I.5.2 Aperçu sur la malnutrition
I.5.2.1 Connaissance biomédicale de la
malnutrition
L'approche des problèmes concernant l'aspect
médical et nutritionnel de la malnutrition a évolué
fortement au cours de ces dernières années. En
réalité, la compréhension et les connaissances dans le
domaine de la malnutrition varient souvent d'une spécialité
médicale à l'autre. Parallèlement, les solutions
proposées pour éradiquer la malnutrition diffèrent d'un
groupe social à l'autre et évoluent au cours du temps (P. Tanang
Tchouala, 2009).
8
1. Évolution des concepts sur la malnutrition de
l'enfant
Connaître l'histoire de la malnutrition est utile pour
comprendre les stratégies actuelles : beaucoup de programmes de
prévention sont basés sur des visions anciennes de la
malnutrition et les décalages entre les recommandations récentes
et les pratiques de terrain s'expliquent par cette dimension historique. Par
ailleurs, la connaissance de la malnutrition va certainement continuer à
évoluer dans les années futures. L'évaluation
d'idées nouvelles est facilitée par la connaissance des
perceptions anciennes dans ce domaine.
1.1 Les premières observations
La malnutrition a vraisemblablement existé sous toutes
les latitudes depuis des décennies. Une des premières
descriptions complètes d'un tableau clinique correspondant à ce
qu'on appelle le "kwashiorkor" remonte à 1865. Elle est divulguée
par deux médecins (les Drs Hinojosa et Coindet, 1865) qui travaillaient
dans un village au Mexique (Briend, 1997).
Ces auteurs avaient observé la présence
fréquente d'oedèmes chez des enfants dénutris à la
période du sevrage. Ils avaient aussi remarqué la présence
fréquemment de la malnutrition associée de diarrhées et le
rôle déclenchant de la rougeole. Ces médecins avaient
encore noté que ce tableau clinique différait nettement de celui
de la pellagre déjà bien connu à l'époque,
même si les enfants oedémateux suivaient un régime à
base de maïs. Le diagnostic de pellagre avait été
catégoriquement rejeté.
Au début du XXième siècle, la
malnutrition de l'enfant devint plus rare en Europe et ce sont surtout des
médecins travaillant dans des colonies qui décrivirent en
détail des cas de malnutrition grave. Une des plus anciennes
observations vient de l'Annam12. On la doit à un médecin
militaire français, Normet (1926), qui avait constaté des
oedèmes chez des enfants dénutris et ayant une alimentation
à base de riz. Il appela cette maladie qui correspond au kwashiorkor
dans la terminologie moderne, «la bouffissure d'Annam». Il
publie en 1926 la première photo connue. Il soupçonna
d'emblée qu'une origine nutritionnelle en était la cause, ayant
remarqué qu'elle ne survenait pas le long des rivières
poissonneuses. Ce qui est remarquable est que le niveau sanguin et
l'excrétion urinaire d'urée étaient abaissés chez
ces enfants bouffis et attira ainsi l'attention sur le rôle des
protéines dans le développement de cette affection.
Entre 1933 et 1935, les premières observations
d'oedèmes associés à la malnutrition tombèrent dans
l'oubli. Entre les deux guerres mondiales, les communications entre les
différentes parties du monde étaient extrêmement
limitées et les techniques de recherche bibliographique
9
rudimentaires. Williams ignorait les publications de Normet
relatives à la "malnutrition oedémateuse" quand elle
débuta sa carrière de pédiatre en Côte d'Or (actuel
Ghana) dans les années 30. Elle aussi vit des cas d'oedèmes
associés à une malnutrition et elle les décrivit dans les
"Archives of Diseases in Childhood", dans un article publié en 1933 et
intitulé : "A nutritional disease of childhood associated with a maize
diet". Cette première publication insiste sur les lésions
cutanées observées et la description clinique met tout aussi bien
en relief les différences entre cette "maladie nutritionnelle" et la
pellagre. Peu de temps après sa création, juste après la
fin de la seconde guerre mondiale, la FAO envoya deux experts, les Drs Brock et
Autret, faire le tour de l'Afrique pour faire le point de la situation
alimentaire de ce continent. Leur expédition dura deux mois et ils
rédigèrent, à leur retour, un rapport intitulé
«Le kwashiorkor en Afrique» (Brock et Autret, 1952). Cette
publication eut un grand retentissement dans le monde scientifique. Le rapport
tendait à démontrer d'une part que le kwashiorkor était
très répandu en Afrique, surtout si l'on tenait compte de ses
formes mineures, et d'autre part que la maladie était essentiellement
imputable à un régime pauvre en protéines. Ce rapport
concluait que les carences en protéines représentaient le
problème nutritionnel le plus préoccupant en Afrique. Le terme de
"malnutrition protéique" devint alors un terme général
appliqué très largement à tous les états de
malnutrition observés dans les pays pauvres (P. Tanang Tchouala,
2009).
1.2 Des carences en protéines aux carences en
énergie
Les années passant, un certain scepticisme s'installa
quant au rôle véritable des carences en protéines comme
cause de malnutrition infantile dans les pays pauvres. On comprit dès
lors que les programmes d'aide visant à augmenter les apports
alimentaires protéiques avaient un impact faible, voire
négligeable. Cette conviction devait se renforcer quelques années
plus tard à la suite d'une étude portant sur plus de deux cents
programmes de supplémentation à l'aide d'aliments riches en
protéines et montrant que leur effet était
généralement faible, s'il n'était inexistant (Beaton et
Ghassemi, 1982). Aussi une remise en cause de ces programmes s'imposait.
En 1968, l'équipe d'Hyderabad travaillant en Inde avait
démontré qu'il n'existait pas de différence de
régime entre les enfants qui allaient développer
ultérieurement un kwashiorkor et ceux évoluant vers une
malnutrition de type marasme (Gopalan, 1968). Cette même équipe
avait également constaté qu'une augmentation de la ration
alimentaire des enfants vivant dans des villages, pouvait permettre
d'améliorer leur croissance. Cette modification diététique
de
10
nature purement quantitative serait en même d'exercer
ses effets sans toucher à la composition du régime (Gopalan et
al, 1973).
Tous ces éléments ont fait que soit
progressivement tombé en désuétude, le terme
malnutrition protéique au profit de "malnutrition
protéino-calorique" puis de "malnutrition
protéino-énergétique". En 1974, Mc Laren publia un
article dans le Lancet, intitulé «The Great Protein
Fiasco», dans lequel il retrace l'évolution des idées sur le
sujet. Cet article répandit l'idée selon laquelle le
problème nutritionnel le plus commun à travers le monde n'est pas
une carence en protéines mais un déficit d'apports en
énergie.
2. De la malnutrition pluri-carentielle
L'approche pluri-carencielle appréhende la malnutrition
comme une maladie qui apparaît lorsque la nourriture disponible n'a pas
la qualité nécessaire pour assurer le développement du
corps humain. Elle est donc liée à un manque
d'éléments nutritifs essentiels comme les vitamines et les sels
minéraux. Elle affecte particulièrement les enfants en bas
âge et se rencontre même dans des régions où l'on
connaît une sécurité alimentaire. La malnutrition est
principalement causée par cette absence d'éléments
nutritifs essentiels au développement de l'organisme (MSF, 2007).
Un enfant qui ne reçoit pas suffisamment de nutriments
dans son alimentation quotidienne est exposé aux différentes
formes de malnutrition. Si le déficit porte principalement sur les
apports en énergie et en protéines, on parle de "malnutrition
protéinoenergétique" (MPE) ou
protéino-calorifique. Si le déficit porte surtout sur le
fer, on parle d' "anémie nutritionnelle". Par contre, si ce
déficit constaté porte principalement sur la vitamine A, les
manifestations de la carence portent le nom de xérophtalmie (J. C.
Dillon, 2000). Il n'est, cependant pas rare que l'enfant porte à la fois
et à des degrés divers les traces de ces trois formes de
malnutrition.
11
I.4.2.2 Malnutrition dans le monde
La malnutrition est la cause sous-jacente de plus d'un tiers
de tous les décès d'enfants de moins de cinq ans au niveau
mondial (Unicef, 2017). En outre, dans 53 pays du monde, 113 millions de
personnes ont été en situation d'insécurité
alimentaire aiguë en 2018, dans 53 pays (Yadav et al, 2016).
Les facteurs liés à la malnutrition dans le
monde sont les suivants : le niveau d'études bas de la mère est
associé à une prévalence plus élevée du
retard de croissance de l'enfant. L'absence d'un robinet d'eau potable
fonctionnel à domicile est associée à une
prévalence plus élevée de la malnutrition, la durée
de la maladie, la diminution de l'appétit, l'âge de l'enfant est
associé significativement au retard de croissance avec un risque accru
chez les enfants de 12 mois et plus, l'introduction d'une alimentation de
complément inappropriée ou contaminée, à partir de
6 mois, l'anorexie de l'enfant constitue un prédicteur significatif de
l'émaciation, (Yadav et al, 2016).
I.4.2.3 Malnutrition en Afrique
En Afrique, la proportion d'enfants souffrant d'un retard de
croissance a diminué, passant de 41,6% (en 1990) à 32% (en 2014).
Néanmoins, pour cette période, le nombre d'enfants d'un retard de
croissance est de 44,7 millions à 58,1 millions ; ce qui atteste que les
efforts plus soutenus doivent être entrepris afin d'avoir un impact
significatif (Jana Daher et al, 2016).
En Ethiopie, en RDC, en Somalie, au Zimbabwe, ou au Malawi,
moins de 10 % des enfants âgés de six à 23 mois
bénéficient d'un régime nutritionnel leur permettant une
croissance et un développement adaptés, selon le FSIN. Le rapport
s'alarme du fait que l'allaitement maternel exclusif pour les
nouveau-nés âgés de moins de six mois est très
faible dans les pays en proie à des conflits (10 %, au Yémen, 11
% dans la région des lacs du Tchad, 21 % dans le nord-est du Nigeria et
24 %, en Syrie). Pourtant, dans les régions aux faibles conditions
d'hygiène, les risques d'infection et de maladie sont accrus pour les
enfants non allaités (Akombi, Agho, Merom, Renzaho et Hall, 2017).
En Ethiopie, une étude réalisé par Gashu
Workneh Kassie et Demeke Lakew Workie (2020), atteste des déterminants
de la malnutrition suivants : Un enfant dont l'indice de masse corporelle de la
mère est inférieur à 18,5 kg, de la famille la plus pauvre
et d'un mari sans instruction, et un homme en état de sous-nutrition
grave était 1,4, 1,8 1,2 et 1,2 fois plus
12
susceptible d'être dans un état de sous-nutrition
pire que son groupe de référence respectivement.
I.4.2.4 Situation de la nutrition en ROC
En RDC, 43% des enfants de moins de cinq ans souffrent de
malnutrition chronique ou du retard de croissance, soit presque un enfant sur
deux. Six provinces sur les 26 ont des prévalences qui dépassant
50% (seuil d'urgence). Les 26 provinces comptent plus de 40% d'enfants
malnutris. Par ailleurs, la situation de la malnutrition chronique a
stagné ces 15 dernières années: la prévalence a
évolué de 38% des enfants de moins de cinq ans en 2001, à
47% en 2007 et 43% en 2013-2014 (MINI Plan et Santé, 2014).
De même des enfants de moins de cinq ans souffrent aussi
de malnutrition aiguë; 8% en sont affectés dans le pays. Certaines
zones de santé sont plus affectées que d'autres. En 2017, la
situation d'insécurité alimentaire s'est aggravée et le
statut nutritionnel des enfants s'est affaibli. D'après les
données du système d'alerte et de surveillance nutritionnelle,
104 des 516 zones de santé (20%) étaient en alerte nutritionnelle
de janvier à octobre 2017. La situation nutritionnelle de la population
dans les provinces de grand Kasaï demeure inquiétante. Le pays
devrait fournir davantage d'efforts pour atteindre l'objectif de 40% de
réduction des taux de malnutrition chronique d'ici 2025. Un
scénario de réduction de 15% du taux de malnutrition chronique
permettrait de prévenir la malnutrition chez deux millions d'enfants de
moins de cinq ans. Les crises aiguës récentes et la
détérioration de la situation nutritionnelle pourront
compromettre d'avantage les opportunités d'épanouissement et de
développement des enfants congolais (Unicef, 2018).
Le Gouvernement congolais a pris très tôt des
initiatives pour lutter contre la malnutrition avec, notamment, la mise en
place du PRONANUT en 2000. Malgré la volonté politique
affichée, la situation de la malnutrition reste préoccupante et
les tendances à la baisse sont en deçà des objectifs
nationaux et internationaux.
Les données fournies par différentes
enquêtes nationales attestent une légère baisse
tendancielle du retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans,
passant de 50,39 % en 1990 à 42,6 % en 2014, soit un taux de
réduction moyen annuel de 0,5 %. Au cours de la période 1994
à 2000, une réduction légèrement plus importante du
retard de croissance a été observée, avec un taux moyen
annuel de 0,76%. L'insuffisance pondérale, quant à elle, a
diminué de manière tendancielle entre 1990 et 2014, passant de
38% à 23%, soit une réduction moyenne annuelle de 1%. Toutefois,
le niveau de l'insuffisance pondérale reste très
élevé par rapport au seuil de
13
10% considéré comme tolérable par les
normes sanitaires internationales. Le taux de faible poids à la
naissance a été estimé en 2014 à 12% des naissances
vivantes, soit 347803 enfants. La malnutrition touche particulièrement
les enfants de 24 à 59 mois parmi lesquels 52,1% souffrent de retard de
croissance et 26,6% sont atteints d'insuffisance pondérale. Au niveau
international, une très grande disparité de situation est
observée par rapport à la malnutrition des enfants de moins de
cinq ans dans les provinces du pays.
En tenant compte des 26 provinces actuelles du pays, le niveau
de retard de croissance observé selon l'EDS-RDC 2013- 2014 varie de
17,3% dans la Ville province de Kinshasa à 57,9 % dans la Province du
Kasaï, avec une moyenne nationale de 42,7%. On constate que 21 provinces
présentent des taux supérieurs à 40% et 5 seulement ont
des taux inférieurs à 40%. Mais si on se réfère aux
11 anciennes provinces, la moyenne nationale reste la même (42,7%), le
taux le plus élevé est de 53% au Sud Kivu contre 17,3% à
Kinshasa. Si on compare la situation de l'EDS 2013-2014 par rapport à
celle de MICS 2010, où le pays comptait encore11 provinces, deux
Provinces seulement (la Ville Province de Kinshasa et la Province Nord-Kivu)
ont connu une réduction de retard de croissance, soit respectivement 1,6
% et 1,4 %. Neuf autres ont connu une augmentation, allant de 2,2 % à
11,2 %. La moyenne nationale est passée de 38,1 % à 42,7 %, soit
4,6 % d'augmentation. Cette disparité, voire l'aggravation de la
situation nutritionnelle dans bon nombre de provinces, montre à quel
point le problème de la faim et de la sous-nutrition constitue un
défi permanent pour l'Etat congolais (WFP, 2019).
Si on va de 1990, on constate que le nombre d'enfants
affectés va croissant au vu de l'augmentation de la population dans la
tranche d'âge de 0 à 59 mois. On estime que le nombre d'enfants
souffrant de retard de croissance a augmenté de 18% par rapport à
la situation de 1990. Cette situation nécessite encore beaucoup plus
d'efforts pour limiter l'impact de la malnutrition sur la santé et la
survie des enfants (Unicef, 2018).
Bien que les initiatives prises par le Gouvernement de la RDC,
la situation alimentaire des enfants de moins de 5 ans reste précaire
par les déterminants de la malnutrition suivants : depuis 1996, la RDC
est frappée par le conflit, qui a dévasté et
déstabilisé le pays et a coûté la vie à
environ six millions de civils. Les gens continuent de vivre dans des
conditions de crise dans de nombreux certaines parties du pays.
Malgré les nombreux accords politiques signés
depuis le début du conflit, il y a peu d'attentes et de perspectives
pour la paix en tant que vies de groupes vulnérables tels que les femmes
et
14
les enfants continuent d'être brisés à
mesure que le conflit resurgit dans la partie orientale du pays et un nouveau
front de violence s'est ouvert dans la province de l'Equateur.
Ces conflits ont continué d'entraver à la RDC
dans sa capacité à faire avancer les efforts de
développement, la population continue d'en subir les
conséquences. Cette situation est le manque de leadership, la mauvaise
gestion, corruption, détérioration rapide des conditions
socio-économiques et la baisse des prix des ressources minérales
sur lesquelles repose l'économie nationale en raison de la crise
financière mondiale, qui a forte baisse des revenus et perte massive
d'emplois. Ainsi, les besoins humanitaires dans le pays demeurent colossaux.
Selon le Central Emergency Respond Rapport du Fonds en 2008, le conflit a
généré jusqu'à 1,35 millions de personnes
déplacées à l'intérieur du pays (PDI) dans
seulement trois provinces, les mécanismes d'adaptation de millions des
personnes. Avec la poursuite du conflit et les actions des groupes armés
abusifs ont augmenté le prix de nourriture et ont exacerbé
l'incapacité de ces zones pour nourrir les populations en raison de
contraintes logistiques et ont généré des taux de
malnutrition allant jusqu'à 20% dans certaines zones de santé
(N-B Kandala, et al, 2011).
Pour Abdon W.M. et al (2010), à Lubumbashi les facteurs
prédictifs de la malnutrition se rapportant à l'enfant
comprenaient l'âge, le sexe, la durée de séjour dans le
quartier, la classe sociale du foyer, le niveau d'étude atteint par la
mère (ou tutrice), l'existence et le type d'eau potable dans la parcelle
de l'enfant et la « morbidité » de l'enfant durant les deux
semaines précédent l'interview. La durée de séjour
dans la parcelle a été catégorisée en deux : l'une
inférieure à trois mois et l'autre égale ou
supérieure à trois mois. La durée de trois mois est
considérée comme seuil minimum associé à une
influence effective du milieu sur l'état nutritionnel. La classe sociale
a été estimée sur base de la profession, du niveau
d'études des parents et de leur revenu. Pour estimer ce dernier, les
enquêteurs recouraient aux indicateurs de substitution suivants :
propriétaire du domicile, coût du loyer, coût des
études des enfants, type d'habitation (dimension, matériaux,
toilettes, courant électrique), équipements, moyens de transport,
personnes à charge du foyer, eau potable dans la maison ou dans la
parcelle. Un indice avec des valeurs ordonnées a été
déterminé puis la classe sociale a été
définie au niveau bas et au niveau élevé
I.4.3 Synthèse des études
antérieures
Une étude réalisée à Nairobi,
désignant le mariage des mères, le statut matrimonial comme
étant indépendamment associés au retard de croissance de
l'enfant. Les chances de retard de
15
croissance chez les enfants nés de mères jamais
mariés sont 56% plus élevés que ceux qui sont actuellement
en union (p <0,05). Le retard de croissance est plus fréquent chez
les enfants nés de mères célibataires et de mères
plus âgées, avec respectivement 45% et 46% (Eliyas Musbah et al,
2016).
Une étude réalisée en RDC, a
montré qu'il n'y avait pas une association statistiquement significative
observée entre la prévalence du retard de croissance et le sexe
du chef de ménage, état matrimonial de la mère et
intervalle de naissance précédent de l'enfant (Klasen S: Poverty,
2008). Alors pour (Abdon et al, 2010), l'eau impropre peut provoquer, par
exemple, la diarrhée qui altère l'état nutritionnel. Dans
cette étude, la diarrhée (émission de selles très
molles ou liquides, trois fois par jour et au moins pendant un jour), est
associée significativement à l'émaciation chez les enfants
âgés d'un an ou plus.
Une étude réalisée en République
Dominicaine a révélé que les enfants étaient
beaucoup moins en retard de croissance dans les ménages dirigés
par une femme ou par un homme. La prévalence du retard de croissance
était plus élevée chez les femmes (55,6%) par rapport aux
ménages dirigés par des hommes (43,2%) (Eliyas Musbah, Amare
Worku, 2016). Concernant l'IMC maternel: l'IMC de la mère s'est
avéré être l'un des déterminants les plus importants
liés à l'état nutritionnel des enfants. Une étude
réalisée sur les écoliers colombiens atteste que le retard
de croissance était plus de deux fois supérieur chez les enfants
dont les mères avaient un IMC <18,5 que chez celles dont l'IMC de la
mère était adéquate (p = 0,001), alors que la
prévalence du retard de croissance était de 46% plus faible chez
les enfants de mères obèses (p = 0,05) IMC maternel inversement
associé au retard de croissance chez l'enfant, la taille maternelle: la
stature maternelle diminuée est également associée
à un risque accru de retard de croissance chez les enfants (Louise H et
al, 2010).
Dans l'analyse de l'EDS dans 54 pays, on a constaté que
la diminution d'un cm de la taille était associé à un
risque accru de l'insuffisance pondérale et du retard de croissance. Par
rapport aux mères les plus grandes (160 cm), chaque catégorie de
taille inférieure avait un risque plus élevé
d'insuffisance pondérale et de retard de croissance chez les enfants,
avec le risque le plus élevé pour les mères de moins de
145 cm. L'association entre la taille maternelle et le retard de croissance
était statistiquement significative dans 52 des 54 pays (96%)
analysés (Ozaltin E., Hill K., Subramanian S. V, 2010). Une étude
similaire a été menée auprès des enfants mexicains.
L'état nutritionnel de l'enfant n'était pas associé
à la taille de la mère, avec un OR de 0,92 IC95%: [0,91 #177;
0,94] (Andez-Do Aaz, 1999).
16
Une autre étude réalisée en 2016, dans 26
provinces de la RDC, sur le retard de croissance a révélé
qu'il y a nombre de facteurs distaux pouvant être liés à la
chance du retard de croissance. La province du Sankuru avait les cotes les plus
élevées de retard de croissance. C'est une province
enclavée et avec des réseaux routiers et pas de chemin de fer, la
zone est extrêmement difficile à atteindre. Les produits
manufacturés, y compris les produits alimentaires sont vendus à
des prix de plus en plus élevés, alors que des cultures
commerciales sont difficiles à développer. Le Kasaï est une
autre province avec une probabilité plus élevée de retard
de croissance. Le principal moyen de subsistance dans la province est
l'exploitation minière artisanale, en particulier l'extraction de
diamant. Au cours des 15 dernières années, le secteur du diamant
a été influencé par la baisse des marchés
internationaux. En outre, les gens ont tendance à négliger la
production agricole et la province doit importer une grande partie de sa
nourriture. Les provinces qui sont touchées par la guerre, y compris le
Sud-Kivu, ont également des risques élevés de retard de
croissance. Les terres du Sud-Kivu sont fertiles, mais la pénurie de
terres et celle de sans terre sont des problèmes qui sont
étroitement liés à l'insécurité alimentaire
et à la malnutrition chronique. Plusieurs provinces où le retard
de croissance est légion sont confrontées aux problèmes
liés au retard de croissance en raison de l'afflux des
réfugiés des pays voisins. La RDC est caractérisée
par une insécurité alimentaire généralisée
et une insécurité alimentaire dans les provinces ci-dessus. Les
résultats d'autres études ont également mis en
évidence la variabilité intra-pays en termes de prévalence
de la malnutrition et de l'importance d'identifier les zones avec
prévalence particulièrement élevée de la
malnutrition (Simler KR, 2006, Mohsena M, Goto R, NCG M-T, 2015).
En RDC, l'étude de Hallgeir Kismul (2016) a
démontré comment la malnutrition est liée à la
situation géographique. Une découverte majeure renseigne que les
taux de retard de croissance était plus élevé dans les
provinces qui s'appuient sur l'exploitation minière artisanale par
rapport au niveau observé dans les provinces orientales touchées
par la guerre civile. L'objectif visé sur les nouvelles provinces permet
de se concentrer sur des unités géographiques, et par
conséquent, nous sommes dans une bonne position pour obtenir la
variété des facteurs qui contribuent aux inégalités
régionales de retard de croissance. En plus de trouver une relation
forte entre retard de croissance et la province, ces recherches confirment
davantage la relation étroite entre le retard de croissance et
l'inégalité. Cette étude a montré que les enfants
vivant dans le ménage le plus pauvre avaient un risque plus
élevé de retard de croissance. En revanche, la proportion la plus
élevée d'enfants, le retard de croissance en RDC ont
été classés au milieu de groupe en 2007 et 2010. La
littérature a démontré d'importantes
inégalités socio-
17
économiques des ménages les plus pauvres ont
probablement plus d'enfants que des ménages aisés. Le statut
socio-économique supérieur, la position est susceptible de
représenter une meilleure vie des conditions qui contribuent à
nouveau à une meilleure garde d'enfants et les pratiques d'alimentation
et un meilleur accès à la nourriture et un déclin
potentiel de l'apparition de différentes formes de la malnutrition (Wu
LF et al, 2015).
Maxime Ware (2010), dans une étude qu'il a
intitulé « Contribution à l'étude de la malnutrition
infantile» renseigne que : la malnutrition survient avant un an au cours
d'une mauvaise conduite du sevrage. Les déficits pondéraux et
staturo-pondéraux s'installent entre un et deux ans à la faveur
des gastro-entérites, elles-mêmes responsables de
dénutrition(Maxime Waré, 2010).
Quant à Mamadou Zei, dans sa thèse de doctorat
d'Etat (2012), Contribution aux problèmes de malnutrition en zone
tropicale atteste que les causes de la malnutrition sont multiples. On
distingue les causes culturelles : l'ignorance des populations des vrais
besoins en matière d'alimentation avec pour conséquences le
déséquilibre nutritionnel dont les enfants sont les plus
victimes, notamment cette confusion qui a lieu entre la plénitude
gastrique et le fait de bien manger. Les interdits alimentaires à
l'endroit des enfants qui les privent de certains nutriments essentiels.
Par ailleurs en milieu rural, les soins des enfants sont
habituellement confiés à la grand-mère, à travers
des pratiques de gavage et la purge. Il souligne les causes sociales et
économiques sur lesquelles se fondent la pauvreté, le manque
d'hygiène de l'habitat et de l'alimentation, l'absence de moyens de
lutte contre la maladie et ses conséquences qui sont des données
constantes dans beaucoup de familles. En outre, le modernisme vient compliquer
la situation socio-économique par la relégation des produits
importés qui coûtent chers en pharmacie. Et d'ajouter que, le
problème de sevrage se pose lorsqu'il survient avant un an lors du
décès de la mère ou de l'altération du lait. Il
conduit généralement à une insuffisance calorique globale.
Parfois une nouvelle grossesse ou la séparation des parents obligent au
sevrage brutal entre 12-18-24 mois. Et l'enfant passe alors directement au plat
familial. Les circonstances déclenchantes et les facteurs d'aggravation
sont les pathologies infantiles (paludisme, rougeole, diarrhée, etc.)
isolées ou associés entraînant une rupture de
l'équilibre précaire préexistant. Les causes climatiques
qui sont représentées par l'insuffisance pluviométrie
grandissantes et l'improductivité des sols qui rendent précaire
la sécurité alimentaire des ménages (Mamadou, 2012).
18
En résumant les auteurs précédents qui
sont Derrick et compagnie (2009), affirment que la malnutrition qui frappe les
jeunes enfants est imputable à deux causes essentielles :
un régime alimentaire insuffisant lié à
la pauvreté, au manque de denrées alimentaires appropriées
ou à des croyances erronées à propos de l'alimentation.
les épisodes infectieux répétés
surtout les maladies diarrhéiques (Jellifi, 2009).
Pour Kiemtoré, Nana M Bi Jacqueline (2013), la
pauvreté est le facteur principal de la sous-alimentation,
aggravée par la méconnaissance des besoins nutritionnels des
enfants par les mères, leurs méconnaissances des valeurs
nutritionnelles des principaux aliments et les mauvaises attitudes et pratiques
alimentaires, pourtant notre environnement offre une large gamme d'aliments
dont la disponibilité et la valeur nutritionnelle varient
extrêmement dans l'espace et dans le temps.
Ainsi pour remédier à cette déficience,
une des solutions proposée est l'éducation nutritionnelle.
L'éducation nutritionnelle doit apporter des informations utiles afin de
contribuer aux changements de comportements ou l'adoption de comportements
favorables à la santé des enfants (Jacqueline, 2013).
Enfin pour conclure, Hallgeir Kismul et al trouvent les
relations solides entre le retard de croissance et les inégalités
régionales et sociales les relations entre le retard de croissance et
d'autres facteurs au niveau distal ne sont pas claires. Cela concerne la
relation entre retard de croissance et lieu de résidence ainsi que la
relation entre retard de croissance et éducation de la mère. Nous
avons constaté que la plus grande proportion d'enfants avec retard de
croissance vivait dans les ménages ruraux. D'autre part, dans l'analyse
multi-variée, il n'y avait aucune association statistiquement
significative entre le lieu de résidence et retard de croissance. Par
contre d'autres études ont montré que le lieu de la
résidence peut expliquer les variations de la prévalence de
l'enfant malnutri et qu'il y a des preuves que dans les pays à faible
revenu, les enfants des zones rurales sont plus à risque de malnutrition
que leurs homologues urbains. Ensuite, encore une fois ces résultats
sont conformes aux rapports de recherche que lors que les probabilités
de retard de croissance n'étaient pas significativement
différents entre les enfants vivant dans des zones rurales et ceux
vivant dans les zones urbaines (Hallgeir Kismul, 2016).
I.4.4 Cadre de référence
Le cadre de référence est un guide
nécessaire dans toute démarche de recherche visant à
explorer, à décrire ou analyser un problème qui se pose
dans une communauté donnée. Il est
19
une structure logique et abstraite qui permet d'investiguer
sur un problème d'étude ou celui de recherche.
I.4.4.1 Cadre conceptuel
Le cadre conceptuel de cette étude représente la
structuration schématique de la survenue de la malnutrition chronique
chez les enfants de moins de cinq ans et les différents facteurs
déterminants. La prise en compte de ces facteurs conduit à une
réduction de la survenue de la malnutrition chronique chez les enfants
de moins de cinq ans. Nous avons pour cela deux variables principales :
I.4.4.1.1 La variable
dépendante
La définition conventionnelle de la malnutrition chez
les enfants, proposée par l'OMS est le poids-pour-âge, la
taille-pour-âge ou le poids-pour-taille inférieurs à -2
écarts-type (-2ET). Lorsque les indices sont inférieurs à
-3 écarts-type (-3ET), la malnutrition est considérée
comme sévère. Les enfants sont considérés
obèses lorsque l'indice poids-pour-taille est supérieur à
+2 écarts-type (+2ET) (COGILL ,2003). Elle sera mesurée dans
cette étude par le bon état nutritionnel, la malnutrition
légère, la malnutrition modérée et la malnutrition
sévère.
I.4.4.1.1 Les variables
indépendantes
Les variables sociodémographique et économique
suivantes ont été recueillies : le sexe qui est mesuré par
le sexe masculin pour les garçons et féminin pour les filles ;
l'âge de l'enfant était mesuré en mois et de la mère
en année, le niveau d'instruction de la mère (exprimé en
quatre classes de nombre d'années d'études) le sans niveau
d'instruction, le primaire, le secondaire incomplet et secondaire complet et
universitaire. Le niveau de revenu, regroupé en trois catégories
: le haut niveau de revenu, le moyen niveau de revenu et le bas niveau de
revenu.
Quant aux facteurs environnementaux, ont été
considérés, le milieu de résidence qui était
mesuré en milieu rural et urbain ; la province de résidence par
la province de Kinshasa, les provinces du centre (Sankuru, Lomami,
Kasaï-Oriental, Kasaï-Central et Kasaï), les provinces du nord
(Mongala, Equateur, Nord-Ubangi, Sud-Ubangi, Tshuapa, Tshopo,
Bas-Uélé et Haut-Uélé), les provinces de l'ouest
(Kwango, Kwilu, Mai-Ndombe, Kongo-Central) et les provinces du Sud-Est (Haut
Katanga, Tanganyika, Haut Lomami, Lualaba, Ituri, Nord-Kivu, Sud-Kivu,
Maniema).
20
I.4.4.1.2.1 Facteurs
environnementaux
1. Milieu de résidence
On observe en général un niveau de malnutrition
plus élevé en milieu rural qu'en milieu urbain (EDSBF-2003,
EDSM-2001, EDSC-2004). Ces disparités se traduisent par des risques
inégaux d'exposition entre les populations urbaines et rurales. Par
ailleurs, de nombreuses études récentes sur la malnutrition des
enfants montrent que l'effet de cette variable est amoindri lors qu'il y a
contrôle des effets en rapport avec les caractéristiques
socioéconomiques et culturelles du ménage (J. Bakenda, 2007 ; L.
Camara, 2005).
L'avantage du milieu urbain sur le milieu rural provient
essentiellement de la forte concentration des infrastructures socio-sanitaires
en ville (Rakotondrabe, 1996). Grâce à ces infrastructures, il est
plus facile de mettre en oeuvre des mesures de santé publique dans les
villes que dans les campagnes (Contrôle des épidémies,
programme d'éducation nutritionnelle, programme élargi de
vaccination, programme de protection maternelle et infantile). C'est dans les
villes en général et dans la capitale en particulier, que se
concentrent les hôpitaux de référence (Ntsame, 1999). Le
milieu de résidence peut ainsi influencer de façon significative
la pratique alimentaire des mères et leurs comportements en
matière de soins à donner aux enfants.
2. Région de résidence
La malnutrition présente d'importantes variations
spatiales dans la plupart des pays en Afrique. Les indicateurs produits par les
travaux descriptifs et analytiques de l'EDSBF-2003 sur l'état
nutritionnel des enfants renseignent que la prévalence de la
malnutrition varie très fortement selon la région de
résidence. En effet, 16% des enfants de moins de cinq ans accusent un
retard de croissance à Ouagadougou contre 49% au Sahel et 59% dans la
région de l'Est (Bougma, 2007). Toutefois, il est difficile de
déterminer les facteurs qui peuvent être à l'origine de
cette variation sans prendre en compte les spécificités des
différentes régions.
Ces spécificités sont observables notamment au
niveau de la précarité écologique, de la culture, du
développement socio-économique, des ressources naturelles. Des
conditions agro-écologiques particulières différencient
les cultures pratiquées ou les rendements obtenus selon les
régions. Ces caractéristiques ont une incidence sur le
régime alimentaire des populations résidentes, régime qui
à son tour, est susceptible d'expliquer les disparités
régionales de la malnutrition des enfants (DS. Agessi, 1987).
Pour Ngo Nsoa (2001), il existe des inégalités
régionales de la malnutrition au Cameroun et que ce
phénomène ne frappe pas avec la même acuité les
enfants dans les différentes régions de ce pays.
21
D'après cet auteur cette situation est
consécutive à l'inégale répartition des
disponibilités alimentaires, des ressources en eau potable et des
centres de santé maternels et infantiles. En évoquant des raisons
similaires, Camara (2005) soutient que la région naturelle discrimine
fortement les enfants par rapport à leur état nutritionnel en
Guinée Conakry. Selon Cornu (1980) au Nord du Cameroun, les enfants de 6
à 12 mois sont régulièrement suivis dans les centres de
PMI qui disposent des mesures anthropométriques plus normales que celles
des enfants du même groupe d'âges non suivis.
I.4.4.1.2.2 Facteurs socioculturels de la
malnutrition
Depuis de nombreuses années, la notion de «
négligence sociale » est évoquée par des chercheurs
en sciences sociales (anthropologues, démographes) comme pouvant exercer
une influence sur la malnutrition. Une première thèse
sociodémographique (Scrimshaw, 1978) suggérait que certains
enfants des pays en voie de développement seraient moins investis que
d'autres au sein de familles à descendance élevée.
3. Niveau d'instruction des parents
On observe, selon l'INSAH, dans plusieurs pays d'Afrique
subsaharienne (Mali,Tchad, Burkina Faso, Niger, Sénégal, Cap
Vert, Gambie et RD Congo) une relation inverse entre chaque indicateur de
malnutrition des enfants et le niveau d'instruction de la mère. Les
enfants des mères de niveau supérieur ont les niveaux de
malnutrition les moins élevés. Les écarts sont
particulièrement importants entre les niveaux de malnutrition des
enfants des mères de niveau supérieur et les enfants de leurs
congénères non instruites, avec des indicateurs passant du simple
au double et parfois davantage. Entre les pays, il faut noter qu'à
niveau d'instruction égal, les enfants de mères maliennes ont le
plus souvent des niveaux de malnutrition plus faibles, suivis par les
enfants.
Tout comme pour la mère, le niveau d'instruction du
partenaire est négativement lié à la malnutrition de
l'enfant. Les niveaux de malnutrition des enfants sont d'autant plus bas que le
niveau d'instruction du partenaire est élevé. Il joue
également un grand rôle dans l'état nutritionnel des
enfants. Notons que, les hommes disposant d'un haut niveau d'instruction se
marient généralement avec des femmes assez instruites et, dans de
tels cas, l'effet de l'instruction de l'homme passe par celui de la femme.
Généralement, le niveau d'instruction de la
mère de l'enfant a plus d'influence sur la morbidité, la
malnutrition et la mortalité des enfants que celui du père. Pour
Akoto (op. cit) : « l'instruction de la mère apparaît
toujours discriminante (notamment entre 0-3 années et 4 années et
plus
22
d'école), tandis que celle du père intervient
surtout aux deux situations extrêmes (mère illettrée ou
très instruite) ».
I.4.4.1.2.3 Facteurs socioéconomiques de
la malnutrition
La pauvreté est généralement
considérée comme la cause profonde de la malnutrition tant il est
vrai que, dans la majorité des pays, c'est surtout chez les pauvres que
l'on trouve des enfants souffrant de MPE grave ou modérée, ou
présentant des signes évidents de carence en vitamine A (INSAH,
2008).
Cette approche justifie la malnutrition des enfants par le
niveau de vie des ménages, lequel est lui-même
corrélé à la qualité de l'habitat, au type
d'activité économique des parents, à l'accès
à l'électricité, à l'eau potable et à
l'assainissement. L'individu est dénutri, voire mal nourri parce que le
ménage n'a pas les moyens de lui procurer assez de nourriture de bonne
qualité : c'est la thèse défendue par Sen (1998). Quant
à Murdoch (1985), il associe la malnutrition et pauvreté, car les
ménages pauvres n'ont pas suffisamment de nourriture à cause du
manque des moyens financiers.
Pour les tenants de cette approche, l'explication des
variations de l'état nutritionnel des enfants en Afrique trouve son
fondement dans l'inégalité du niveau de vie des ménages.
Toutefois, cette opinion est relativisée par Delpeuch et al (1996) qui
font remarquer que malgré la crise économique (suivie de la
dévaluation du Franc CFA), certains plats culturellement
sollicités sont cependant restés les mêmes. Akoto (1993) ne
partage pas cette vision, car pour lui, l'état nutritionnel des enfants
ne s'explique qu'à travers les normes et valeurs sociales en
matière d'alimentation. Cet auteur souligne ainsi l'importance de la
culture et de l'organisation sociale, notamment, en ce qui concerne la
compréhension de certaines habitudes alimentaires. A ce propos, il se
pose la question de l'importance pour un ménage de vivre
décemment si la culture, à travers ses interdits sociaux, ne
permet pas à l'enfant de consommer un bien nécessaire à sa
croissance. Dès lors, il est très peu indiqué de se
focaliser uniquement sur les facteurs économiques pour expliquer la
variation de la malnutrition.
La pauvreté se manifeste de plusieurs manières :
ce sont des ménages aux revenus insuffisants, mais aussi des
communautés ou des pays pauvres, qui n'ont pas de quoi construire et
financer des écoles et des programmes de formation, ni améliorer
les systèmes de distribution d'eau et d'assainissement et qui ne
fournissent pas de services sociaux et de santé nécessaires pour
réduire de façon significative la malnutrition. Le rôle
particulier des femmes et des jeunes filles est mis en exergue ici. Elles sont
à la fois victimes et «agents de transmission» de la
23
malnutrition. Dans les milieux défavorisés, les
femmes peuvent contribuer à la perpétuation d'un cercle vicieux
dans la mesure où les petites filles sous-alimentées sont des
futures mères susceptibles de se retrouver dans un état
nutritionnel peu satisfaisant au commencement de leur vie reproductive. A cette
situation de départ à risque s'ajoutent les mauvaises habitudes
alimentaires et les maladies infantiles infectieuses à
répétition pour générer des conditions
défavorables aux processus vitaux de développement de la personne
(P. Tanang, 2009).
I.4.4.1.2.4 Facteurs sociodémographiques
des mères et des enfants
La quantité d'aliments disponibles par personne dans
une famille, dans un district ou dans un pays est la quantité de
nourriture produite ou achetée divisée par le nombre de personnes
qui y ont accès. Une famille de huit personnes, qui produit et
achète la même quantité de nourriture qu'une famille de
quatre personnes, dispose de moins de nourriture par personne. Toutefois, dans
les familles de producteurs, plus la famille est nombreuse, plus la
productivité familiale peut être importante.
Dans certains pays, le problème démographique
est généralement perçu comme un problème majeur. La
surpopulation, la taille des familles et l'espacement des naissances sont
considérés comme des facteurs déterminants de la
malnutrition. Pour de nombreux pays en développement, l'espacement des
naissances est une priorité au sein des structures gouvernementales
responsables de la planification familiale. Mais tout comme en production, il
serait naïf de croire qu'un contrôle des naissances ou une
planification familiale réussie résoudront à eux seuls les
problèmes de faim et de malnutrition. Les principaux facteurs mis en
exergue dans cette approche et qui peuvent influencer le statut nutritionnel
des enfants sont : l'âge et le sexe de l'enfant, l'âge à la
maternité et la parité de la mère, le statut matrimonial
et l'indicateur d'IMC de cette dernière, l'intervalle
inter-génésique, les infections et maladies contractées
par l'enfant et enfin les soins préventifs (L. Sangare, 2008).
1. Age de l'enfant
L'âge de l'enfant est dans l'ensemble parmi les
variables les plus discriminantes, car plus l'âge augmente, plus la
malnutrition prévaut (INSAH, 2008). L'alimentation du nourrisson et du
jeune enfant varie au fur et à mesure qu'il prend de l'âge : le
nourrisson de moins de six mois nourri au lait maternel bénéficie
de la protection des anticorps de sa mère. Au-delà de six mois,
le sevrage l'expose aux agents pathogènes et à la malnutrition
lorsque les aliments de sevrage ne sont pas assez riches pour couvrir les
besoins de sa croissance.
24
Il est généralement observé que la
santé de l'enfant telle que mesurée par l'état
nutritionnel se détériore surtout durant la première
année de vie et ce jusqu'à l'âge de deux ans, pour se
stabiliser plus au moins par la suite. Cette tendance a été
constatée dans les pays en voie de développement dont le
Guatemala (Handa, 1999).
Quel que soit l'indice anthropométrique choisi, le taux
de malnutrition augmente avec l'âge de l'enfant de la naissance à
24 mois au Mali (EDS-2001), au Burkina Faso (EDS-2003), au Cameroun (EDS-2004)
et au Tchad (EDS-2004). Cette tendance s'inverse très rapidement et de
façon significative après 24 mois pour le poids/âge et le
poids/ taille. La tendance est mitigée pour la taille/âge
après 24 mois. Il apparaît clairement que la nutrition de l'enfant
est fonction de son âge. Le nourrisson de moins de six mois ne devra pas
être alimenté comme l'enfant de 6 à 11 mois et ce dernier
ne doit pas être alimenté comme celui de 12-23 mois (INSAH, 2008).
Au Gabon, un grand nombre de décès surviennent entre 1 et 3 ans
des suites de rougeole et de malnutrition : maladies qui frappent rapidement
après le sevrage de l'enfant (Bakenda, 2004).
L'incidence de l'âge sur l'état nutritionnel des
enfants peut être prise en compte de plusieurs manières. Soit
qu'on utilise des tranches d'âge (Strauss, 1990 ; Stifel et al, 1999),
soit qu'on préfère une forme quadratique : solution que Morrisson
et Linskens ont retenue en 2000 lors de la recherche des facteurs explicatifs
de la malnutrition en Afrique Subsaharienne.
Dans presque tous les pays explorés, ils ont obtenu des
coefficients très significatifs, celui de l'âge (en mois)
étant négatif et celui de l'âge au carré
étant positif. D'après ces coefficients, le mois à partir
duquel l'âge exerce un effet positif au lieu de négatif est en
moyenne à partir de 35 mois (point d'inflexion). Jusqu'à cet
âge, la situation se détériore avec le temps. Ce
schéma concorde avec les résultats de Stifel et al. (1999) qui
considèrent seulement trois tranches d'âge de 3 à 35 mois
comme avec ceux de Strauss (1990) pour la Côte d'Ivoire qui met en
évidence un handicap croissant qui atteint son maximum vers 40-48 mois.
Ainsi, quelle que soit la forme choisie, les épisodes temporaires de
malnutrition s'accumulent pendant les trois ou quatre premières
années de telle sorte que le retard de poids par rapport aux enfants du
pays de référence, les États-Unis, croît
d'année en année pour s'inverser avec le changement de
régime alimentaire permis par l'âge (INSAH, 2008).
2. Sexe de l'enfant
Dans certaines sociétés où l'on a une
préférence pour les enfants de sexe masculin, le sexe de l'enfant
joue un rôle important sur son état nutritionnel (Dackam, 1990).
En Afrique subsaharienne, des auteurs comme Gbenyon et Locoh (1989), ont
montré l'existence d'une
25
discrimination alimentaire selon le sexe, mais cette
différence n'était pas toujours significative. Au Mali, aucune
différence significative dans l'état nutritionnel n'a
été observée, ni en milieu urbain, ni en milieu rural
(Mbacké et Legrand, 1992).
Pour étudier l'incidence du sexe, le centre de
développement de l'OCDE en 2000, grâce aux données de 20
pays d'Afrique subsaharienne, fait recours à une diversité de
l'échantillon (du point de vue revenu, mentalités, religion...).
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les filles sont presque
toujours privilégiées. Dans deux cas sur trois, on obtient des
coefficients négatifs pour un garçon, dans les autres cas, le
coefficient est non significatif et il existe seulement deux coefficients
positifs pour les garçons (en zone urbaine au Ghana et au Cameroun). Ces
résultats confirment les conclusions de Svedberg (1998) et des tests
antérieurs (un coefficient négatif pour les garçons au
Brésil, en Côte d'Ivoire, aux Philippines, mais positif au Maroc).
Le cas du Maroc pourrait laisser croire qu'on accorde plus d'attention aux
garçons dans les pays musulmans. Pourtant, on a observé une
prévalence de la malnutrition plus élevée chez les
garçons dans des pays de confession musulmane.
Au Niger par exemple, il ressort des données relatives
à la malnutrition que les petites filles ne souffraient pas de
discrimination en matière de soins en général et
d'alimentation en particulier. La proportion des enfants touchés par la
malnutrition chronique y est légèrement plus élevée
pour le sexe masculin (43%) que pour le sexe féminin (40%) (EDS Niger,
1998 : 154). L'attention accordée aux filles pourrait s'expliquer par
des spécificités des sociétés rurales. Les filles y
sont beaucoup moins scolarisées qu'en ville et aident leurs mères
pour les tâches domestiques dès leur plus jeune âge. Mais on
observe une prévalence plus élevée chez les garçons
aussi souvent en ville qu'à la campagne. De plus, pour des raisons
physiologiques, les filles supportent mieux que les garçons une
alimentation pauvre et/ou insuffisante (Ntsame, 2001). Cependant, la
persistance de cette dernière laisse observer le désavantage chez
les filles au profit des garçons. A ce propos, l'EDS Togo (1998) a
enregistré 23% de cas de bonne nutrition chez les garçons contre
20% seulement chez les filles.
L'hypothèse qu'on puisse avancer est que ce biais en
faveur des filles diminue avec le développement même s'il
n'apparaît pas dans des pays moins pauvres comme le Zimbabwe (Morrisson
et Linskens, 2000). De façon générale, là où
il n'existe pas de discrimination à l'égard des filles, la
malnutrition touche de manière identique les filles comme les
garçons (Ntsame, 2001).
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