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Dynamiques citoyennes et acteurs de développement en Afrique. L’exemple de la société civile ivoirienne.


par Hervé Rabet
Université Bordeaux Montaigne - Master II études interdisciplinaires des dynamiques africaines 2020
  

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Chapitre 2 : Evolution de la citoyenneté en Côte d'ivoire depuis 1960

1.Restriction de la citoyenneté dans la Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny

A. L'éveil politique ivoirien et l'accès à l'indépendance

La citoyenneté indigène

Figure 18: La situation coloniale en Afrique en 1945 (RABET,2020)

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Amadou KONE considère que l'éveil citoyen, débute à partir de la seconde guerre mondiale au sein de l'Afrique Occidentale Française (AOF). L'effort de guerre mobilise les citoyens indigènes tant sur l'aspect militaire, comme en atteste les bataillons de tirailleurs sénégalais que sur l'aspect des ressources alimentaires et agricoles. Cette mobilisation est mise en oeuvre par un régime indigène dont les dérives attisent la colère de la population. Un décret de 1904 a instauré le travail forcé en Côte d'Ivoire concernant les emplois agricoles et d'aménagements public. L'essentiel de la main d'oeuvre forcé en Côte d'Ivoire est issu de la Haute Côte d'Ivoire (Burkina Faso actuel). Les chefs de Canton, issus de l 'élite coutumière comme Houphouët-Boigny qui bénéficient de la confiance et du soutien de l'administration coloniale fournissent également de la main d'oeuvre locale. Les critères de sélection étaient laissés à l'appréciation des chefs de canton. L'instauration du régime de Vichy a eu pour conséquence, en Côte d'Ivoire, une tentative de ségrégation entre colons et autochtones. Cette tentative vient s'ajouter au grief de la population envers un régime coloniale de plus en plus contester. Entre 1940 et 1943 on peut observer une hausse des associations à caractères tribales ou ethniques pour faire face aux pénuries que la colonie ivoirienne connait en raison de sa participation à l'effort de guerre. Ces associations bien qu'illégales sont tolérées. L'arrivée à partir de 1943 de nouveaux administrateurs coloniaux plus sensibles aux revendications autochtones du fait qu'ils ont combattus pour la liberté aux cotés des tirailleurs sénégalais, a favorisée la sortie de la clandestinité des associations et leurs émergences.

Dans le souci de pacifier les colonies, le général de Gaulle a organisé la conférence de Brazzaville en 1944. Celle-ci a eu pour conséquence la reconnaissance du droit de jouir des libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cela s'est traduit par la légalisation des dynamiques syndicales et associatives mais surtout par le droit à la représentation politique au sein des instances gouvernementale. La revendication égalitaire s'accentue par l'intermédiaire du Syndicat Agricole Africain présidé alors par Félix Houphouët-Boigny, chef du Canton de Yamoussoukro. Celui-ci désirait obtenir les mêmes droits économiques que les colons disposant d'un cadre juridique et fiscal plus favorable aux affaires.

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En 1945 après de nombreux concours de circonstances, Félix Houphouët-Boigny devient députés de la Côte d'Ivoire à l'assemblé coloniale. Comme l'ensemble des néo députés coloniaux, il rejoint le camp des progressistes, qui regroupe le Parti communiste français et le Mouvement Unifié pour la Résistance (MUR). En raison de leur idéologie marxiste, les députés progressistes étaient en faveur de l'émancipation des colonies. A la tête d'une commission de travail à l'assemblée coloniale, Houphouët-Boigny est le dépositaire de la loi 46-645 du 11 avril 1946 mettant fin au travail forcé dans les colonies d'outre-mer. Cet acte propulse le député ivoirien en véritable héros pour la population ouest africaine. Ce statut prélavera jusqu'à la mort « du vieux » dans les zones les plus reculés. Jouissant de son nouveau statut de héros du peuple noir et appuyé par le Groupe d'Etudes Communistes pour l'Idéologie et le plan d'action politique, il crée le 26 avril 1946 le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). La contribution des communistes fut celle de l'appui à la stratégie d'enracinement du parti et à la maitrise des rouages clefs d'un culte de la personnalité débuté à partir du 11 avril 1946. Dans le souci d'étendre son influence politique à l'échelle de l'AOF il organise la conférence de Bamako qui se tient le 4 septembre 1946. Le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) est créé lors de la conférence de Bamako. Seul candidat, Félix Houphouët-Boigny est alors élu président du RDA. La création du RDA, fut un puissant moteur pour l'émancipation politique des africains. Entre 1946 et 1950, le député Houphouët-Boigny est quasiment absent du continent. Il n'assiste donc pas à la lutte menée par les jeunes cadres du RDA, face à un colonat vexé par une émancipation qu'il parvient de moins en moins à maitriser.

Le 22 mars 1950 Houphouët-Boigny embarque précipitamment pour la métropole. Cette fuite s'inscrit dans un contexte de tension sur le territoire ivoirien. Les principaux leaders du PDCI, sont emprisonnés et en attente de jugement suite aux événements du 6 février 1949. D'un point de vue personnel, Houphouët-Boigny est appelé à témoigner dans la sombre affaire de l'assassinat du sénateur Biaka Boda. Mais surtout Houphouët-Boigny semble fuir l'idole africaine qu'il est devenu. Sa volte-face politique, préméditée dans le plus grand secret est en marche.

A son arrivée en France, il rompt ses liens avec le PCF et le camp des progressistes pour se rallier, ainsi que le RDA au camp de la droite et des colonialistes. Ce changement de posture s'accompagne d'un changement de discours. De combattant du capitalisme

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coloniale il se transforme en chantre du libéralisme et fustige vertement le communisme. Afin de consolider cette nouvelle amitié, il fait entrer des représentants du camp des libéraux coloniaux aux assemblées territoriales ivoiriennes et obtient le limogeage du très contesté gouverneur Péchoux.

Cette volte-face politique de Houphouët-Boigny considérée comme une trahison de la part des cadres du RDA, détériore l'unité de ce mouvement, à l'échelle ivoirienne comme dans la sous-région. Gabriel D'Arbousier, un des plus proches collaborateurs du président la condamna fermement. Il n'obtient que raillerie et humiliation, l'instrument préféré du futur président face à toute forme d'opposition.

A partir de 1951, Félix Houphouët-Boigny est majoritairement en métropole où il occupe les fonctions de député et de ministre. Il ne fait que de brefs retours pour les élections législatives de 1956 et surtout pour la première élection à l'investiture suprême de 1959. En 1956 une loi-cadre détermine le suffrage universel comme voie d'accès à la présidence. La principale tâche de Félix Houphouët-Boigny à partir de ce moment est alors d'écarter tout prétendant et opposant du pouvoir (KONE,2003).

En définitive, l'éveil politique ivoirien débute dans les années 1920 par l'intermédiaire d'actions clandestines et à la marge. Le statut de citoyen indigène, a longtemps proscrit la pratique associative et citoyenne. Ce n'est qu'à partir de la seconde guerre mondiale qu'il s'accélère avec l'émergence de syndicats et des associations ivoiriennes. Ces syndicats ont bénéficié du soutien de leurs homologues français. L'idéologie marxiste dominante des mouvements syndicaux de la métropole les rapprochaient des aspirations égalitaires des citoyens indigène. De 1944 à 1951 la Côte d'Ivoire, comme l'ensemble de l'AOF, se fédère et se mobilise massivement autour du héros Félix Houphouët-Boigny, porteur de l'espoir d'une Afrique de l'ouest libre, autonome et indépendante.

La volte-face politique et la conquête du pouvoir de Félix Houphouët-Boigny va peu à peu éteindre cet espoir et conditionner la pratique citoyenne ivoirienne.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon