), paragraphe 1, est le caractère dérogatoire de la
mesure, dans sa nature même, par rapport à l'économie du
système général dans lequel elle s'insère
»204. La méthodologie utilisée
était donc claire, il s'agissait de comparer les mesures potentiellement
« anormales » d'un système fiscale avec la «
normalité » de ce même système fiscal.
La problématique était toutefois plus complexe
dans l'arrêt Gibraltar car la réforme fiscale
s'appliquait à quasiment toutes les sociétés dûment
constituées dans l'État membre. Il s'agissait donc, par
application de la méthodologie traditionnelle, d'un système
fiscal « normal ». C'est pour cela que le Tribunal de
première instance avait considéré que la mesure ne
rentrait pas dans le champ d'application des aides d'État.
La Cour a cependant opéré un autre raisonnement,
engageant le développement d'une « méthode alternative
»205 pour davantage apprécier la
sélectivité de la réforme litigieuse.
203 Conclusion de l'avocat général Jean Mischo
à l'arrêt CJCE, 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline GmbH et
Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke GmbH c/ Finanzlandesdirektion für
Kärnten, C143/99
204 Conclusion de l'avocat général Marco Darmon
à l'arrêt CJCE, 17 mars 1993, Firma Sloman Neptun Schiffahrts
AG / Seebetriebsrat Bodo Ziesemer der Sloman Neptun Schiffahrts AG,
C-72/91 et C-73/91
205 Ibid189
65/101
B - L'extension de l'analyse méthodologique
La méthode traditionnelle étant
particulièrement inadaptée dans l'arrêt Gibraltar,
la Cour définit elle-même une autre méthode afin
d'apprécier la sélectivité d'un système fiscal
analysant davantage le fond de la réforme fiscale plutôt que son
appréciation globale. La Cour reconnaît ainsi la faille de son
analyse méthodologique traditionnelle. Elle explique ainsi qu'il serait
trop facile pour les États membres d'appliquer une réforme
fiscale générale des entreprises pour contourner le droit de
l'Union concernant la prohibition des aides d'État. Le problème
étant qu'adopter une analyse globale des systèmes fiscaux des
États membres peut être contestable dans la mesure où aucun
de ces systèmes fiscaux ne se correspondent parfaitement et restent en
principe attachés à la souveraineté de l'État
membre.
Ainsi, la Cour tente de trouver une alternative à une
analyse méthodologique, qui si elle fonctionnait jusque-là, a su
prouver ses limites. En conséquence, « contrairement à
la « méthode traditionnelle », la « méthode
alternative » est ainsi subjective au stade de l'appréciation de la
sélectivité d'un régime206, et objective au
stade de la justification de cette sélectivité
»207. L'utilisation de cette nouvelle méthode a une
portée purement téléologique consistant à gommer un
maximum les différences entre les différents systèmes
fiscaux des États membres. L'usage de la sélectivité d'une
mesure, d'une réforme, d'un système n'étant que des moyens
pour assurer l'harmonisation des systèmes fiscaux de l'Union.
Ainsi, se retrouve également au titre des arguments de
la Cour le principe de nondiscrimination, qui, s'il ne peut être
invoqué qu'à titre complémentaire, constitue une
justification non négligeable à la charge de Gibraltar.
En effet, « au regard des caractéristiques de ce
régime, rappelées au point précédent, il
apparaît que le régime litigieux, en combinant ces bases,
même si celles-ci reposent sur des critères, en eux-mêmes,
de nature générale, opère, en fait, une discrimination
entre des sociétés se trouvant dans une situation comparable au
regard de l'objectif poursuivi par le projet de réforme
206 Car fondée sur les objectifs poursuivis par le
régime fiscal
207 Car fondée sur la normalité du régime
fiscal Ibid189
66/101
fiscale, à savoir celui d'introduire un
système général d'imposition pour toutes les
sociétés établies à Gibraltar
»208.
En ce sens, la méthode alternative de la Cour s'observe
particulièrement des paragraphes 101 à 107 dudit arrêt. En
effet, les paragraphes 106 et 107 en particulier selon lesquels « la
circonstance que les sociétés « offshore » ne sont pas
imposées est non pas une conséquence aléatoire du
régime en cause, mais la conséquence inéluctable du fait
que les bases d'imposition sont précisément conçues de
façon à ce que les sociétés « offshore »
qui, par leur nature, n'emploient pas de salariés et n'occupent pas de
locaux professionnels, ne disposent pas de l'assiette fiscale au sens des bases
d'imposition retenues dans le projet de réforme fiscale. Ainsi, la
circonstance que les sociétés « offshore », qui
constituent à l'égard des bases d'imposition retenues dans le
projet de réforme fiscale un groupe de sociétés,
échappent à l'imposition, précisément en raison des
caractéristiques propres et spécifiques à ce groupe,
permet de considérer que ces sociétés
bénéficient d'avantages sélectifs ».
La Cour sanctionne, de manière implicite, la «
concurrence fiscale dommageable »209 entre
États. En effet, si la réforme fiscale n'avait pas
été qualifié d'aide d'État, Gibraltar serait devenu
une plate-forme, voire un « paradis » fiscal des
sociétés européennes qui auraient utilisé
l'État membre à des fins uniquement fiscales. En effet, si un tel
régime n'avait pas été sanctionné, l'Union
européenne aurait fait un aveu de faiblesse en faveur de la
souveraineté fiscale des États membres. Or, comme observé
précédemment, la Cour ne s'inscrit pas dans une telle optique,
bien au contraire. Son pouvoir prétorien et sa vision
téléologique d'harmoniser le marché commun, le droit de la
concurrence et le droit fiscal des États. Elle ne va toutefois pas
jusqu'à imposer une vision de politique fiscale et économique.
Sur ce point les États demeurent libres et souverains. Toutefois, la
Cour s'octroie le droit de censurer, d'harmoniser négativement, ce qui
lui semble contraire aux intérêts économiques de
l'Union.
L'arrêt Gibraltar induit en ce sens un renversement de
la charge de la preuve pour les États en matière d'aide
d'État. En effet, dans cette méthode alternative, la Cour dispose
juste de la faculté de démontrer que le régime fiscal en
cause est « anormal ». Il appartient en ce
208 Ibid191, paragraphe 101
209 Ibid191
67/101
sens à l'État de prouver la «
normalité », voire même la légitimité
de son système fiscal. L'application d'une telle méthode est donc
contestable concernant la souveraineté des États membres. En
effet, la Commission, qui opère la première la qualification
d'aide d'État, s'en trouve grandement avantagée car elle pourra
caractériser plus facilement les aides d'État. « Cette
démarche n'est pas sans risque sur les autres régimes, et la Cour
s'est sans doute engagée sur une pente glissante qui l'amène
à élargir le cadre général de ce qu'il convient de
considérer comme « normal » en matière de
fiscalité dans l'Union européenne. Car au-delà de la
question de savoir qui doit juger en premier chef de la normalité, il
faut aussi déterminer par rapport à quoi elle doit être
évaluée »210.
En effet, « une extension trop grande du régime
des aides ait pour conséquence de soumettre tous les choix de politique
économique des États membres au contrôle des
autorités communautaires »211. La crainte
de la concurrence fiscale au sein de l'Union ne doit toutefois pas aveugler la
Cour dans ses décisions. En effet, il serait dommageable pour
l'institution juridictionnelle que les aides d'État fassent l'objet d'un
contrôle de légitimité à défaut d'un
contrôle de légalité.
Si la méthode alternative n'a été que peu
utilisé par la suite et est devenue une méthode utilisée
à titre subsidiaire, le marché unique fait sans aucun doute
l'objet d'une protection renforcée de la Cour. En effet, l'utilisation
des grandes libertés sous couvert également du principe de
non-discrimination font tendre l'Union européenne vers un système
économique libéral. Le droit fiscal des États membres se
trouve donc harmonisée à travers des séries de
décisions jurisprudentielles oeuvrant dans un sens commun et
obéissant souvent à la même méthodologie. Toutefois,
si une telle libéralisation des régimes fiscaux des États
membres est évidente, la Cour pose des limites notamment en
matière de fraude fiscale, effet pervers d'un régime
économique constamment fluidifié au sein de l'Union.
210 Ibid189
211 Conclusion de l'avocat général Poiares Maduro
à l'arrêt CJCE, 23 mars 2006, Enirisorse, C-237/04
68/101
Chapitre II - Une harmonisation négative de la
Cour pour consacrer un espace de liberté et de justice fiscale
L'harmonisation jurisprudentielle vient suppléer les
directives européennes qui ont d'ores et déjà
initiée un espace de liberté et de justice fiscale. Par
l'expression « espace de liberté et justice fiscale »
promue par les directives, il convient d'entendre dans un premier temps
l'harmonisation de la fiscalité des revenus de capitaux mobiliers au
sein de l'Union : caractéristique phare de la liberté fiscale au
sein de l'Union (Section I). Dans un second temps, la notion de «
justice fiscale » se rapporte davantage à la protection
consacrée par le législateur et la Cour contre les divers abus,
conséquences de la liberté fiscale (Section II).
Section I : L'harmonisation négative de la Cour
sur les libertés fiscales initiés par les directives212 de
l'Union
Les directives européennes sont à l'origine de
l'harmonisation de pans très restreints de la fiscalité directe.
Toutefois, en matière de fiscalité des entreprises et dans le but
de favoriser l'investissement sur le territoire de l'Union, il a
été rapidement nécessaire d'harmoniser la fiscalité
des revenus de capitaux mobiliers (I) mais également les régimes
de faveur permettant l'application d'un report213 ou
sursis214 d'imposition (II).
212 Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011
concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés
mères et filiales d'États membres différents, directive
2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003 concernant un régime fiscal commun
applicable aux paiements d'intérêts et de redevances
effectués entre des sociétés associées
d'États membres différents, directive 90/434/CEE du Conseil, du
23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux
fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions
intéressant des sociétés d'États membres
différents
213 « Dans le cadre d'un report d'imposition, la
plus-value est calculée et déclarée au moment de
l'échange de titres, mais son imposition est différée au
moment où s'opère la cession des titres reçus lors de
l'échange. »
https://www.l-expert-comptable.com/a/532037-le-sursis-d-imposition-sur-les-plus-values.html
214 « Le sursis d'imposition signifie que
l'opération visée présente un caractère
intercalaire. Elle n'est pas imposable lors de son événement,
à savoir l'échange ou l'apport des titres, mais lors de la
cession ultérieure des titres reçus. »
Ibid215
69/101
I - Le rôle de précision de la Cour en
matière de fiscalité des revenus de capitaux
mobiliers
Comme en matière de TVA, la Cour n'opère pas
réellement de création jurisprudentielle. Lorsqu'il s'agit de
litige mettant en cause une directive et le droit national, l'action
d'harmonisation de la Cour est davantage supplétive. En effet, son
rôle va consister dans l'apport de nuances, de précisions, voire
de nouvelles conditions dans le cadre des directives fiscales plus connues sous
le nom de directive mère-fille (A) et de directive intérêts
et redevances (B).
A - Les apports jurisprudentiels nécessaires par
la Cour à la directive mère-fille
La directive vise à éliminer les
problèmes de double imposition économique215
permettant une exonération de la retenue à la source des
dividendes sous certaines conditions déterminées par le droit
national. Elle permet ainsi de faciliter le regroupement des entreprises sur le
territoire de l'Union216. La directive a donc pour
conséquence la neutralité fiscale des opérations de
distributions de dividendes par une filiale établie dans un État
membre à sa société-mère établie, elle
aussi, dans un État membre. Toutefois, s'agissant de participations qui
ne sont pas visées par la directive, les États sont souverains
quant à l'imposition ou non de la distribution des
dividendes217.
Le rôle d'harmonisation de la Cour s'analyse dans le
sens où elle permet l'apport de précisions quant au champ
d'application de ladite directive. Par exemple, la directive ne s'applique pas
en ce qui concerne les sociétés exonérées
d'impôt sur les sociétés218. En effet, il s'agit
dans cette hypothèse d'une exonération personnelle à
laquelle l'exonération « matérielle » de la directive
pourrait octroyer un avantage discriminant vis-à-vis d'autres
sociétés.
215 « La double imposition économique est la
situation dans laquelle plusieurs personnes sont imposables sur un même
revenu. C'est le cas des dividendes qui sont des bénéfices
dégagés par la filiale et qui sont imposés. Une partie est
distribuée à la société mère qui sera
imposée une seconde fois puisque c'est une recette. »
https://www.doc-du-juriste.com/droit-prive-et-contrat/droit-fiscal/dissertation/lutte-double-imposition-conventions-fiscales-internationales-455207.html
216 CJUE, 24 juin 2010, Ferrero Spa, C-338/08
217 CJUE, 1er octobre 2009, Gaz de France,
C-247/08
218 CJUE, 18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Aplha
Oy, C-303/07
70/101
La directive impose pour bénéficier du
régime de la directive que la participation de la
société-mère dans la filiale soit qualifiée de
participation importante. En ce sens, le seuil de détention actuellement
requis pour l'application des dispositions de la directive est de 10 % du
capital social dans la filiale. Les États peuvent en outre appliquer des
seuils inférieurs, la directive ne garantissant qu'un seuil minimal de
protection à l'égard de la double imposition
économique219. A ce sujet, s'est également posé
la question de savoir ce qu'il convenait d'entendre par la notion de
participation. En effet, deux conceptions se sont opposées : certains
entendent la participation dans son sens juridique220 lorsque
d'autres analysent les revenus de participations d'un point de vue
économique221. A cette problématique, la Cour a
tranché pour l'analyse juridique de la notion de participation en
considérant que des actions détenues en usufruit ne constituent
pas des participations222. Sur la notion de dividendes, la Cour a
également jugé que ne rentre pas dans le champ de la directive
les dividendes de liquidation et les avoirs fiscaux223.
Des précisions peuvent également être
apportées concernant la durée de détention requise pour
pouvoir bénéficier du régime de la directive. La directive
impose à minima une période de détention de deux
ans. Toutefois, une telle condition peut être remplie avant la
durée imposée dans l'hypothèse selon laquelle la
société s'engage à conserver la participation pendant la
durée requise224.
Les États ont toutefois tenté d'imposer par
prélèvement obligatoire qui n'est pas qualifié comme une
retenue à la source les dividendes émis. Toutefois, la Cour a
considéré qu'une imposition revêtant le caractère
d'un prélèvement obligatoire était une imposition
cachée et devait donc être censurée225. Le but
final de la directive est en conséquence l'imposition de l'actionnaire
personne physique et non la société226.
La directive émet aussi l'obligation pour l'État
membre de la société-mère de ne pas imposer le
bénéfice tiré du dividende reçu. En
conséquence, la directive laisse le choix aux
219 CJUE, 20 octobre 2011, Commission c/ Allemagne, C
284/09
220 La détention de participations
221 La perception des dividendes peu importe s'il existe une
détention juridique
222 CJCE, 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux
Tauves, C-48/07
223 CJCE, 25 septembre 2003, Océ van der Grinten,
C-58/01
224 CJCE, 17 octobre 1996, Denkavit, C-283/94
225 CJCE, 13 février 1996, Bautiaa, C-252/94
226 CJUE, 26 juin 2008, Burdia GmbH, C-284/06
États de la méthode à appliquer pour ne
pas imposer le revenu reçu par la société-mère. En
l'occurrence, les États peuvent faire le choix d'exonérer le
revenu, ou peuvent décider d'appliquer la méthode de
l'imputation227 ou encore d'appliquer une combinaison entre les deux
méthodes228. Dans cette optique, la Cour reste
éloignée de la souveraineté des États et
n'opère qu'un contrôle assez limité. En effet, la directive
étant une base textuelle précise et inconditionnelle, l'action de
la Cour est beaucoup moins marquée en l'espèce par sa
créativité et son caractère prétorien.
Toutefois, la Cour profite toutefois de la directive pour
donner son point de vue sur les systèmes fiscaux des États
membres qui mettent en oeuvre la directive. En effet, dans un arrêt
Cobelfret229, la Cour censure le refus de l'État
belge d'appliquer l'exonération prévue dans son droit national en
raison du fait que la société présentait des pertes
fiscales reportables. Toutefois, les États peuvent prévoir que
les charges en relation avec les participations sujettes à dividendes ne
soient pas déductibles230.
Toutefois, si la directive mère-fille est sujette
à de nombreux arrêts, les apports jurisprudentiels sont plus
limités concernant la directive intérêts et redevances dont
les libertés qui en sont issues font moins débat que les
problématiques en termes d'abus de droit qu'elle pose.
71/101
227 Caractérisée par l'égalisation du taux
d'imposition en droit interne et à l'étranger
228 CJCE, 12 décembre 2006, Test Claimant in the II
Group Litigation, 446/04
229 CJUE, 12 février 2009, Coblefret, C-138/07
230 CJUE, 3 avril 2008, Banque Fédérative du
Crédit Mutuel, C-27/07
72/101
B - Les apports jurisprudentiels limités par la
Cour à la directive intérêts231 et redevances232
L'objectif de la directive est la non-imposition à la
source des revenus tirés des intérêts et des redevances. En
conséquence, ces revenus particuliers de capitaux mobiliers ne seront
imposables que dans l'État de résidence du
bénéficiaire effectif. Toutefois la lecture de la directive
intérêts et redevances au regard de la jurisprudence est bien
différente de celle de la directive mère-fille. En effet, la
directive intérêt redevance a mis de nombreuses années
à être créé. En effet, cette dernière pouvait
être beaucoup plus sujette à des tentatives de fraudes de la part
des contribuables européens. La particularité des
intérêts était le problème majeur de
l'implémentation de la directive en droit de l'Union. En effet, il
fallait prévoir des mesures anti-abus pour contrecarrer les potentielles
mauvaises intentions des contribuables européens.
C'est d'ailleurs pour cela que la doctrine a observé
dans la directive que la durée de détention de la participation
dans la filiale par la société-mère devait être
obligatoirement d'au moins deux ans. Il n'y pas de possibilité en
l'espèce de déroger par l'engagement de détenir ladite
participation pendant le temps requis. En effet, cette interprétation
est tirée de la différence des temps employés dans la
directive233 par rapport au temps employé234 dans
la jurisprudence Denkavit235.
Le risque de fraude étant particulièrement
élevé en matière d'intérêts et de redevances.
En effet, dans plusieurs affaires d'importance dénommée «
Danish cases »236, la Cour a eu à
231 Article 2 de la directive : « les revenus des
créances de toute nature, assorties ou non de garanties
hypothécaires ou d'une clause de participation aux
bénéfices du débiteur, et notamment les revenus
d'obligations ou d'emprunts, y compris les primes et lots attachés
à ces obligations ou emprunts. Les pénalités pour paiement
tardif ne sont pas considérées comme des intérêts
»
232 Article 2 de la directive : « les paiements de toute
nature reçus à titre de rémunération pour l'usage
ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une oeuvre
littéraire, artistique ou scientifique, y compris les films
cinématographiques et les logiciels informatiques, d'un brevet, d'une
marque de fabrique ou de commerce, d'un dessin ou d'un modèle, d'un
plan, d'une formule ou d'un procédé secret, ainsi que pour des
informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine
industriel, commercial ou scientifique. Les paiements reçus pour l'usage
ou la concession de l'usage d'un droit concernant des équipements
industriels, commerciaux ou scientifiques sont considérés comme
des redevances. »
233 En l'espèce le passé composé
234 Bien que concernant les distributions de dividendes le temps
utilisé était le présent
235 Ibid225
236 CJUE, 26 février 2019, N Luxembourg 1, X
Denmark A/S, C Danmark I et Z Denmark ApS, C-115/16, C118/16, C-199/16 et
C-299/16
73/101
débattre de la notion de bénéficiaire
effectif pour préciser le texte afin d'empêcher les potentielles
fraudes. A ce titre la Cour juge que « l'article 1er, paragraphe 1, de
la directive 2003/49/CE du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime
fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances
effectués entre des sociétés associées
d'États membres différents, lu conjointement avec l'article 1er,
paragraphe 4, de cette directive, doit être interprété en
ce sens que l'exonération de toute imposition des paiements
d'intérêts qu'il prévoit est réservée aux
seuls bénéficiaires effectifs de tels intérêts,
à savoir aux entités qui bénéficient
réellement de ces intérêts sur le plan économique et
qui disposent dès lors du pouvoir d'en déterminer librement
l'affectation »237 .
Si les développements jurisprudentiels paraissent moins
nombreux concernant la directive intérêts et redevances, cela ne
signifie pas que la directive ne fait pas l'objet d'un large contentieux. Bien
au contraire, elle est sujette à un contentieux se plaçant
davantage sur le terrain de la fraude fiscale et de l'abus de droit. Toutefois,
dividendes, intérêts et redevances ne sont pas les seuls domaines
ayant connu une harmonisation par le biais d'une directive, le régime
des fusions, scission, apport partiel d'actifs en est également
sujet.
II - Le rôle de la Cour dans le cas des directives
relative aux opérations de fusions et aux opérations y
assimilées
Le rôle de la Cour, en matière de fusion et
opérations assimilées238, est là encore un
rôle supplétif visant à harmoniser et préciser les
termes et notions définis dans la directive. Ces apports
jurisprudentiels sont importants économiquement pour les entreprises
dans leur restructuration notamment intra-groupe. En conséquence, elle
traite du « rassemblement des capitaux239 »
à l'occasion des opérations susmentionnées (A) et des
fusions qualifiées de transfrontalières (B).
237 Ibid237
238 Scission, apport partiel d'actif, échange de
participations
239 Pierre-François Racine, Olivier Fouquet, Cyrille
David, Bernard Plagnet, Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale,
Edition : 07/09 - 5e édition
74/101
A - Les apports jurisprudentiels en matière de
« rassemblement des capitaux »240
La directive du 17 juillet 1969241 modifié
à de nombreuses reprises242 « est venue
définir le régime d'impôts indirects susceptibles de
frapper les rassemblements de capitaux »243. La directive
concerne en ce sens les « créations de sociétés,
mais également les opérations de fusions
»244. La directive apporte en conséquence
des limites concernant le prélèvement effectué sur le
droit d'apport. En effet, la Cour dans un arrêt
Bautiaa245 que le taux d'1,20 % appliquée à
une opération de fusion par application de l'article 816-1, 2°
ancien du CGI est en confrontation avec les garanties octroyées par le
droit communautaire. A ce titre la France n'a supprimé l'article
litigieux qu'en 1993. La Cour a refusé en ce sens de moduler les effets
de sa décision dans le temps imposant la restitution desdits droits
d'apport par la France aux entreprises ayant effectué les
opérations concernées par la directive.
La Cour a ensuite précisé sa jurisprudence en la
matière en autorisant parfois certains prélèvements tels
qu'un droit d'enregistrement dans l'hypothèse où la
société détient la totalité des participations de
la société absorbée246 . N'entre
également pas en confrontation avec la directive la perception d'un
impôt sur le patrimoine de l'entreprise247. Il est toutefois
interdit au sens de la Cour de « soumettre des emprunts obligataires
à l'impôt sur les actes notariés établis lors du
remboursement »248.
La jurisprudence de la Cour apporte donc des précisions
non négligeables pour harmoniser les systèmes fiscaux des
impôts indirects pesant sur les entreprises réalisant des
opérations de fusion et assimilées. L'action d'harmonisation de
la Cour est toutefois plus visible en ce qui concerne le régime de
faveur applicable à de telles opérations.
240 Ibid240
241 Directive 69/335 du Conseil du 17 juillet 1969
242 Directive 85/303 en vigueur le 1er janvier 1986
243 Ibid240
244 Ibid240
245 CJCE, 14 février 1996, Bautiaa, C-197/94
246 CJCE, 27 octobre 1998, Abbruzi Gas SpA, C-152/ 97
247 CJCE, 27 octobre 1998, Manifattura italiana Nonwoven
SpA, C-4/ 97
248 CJCE, 27 octobre 1998, Fuerzas electricas de
Catalunya, C-31/ 97 et 32/ 97 Ibid240
75/101
B - Les apports jurisprudentiels importants en
matière du régime de faveur à une fusions et des
opérations y assimilées pour les restructurations
d'entreprises
La directive modifiée du 23 juillet 1990249
concerne le régime fiscal applicable aux « opération de
fusion, de scissions, d'apports partiels d'actifs et d'échange d'actions
au sein des États membres »250 . Dans un
grand arrêt Leur Bloem251, la Cour a admis
l'application de la directive dans le cadre d'une opération purement
interne. En l'espèce, il s'agissait d'un échange de titres de
participation « appartenant à un ressortissant néerlandais
entre deux sociétés néerlandaises »252. En
effet, la directive ne visait que les opérations
transfrontalières. Or, il aurait été discriminant de ne
pas l'appliquer à une situation purement interne. La Cour apporte donc
de la nuance à la lettre de la directive afin qu'elle ne puisse
perturber les opérations internes et la liberté
d'établissement.
En matière d'apport partiel d'actifs, la Cour a
également défini la notion de branche complète
d'activité afin d'assurer une interprétation
téléologique de la directive, conforme à la volonté
du législateur de l'Union. En ce sens, « l'exploitation
apportée doit pouvoir fonctionner non seulement avec les actifs
corporels ou incorporels qui lui sont affectés mais aussi avec les
moyens financiers adéquats. Tel n'est pas le cas lorsque l'entreprise
apporteuse conserve le bénéfice d'un emprunt dont la charge de
remboursement et d'intérêt est attribuée à la
branche apportée »253.
La directive est fondée sur l'idée de la
neutralité fiscale des opérations susvisées. Elle implique
en ce sens, le report d'imposition pour les opérations de fusion, de
scission, d'apport partiel d'actifs et d'échange de
titres254. Concernant l'évaluation des titres de
participation dans le cas des opérations visées par la directive,
les États demeurent libres de ladite évaluation des titres
à valeur comptable ou à valeur de marché255. Le
but du report d'imposition étant l'imposition de la plus-value latente
lors de la sortie des titres du
249 Directive 90/434 du Conseil du 23 juillet 1990
modifiée par la directive 2005/19/CE du 17 février 2005
250 Ibid240
251 CJCE, 17 juillet 1997, Leur Bloem, C-28/ 95
252 Ibid240
253 CJCE, 15 janvier 2002, Andersen & Jensen Aps,
C-43/ 00
254 CJCE, 5 juillet 2007, Hans Markus Kofoed,
C-321/05
255 CJUE, 9 décembre 2012, 3D I Srl, C-207/11
76/101
patrimoine de l'entreprise, l'évaluation, si elle est
effectuée à valeur de marché ne devra cependant pas
être imposable pour la
société-mère256.
Ces précisions jurisprudentielles étant faites,
de telles libertés pour les entreprises doivent cependant être
couvertes par des mesures anti-abus afin de lutter contre les
éventuelles utilisations pernicieuses desdites directives.
Section II - L'action d'harmonisation de la Cour
à l'appui des directives luttant contre l'évasion fiscale.
Dans le droit de l'Union, il existe deux types de directives
qui ont pour objet la lutte contre l'évasion et la fraude fiscale. Dans
un premier temps, il existe des directives et des jurisprudences dont l'objet
est de qualifier la fraude et d'en interdire le procédé. Il
s'agit en l'occurrence des récentes directives plus connues sous le nom
d'« ATAD »257 mais dont la jurisprudence avait
parfois esquissé les formes en se servant des mesures anti-abus
général qui se trouvait dans les directives mère-fille et
intérêts et redevances (I). Toutefois, d'autres mesures peuvent
être prises pour lutter contre l'évasion fiscale et
l'érosion de la base fiscale à travers la consécration
d'un échange d'informations renforcées entre les États
membres (II).
I - Une harmonisation jurisprudentielle pour lutter contre
le phénomène d'évasion fiscale
L'harmonisation jurisprudentielle dont l'objectif est de
lutter contre l'évasion fiscale a pour objectif de pouvoir s'adapter
à tous types de fraudes initiées au sein de l'Union par notamment
une application excessivement favorable des directives de l'Union. Elle est
souvent l'objet de convergence entre intérêts de l'Union et
intérêts nationaux car tous deux mettent en oeuvre des mesures
afin de protéger le budget des États membres. Le but comme
rappelé précédemment étant de créer un
espace de liberté mais également de justice fiscale.
256 CJUE, 11 décembre 2008, A.T., C-285/07
257 « Anti tax avoidance directive » traduit
en directive anti-évasion fiscale
Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016
établissant des règles pour lutter contre les pratiques
d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du
marché intérieur supplée récemment par la directive
« ATAD 2 » apportant des précisions sur les
règles anti-hybrides en relation avec les États tiers à
l'Union
77/101
Les apports jurisprudentiels sont en ce sens nombreux
notamment en matière de société étrangère
contrôlée et de mesure anti-hybrides (A) mais également en
terme de règle général anti-abus et d'imposition à
la sortie plus connue sous le nom d'« exit tax » (B).
A - Les apports jurisprudentiels édifiants en
matière de règles anti-abus générales et de
sociétés étrangères contrôlées
Ab initio, en matière de lutte contre la
fraude fiscale, l'approche de la Cour a longtemps été
balbutiante. En effet, en 1986, les juges de Luxembourg avaient initié
que le risque d'évasion fiscale ne pouvait contrevenir aux dispositions
de l'article 52 CE relatif à la liberté
d'établissement258. « Prenant toutefois le
contre-pied de cette analyse rigoureuse en 1998, les juges communautaires se
montraient plus réceptifs aux inquiétudes gouvernementales et
révisaient en conséquence leur liste, exhaustive, des
justifications légitimant les entraves aux libertés de
circulation. Ainsi, la décision Imperial Chemical
Industries259 peut être interprétée comme
reconnaissant, a contrario, la lutte contre l'évasion fiscale comme
justification recevable aux discriminations créées
»260.
Toutefois, la Cour en la matière avait la
fâcheuse tendance à botter en touche faisant reposer la
responsabilité fiscale sur les États membres au nom du principe
de souveraineté261. Toutefois, meut par le principe de
sécurité juridique, la Cour décida enfin de sortir de ses
hésitations en donnant une première définition de la
notion de fraude fiscale en matière de TVA262. A la demande
de la Commission, la Cour a, par la suite, défini la notion de «
montage purement artificiel »263 à travers l'observation
« d'un élément subjectif, résidant dans la
volonté d'obtenir un avantage fiscal, qui avait pourtant
été
258 CJCE, 28 janvier 1986, Commission c/ France,
C-270/86
Eric Meier, Avocats à la Cour, Bernard Boutemy, Avocats
à la Cour, Petites affiches - n°221 - page 4,
Sociétés étrangères contrôlées et
liberté d'établissement, Lextenso
259 CJCE, 16 juillet 1998, Imperial Chemical Industries,
C-264/96
260 Ibid259
261 CJCE, 13 décembre 2005, Marks & Spencer,
C-
262 CJCE, 21 février 2006, Halifax, C-255/02
En premier lieu, « la pratique abusive doit permettre
d'obtenir un avantage fiscal et il convient de constater, à partir d'un
ensemble d'éléments objectifs, que le but essentiel des
opérations est l'obtention de cet avantage fiscal. À cette fin,
l'on peut, selon les indications données par la Cour de justice, tenir
compte notamment du « caractère purement artificiel de ces
opérations ainsi que les liens de nature juridique, économique
et/ou personnelle entre les opérateurs impliqués dans le plan de
réduction de la charge fiscale. »
Ibid259
263 Ibid259
78/101
expressément écarté par l'avocat
général comme étant non pertinent
»264 ainsi que « d'éléments
objectifs vérifiables par des tiers et révélant l'absence
d'« implantation réelle ayant pour objet l'accomplissement
d'activités économiques effectives dans l'État membre
d'accueil »l265 .
Cette méthode a notamment été
utilisé dans les récent « Danish cases », en
précisant que « le principe selon lequel les justiciables ne
sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du
droit de l'Union est un principe général du droit de l'Union.
Elle en précise les conséquences s'agissant, d'une part, de
l'exonération de la retenue à la source sur les
bénéfices distribués par une filiale à sa
société-mère »266. Cette
série judiciaire reprend peu ou prou la définition ci-avant par
la réunion d'un critère objectif et subjectif afin de
caractériser l'abus de droit. La Cour précise en outre l'exigence
que les sociétés doivent disposer d'une certaine substance,
à savoir une certaine activité économique sans laquelle
elle ne pourrait bénéficier des libertés fiscales
octroyées par les directives mère-fille et intérêts
et redevances.
Concernant les règles relatives aux
sociétés étrangères contrôlées
(SEC)267, et afin de comprendre davantage cette notion et les
apports de la jurisprudence en la matière, il convient d'analyse le plus
célèbre arrêt en la matière, à savoir la
décision Cadbury Schweppes268. En
l'espèce, la législation britannique relative aux SEC,
prévoyait qu'une telle société détenue à 50
% au moins par une société britannique devait être
imposée selon les règles dudit pays dans l'hypothèse selon
laquelle l'État de résidence de la SEC disposait d'un taux
d'imposition des sociétés inférieur aux trois quarts du
taux britannique269. Toutefois, la règle britannique relative
aux SEC ne s'appliquait pas si ladite SEC versait « la
quasi-intégralité de ses bénéfices à sa
société-mère de droit britannique
»270. En effet, sous cette perspective, la
société britannique devrait ensuite être imposée
au
264 Ibid259
265 Ibid259
266 Sandrine Rudeaux, La CJUE précise les conditions de
mise en oeuvre de la théorie de l'abus de droit et la notion de
bénéficiaire effectif, 1 mars 2019
https://taj-strategie.fr/cjue-precise-conditions-de-mise-oeuvre-de-theorie-de-labus-de-droit-notion-de-beneficiaire-effectif/
267 Ci-après SEC
268 CJCE, 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes, C-164/04
269 Ibid259
270 Ibid259
79/101
titre des dividendes reçus. Le point important de la
législation anglaise consiste dans le fait que « la
société de droit anglais doit parvenir à démontrer
que la création de la filiale contrôlée et les transactions
conclues avec celle-ci, n'ont pas pour objectif de détourner des
bénéfices en principe imposables au Royaume-Uni
»271 .
« En l'espèce, Cadbury Schweppes avait
créé deux filiales en Irlande, lesquelles, domiciliées au
Centre de services financiers internationaux, étaient éligibles
à un régime fiscal incitatif prévoyant notamment un taux
d'imposition à 10 %. L'objet de ces filiales consistait à fournir
divers services financiers aux sociétés du groupe Cadbury
Schweppes. L'Inland Revenu, estimant que les deux filiales avaient
été établies en Irlande dans le seul but d'y assujettir
à un taux moindre des bénéfices autrement passibles du
taux de droit commun du « corporate income tax » anglais, avait
appliqué la législation sur les SEC et avait en
conséquence notifié un rappel d'impôt à Cadbury
Schweppes. Portant le débat devant les « Special Commissioners
», Cadbury Schweppes souleva alors l'incompatibilité du dispositif
SEC au droit communautaire »272.
L'avocat général avait en effet
considéré qu'un tel dispositif était discriminatoire, mais
pouvait en outre être défendu au regard de « l'objectif
de lutte contre l'évasion fiscale »273.
L'État britannique avait sans aucun doute la légitimité
suffisante pour interdire une telle pratique dommageable à son
Trésor. Cet apport jurisprudentiel « en fiscalité
directe constitue donc un nouvel avertissement à l'encontre des
États membres, lesquels, tout en s'opposant à une harmonisation
en ce domaine, s'étaient déjà vu défendus de tirer
prétexte du faible niveau d'imposition de l'État membre
d'implantation d'établissements secondaires pour légitimer une
quelconque entorse à la liberté d'établissement d'une
société-mère »274.
Si les deux règles anti-abus précités
font l'objet d'une grande partie du contentieux, les apports de la
jurisprudence en matière de règles anti-hybrides et d'«
exit tax » sont, à l'inverse, d'application plus
limitée, car les directives sur lesquelles la Cour se fonde sont
très généralement non-équivoques.
271 Ibid259
272 Ibid259
273 Ibid259
274 CJCE, 28 janvier 1986, Commission c/ France,
C-270/86 Ibid259
80/101
B - Les apports jurisprudentiels respectivement maigre
et créatif en matière de règles anti-hybride et d'«
exit tax »
Les hybrides se définissent comme étant «
instruments dont le régime fiscal est différent dans les pays
concernés, étant le plus souvent considérés comme
titres de dette dans un pays et comme titres de participation dans un autre
»275. Il peut également s'agir d'une
société considérée comme fiscalement transparente
dans un État mais observée comme fiscalement opaque dans un autre
État. En conséquence, l'hybridité des flux ou des
sociétés est un problème de taille au sein de l'Union car
elle implique parfois une double déduction ou une double imposition des
flux monétaires transmis entre sociétés liées.
A cet effet, si la jurisprudence en matière
d'hybridité n'est pas florissante276, le terme hybride
apparaît quelques fois dans les conclusions des avocats
généraux et dans les arrêts de la Cour. En témoigne
cet arrêt277 concernant l'hybridité des SCA de droit
polonais. Par une interprétation téléologique en faveur du
législateur la Cour juge que « le législateur de l'Union
a entendu exclure de la notion de «société de capitaux»
les structures juridiques à caractère hybride, telles que la SCA,
dont seule une partie des parts représentatives du capital ou de l'avoir
social est susceptible d'être négociée en Bourse ou dont
seule une partie des membres ont le droit de céder sans autorisation
préalable leurs parts sociales à des tiers et ne sont
responsables des dettes de la société qu'à concurrence de
leur participation »278. En conséquence,
le juge de l'Union rappelle sur ce point précis qu'« une
société en commandite par actions de droit polonais doit
être considérée comme une société de capitaux
au sens de la directive, quand bien même seule une partie de son capital
et de ses membres est susceptible de remplir les conditions prévues par
ladite directive »279.
L'« exit tax » consiste dans le fait
d'imposer les plus-value latente d'une entreprise qui transmet son siège
de direction effective à l'étranger, généralement
dans un pays tiers. En
275 Plan d'action BEPS, OCDE, action 2
276 Car la directive est suffisamment claire, précise et
inconditionnelle
277 CJUE, 22 avril 2015, Drukarnia Multipress sp. z o.o. c/
Minister Finansów, C-357/13
278 Ibid278
279 Ibid278
81/101
effet, au sein de l'Union, le transfert de siège
bénéficie de la neutralité fiscale lorsque le siège
de la société est transféré dans un État
membre. A cet effet, la Cour tient à assurer le libre exercice de cette
activité au sein du territoire de l'Union. En effet, dans un arrêt
National Grid Indus280, une société de droit
néerlandais avait choisis de transférer son siège au
Royaume-Uni. En vertu du droit national néerlandais, l'administration
fiscale dudit pays a décidé d'imposer la plus-value latente
conséquente au transfert. La société s'est défendue
en argumentant qu'une telle imposition était contraire au droit de
l'Union et en particulier à la liberté
d'établissement281. La Cour a dans un premier temps reconnu
l'existence d'une restriction à la sortie de la société
mais a considéré que la mesure nationale était
justifiée au regard de l'objectif de lutte contre la fraude fiscale.
Toutefois, ce sera sur le terrain de la proportionnalité de la
justification que la Cour émettra des doutes sur la législation
néerlandaise car un recouvrement immédiat de la plus-value issue
du transfert de siège peut sembler particulièrement brutale pour
les finances de l'entreprise. A ce titre, la Cour choisira de botter en touche
offrant la possibilité pour la société de se voir
appliquer un report d'imposition ou de payer immédiatement l'imposition
exigée auprès de l'administration fiscale néerlandaise.
La Cour va toutefois, étoffer sa jurisprudence en se
montrant davantage entreprenante dans un arrêt Commission c/
Portugal282. « En l'espèce, une société
portugaise qui transfère son siège statutaire ou sa direction
effective hors du Portugal est imposée sur ses plus-values latentes. Une
société maintenant son siège sur le territoire portugais
ne sera imposable que sur les plus-values qu'elle réalise effectivement.
L'imposition des plus-values latentes est également prévue en cas
de transfert partiel ou total des actifs d'un établissement stable d'une
société non-résidente, alors qu'un transfert d'actifs sur
le territoire portugais n'entraîne pas une telle conséquence
»283.
Le principal apport de l'arrêt consiste à «
faire entrer expressément au rang des restrictions les impositions
à la sortie frappant les transferts d'actifs attachés à un
établissement stable. La Cour affirme ici sans détour que sont
visés non seulement les
280 CJUE, 29 novembre 2011, National Grid Indus,
C-371/10
281 Restriction à la sortie
282 CJUE, 6 septembre 2012, Commission c/ Portugal,
C-38/10
283 Michel Aujean, Marie-Pierre Hôo, Transferts d'actifs
intracommunautaires et Exit tax, 7 décembre 2012
https://taj-strategie.fr/transferts-dactifs-intracommunautaires-exit-tax/
82/101
transferts de siège sociaux comme les transferts de
siège de direction effective, mais également tout transfert,
partiel ou total, des éléments d'actifs affectés à
un établissement stable. Comme le relève d'ailleurs l'avocat
général, la liberté d'établissement est applicable
aux transferts d'activités d'une société d'un État
membre vers un autre État membre et cela indépendamment de la
question de savoir si la société en question transfère son
siège statutaire et sa direction effective ou si elle transfère
des actifs d'un établissement stable. La Cour rejoint ici les
conclusions du Conseil de l'union européenne dans sa résolution
2008/C323/01 du 2 décembre 2008 »284.
Toutefois, il est dommageable que la Cour n'ait pas
apporté de précision relative aux sociétés de
capitaux fiscalement opaque. Les hésitations jurisprudentielles de
l'arrêt National Grid Indus demeure en conséquence
d'actualité, sauf si la Cour généralisait à
demi-mot l'application des principes énoncés dans l'arrêt
Commission c/ Portugal aux systèmes d'« exit tax
» des États membres concernant le transfert de
société d'un État membre à un autre État
membre.
La Cour bien qu'opérant en faveur de la lutte contre la
fraude fiscale en maintenant en équilibre cette balance fragile de la
liberté et de la restriction, apporte également sa vision
d'harmonisation concernant la coopération entre États membres.
II - L'harmonisation par la Cour de la coopération
administrative
En effet, la Cour insère également sa
jurisprudence en matière de coopération administrative en vue de
lutter contre les phénomènes transfrontaliers de fraude fiscale.
Au soutien des nombreuses directives de coopération
administrative285, elle apporte une vision neuve et protectrice des
intérêts des contribuables (A). Cette vision amène en ce
sens à s'interroger sur les potentiels apports de sa jurisprudence
concernant la toute nouvelle directive de coopération administrative
entre États membres, également connues sous le nom de «
DAC 6 »286 (B).
284 Ibid284
285 Dont la dernière version est la directive 2011/16/UE
du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération
administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE
286 Directive 2018/822 du 25 mai 2018
83/101
A - Les apports jurisprudentiels protecteur du
contribuable en matière de coopération administrative
La directive de coopération administrative impose que
les Etats membres peuvent demander à un contribuable résident
fiscal toutes informations jugées utiles pour préserver
l'objectif de lutte contre la fraude fiscale. A l'occasion d'un arrêt
Berlioz, des sociétés requérantes se sont vues
exigées de la part de l'administration fiscale luxembourgeoise certaines
informations. Refusant de transmettre ces informations à
l'administration, les sociétés requérantes
s'étaient vues appliquées une amende d'un montant de 250.000
euros. La loi luxembourgeoise refusait en outre tout recours contre une telle
sanction. Les sociétés requérantes se sont donc
prévalues de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de
l'Union287 qui implique le droit à un recours effectif
à l'encontre des décisions administratives prononcées par
un État membre. La Cour juge dans cet arrêt de principe qu'il st
de droit pour un administré d'exercer un recours à l'encontre
d'une décision administrative qu'il estime illégale au sens de
l'article 47 de ladite Charte. La Cour juge en outre qu'il appartient
légitimement à l'État au titre de l'article 51 de la
Charte de mettre en oeuvre le droit de l'Union et in fine la directive
2011/2016. En ce sens, la sanction adressée par l'État membres
aux sociétés requérantes apparaît donc comme
conforme au droit de l'Union car elle met en oeuvre la directive.
Toutefois, la Cour ne méconnaît pas le droit aux
administrés de se prévaloir des dispositions de l'article 47 de
la Charte. La Charte s'applique en conséquence à toutes les
situations régies par le droit de l'Union288. Les
juridictions nationales sont en ce sens tenues d'appliquer la Charte y compris
le droit au recours effectif présent à l'article 47 de ladite
Charte bien que le contrôle par voie d'exception de la sanction de
l'administration ne fût pas permis dans le cas d'espèce par le
droit luxembourgeois. Il résultait en ce sens une potentielle atteinte
au droit de traitement des données à caractère personnel
garantie à l'article 7 de la Charte289.
287 Ci-après la Charte
288 CJUE, 26 février 2013, Aklagaren c/ Hans Akerberg
Fransson, C-617/10
289 CJUE, 17 octobre 2013, Michael Schwartz c/ Stadt
Bochum, C-291/12
84/101
La Cour agit ainsi en protégeant tant la vie
privée des particuliers soumis à une demande d'information mais
surtout assure leur droit à un recours effectif. En ce sens, la
directive administrative de coopération, bien qu'elle protège les
intérêts économiques des États membres, ne doit pas
être lues comme n'octroyant aucunes garanties aux particuliers. La Cour
harmonise ainsi le système procédural de demande d'information
assurant un juste équilibre entre les droits de l'État membre et
les droits du particulier.
B - La « DAC 6 » : une directive
méritant des précisions jurisprudentielles
« En vue de lutter contre la fraude fiscale
internationale, plus particulièrement en ce qui concerne la
planification fiscale agressive, l'Union européenne a introduit de
nouvelles obligations déclaratives à la charge des
intermédiaires fiscaux, pour ce qui concerne certains dispositifs
transfrontières dans le cadre de la directive (UE) 2018/822, du 25 mai
2018. Cette évolution s'inscrit dans le cadre de l'action 12 du projet
BEBS de l'OCDE, selon lequel « à ce jour l'une des principales
difficultés rencontrées par les administrations fiscales est
l'absence d'accès en temps voulus à des informations
complètes et pertinentes sur les stratégies de planifications
fiscales »290 .
La directive impose aux intermédiaires fiscaux tels que
les banques ou encore les conseils fiscaux de reporter à
l'administration certaines opérations fiscales rentrant dans le champ
d'application de l'annexe de la directive. En effet, à l'annexe de la
directive se trouve une série de marqueurs décrivant les
opérations devant être reporter à l'administration
fiscale.
Dans un premier temps si ces marqueurs semblent exhaustifs, il
serait appréciable que la Cour ait à se prononcer concernant leur
champ d'application. En effet, de nombreux droits tels que celui
précédemment mentionnés de protection des données
ou encore le droit au respect de la vie privée pourraient être
atteint de plein fouet par la nouvelle directive. Il conviendrait en
conséquence que le Cour clarifie plus particulièrement le
régime juridique de tels marqueurs au regard des droits et
libertés fondamentaux protégés par la Charte.
290 Florent Roemer, l'introduction de la directive (UE) 2018/822
du 25 mai 2018 dans le droit français : la mise en place des
échanges entre les intermédiaires fiscaux et l'administration
fiscales, Revue Internationale du Patrimoine, Lexnow
Si l'objectif de la directive est clairement
assumé291, de nombreuses questions restent en suspens. En
effet, quid de la proportionnalité sanction appliquée en cas de
non-retransmission des informations ? Assiste-t-on en conséquence
à un renversement de la charge de la preuve en matière fiscale ?
En effet, le contribuable n'est pas censé292 apporter la
preuve de l'absence de montages fiscaux. Un tel renversement de la charge de la
preuve peut être problématique notamment au regard du principe de
proportionnalité mais également du droit de ne pas
s'auto-incriminer.
85/101
291 Dissuader les intermédiaires fiscaux de conseillers
des montages abusifs
292 En dehors de cas limitativement
énumérés
86/101
Conclusion
Si les législations fiscales des États membres
de l'Union ne sont pas totalement harmonisées, la Cour de Justice
oeuvre, dans ce sens, à travers de nombreuses décisions
clés. Servant, dans la plupart de ses arrêts, un objectif
d'intégration, la Cour opère cependant de manière
progressive. En effet, si les législations nationales se sont
conformées progressivement au droit de l'Union en matière de
fiscalité indirecte, il se développe, en parallèle, une
maturation de l'harmonisation de la fiscalité directe tant du
côté du législateur de l'Union qu'à travers la
jurisprudence prétorienne et téléologique de la Cour.
Par conséquent, en matière de fiscalité
indirecte et dans le cadre des directives relative à la fiscalité
directe des entreprise, la Cour procède davantage à des
précisions ou à des explications et interprétations des
textes européens. Sa jurisprudence abondante en matière de TVA et
d'imposition des revenus de capitaux mobiliers est, en ce sens, un renfort
accordé au législateur européen et un moyen d'appliquer ce
« droit fiscal européen » dans l'ordre juridique
national. A l'inverse, en matière de fiscalité directe, il reste
pour la Cour un vaste chantier en construction.
En, effet, la législation de l'Union est beaucoup moins
régulatrice en matière de fiscalité directe, de tel sorte
qu'il pourrait être observer, de prime abord, que ladite fiscalité
directe est par principe de la compétence exclusive des États
membres. Toutefois, ce n'était pas sans compter sur la jurisprudence de
la Cour qui, au travers des décisions, apporta un peu plus de mouvance
à cet environnement statique. Ainsi, contribuant par « petites
touches » et précisant son interprétation des textes de
droit primaire, la Cour devint progressivement actrice de l'harmonisation de la
fiscalité directe. La Cour effectuait alors ce que la doctrine a
théorisé avec l'expression « harmonisation
négative ». C'est d'ailleurs cette même «
harmonisation négative » de la fiscalité directe
qui a été exprimé de manière abondante, tant en
quantité qu'en qualité, ces trente dernières
années.
87/101
En conséquence, ce travail d'harmonisation
infléchit inéluctablement la souveraineté des États
en matière fiscale. Cependant, la Cour n'exerce pas une harmonisation
à travers une jurisprudence fondée ex-nihilo. Au contraire, en
raison des principes de légalité et de sécurité
juridique auxquels elle se se soumet, cette dernière utilise toujours
une base légale dans son raisonnement. En effet, qu'il s'agisse de
fiscalité directe ou indirecte, l'harmonisation négative
apparaît, notamment, pour protéger les grandes libertés
promues par l'Union européenne.
Cet argument permet ainsi d'éviter toute entrave ou
discrimination à ces grandes libertés. De surcroît, cette
protection garantie un système économique européen au sein
duquel les investisseurs, et plus largement les contribuables, doivent avoir
confiance. En effet, cette confiance « verticale » des
contribuables envers le système fiscal des États membres est
garantie par l'inspection et le contrôle de plus en plus renforcée
de la Commission européenne notamment en matière d'aide
d'État.
De plus, pour appuyer son raisonnement, la Cour peut avoir
recours aux principes généraux du droit de l'Union. Elle justifie
de la sorte sa décision et exprime, dans le même temps, son point
de vue sur l'application d'une législation nationales. De la
primauté du droit de l'Union à l'effet utile dudit droit, le
juge, tant national qu'européen, se doit de prendre en
considération de tels principes dans la motivation sa décision.
Et si les frondes juridictionnelles et législatives peuvent exister, la
Commission comme la Cour veillent à ce que les sanction juridiques,
politiques ou financières soient effectives.
L'harmonisation fiscale s'observe également à
travers son objectif de lutte contre la fraude fiscale. En effet, face à
des fraudeurs toujours plus ingénieux et des montages plus complexes, la
Cour livre avec les États membres une véritable bataille contre
le fléau de la fraude fiscale issue de la concurrence fiscale entre les
États. « A ce titre, la concurrence fiscale peut notamment
déboucher sur une remise en cause de la souveraineté nationale,
si chaque État doit continuellement réagir aux changements
intervenant ailleurs afin de rester compétitif dans cette course au
« moins-disant fiscal293 ».
293 Politique fiscale communautaire, Encadrement politique des
sources juridiques, Méthode d'intégration envisageable, §1
Concurrence fiscale
88/101
Toutefois, l'action d'harmonisation de la Cour n'est pas
achevée et de nombreux pans de la fiscalité directe comme
l'impôt sur le bénéfices des sociétés
mériteraient une harmonisation de la part du législateur
européen. Bien que la Cour puisse agir parfois ultra petita
lorsqu'elle reformule certaines questions préjudicielles des juges
nationaux, son expertise demeure cantonnée à des
problématiques précises. Ce rôle doit rester tel qu'il est
afin de ne pas tomber dans les écarts d'un gouvernement des juges, qui
pourrait, à bon droit, susciter de nombreuses critiques, ne serait-ce
qu'en matière de légitimité.
Ainsi, si la Cour de Justice est limitée dans son
action par le Parlement et le Conseil de l'Union européenne. Ces
institutions sont soumises à des aléa politiques empêchant
une intégration pleine et entière. La Cour se retrouve ainsi en
binôme avec la Commission afin de défendre et préserver les
intérêts politiques et économiques de l'Union sans lesquels
elle cesserait d'être cette organisation internationale sui generi
que nous connaissons.
Ce statut est toutefois ambigu. En effet, l'Union
européenne est une institution à cheval entre la
confédération et la fédération. Cette
qualification, si elle semble satisfaisante pour certains États membres,
demeure fragile comme l'a récemment démontré la sortie de
l'Union européenne du Royaume-Uni. Si une uniformisation des
législations fiscales semble utopique dans sa mise en oeuvre comme dans
son application, l'encadrement des législations fiscales
européennes est privilégié par l'Union. En effet,
l'harmonisation décrite laisserait la liberté aux États
membres d'élaborer des normes circonscrites dans un cadre défini
par le législateur ou la Cour, et qui tiendra, bien entendu, des
circonstances locales particulières de chaque États.
Cependant, « l'alternative de l'harmonisation ne
constitue pas la panacée non plus. La souveraineté fiscale reste
la dernière parcelle de souveraineté nationale au sein de
l'Union, et, à choisir, les États membres
préféreront sans doute perdre une partie de cette
souveraineté en raison de la concurrence fiscale interétatique
à laquelle ils participent, que du fait fait de l'harmonisation d'en
haut dont ils ne sont que les spectateurs. Il ne faut pas oublier non plus
l'enracinement du droit de prélever l'impôt dans l'idée du
consentement à l'impôt par la Nation représentée par
son Parlement. Rien de tel dans l'harmonisation communautaire issue des
technocrates de Bruxelles. Le déficit
démocratique présidant à
l'élaboration des textes communautaires constitue une faiblesse
irrémédiable et ne manque pas de rappeler la fameuse expression
de James Ottis « l'imposition sans représentation est de la
tyrannie ». L'on peut se demander également si le fait de fermer la
porte à la concurrence fiscale n'est pas synonyme de fermer la porte
à la découverte. Cela pourrait être la fin de l'esprit
d'entreprise. Si nous ne préservons pas la liberté, nous nous
engageons sur la route de la servitude dont parlait Friedrich von Hayek
»294. En ce sens, comme tenait à le
rappeler Benjamin Franklin « Un peuple prêt à sacrifier
un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite
ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux ».
Toutefois, à l'heure actuelle, l'Union n'est pas
parvenue à gommer les disparités nationales, et ne sera une
communauté économique aboutie, que lorsqu'il existera une
harmonisation fiscale intégrale. L'Union européenne n'est pas une
organisation internationale classique. Elle est le fruit de convergences
historiques, politiques et économiques, constituant une
communauté sui generi dont la volonté de son organe
juridictionnelle semble parfois tendre, et cela de manière insidieuse,
à la réalisation du doux rêve de ses pères
fondateurs : les États Unis d'Europe.
89/101
294 Ibid294
90/101
Table des matières
Introduction 9
Partie I - Une harmonisation jurisprudentielle mouvante et
flexible au détriment de la
souveraineté des États membres 17
Chapitre I - La jurisprudence de la Cour, créatrice d'un
droit de l'Union prétorien 17
Section I - Un droit prétorien à travers
l'édiction de principes généraux du droit de
l'Union 17
I - Une jurisprudence novatrice construite autour du triptyque de
la primauté, de
l'effet direct et de l'application immédiate du droit de
l'Union 18
A - La reconnaissance de la primauté du droit de l'Union
18
B - L'effet direct et l'applicabilité immédiate
19
II - Une jurisprudence en constante évolution par la
consécration des principes
généraux du droit de l'Union 22
A - Le principe de proportionnalité en matière
fiscale 22
B - La reconnaissance du principe de sécurité
juridique 23
Section II - La souveraineté fiscale des États
membres fragilisée par la jurisprudence
évolutive de la Cour 25
I - La mutation de l'ordre juridique interne des États
membres par l'intégration de
nouveaux principes du droit de l'Union 25
A - L'application controversée du principe d'autonomie
procédurale et
institutionnelle 25
B - La mutation de l'ordre juridique nationale : objet d'un
consensus imposé
par la Cour 27
II - Le pouvoir de contrainte des décisions prises
à la suite d'un recours en
manquement 29
A - L'autorité absolue de chose jugée des
décisions prises à la suite d'un
recours en manquement 29
B - Les vaines tentatives de résistances des États
à la suite d'une condamnation
par un recours en manquement 31
Chapitre II - La compétence fiscale des États
remise en cause par la Cour de Justice 33
Section I - L'accroissement du champ de compétence du
droit de l'Union en matière
fiscale 33
I - Une harmonisation supplétive de la Cour en
matière de fiscalité indirecte 33
A - Le domaine harmonisé de la TVA 33
B - Une jurisprudence explicative abondante en matière de
TVA 35
II - Une harmonisation créative de la Cour en
matière de fiscalité directe 37
A - Une harmonisation quasi-jurisprudentielle 37
B - Une harmonisation effectuée au nom du principe de
non-discrimination 38
Section II - Les frondes minoritaires des juridictions nationales
contre la
jurisprudence de la Cour 43 I - La fronde fiscale : remise en
cause de l'autorité de la Cour et de la primauté du
droit de l'Union 43 A - La fronde du Conseil d'État
français à l'encontre de l'autorité des
décisions de la Cour 43
91/101
B - Une fronde ayant pour conséquence la remise en cause
du principe de
primauté 45
II - La soumission des juridictions nationales à la
jurisprudence 46
A - L'utilisation par les juridictions nationales des principes
du droit de
l'Union 46
B - Une soumission au regard de l'autorité de la chose
interprétée des
décisions renduees à la suite d'un recours
préjudiciel 48 Partie II - Une harmonisation par une jurisprudence
téléologique pour lutter contre la
concurrence fiscale 50
Chapitre I - Le marché commun : objet de l'harmonisation
des systèmes fiscaux 50
Section I - La protection des grandes libertés
défendues par l'Union 50
I - La faveur donnée au marché unique 51
A - L'apologie des libertés de circulation des
marchandises et des capitaux 51
B - La protection stricte de la liberté
d'établissement et de la libre circulation
des personnes en matière fiscale 53
II - Les libertés économiques des États
membres encadrées strictement par la
jurisprudence 55
A - De rares exceptions réduites à peau de chagrin
55
B - Des apports jurisprudentiels parfois contestables : la
décision Mark and
Spencer 56
Section II - L'interdiction strictes des aides d'État
59
I - Une harmonisation du droit à la concurrence fiscale
59
A - La définition des aides d'État aux contours
définis par les textes et précisée
par la jurisprudence 59
B - La sanction des aides d'État : un travail de
coopération avec la
Commission européenne 60
II - L'extension de l'examen méthodologique des aides
d'État par la Cour 62
A - L'analyse méthodologique classique par la Cour de la
notion d'aide d'État
62
B - L'extension de l'analyse méthodologique 65
Chapitre II - Une harmonisation négative de la Cour pour
consacrer un espace de liberté
et de justice fiscale 68 Section I : L'harmonisation
négative de la Cour sur les libertés fiscales initiés par
les
directives de l'Union 68
I - Le rôle de précision de la Cour en
matière de fiscalité des revenus de capitaux
mobiliers 69
A - Les apports jurisprudentiels nécessaires par la Cour
à la directive mère-fille
69
B - Les apports jurisprudentiels limités par la Cour
à la directive intérêts et
redevances 72
II - Le rôle de la Cour dans le cas des directives relative
aux opérations de fusions
et aux opérations y assimilées 73
A - Les apports jurisprudentiels en matière de «
rassemblement des capitaux »
74
B - Les apports jurisprudentiels importants en matière du
régime de faveur à une fusions et des opérations y
assimilées pour les restructurations
d'entreprises 75
92/101
Section II - L'action d'harmonisation de la Cour à l'appui
des directives luttant
contre l'évasion fiscale. 76 I - Une harmonisation
jurisprudentielle pour lutter contre le phénomène
d'évasion fiscale 76
A - Les apports jurisprudentiels édifiants en
matière de règles anti-abus
générales et de sociétés
étrangères contrôlées 77
B - Les apports jurisprudentiels respectivement maigre et
créatif en matière de
règles anti-hybride et d'« exit tax » 80
II - L'harmonisation par la Cour de la coopération
administrative 82
A - Les apports jurisprudentiels protecteur du contribuable en
matière de
coopération administrative 83
B - La « DAC 6 » : une directive méritant des
précisions jurisprudentielles 84
Conclusion 86
93/101
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relatif à l'application des régimes de sécurité
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et aux membres de leur famille qui se déplacent à
l'intérieur de la Communauté modifié par le
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Directive 77/ 799/ CEE
Directive 85/303 en vigueur le 1er janvier 1986
Directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990,
concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions,
apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des
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Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant
le régime fiscal commun applicable aux sociétés
mères et filiales d'États membres différents
Directive 2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003 concernant un
régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et
de redevances effectués entre des sociétés
associées d'États membres différents
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Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016
établissant des règles pour lutter contre les pratiques
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Directive 2018/822 du 25 mai 2018
Dictionnaires
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Saint-Paul, 2018 Dictionnaire Larousse, 2018
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Rapport Neumark, 7 et 8 juillet 1962
Rapport Werner, 22 mars 1971
Rapport Burke, 1980
Rapport Ruding, 1992
Rapport de la Commission, 2001
Jean Mischoo, conclusion de l'avocat général
à l'arrêt CJCE, 8 novembre 2001, Adria-
Wien Pipeline GmbH et Wietersdorfer & Peggauer
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Marco Darmon, conclusion de l'avocat général
à l'arrêt CJCE, 17 mars 1993, Firma
Sloman Neptun Schiffahrts AG / Seebetriebsrat Bodo Ziesemer
der Sloman Neptun
Schiffahrts AG, C-72/91 et C-73/91
Poiares Maduro, conclusion de l'avocat général
à l'arrêt CJCE, 23 mars 2006,
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Jurisprudences de la Cour de justice
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CJCE, 2 juillet 1974, Italie c/ Commission,
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CJCE, 14 mai 1975, CNTA c/ Commission, C-74- 74
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CJCE, 28 octobre 1999, Vestergaard, C-55/ 98
CJCE, 18 mai 2000, Rombi et Arkopharma, C-107/ 97
CJCE, 6 juin 2000, Verkooijen, C-35/ 98,
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Bretagne et d'Irlande du Nord, C-106/09
CJUE, 9 décembre 2012, 3D I Srl, C-207/11
CJUE, 6 septembre 2012, Commission c/ Portugal,
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CJUE, 13 juin 2013, Galin Kostov, C-225/26
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Minister Finansów, C-357/13
CJUE, 6 décembre 2016, Wenceslas de Lobkowicz
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CJUE, 26 février 2019, N Luxembourg 1, X Denmark
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Curtea de Apel, 20 février 2008, n°188
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Autres
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Claudie Weisse-Marchal, Cour de droit fiscal
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Claudie Weisse-Marchal, Cour d'ordre juridique de l'Union
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Claudie Weisse Marchal, Cour d'ordre matériel de
l'Union européenne, 2017
Florent Roemer, Cour de fiscalité des entreprises,
2017
Doyen Pierre Tiffine, Cour de Théorie de
l'impôt, 2019
Dalloz, Fiche d'orientation, 2018
Liens internets
https://www.lepoint.fr
http://www.toupie.org
https://www.insee.fr/
https://www.latribune.fr
https://www.carrieres-publiques.com
https://curia.europa.eu
http://www.etudes-fiscales-internationales.com
https://www.cleiss.fr/docs/jurisprudence
https://www.anafagc.fr
https://www.senat.fr
https://www.l-expert-comptable.com
https://www.doc-du-juriste.com
https://www.touteleurope.eu
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