La période de forte croissance économique que
connait la cote d'ivoire entre 1960 et 1980 est appelée le miracle
ivoirien. Cette forte croissance économique repose alors essentiellement
sur la culture d'essences à vocation d'exportation telles que le cacao
ou l'hévéa.
L'activité agricole est grandement stimulée par
la politique foncière de Houphouët-Boigny, lui-même planteur.
Selon le principe que « la terre appartient à celui qui la cultive
», de nombreux travailleurs agricoles burkinabè immigre dans le
sud- ouest de la Côte d'ivoire afin de travailler dans les exploitations
agricoles. Cette dynamique s'observe avec le secteur de la pêche
où ce sont de nombreux ghanéens qui ont immigre et pratique la
pêche dans le sud-est ivoirien.
La politique d'ouverture ivoirienne a deux effets vertueux.
Le premier est qu'elle dynamise l'activité économique du pays et
le second est qu'elle créé un véritable melting-pot
africain sur le sol ivoirien. Bien qu'il permette au président de
s'enrichir, ce miracle ivoirien basé sur un modèle
économique de la dépendance rend l'économie ivoirienne
très fragile. C'est ainsi qu'à partir de 1981 la Côte
d'Ivoire signe successivement différents accords d'ajustement structurel
avec le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale
(Jarret ; François régis, 1991). Les impératifs
démocratiques de l'indépendance, balayés auparavant par
les « faux complots » sont les conditions sine qua non des
aides internationales. Houphouët-Boigny parviendra à retarder
l'avènement de l'ouverture démocratique jusqu'aux années
1990. C'est ainsi qu'à l'occasion de l'élection
présidentielle de 1990, la Côte d'Ivoire connait pour la
première de son histoire le multipartisme.
Face au Parti Démocratique de Côte
d'ivoire-Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA) de
Houphouët-Boigny se dresse le Front populaire Ivoirien (FPI) de Laurent
Gbagbo. Celui-ci originaire du sud-ouest, rappelle sans doute fort le
président aux souvenirs de la Ligue des Originaires de Côte
d'ivoire (LOCI) et des citoyens de l'ouest martyrisés à
l'occasion des faux complots et qui se considèrent les principales
victimes de la politique d'ouverture du président. La principale
revendication du FPI concerne la mise en oeuvre d'une réforme
foncière permettant l'accès exclusif des autochtones à la
propriété foncière.
Page 84 sur 227
Si, en 1960, c'est en héros de la nation que
Houphouët-Boigny brigue l'investiture suprême, c'est en ballotage
défavorable qu'il aborde celle de 1990. S'il a permis l'émergence
du district d'Abidjan et de son Canton originaire de Yamoussoukro, il a
délaissé le nord du pays qu'il n'appréciait guère,
et exploité les ressources de l'ouest, sans en enrichir la population.
La brutalité des faux complots a traumatisé les citoyens qui
voient en ce scrutin l'espoir démocratique se concrétiser enfin.
Lors de cette élection présidentielle de 1990,
Houphouët-Boigny joue son dernier atout politique en octroyant le droit de
vote des étrangers aux élections locales et nationales.
Bénéficiant d'un capital sympathie conséquente chez les
« étrangers » bénéficiaires de sa politique
d'ouverture il est, avec 75% des voix, massivement réélu en
1990.
Il est alors fort diminué par sa santé et a
pour principale tâche d'organiser sa succession.
En 1962, F. Houphouët a voulu se présenter en
homme d'État moderne et efficace, résolument tourné vers
l'avenir et le progrès. Il est malgré cela, devenu dirigeant d'un
état totalitaire et brutal, en 1964. Si, après les purges de
1963, le pays est dépourvu de ses meilleurs cerveaux, il
bénéficie en revanche de la présence de nombreux cadres
« expatriés ».
Le régime de Houphouët-Boigny peut, certes,
être qualifié de stable mais qu'advient-il de la démocratie
et de la citoyenneté dans une Côte d'Ivoire ou le président
incarne à lui seul l'État, le gouvernement et le
législateur, grâce au soutien et la protection de forces
étrangères ? La paix sociale, bien qu'apparente à
l'échelle internationale, n'a jamais été présente
en Côte-d'Ivoire du temps de Houphouët-Boigny. Son régime,
dont la raison d'être est l'organisation du consensus nécessaire
à la rentabilité optimale d'une économie
néocolonialiste n'a jamais réussi à séduire les
ivoiriens. En Côte-d'Ivoire, les mouvements sociaux et professionnels se
font autant contre le patronat et le pouvoir que contre la direction officielle
de la centrale syndicale unique. Il est arrivé parfois que le sentiment
d'injustice pousse les individus à s'organiser spontanément et
illégalement pour faire valoir leur droit. Par la brutalisation de sa
population, Houphouët-Boigny conditionne l'exercice d'une
citoyenneté individualiste et violente. Le régime de F.
Houphouët demeure une dictature, prospère économiquement
nous en conviendrons ; mais c'est un avant tout une dictature qui ne s'est
jamais revendiqué comme telle.