I.2.2. Principaux résultats des études
antérieures sur le sujet
En 2003, à Goma, Province du Nord-Kivu en RDC, Alba
NGWALI MUNGOSY avait mené une étude sur les avortements
provoqués dans l'aire de santé du centre médicochirurgical
« Charité maternelle », qui a révélé un
ensemble des facteurs qui poussent les filles de cette aire de santé
à interrompre clandestinement les grossesses. Il s'agit entre autres
facteurs, du refus de l'auteur de la grossesse d'en assumer la
responsabilité, du manque de dialogue franc entre les parents et leurs
filles, du souhait de ne pas avoir d'enfants en étant sur le banc de
l'école,... En outre, ces jeunes filles sont informées du
contexte dans lequel se font les interruptions clandestines des grossesses,
notamment le recours aux abortifs comme le savon OMO mélangé avec
du sel de cuisine, le curetage et une plante médicinale localement
appelée MURAVUMBA dont la tisane est injectée dans
l'utérus pour provoquer l'avortement
En 2007, à Bukavu, Province du Sud-Kivu en RDC, Alain
CHABO BYAENE avait mené une étude cas témoin sur la
problématique des avortements criminels dans le district sanitaire de
Bukavu qui a révélé que Les grossesses non
désirées, se soldant par un avortement sont favorisées par
la non pratique de la contraception due à l'ignorance ou à la
négligence. L'avortement criminel a lieu entre cinq et quinze semaines
d'aménorrhée et elle est facilitée par des
paramédicaux qui utilisent les moyens chimiques ou un curetage
instrumental septique. Les complications immédiates qui en
résultent sont de nature hémorragique ou infectieuse. Leur prise
en charge est coûteuse et leur évolution se fait vers la
guérison, mais avec un taux de mortalité élevé. Les
séquelles de cet acte criminel sont des algies pelviennes chroniques et
un sentiment de culpabilité de la part de l'avortée.
L'âge moyen des femmes ayant avorté est de 20 ans
(avec des extrêmes de 10 ans et 45 ans), et 11% des avortements
clandestins concernent des adolescentes. 46% des grossesses
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interrompues étaient issues d'un rapport sexuel
imposé, et 33% dans le cadre d'un échange (argent, notes à
l'école ou à l'université, etc.). Toujours selon ce
travail mené à Bukavu par Byaene (2007), les raisons les plus
souvent évoquées pour l'avortement (et qui peuvent s'additionner)
sont nombreuses : la crainte des parents avec le risque de se faire chasser de
chez soi (40%) (il ne peut pas y avoir «deux femmes » dans la
même maison selon la coutume locale), la crainte de ne pas pouvoir
poursuivre les études (35%), la fuite/l'irresponsabilité du
géniteur (16%), ou encore, dans une moindre mesure, le manque de
ressource pour élever un enfant, la crainte de ne plus être
«mariable » lorsqu'on a déjà eu un enfant hors
union.
Toujours selon cet auteur, « les manoeuvres abortives ont
été pratiquées dans 5% des cas par les médecins ;
dans 58% des cas par les paramédicaux ; dans 6% des cas par les femmes
elles-mêmes ; dans 4% des cas par les matrones ; dans 4% des cas par les
étudiants en médecine ; dans 12% des cas par les
élèves infirmiers ou les étudiants infirmiers. Dans 11%
des cas, les avorteurs n'ont pas été identifiés. »
(Byane, 2007).
En 2008, en Côte d'Ivoire, l'association ivoirienne pour
le bien-être familial (AIBEF) avait réalisé une
étude sur les connaissances, attitudes et pratiques de l'avortement
provoqué clandestin, l'étude a permis de mesurer de façon
globale la fréquence de l'avortement provoqué clandestin dans la
population féminine. Le résultat montre que plus de deux femmes
sur cinq ayant déjà contractées une grossesse ont
déclarés avoir avorté au moins une fois, il ressort une
prévalence de l'avortement provoqué clandestin de 30,8% en
Côte d'Ivoire.
Des méthodes d'avortements révélés
par cette enquête, il ressort que ce sont les plantes et les
décoctions qui sont les plus utilisés pour les avortements
provoqués clandestins en Côte d'Ivoire. Soit 50,1% des avortements
enregistrés. Après elles, viennent le curetage (38,5%) et les
comprimés (12,8%). Les avortements provoqués sont
réalisés pour le grand nombre à domicile ou chez un
avorteur traditionnel. Seulement 28,3% des avortements provoqués sont
faits dans une clinique privée et 19,6% dans un centre de santé
publique (CHR, CHU, Infirmerie). Les avortements réalisés
à domicile ou chez l'avorteur traditionnel se font soit gratuitement, ou
à moins de 10.000 FCFA. Ce qui n'est pas le cas lorsque ces actes ont
lieu dans un centre de santé (privé ou publique).Où le
coût est plus élevé. Il se situe fréquemment entre
10.000FCFA et 50.000 FCFA.
Le recours à l'avortement en Côte d'Ivoire, selon
l'enquête de l'AIBEF est largement dépendant de l'environnement
social, familial et économique des femmes. En effet, 27,7% des femmes
interrogées ont déclaré avoir avorté par crainte de
la réaction de leurs parents ou de la réprobation de la
société. Pour 22,2% des personnes interrogées, c'est
l'âge qui est le motif du recours à l'avortement. Elles se
trouvent trop jeunes pour avoir un enfant. Et le manque de moyens financiers
pour assurer la charge d'un enfant a été évoqué par
21,3% des enquêtés.
A la suite des avortements provoqués clandestins selon
l'enquête, 55,8% des femmes ont des complications dont les plus
fréquentes sont les douleurs pelviennes chroniques dans 68,2% des cas.
Ensuite viennent les perforations avec 58% et les infections et lésions
des organes génitaux avec 17,6% chacune.
Ces complications d'avortements, peuvent causer la mort. Ou
laissées des séquelles.
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En effet, 26,5% des personnes interrogées ont
déclaré connaître au moins une femme
décédée des suites d'un avortement. Et 26% des femmes
interrogées qui avaient déjà avorté ont
déclaré avoir connues après l'avortement une
période au cours de laquelle elles cherchaient à contracter une
grossesse sans y parvenir.
En 2010, au Rwanda, Paulin Basinga et ses collègues,
ont fait une enquête intitulée « Grossesse non
désirée et avortement provoqué au Rwanda » qui a
révélé qu'il y avait 114 grossesses non planifiées
pour 1000 femmes âgées de 15-44 ans et 22% de ces grossesses sont
interrompues volontairement. Chaque année environ 26 000 femmes sont
traitées à cause des complications liées à l'IVG ;
malheureusement un tiers d'elles ne reçoivent pas de traitement.
2013 en Uganda, L'institut Guttmacher a réalisé
une étude intitulé : « Grossesse non désirée
et avortement en Ouganda », les résultats de cette étude
montrent que, malgré que l'avortement soit autorisé en Ouganda
dans certaines circonstances, « Le traitement des complications de
l'avortement non médicalisé représente des coûts
importants pour le système de santé ougandais. En moyenne, les
soins après avortement coûtent près de 130 $ US par
patiente ; les coûts annuels totalisent près de 14 millions de
dollars américains. (Hussain, 2013) », « Dans une autre
étude qualitative, les membres de la communauté ont reconnu la
profonde stigmatisation entourant l'avortement et ont exprimé la
conviction que certains prestataires de soins de santé maltraitaient ou
maltraitaient les femmes cherchant des soins après avortement. (Hussain,
2013) »
En 2015 à Bamako au Mali, les résultats du
mémoire institué « Connaissances, Attitudes et Pratiques des
jeunes sur les IST/VIH/SIDA à Bamako (Mali) : cas des communes III et IV
» réaliser par Mlle Oumou Keita a trouvé que 65% des jeunes
étaient sexuellement actifs soit (74/114 qui avaient déjà
eu un partenaire) et l'âge moyen au premier rapport sexuel était
de 16 ans. Cette étude avait mis en évidence la
précocité de l'âge au premier rapport sexuel. Quant
à l'utilisation du préservatif, sur les 65 % des jeunes
sexuellement actifs 68,8% des jeunes femmes et 31,2% des jeunes hommes avaient
déclaré n'avoir jamais utilisé le préservatif lors
du premier rapport sexuel.
En 2016, à Kinshasa, en RDC, Les résultats de
l'étude fait par une équipe mixte des chercheurs de
l'Université de Kinshasa et de Guttmacher Institute (une organisation de
recherche fondée en 1968 qui travaille à étudier,
éduquer et faire progresser la santé et les droits sexuels et
reproductifs) sur les avortements, ont montré que 61% des grossesses
étaient non planifiées et que 43% des grossesses non
planifiées débouchaient sur un avortement. Aussi, l'étude
a indiqué les expériences de violence vécues par les
patientes en soins après avortement. (Keita, 2015)
En 2016 à Kinshasa RDC, les résultats d'une
étude pilote sur l'approche de réduction des méfaits
associés à l'avortement à risque, initiée par
PATHFINDER International (organisation créé Depuis 1957, ayant
pour mission: défendre la santé et les droits sexuels et
reproductifs dans le monde entier, mobiliser les communautés qui en ont
le plus besoin pour briser les barrières et forger leur propre chemin
vers un avenir plus sain) ont montré en ce qui concerne les
caractéristiques sociodémographiques que, les groupes d'âge
de 15 à 24 ans sont
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les plus concernés par l'avortement (91%). Pour ce qui
est de l'état matrimonial, les célibataires sont plus
concernés que les mariées (89% contre 11%).
Cependant, concernant l'attitude à garder la grossesse
ou à avorter, l'étude a montré que lorsqu'elles portent
une grossesse qui bouleverse leurs plans de vie (grossesse non
désirée), la majorité des jeunes filles cherchent à
interrompre la grossesse malgré les conseils des prestataires de
santé de garder la grossesse (86% des femmes venaient avec la
décision d'interrompre la grossesse).
En 2017, au Sud-Kivu. Nord-Kivu et en Ituri, en RDC, Une
étude anthropologique menée par Médecins Sans
Frontières (MSF) dont les objectifs spécifiques étaient
notamment la connaissance des caractéristiques locales des soins de
santé de la reproduction (planification familiale/ contraception,
comportement dans l'accès aux soins de santé), du contexte et des
perceptions des violences sexuelles, des facteurs contribuant aux grossesses
non désirées (GND), des facteurs qui entrainent l`interruption de
grossesse (perceptions et attitudes).
Les résultats de cette étude qualitative ont
montré un contexte local de prévalence élevée des
violences sexuelles, une vulnérabilité des femmes dans la
communauté et le manque de connaissance/utilisation de la contraception
et de la planification familiale.
Concernant les facteurs qui entrainent les demandes
d'interruption de grossesse, l'étude a épinglé les
facteurs sociodémographiques (âge, scolarité, statut
marital), culturels et familiaux (conserver son attractivité, relation
avec le mari, femme allaitante), environnementaux et contextuels (conflit et
insécurité, prévalence VS), financiers et
économiques (commerce sexuel / sexe transactionnel, pas de moyen pour
élever un enfant) et la stigmatisation des victimes de violence sexuelle
(VS).
S'agissant des actes d'avortements non sécurisés
ou médicalisés, l'étude a décrit les
méthodes utilisées et catégorisé les prestataires
en trois secteurs parmi lesquels se trouvent les femmes elles-mêmes avec
toutes sortes de breuvage ou lavement, les charlatans et les professionnels de
santé.
Quant aux attitudes et perceptions envers les avortements
provoqués, celles-ci sont différentes dans les trois zones de
l'étude (forte opposition et outrage, solution adaptée si
considérations légales, attitude mixte), avec trois tendances
principales chez les prestataires des soins malgré la déontologie
médicale (volontaristes pro avortement mais limités par le cadre
légal, pro accouchement mais tolérants vis-à-vis des
clientes décidées à avorter, opposants radicaux qui
condamnent sur base de la morale et de la religion).
Pour ce qui est du comportement des femmes à
l'accès aux soins, l'étude a indiqué qu'elles consultent
d'abord les guérisseurs traditionnels et viennent tardivement dans les
structures de santé, que la stigmatisation représente une
barrière pour les victimes de VS et que le personnel de santé
souligne la volonté de pouvoir pratiquer IVG à l'hôpital
car fin de fin l'hôpital répare ce qui a été
commencé ailleurs.
Pour conclure, l'étude met en lumière le manque
de pouvoir décisionnel de la femme (ou perception) au regard de sa
sexualité, les facteurs contribuant au recours à l'avortement,
une forte demande pour l'interruption de grossesse dans les 3 zones de
l'étude.
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