2.2.3 Perspectives
Partant des contraintes décrites ci-dessus, il est
tangible que chaque acteur ou groupe d'acteurs ait sa part de
responsabilité dans l'amélioration de l'accès au
financement du secteur agricole. Les aboutissants en termes de succès et
d'échecs sont ainsi partagés dans une dynamique de concertations,
complémentarités et synergies développées. Les
parties prenantes qui interviennent dans le financement du secteur agricole
jouent leur rôle dans la mesure de leurs capacités. Leur
concertation et étroite collaboration s'avère nécessaire
afin d'identifier et de mettre en oeuvre des solutions plutôt holistiques
qui sont en mesure de couvrir les besoins non financiers et financiers des
acteurs finaux du secteur. Par conséquent, une coordination de leurs
interventions et la recherche de synergies et complémentarités
possibles entre eux ne peuvent
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être que bénéfiques aux EF et au secteur
agricole entier et conséquemment aux économies nationales et
régionales. Ainsi, les perspectives envisagées impliquent des
rôles à différents niveaux :
? Au niveau de l'UEMOA
Au regard de la conférence des chefs d'État et
de gouvernement, le constat approuve la volonté d'accompagner la
croissance du secteur agricole, à travers la mise en place de fonds
régionaux tels que le FAIR et le FRDA, fonds structurels bâtis sur
le modèle de l'Union Européenne, pour accompagner les
interventions de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).
Cette synergie dans les interventions est institutionnalisée dans leurs
textes, sous forme de cofinancement entre la BOAD, d'une part, et le FAIR et le
FRDA, d'autre part. Il suffit qu'elle soit mise en oeuvre par les États
membres de l'Union en adressant au Président de la Commission de l'UEMOA
par l'intermédiaire de leurs ministres des finances respectifs, les
demandes de financement de leurs ressortissants éligibles à ces
fonds. Il est à retenir que :
· Pour le FAIR : il s'agit de l'État, les
collectivités locales, les micro-entreprises, les PME, Petites Moyennes
Industries (PMI), les organisations de base (incluant les Organisations de
Producteurs (OP) et EF);
· Pour le FRDA : il s'agit de l'État, les
collectivités locales, les micro-entreprises du secteur agricole, les
PME/PMI, les organisations socioprofessionnelles du secteur agricole (incluant
les OP et les EF).
Il est à souligner que pour le moment, cette synergie
n'est pas efficace parce que, généralement, les États
privilégient le financement de leurs politiques en matière, de
route, d'énergie et les politiques sociales (eau, environnement) au
détriment du secteur agricole productif (investissement) et des
exploitations agricoles familiales. Les possibilités de mise en pratique
restent envisageables.
? Les Etats
Le financement du secteur agricole dans son parcours fait
ressortir le rôle primordial de l'État dans la réussite
d'un mécanisme de financement agricole. Son attachement à son
engagement et sa détermination de sauver et de soutenir certaines
banques agricoles de même à développer certains
mécanismes ont eu des effets positifs, certes pas suffisants sur le
financement agricole. Il est donc attendu des États en
général:
· Des actions et des interventions relevant de ses
responsabilités régaliennes ;
· Son implication sur tous les terrains sauf ceux de la
distribution directe de crédit et du lobbying /plaidoyer ;
·
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Initier et mettre en oeuvre des politiques (lois,
règlements, directives, apports de financement pour des lignes de
crédit, les fonds de garantie, des refinancements, des participations,
des dispositifs de gestion des risques, etc.) allant dans le sens de faciliter
l'accès des EF et leurs organisations au financement de leurs
activités. Il s'agit par exemple entre autres, d'accélérer
la mise en oeuvre du Fonds National de Développement Agricole (FNDA) au
Bénin, celle du Fonds de Développement Agricole (FDA) au Burkina,
le Fonds d'Investissement pour la Sécurité Alimentaire et
Nutritionnelle (FISAN) au Niger, l'assurance agricole au Burkina et ailleurs,
etc. ;
· Assurer un environnement favorable à
l'activité agricole notamment l'accès aux facteurs de production,
aux routes pour l'écoulement des produits agricoles, accès au
crédit ;
· Définir une volonté politique forte et
cohérente sur le financement du secteur agricole ;
· Instaurer une mise à l'échelle nationale
des expériences réussies,
· Mettre des ressources longues à la disposition
des IF proches des EF, etc.);
· Assurer la continuité de l'administration dans
les initiatives (dispositifs NISTRAL et GESS, eWallet, porte-monnaie
électronique - cas du Nigeria) prises par les gouvernements
précédents et qui ont fait leur preuve ;
· Toujours bien impliquer (et exiger l'implication) les
associations de producteurs non seulement dans la conception des
différents programmes d'appui mais aussi dans les systèmes de
gouvernance des facilités qui en découlent ;
· Assurer une bonne gouvernance de la chose publique
pour développer des mesures incitatives sur des orientations et
politiques sectorielles claires afin d'avoir toujours l'adhésion des PTF
et l'alignement de leurs projets et programmes d'appui sur lesdites
orientations propices à l'agriculture.
? Les institutions régionales
Les perspectives formulées à l'intention des
institutions régionales sont les suivantes :
· Impulser, mais plus important encore
d'opérationnaliser les politiques et règlements en faveur du
financement du secteur agricole ;
· Apporter des contributions financières
adaptées aux États, aux banques, aux SFD et aux exploitations
pour augmenter leur contribution au développement
socioéconomique.
? Les partenaires de développement
Ils ont une part de responsabilités importantes et leurs
rôles sont les suivants :
· Appuyer techniquement et financièrement les
mécanismes de financement développés soit par
l'État (FND, assurances, fonds de garanties, etc.) soit par les
exploitants agricoles eux-mêmes
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ou les institutions financières privées
(banques, SFD) pour une meilleure connaissance des spécificités
du secteur agricole et le développement d'une offre plus adaptée
à la demande;
· Appuyer le fonctionnement d'un cadre de concertation
entre les OP, les IF et les structures d'encadrement sur les questions de
financement du secteur agricole ;
· Offrir des services non financiers répondant
aux attentes des EF comme le conseil en gestion qui permettra la constitution
de la documentation nécessaire à la traçabilité des
activités techniques et financières des EF ;
· Mettre en place des outils de facilitation de
l'accès au financement (fonds de garantie et de lignes de crédit,
assurance, etc.) des OP/EF ;
· Accompagner les OP et EF dans l'organisation de la
commercialisation des produits et le développement de chaînes de
valeur compétitives ;
· Contribuer activement à l'élaboration
d'une stratégie de financement des EF ;
· Contribuer à l'élaboration et au
développement d'une stratégie de communication sur les
possibilités d'accès au crédit au profit des producteurs
;
· Appuyer/accompagner la structuration des exploitants
agricoles ;
· Appuyer les États dans l'amélioration
des conditions de travail des exploitants agricoles (mise en place
d'infrastructures structurantes, etc.).
? Les institutions financières
Les institutions financières doivent jouer comme
rôles :
· Au niveau supranational, mettre en place des
règles spécifiques pour le financement agricole (banque centrale,
les banques régionales, les fonds régionaux, etc.) et financer le
secteur ;
· Développer les capacités du personnel
pour une bonne maîtrise de l'exploitation agricole familiale ;
· Proposer des produits innovants adaptés au
financement de l'exploitation agricole familiale ;
· Se délocaliser davantage afin de se rapprocher
des EF ;
· Mener un plaidoyer auprès de la BCEAO pour
faciliter le financement de l'agriculture par les institutions
financières avec des taux d'intérêt réduits.
? Le ROPPA et les Faitières
nationales
Le ROPPA en tant qu'organisme sous régional et l'appui
principal en terme de plaidoyer/lobbying endosse une grande
responsabilité au regard des contraintes du financement agricole. Le
rôle du ROPPA tel que défini à travers l'étude
menée par lui-même se résume à :
·
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Appuyer techniquement et financièrement les plateformes
pays pour favoriser la mise en place d'un cadre de concertation entre les
exploitants agricoles, les IF et les structures d'encadrement pour
échanger périodiquement sur des obstacles diagnostiqués et
y trouver des solutions ;
· Appuyer les fonds nationaux de développement
agricole à lever des financements auprès des fonds
régionaux et internationaux de même qu'auprès des PTF
à des taux concessionnels ;
· Accompagner les plateformes nationales à mettre
en place et exécuter un plan de sensibilisation et de formation des
exploitants agricoles à la culture du crédit. L'importance de ce
plan de sensibilisation et de formation à la culture du crédit et
sa pérennité, nécessite que les plateformes nationales se
dotent de ressources propres basées sur les contributions
financières des filières afin d'alimenter des budgets annuels
conséquents. Ces ressources peuvent être complétées
par des subventions de l'État et des partenaires ;
· Négocier auprès des directions et staff
de décision des banques régionales et nationales des lignes de
crédit de ressources de court, moyen et long termes au profit des
différents acteurs du financement de la petite exploitation agricole
;
· Négocier auprès des ONG, des projets et
programmes pour qu'ils apportent les services non financiers aux EF et leurs
organisations, lesquels sont impératifs pour une bonne utilisation des
services financiers (crédit) ;
· Mettre en place un mécanisme
opérationnel de suivi des actions mises en oeuvre par les
différents acteurs en faveur du financement agricole.
? Les exploitations familiales et leurs organisations
(EFO)
Les Exploitations Familiales et leurs Organisations
étant les cibles principales ont un rôle primordial dans la mise
en oeuvre des mesures d'amélioration du financement agricole. Donc les
bénéficiaires des financements ont aussi leur part de
responsabilité. Les études faites au Bénin et au Burkina
Faso (pays faisant parties de l'échantillon) renseignent sur le
rôle de ce groupe d'acteurs :
· Améliorer leur organisation interne pour se
doter d'une gestion professionnelle et asseoir une bonne gouvernance en leur
sein (démocratie, responsabilité de chaque membre,
transparence/traçabilité, redevabilité, solidarité,
etc.) ;
· Travailler à offrir une éducation
financière à leurs membres ;
· Plaider auprès des États et des PTF,
pour la création de fonds nationaux pour la gestion des catastrophes
(couverture des sinistres non pris en compte par l'assurance agricole) et les
différents outils de gestion de risques production, crédit et
marché ;
·
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Plaider auprès des États pour rendre obligatoire
l'assurance agricole et sensibiliser les exploitants à y adhérer
;
· Travailler avec les IF à mettre en place un
cadre de concertation durable entre EF et IF pour concilier l'offre et la
demande, et plaider auprès des PTF engagés dans le
développement de l'agriculture pour qu'ils appuient
l'opérationnalisation de ces cadres.
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