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Dynamiques citoyennes et acteurs de développement en Afrique. L’exemple de la société civile ivoirienne.


par Hervé Rabet
Université Bordeaux Montaigne - Master II études interdisciplinaires des dynamiques africaines 2020
  

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C. La fin du miracle ivoirien et l'avènement du multipartisme

La période de forte croissance économique que connait la cote d'ivoire entre 1960 et 1980 est appelée le miracle ivoirien. Cette forte croissance économique repose alors essentiellement sur la culture d'essences à vocation d'exportation telles que le cacao ou l'hévéa.

L'activité agricole est grandement stimulée par la politique foncière de Houphouët-Boigny, lui-même planteur. Selon le principe que « la terre appartient à celui qui la cultive », de nombreux travailleurs agricoles burkinabè immigre dans le sud- ouest de la Côte d'ivoire afin de travailler dans les exploitations agricoles. Cette dynamique s'observe avec le secteur de la pêche où ce sont de nombreux ghanéens qui ont immigre et pratique la pêche dans le sud-est ivoirien.

La politique d'ouverture ivoirienne a deux effets vertueux. Le premier est qu'elle dynamise l'activité économique du pays et le second est qu'elle créé un véritable melting-pot africain sur le sol ivoirien. Bien qu'il permette au président de s'enrichir, ce miracle ivoirien basé sur un modèle économique de la dépendance rend l'économie ivoirienne très fragile. C'est ainsi qu'à partir de 1981 la Côte d'Ivoire signe successivement différents accords d'ajustement structurel avec le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale (Jarret ; François régis, 1991). Les impératifs démocratiques de l'indépendance, balayés auparavant par les « faux complots » sont les conditions sine qua non des aides internationales. Houphouët-Boigny parviendra à retarder l'avènement de l'ouverture démocratique jusqu'aux années 1990. C'est ainsi qu'à l'occasion de l'élection présidentielle de 1990, la Côte d'Ivoire connait pour la première de son histoire le multipartisme.

Face au Parti Démocratique de Côte d'ivoire-Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) de Houphouët-Boigny se dresse le Front populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Celui-ci originaire du sud-ouest, rappelle sans doute fort le président aux souvenirs de la Ligue des Originaires de Côte d'ivoire (LOCI) et des citoyens de l'ouest martyrisés à l'occasion des faux complots et qui se considèrent les principales victimes de la politique d'ouverture du président. La principale revendication du FPI concerne la mise en oeuvre d'une réforme foncière permettant l'accès exclusif des autochtones à la propriété foncière.

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Si, en 1960, c'est en héros de la nation que Houphouët-Boigny brigue l'investiture suprême, c'est en ballotage défavorable qu'il aborde celle de 1990. S'il a permis l'émergence du district d'Abidjan et de son Canton originaire de Yamoussoukro, il a délaissé le nord du pays qu'il n'appréciait guère, et exploité les ressources de l'ouest, sans en enrichir la population. La brutalité des faux complots a traumatisé les citoyens qui voient en ce scrutin l'espoir démocratique se concrétiser enfin. Lors de cette élection présidentielle de 1990, Houphouët-Boigny joue son dernier atout politique en octroyant le droit de vote des étrangers aux élections locales et nationales. Bénéficiant d'un capital sympathie conséquente chez les « étrangers » bénéficiaires de sa politique d'ouverture il est, avec 75% des voix, massivement réélu en 1990.

Il est alors fort diminué par sa santé et a pour principale tâche d'organiser sa succession.

En 1962, F. Houphouët a voulu se présenter en homme d'État moderne et efficace, résolument tourné vers l'avenir et le progrès. Il est malgré cela, devenu dirigeant d'un état totalitaire et brutal, en 1964. Si, après les purges de 1963, le pays est dépourvu de ses meilleurs cerveaux, il bénéficie en revanche de la présence de nombreux cadres « expatriés ».

Le régime de Houphouët-Boigny peut, certes, être qualifié de stable mais qu'advient-il de la démocratie et de la citoyenneté dans une Côte d'Ivoire ou le président incarne à lui seul l'État, le gouvernement et le législateur, grâce au soutien et la protection de forces étrangères ? La paix sociale, bien qu'apparente à l'échelle internationale, n'a jamais été présente en Côte-d'Ivoire du temps de Houphouët-Boigny. Son régime, dont la raison d'être est l'organisation du consensus nécessaire à la rentabilité optimale d'une économie néocolonialiste n'a jamais réussi à séduire les ivoiriens. En Côte-d'Ivoire, les mouvements sociaux et professionnels se font autant contre le patronat et le pouvoir que contre la direction officielle de la centrale syndicale unique. Il est arrivé parfois que le sentiment d'injustice pousse les individus à s'organiser spontanément et illégalement pour faire valoir leur droit. Par la brutalisation de sa population, Houphouët-Boigny conditionne l'exercice d'une citoyenneté individualiste et violente. Le régime de F. Houphouët demeure une dictature, prospère économiquement nous en conviendrons ; mais c'est un avant tout une dictature qui ne s'est jamais revendiqué comme telle.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery