Chapitre 1 : Etat de l'art et contexte de
l'étude
1.Objet de l'étude
A. La construction de la Citoyenneté en Europe et
en Afrique de l'ouest De la construction de la citoyenneté
occidentale
Selon Anicet Le Pors, la citoyenneté provient du terme
latin de « civitas ». Le citoyen se définit comme un
individu qui s'inscrit dans les finalités et les règles d'une
cité dont il dépend. Ainsi il dispose de prérogatives, de
droits et de devoirs inhérent à son « droit de cité
» (Le Pors, 2011).
La Grèce antique constitue le point de départ de
la construction de la citoyenneté des sociétés
occidentales, dont les valeurs, us et coutumes s'imposent comme paradigme
d'organisation civique et citoyenne dominant actuellement à
l'échelle mondiale. Cette notion de citoyenneté dans la
Grèce antique est incarnée par le terme « politeia
» définissant la citoyenneté par le prisme de la
communauté de citoyens et de ses règles constitutives.
La démocratie athénienne du
5ème siècle avant Jésus-Christ, est une
démocratie dite « directe » qui se fonde sur une
communauté de citoyens. Chaque citoyen peut participer aux
assemblées du peuple tenues sur l'Agora. Divers sujets
d'intérêts généraux tels que la guerre, les lois ou
encore les finances sont débattues et votées, à la
majorité des citoyens présents. Tous les citoyens, égaux,
peuvent prétendre à la magistrature, au gouvernement ou à
l'administration de la cité.
Les vertus de la démocratie athénienne, premier
modèle de démocratie sont cependant limitées. Elles ne
permettent qu'à un résident, de la cité sur dix
d'accéder au rang de citoyen. Les femmes, les métèques,
les étrangers et les esclaves sont exclus de la vie citoyenne.
La Rome républicaine permet à un plus grand
nombre d'habitant d'accéder à la citoyenneté. Cependant le
principe d'égalité inhérent à la citoyenneté
ne dépasse pas sa fonction juridique, en raison d'une
société oligarchique. Ainsi, les citoyens sont avant tout
identifiés pour être protégés. Pour la
majorité des citoyens, l'exercice de la citoyenneté est
assimilé au simple respect des lois. La gouvernance, l'administration et
la magistrature sont assurés par une aristocratie politique. Cette
« aristocratie » préempte la vie politique
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de la république romaine en rendant l'essentiel des
fonctions de gouvernance héréditaire, et ce, malgré la
contestation populaire. Face aux nombreux conflits d'intérêt que
cette concentration des pouvoirs (économique, politique et judiciaire)
entraîne, la République s'effondre pour laisser place à
l'Empire où le pouvoir effectif et la citoyenneté sont
distingués. Au sein de l'Empire Romain, l'accès au statut de
citoyen devient un instrument d'expansionnisme. Tout homme libre d'une province
conquise peut alors prétendre à la citoyenneté et à
une assimilation à l'empire. La citoyenneté romaine,
intégratrice mais inégalitaire s'inscrit comme l'opposé de
la citoyenneté grecque, qui était, exclusive mais fortement
égalitaire entre citoyens.
Le moyen-âge marque l'avènement du
féodalisme en Europe. Dans ce système, le bien commun est la
préoccupation du Prince. Les valeurs civiques sont alors
délaissées au profit de valeurs chrétiennes. Ainsi pendant
le millénaire du moyen-âge, le système politico-social
transforme la majorité de la population en sujet et non en citoyen.
Cependant, les valeurs de la citoyenneté ne
disparaissent pas totalement pendant cette période. Une partie de la
population du Tiers-état qui deviendra la bourgeoisie, en raison de sa
puissance économique parvient, au fil des années à obtenir
de nouveaux droits individuels et sociaux, qui la distingue des simples sujets.
Sur le plan philosophique des auteurs tels que Hobbes, Bodin ou encore
Machiavel contribuent à rationnaliser la pensée politique. Dans
leurs écrits, l'Homme est replacé au centre de la pensée
et de la cité à l'opposé de la doctrine dominante de Saint
Augustin où la cité de Dieu était supérieure
à la cité des Hommes.
Le travail de ces précédents auteurs permet
l'émergence d'auteurs comme Rousseau (Du Contrat Social) ou
Montesquieu (De l'esprit des lois) qui remettent en cause
l'absolutisme de la monarchie de droit divin. Ils considèrent la
volonté générale supérieure à la
volonté monarchique et souligne la nécessité d'un
développement de contre-pouvoirs. Ces postulats constituent le socle des
revendications qui aboutissent aux révolutions américaines et
françaises.
La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de
1789 et la constitution de 1793 sont les bases de la conception moderne de la
citoyenneté occidentale (Le Pors, 2011).
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De la construction de la citoyenneté en Afrique de
l'ouest
En Afrique de l'ouest, la construction de la
citoyenneté est tout autre. Elle est caractérisée par
trois périodes. La période coloniale marque une rupture
séparant un exercice de la citoyenneté que l'on qualifiera de
« précolonial » et une autre que l'on qualifiera de «
post-colonial ». Contrairement à la construction de la
citoyenneté européenne, il n'y a qu'une faible présence
d'éléments d'archives relatant de la période
précoloniale.
Globalement les sociétés d'Afrique de l'ouest
n'ont pas eu le même cheminement que les sociétés
européennes, qui ont pu, au fil de l'Histoire, parvenir à
consolider l'Etat-Nation.
L'État-nation est un concept théorique,
politique et historique, désignant la juxtaposition de l'Etat, en tant
qu'organisation politique et de la nation, c'est-à-dire des individus
qui se considèrent comme liés et appartenant à un
même groupe. C'est donc la concrétisation d'une notion d'ordre
identitaire et d'appartenance à un groupe, la nation, et une notion
d'ordre juridique, l'existence d'une souveraineté et d'une gouvernance
exercée par l'Etat et ses institutions politiques et administratives.
La gouvernance caractérise la manière
d'administrer et de gérer un territoire et ses citoyens. Celle-ci,
considérée comme vitale pour le devenir humain des
sociétés est sacralisée au sein des sociétés
ouest africaines précoloniales.
Selon Bruno Doti Sanou, la plupart des empires de
l'Antiquité et du Moyen-Âge établis en Afrique de l'ouest
ont pour doctrine de gouvernance la théocratie. Le souverain et son
gouvernement ne sont alors considérés que comme simple lieutenant
du pouvoir. L'autorité suprême est de Droit Divin. C'est en vertu
de cette théocratie qu'ils favorisent la décentralisation et
l'émergence d'institutions locales répondant aux besoins des
populations. Ces institutions locales disposant de marges de manoeuvre dans
l'application de la loi. Certaines autres sociétés africaines
expérimentent ainsi la théocratie pour permettre à chaque
communauté de s'organiser et de développer des initiatives
adaptées et appropriées à leurs besoins.
Les chasseurs fondateurs de l'empire du Mali disaient : «
Toute vie (humaine) est une vie. Il est vrai qu'une vie apparaît à
l'existence avant une autre vie, mais une vie n'est pas plus ancienne, plus
respectable qu'une autre vie, de même qu'une vie n'est pas
supérieure à
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une autre vie. » Afin d'éviter l'émergence
d'une dictature, le pouvoir du souverain est contrôlé et ses
décisions peuvent être contestées. Il s'agit de permettre
aux différentes catégories représentatives de la
société de participer au débat libre, à la gestion
et à la recherche des voies pour l'épanouissement
communautaire.
Des proverbes répandus en territoire mandé
soutiennent que : « Le chef qui refuse la contestation ne dit jamais la
vérité ; dire ensemble est une grâce, agir ensemble est une
grâce sans pareille » ou « aucun chef ne s'intronise
lui-même » ou encore « le pouvoir d'aucun chef n'est
éternel ». La gestion du pouvoir au sein des théocraties
ouest africaines est donc collégiale et oligarchique. Les institutions
de contrôle peuvent être un collège de sages, un
gouvernement, une femme (la reine mère dans les royaumes mossi ou la
soeur du chef (une forgeronne) dans certaines sociétés de l'Ouest
du Burkina, les griots, les forgerons, une assemblée de notables, les
responsables des classes d'initiations, etc.
Nous pouvons par exemple citer le « Mande Kalenkan
» encore appelé Charte du Mande ou Charte de Kurukanfuga
pour illustrer un exemple de conception d'« une citoyenneté
» en Afrique de l'Ouest.
La charte dit que :« L'homme en tant qu'individu fait
d'os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau couverte de poils et de
cheveux, se nourrit d'aliments et de boissons ; mais son « âme
», son esprit vit de trois choses : voir ce qu'il a envie de voir, dire ce
qu'il a envie de dire, et faire ce qu'il a envie de faire ; si une seule de ces
choses venait à manquer à l'âme humaine, elle en
souffrirait et s'étiolerait sûrement. En conséquence, les
chasseurs déclarent que : « chacun dispose désormais de sa
personne, chacun est libre de ses actes, chacun dispose désormais des
fruits de son travail. Tel est le serment du Mandé à l'adresse
des oreilles du monde entier. »
L'organisation des différents empires de la Boucle du
Niger, comme dans le royaume Mossi ou encore des
sociétés de l'ouest du Burkina Faso de l'époque repose
essentiellement sur une décentralisation du pouvoir et une participation
de chacun au développement de sa communauté. La charte du
Mande a ainsi développée les principes de
l'égalité de tous devant les coutumes de l'empire, de
l'altérité, de la liberté d'entreprise, de la
liberté d'association et de la liberté de parole et d'action des
contre-pouvoirs (SANOU,2010).
La période de la traite négrière vient
bouleverser les rapports entre les sociétés ouest africaine.
Certaines sociétés littorales vont s'enrichir par le trafic
d'esclaves et favoriser
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l'implantation européenne sur le continent contribuant
elle-même à l'essor du capitalisme industriel.
En parallèle de la traite négrière,
l'Etat-nation se construit en Europe à partir des territoires issus du
traité de Westphalie (1648), qui institue un ordre basé sur le
partage de l'identité religieuse du souverain d'un territoire
(catholique ou protestante) et de celle de ses sujets. Le système
féodal qui a renforcé les liens sociaux au sein des royaumes en
Europe, a laissé place à une territorialisation des
identités religieuses plus stable et de ce fait plus favorable à
la coexistence pacifique des peuples européens.
La conscience de l'appartenance à un peuple, à
une nation, prépare le terrain à l'avènement d'un nouveau
modèle qui s'est développé avec la modernité :
l'Etat-nation qui est associé à un territoire
délimité par des frontières linéaires
précises, cartographiées.
Les deux formes d'Etats antérieures sont les
cités-Etats, aux territoires limités à une ville et son
environnement rural proche, ou l'empire au territoire beaucoup plus vaste,
englobant plusieurs ethnies ou nations, aux limites zonales mal
définies, à l'image des marches. Ces deux types d'Etats plus
anciens sont caractérisés par la pluralité des
identités ethniques et/ou nationales, par un cosmopolitisme plus ou
moins développé, alors que l'Etat-nation est
caractérisé par une seule nation dominante, qui admet
éventuellement la coexistence à ses côtés d'autres
individus dotés ou non d'un statut et de droits particuliers.
La colonisation est inscrite dans un contexte,
d'émergence du capitalisme industriel, de rivalités et de
compétitions accrues entre les nations européennes. Lors du
« scramble for Africa » qui a pris fin lors de la conférence
de Berlin, l'Afrique est prospectée et partagée selon une logique
économique. Les critères, sociaux, ethnographique et historique
ont été relégué à la marge, ce qui n'a pas
été sans conséquences.
L'empire colonial français va imposer le modèle
de l'Etat aux sociétés autochtones de l'AOF (Afrique Occidentale
Française).
Un Etat présent et fort est mieux à même
de contrôler les velléités des indigènes et de les
rappeler à l'ordre préconçu par la métropole. C'est
selon cette logique que le concept de commandement est central dans le
vocabulaire colonial. En effet, les cercles, plus petite unité
d'administration coloniale, regroupent plusieurs cantons et villages qui sont
dirigés par un administrateur, le commandant de cercle, venu de
métropole. Pour neutraliser la
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gouvernance précoloniale, les chefs qui se sont
opposés à l'armée de conquête sont
déposés. Ensuite dans l'organisation de l'administration
coloniale est mis en place un nouvel échelon désacralisé,
celui du chef de canton qui assure le lien de transmission entre
l'administration coloniale et les indigènes. Les chefs de canton ont
été installés pour supplanter les chefs traditionnels
garant du pouvoir théocratique décentralisé.
Bien que des commissions municipales existent, le statut de
l'indigénat est un frein à la participation et à la prise
en compte des intérêts locaux. Seul quelques élites locales
peuvent accéder à un poste de gouvernance, sur
appréciation du pouvoir colonial. Ce sont ces élites qui prennent
le leadership des diverses luttes sociales menant aux indépendances.
Lorsque celles-ci sont acquises, le principe d'intangibilité des
frontières instaurés par la colonisation a été
immédiatement confirmé par l'ensemble des nouveaux Etats.
Le modèle de l'Etat-nation à la française
s'est alors diffusé dans la majorité des pays d'AOF. A la
différence des états européens dont les nations se sont
déterminées de manières endogènes, les nations
africaines, héritages de la colonisation, ne se sont pas
déterminés elles-mêmes. La colonisation française a
mené au recul voire à l'effacement de l'Histoire, de la
conception et de la pratique de la citoyenneté ouest africaine. Cette
citoyenneté est devenue, depuis les indépendances, un
syncrétisme entre les valeurs et pratiques des périodes
précoloniales et coloniales.
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B. Le cosmopolitisme et la citoyenneté
mondiale Genèse du cosmopolitisme
Pour Louis Lourmes, « les grandes découvertes
» européennes des XVe et XVIe siècles constituent une
rupture historique. La finitude du monde est enfin prouvée.
L'époque moderne est donc celle du monde fini. Cette finitude du monde,
alors intégrée dans les consciences individuelles, s'inscrit dans
la pratique politique.
L'acceptation d'un monde fini et limité, est une
étape décisive dans le rapport occidental au monde, à la
différence et à la morale. Les travaux de Paul Valéry
permettent de comprendre les conséquences de la disparition de la
terra incognita.
Cette terre inconnue dans la représentation
n'est pas seulement une « terre inconnue », mais une « terre
à conquérir » qui déclenche une féroce
concurrence entre les royaumes européens. Trois principales choses ont
changées à ce moment de l'Histoire : Dans son ensemble le monde
est connu, les distances à l'intérieur du monde sont
réduites et les décisions politiques autonomes ne sont plus
permises.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le postulat
concernant notre rapport au monde est le suivant : Nous ne savons pas tout de
celui-ci et de ce qu'il abrite mais nous en connaissons ses limites et ses
espaces.
Paul Valéry démontre dans ses travaux la
présence d'une période de prospection, qui s'achève avec
la fin de l'inventaire coloniale et une période de relation. Cette
période de relation est marquée par une réduction
géographique et un développement de l'interdépendance.
Deux villes comme Abidjan et Paris sont plus dépendantes et moins
éloignés l'une de l'autre qu'elles ne l'ont jamais
été.
Il ne s'agit pas ici de se méprendre à propos de
cette période de relation. Plus que consenti, on pourrait la qualifier
de contrainte. Tant que l'oekoumène1 était infini, il
était encore possible d'avoir le choix de la relation ou de l'absence de
relation, d'avoir des ennemis et des amis permanents, et d'anticiper les
relations sur le long terme.
1 Espace habitable de la surface terrestre ; ensemble des milieux
habités par l'être humain.
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Actuellement les individus n'ont plus le choix de la relation
et la multiplication des points de contact fait qu'il devient de plus en plus
délicat d'anticiper l'avenir. Le caractère inédit de notre
période vient donc de ce changement qui ne doit pas être compris
sous un angle seulement optimiste : la relation entre les peuples ou les
nations est contrainte par la finitude du monde et la croissance
démographique, et quasiment tous ne peuvent plus éviter d'entrer
en relation. (Valéry,1931)
Emmanuel Kant théorise dans Idée d'une
histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique, « l'insociable
sociabilité » de l'Homme. C'est l'insociabilité qui pousse
les individus à se répandre sur terre. Paradoxalement, cette
insociabilité, couplée à une sociabilité rendue
nécessaire par la géographie et l'instinct grégaire,
contraint les hommes à imaginer la forme que pourrait prendre une
rencontre pacifiée et un partage organisé du monde commun.
L'insociabilité dans un espace fini contraint donc les hommes à
organiser juridiquement leurs relations. (KANT,1784).
Le droit cosmopolitique
La théorie de l'insociable sociabilité
kantienne, est plus que jamais d'actualité, puisque nous sommes
passés durant cette période de 1 à 7 milliards d'habitants
sur un même espace fini. Il faut donc penser les conditions d'une
coexistence juridique, d'une vie réglée par autre chose que la
violence naturelle ou la volonté de domination. C'est l'objet du droit
cosmopolitique. C'est ce qui pourrait nous pousser à conclure que le
droit cosmopolitique ne s'inscrit pas à proprement parler dans une
philosophie historique, au terme de laquelle, évolution après
évolution, le droit se serait constitué mais plutôt dans
une philosophie géographique. On entend par ceci que si la terre n'avait
pas de limites, alors il n'y aurait aucune nécessité de
régler par le droit les relations humaines.
Deux concepts déterminent le « citoyen du monde
», la citoyenneté et le monde. Se considérer comme citoyen
du monde, c'est intégrer « le monde » comme un ensemble
unitaire où chaque peuple, chaque nation, chaque relation sont
interdépendant l'un de l'autre. Or, cette unité ne va pas de soi.
Il y a même une sorte de paradoxe dans le fait que, au moment où
l'on rencontre effectivement le monde, il semble impossible d'en penser
l'unité. L'Histoire du monde a souvent révélée des
crises de l'idéal cosmopolitique, bouleversé par l'extension de
l'oekoumène au fil de l'histoire. La découverte d'autres
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peuples et d'autres coutumes a pu historiquement s'accompagner
d'une mise en crise du concept de cosmopolitisme tant il a semblé
délicat de penser une unité de tous les Hommes au-dessus des si
nombreuses différences culturelles. Depuis la fin de la seconde guerre
mondiale le cosmopolitanisme existe politiquement.
Le cosmopolitanisme politique
Les États se trouvent aujourd'hui pris dans des liens
internationaux contraignants et se doivent d'intégrer les
échelons régionaux et mondiaux dans leurs stratégies de
gouvernance. La géopolitique mondiale s'est globalisée. Les
États souverains ne peuvent plus exercer leurs souverainetés de
la même façon qu'avant. Une « érosion » de
l'autonomie est ainsi observable. Ce recul de l'autonomie politique est
dû à plusieurs facteurs. Tout d'abord la présence d'une
gouvernance mondiale multicentrique, celle-ci induit une nouvelle pratique de
la souveraineté nationale. Les Etats ne gouvernent plus de
manière autonome ; ni pour ce qui relève de la politique
extérieure, ni même pour ce qui relève de la politique
intérieure traditionnellement considérée comme
étant le domaine exclusif de l'État. (Arichibugi,2009).
Les États ne sont plus les seuls centres de pouvoir
légitime à l'intérieur de leurs propres frontières
(Held,1997). Les organisations politiques mondiales tels que l'ONU,
transnationales, comme le FMI, la Banque mondiale ou l'OMC, et
régionales à l'instar de l'Union Européenne, ont un droit
de regard sur la politique intérieure des États membres ou des
États qu'ils aident. Ainsi les gouvernants ne peuvent plus, de fait, se
cacher derrière le concept de la souveraineté nationale pour
gouverner de manière exclusive. Plus qu'un droit de regard, ces
différentes structures disposent de pouvoirs coercitifs sur le
gouvernement intérieur d'un État particulier, puisque des
conditions d'entrée ou des conditions d'aide parfois très
contraignantes sont fixées et peuvent impacter l'exercice du pouvoir
politique ou la gestion économique. Les aides que peuvent apporter le
FMI ou la Banque mondiale sont conditionnées par certaines
prérogatives politiques et économiques directement liées
à la politique intérieure des États (Held, 2001).
Nous pouvons également remarquer une crise mondiale de
la démocratie due à l'inachèvement de la mise en oeuvre
d'une démocratie cosmopolitique. La difficulté que
révèle l'effectivité d'une démocratie
cosmopolitique est l'articulation entre des intérêts
supranationaux qui nécessiteraientt une gouvernance mondiale et des
intérêts locaux
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comme le renforcement du contrôle citoyen sur les
décisions politiques les impactant. Il semble en effet que les citoyens
des États du monde sont éloignés des prises de
décisions politiques importantes, à cause du réseau
complexe d'enchevêtrement d'organisations internationales et locales qui
participent à la gouvernance mondiale. Le contrôle et la
participation, caractéristiques des démocraties libérales,
semblent plus difficiles pour les citoyens (Lourmes,2014).
Cependant, le fait que l'exercice de la citoyenneté
démocratique soit plus complexe ne signifie pas nécessairement sa
disparation mais plutôt l'évolution de sa pratique. Prenons le cas
de l'Union Européenne (UE). Les institutions européennes reposent
sur une double légitimité, qui se traduit par la «
codécision » législative. Les lois y sont votées
à la fois par le Parlement, instance représentative des citoyens
européens, et par le Conseil des ministres instance
représentative des Etats. Il existe une démocratie sui
generis qui combine plusieurs types de représentation. La
représentation égale des citoyens et des États, la
représentation quasi directe par les élections au Parlement
européen et la représentation à l'indirecte. Les
Français sont ainsi représentés au Conseil européen
et au Conseil des ministres par le chef du gouvernement et les ministres qui
ont été élus nationalement et au parlement européen
par des députés européens élus au suffrage
universel direct. L'union européenne n'est pas représentative de
l'ensemble des organisations internationales, mais son exemple permet de
démontrer que la démocratie est exportable à d'autres
échelles que l'échelle nationale, et qu'elle ne peut pas
obéir aux mêmes procédures selon les échelles de
gouvernance où elle s'applique. La distinction de plus en plus difficile
des citoyens entre acteurs politiques et économiques vient s'ajouter
à la défiance des citoyens aux institutions et personnes
représentatives de leurs intérêts. Cette défiance a
pour effet un recul de la participation électorale et une montée
des extrémismes. (Ferry,2012)
La gouvernance mondiale, multi-acteurs, se pratique à
différentes échelles du local au global. Elle intègre des
États, des associations, des syndicats, des organisations
gouvernementales, des collectivités territoriales des entreprises
etc....Cependant ces acteurs sont confrontés au même
enchevêtrement de compétences et de responsabilités au sein
d'un réseau d'acteurs participant tous à la vie politique, qui se
densifie rapidement. Par voie de conséquence, cette juxtaposition de
compétences et de responsabilités aboutit
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à une complexification des mécanismes de
décision politique dont on peut remettre en cause l'efficacité et
la légitimité politique qui est régulièrement
questionnée.
Plusieurs points de rupture entre notre époque
contemporaine et ce qui la précède sont observable. Les individus
sont directement sujets du droit international, les mécanismes de prise
de décisions politiques sont internalisés dans de nombreux
domaines , les démocraties nationales ne sont plus
considérées comme ayant une faculté de décision
autonome face aux nouvelles dimensions de la sécurité
internationale , la globalisation des systèmes de communication facilite
la constitution de communautés de choix et affaiblit les
identités nationales ,et l'économie et les capacités de
décision des États nationaux ne coïncident plus. Nous
pouvons observer chacun de ces points à travers la mise en oeuvre du
développement.
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C. Le développement et la solidarité
internationale Le développement
« La course au développement » a eu
d'importantes répercussions sociales, économiques, climatiques et
environnementales auxquelles sont confrontés l'ensemble des Etats. Le
cosmopolitisme atteint donc son paroxysme. Les récentes crises
migratoires, qu'elles soient dues à la guerre, à
l'économie, au dérèglement climatique ou encore à
une épidémie sanitaire rappellent à l'ensemble de
l'humanité la finitude de l'oekoumène et la
nécessité de repenser notre modèle de
développement.
Le développement est un concept qui a été
introduit par le président Harry Truman en 1949. A travers son discours,
il distingue des Etats « développés » et des Etats
« sous-développés ». L'industrialisation et
l'achèvement de l'Etat-nation sont alors les principaux indicateurs de
développement d'un pays. Au moment de l'indépendance, la
Côte d'Ivoire, comme l'ensemble des anciennes colonies, débute sa
course au développement.
Bernard Bret définit le développement comme
l'amélioration des conditions et de la qualité de vie d'une
population, l'organisation sociale servant de cadre à la production du
bien-être. Il est à distinguer de la croissance économique
qui mesure la richesse produite par un Etat en une année et son
évolution d'une année à l'autre.
Le Produit Intérieur Brut (PIB) est l'indicateur de
référence de la croissance économique. Le PIB n'est
pourtant qu'un agrégat d'attributs économiques, qui ne permet pas
de mesurer les effets sociaux réels qu'une croissance économique
engendre. Il informe peu sur le niveau de vie et la qualité de vie. Le
développement peut contribuer à la croissance économique,
mais il n'est en aucun cas indispensable à cette dernière et
à contrario, il peut y avoir une forte croissance économique sans
création de développement, tout du moins sans amélioration
sociale.
On parle alors de croissance sans développement quand
la production de richesse ne s'accompagne pas de l'amélioration des
conditions de vie. Par opposition, la priorité donnée aux
productions les plus utiles et une plus grande équité dans la
distribution des biens produits améliore les conditions de vie des
populations et crée du développement et ce même sans
croissance économique.
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Le développement révèle ainsi la notion
de bien-être. L'Indicateur de Développement Humain (IDH)
considère que la qualité de la vie ne se réduit pas au
bien-être matériel et comprend aussi des valeurs telles que la
justice sociale, l'estime de soi et la qualité du lien social.
Ces trois valeurs constituent les bases du « pouvoir
d'agir », venant de l'anglais « empowerment ». Le pouvoir d'agir
désigne la capacité d'un individu ou d'un groupe à
décider pour lui de ce qui le concerne et à participer au
débat citoyen. En effet, le développement ne peut pas pleinement
se réaliser sans la participation des citoyens, c'est-à-dire sans
système démocratique. Il faut donc porter attention à la
possibilité effective que les personnes ont ou n'ont pas de
définir leur projet de vie et de conduire ce dernier en fonction des
conditions réelles qui leur sont imposées. Ces conditions
dépendent, certes, de ressources financières et
matérielles, mais aussi de données propres à chaque
individu, telles que la santé etc. mais aussi de données
relatives à l'organisation sociale et politique et la
représentation de la place de chacun au sein de la société
(SEN,1990). Le développement peut donc être apprécié
selon différents prismes qu'ils soient économiques, sociaux ou
politiques.
En définissant la « capabilité » par
le champ des possibilités qui s'offrent aux personnes et la
liberté qu'ont ces dernières de choisir, Amartya Sen affirme que
la liberté apparaît comme la fin ultime du développement.
La liberté apparaît comme le principal moyen de consolider le
développement car il peut être considéré comme un
processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les
individus. Les expériences historiques montrent d'ailleurs que les
systèmes autoritaires, dans l'économie de marché comme
dans l'économie planifiée, ont échoués. Qu'ils
aient ou non produit une croissance économique forte, les uns et les
autres ont dû se transformer et s'ouvrir à la démocratie
pour atteindre le développement.
Le développement transforme la planète depuis la
seconde Révolution industrielle du XIXème siècle. En
parallèle, il creuse les écarts entre les territoires et leurs
populations. Non seulement le développement n'a pas supprimé les
inégalités entre les Hommes, selon leurs origines, mais il les
accentue parfois voire en crée. L'opposition entre les pays
développés et les pays sous-développés,
révélé par le président Truman, repose
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néanmoins sur une base fragile, la faute à un
seuil entre les deux catégories, trop subjectif pour être
intangible.
Le développement a néanmoins pu être
considéré comme un phénomène historique,
linéaire et universel. L'économiste Eugen Rostow définit
l'histoire des peuples comme une succession de périodes où les
sociétés traditionnelles évoluent en
sociétés de consommation. Le décollage (take-off), est
l'élément qui déclenche le processus cumulatif de
production élargie, qui augmente et diversifie les biens consommables
par les hommes, augmentant de ce fait les niveaux de vie. Certains pays, comme
les Etats-Unis, ont entamés cette marche avant les autres, il
était donc cohérent avec cette lecture du passé
d'identifier la situation des pays pauvres comme un retard historique.
(ROSTOW,1963)
Il est plus convaincant de voir les inégalités
de développement à l'échelle mondiale comme le
résultat de relations asymétriques établies entre les pays
« développés » et ceux dits «
sous-développés » du fait de la domination que les premiers
ont fait subir aux seconds. La colonisation en est la forme la plus brutale,
sans être la seule. Le sous-développement résulte selon de
nombreux économistes tels que André Gunder Frank ou encore Celso
Furtado, de la dépendance à l'égard de l'extérieur.
Certains ont préféré parler de pays dominés ou de
pays exploités, plutôt que de pays
sous-développés.
L'espace-monde peut être considéré comme
un espace où les pays développés constituent un centre
exerçant une domination sur une «
périphérie » constituée par
les pays sous-développés (AMIN,1973). Les faits à
l'échelle mondiale confirment cette théorie de la
dépendance. Cependant elle doit être nuancée. Le couple
Centre-périphérie se vérifie à toutes les
échelles géographiques, aussi bien dans les pays dits
développés que dans ceux dits sous-développés. Il
est observable entre les régions, entre la ville et la campagne, entre
les quartiers d'une même ville.
La géographie allemande a précédé
Amin sur la relation centre-périphérie, comme le démontre
les travaux de Walter Christaller. Le géographe Alain Reynaud a
systématisé cette relation centre-périphérie dans
un modèle général qui offre une grille de lecture des
territoires à un moment donné autant que l'évolution de
leurs relations dans le temps, dans la perspective de la géohistoire.
Bien qu'à nuancer, la réflexion d'Amin a
révélé l'insuffisance de la terminologie du
développement. En effet, les inégalités ne sont
conséquence, ni d'un retard historique pris
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par certains territoires, ni de dysfonctionnements dans le
processus du développement. Elles sont la conséquence du
développement lui-même. On entend par cela qu'il bouleverse les
hiérarchies existantes, en créé d'autres, produit des
dépendances et des inégalités de nature sociale et
spatiale. L'inégalité est un élément constitutif du
développement, observable à toutes les échelles
géographiques et requérant donc une analyse géographique
à plusieurs échelles. Si on admet l'idée que le
développement comporte inévitablement une référence
à la justice, et que l'on admet également que le
développement est inévitablement inégal, nous pouvons
alors nous interroger sur la nature des conditions à remplir pour rendre
compatible ces deux affirmations.
Après les économistes, les géographes ont
investi le champ du développement. Le développement s'exprime en
effet dans l'organisation des territoires en ce qui concerne les conditions de
vie des populations, l'urbanisation, la densité et la configuration des
réseaux de circulation, la distribution des équipements publics,
l'intensité des activités économiques, la
répartition des pouvoirs décisionnels, les asymétries de
flux etc. L'approche géographique des territoires permet de remarquer la
distinction faite initialement entre croissance économique et
développement, et d'opposer ce qui est croissance économique
extravertie et développement autocentré.
La première, pierre angulaire de la globalisation
Saskia Sassen, désigne une croissance économique orientée
vers l'extérieur et dans la dépendance de l'extérieur. Ses
activités, et donc ses emplois, relèvent de décisions
prises ailleurs et pensées pour servir d'abord des intérêts
extérieurs. Les retombées à en attendre sont donc
limitées et souvent ambiguës. L'économie de plantation et
l'extraction minérale en Côte d'Ivoire en sont de parfaits
exemples. Elles sont majoritairement opérées par des firmes
étrangères versant des salaires faibles et contrôlant assez
les marchés internationaux pour maintenir les cours à un bas
niveau (SASSEN,1988).
Un développement est dit « autocentré
» quand la croissance économique est au service des populations du
territoire dont provient cette croissance. La dynamique sociale des populations
s'inscrit alors dans un rapport de forces favorable avec les
intérêts extérieurs.
La politique de décentralisation de la France a
favorisé l'émergence des collectivités territoriales.
Celles-ci sont en charge de l'articulation entre intérêts locaux
et intérêts globaux. Ce questionnement sur l'articulation de la
société « du local au global » est la
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conséquence de citoyens qui sont de plus en plus en
demande d'initiatives de développement autocentrées. Cela en
vertus du fait qu'elles sont, plus à « l'échelle humaine
», moins injustes économiquement à l'échelle du monde
et moins dégradantes pour l'environnement.
Les dégradations que le développement peut faire
subir aux équilibres naturels ont longtemps été
ignorées parce que la nature avait une capacité de
résistance et de résilience suffisante. Mais nous connaissons
actuellement la crise des relations Sociétés-Nature, qui ont
permis l'émergence du concept de développement durable.
Ce terme est utilisé largement, par les
géographes comme par les écologistes, les économistes et
les sociologues. Il s'est imposé dans le langage courant. Le
développement durable est avant tout un développement viable sur
le plan économique, qui se veut équitable sur le plan social et
durable sur le plan environnemental. Ces trois piliers du développement
durable sont indissociables, mais ils ne peuvent s'articuler les uns avec les
autres que si le contexte démocratique et citoyen les met en
cohérence et leur donne une efficacité systémique.
La viabilité économique est nécessaire
pour produire le bien-être matériel. L'équité
sociale est nécessaire pour la qualité de vie de tous. La
durabilité environnementale est nécessaire dans
l'intérêt des générations futures. Inscrite dans le
processus de développement, elle ne peut signifier la conservation en
l'état de l'existant, mais elle implique que l'environnement
légué aux générations futures donne à
celles-ci les conditions pour penser et réaliser leur propre
développement.
Les trois piliers du développement durable que sont
l'environnement, l'économie et le social, ne sont donc pas des
contraintes qui, chacune, devrait limiter ses ambitions pour ne pas
ébranler les deux autres. Il ne s'agit pas de brider le
développement pour ne pas agresser la nature, ni d'être timide en
matière de justice sociale pour ne pas gêner l'économie,
mais d'inventer un mode de développement où chacune des
dimensions constitue un atout pour le système d'ensemble.
Ainsi pensé, le développement durable est un
objectif difficile que certains jugeront utopique. N'est-ce pas parce que le
développement lui-même est une utopie ? Le développement
est un processus de progrès de la qualité de la vie à qui
il serait arbitraire de fixer un terme, mais auquel il est nécessaire de
fixer un cap (Bret,2006).
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La Solidarité Internationale
Un des corolaires du développement de Truman est le
devoir de solidarité des nations développés envers les
nations sous-développés. La Solidarité Internationale se
définit comme l'ensemble des initiatives qui permettent, l'éveil
des consciences des citoyens au sujet des inégalités ou
injustices entre pays ou entre un pays et des entités d'autres pays, ou
entre les individus d'un pays..., de permettre à chacun de comprendre
les causes de ces injustices afin de, tant que possible, agir manière
solidaire pour les combattre ou les résoudre. On peut distinguer deux
types de pratiques de la Solidarité Internationale. Une pratique
politique voir géopolitique illustrée par la création
d'organismes internationaux (FMI, Banque Mondiale, ONU, etc...), la mise en
place par les Etats d'une Aide Publique au Développement et
d'entités paraétatique (Agence Française de
Développement). Mais également une pratique citoyenne
illustrée par l'essor des ONG depuis 1945.
Le terme Organisation Non Gouvernementale (ONG) est née
de l'article 71 du chapitre 10 de la Charte des Nations Unies qui donne un
rôle consultatif à des organisations ne faisant pas partie d'un
gouvernement. La première définition du terme ONG voit le jour
dans la résolution 288 du Conseil économique et social des
Nations Unies : ainsi une ONG est « une organisation internationale qui
n'est pas fondée par un traité international ».
La pratique citoyenne de la Solidarité Internationale a
évolué au cours du temps. De la fin de la Seconde Guerre mondiale
jusque dans les années 60, la Solidarité Internationale a
été essentiellement motivé par « Charité
Chrétienne ». On peut citer l'exemple de l'Association Care qui a
été fondée par des Européens immigrés aux
Etats-Unis et des Américains afin de venir en aide aux populations
européennes sinistrées ou du Comité Catholique Contre la
Faim et pour le Développement (aujourd'hui CCFD-Terre Solidaire)
première ONG française de développement.
C'est après la décolonisation que les ONG ne se
sont plus seulement focalisées sur les victimes de guerre mais ont
commencées à participer au développement des
sociétés du « Tiers-monde », ce qui marqua
l'émergence de l'Aide au Développement. Les conflits
sécessionnistes du Biafra (1968) et du Bangladesh (1970), ont fait
émerger le Sans frontiérisme, avec des structures tels que
Médecins sans Frontières. Il y a eu à partir des 80 une
émergence des ONG dans les pays dit « du Sud », notion qui a
remplacé celle de pays du « Tiers-monde » et de pays «
sous-développés ».
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Cette émergence révèle la prise de
conscience des populations bénéficiaires de l'Aide au
Développement de la nécessité de passer de simple
bénéficiaire à partie prenante de leur
développement. La conséquence de ce changement de
mentalité transforme les relations de coopération entre acteurs
mais également entre Etats. La politique de décentralisation a
permis l'émergence des collectivités territoriales. Des
coopérations décentralisées sont nées de
l'autonomie financière accru des collectivités territoriales et
de la multiplication des actions de la part de citoyens et d'ONG
dépendant de ces collectivités en Europe comme en Afrique de
l'ouest.
Depuis les années 1990 et l'avènement de
l'Altermondialisme, le nombre d'acteurs et d'actions de Solidarité
Internationale a augmenté et a complexifié la pratique de la
cette dernière. L'émergence de la société civile et
l'accélération de la décentralisation a transformé
la pratique du développement jusqu'alors domaine exclusif de l'Etat en
Afrique de l'ouest. Cette société civile, en transcendant sa
seule vocation de contrepouvoir s'est muée en acteur majeur du
développement. Connaissant le potentiel et les limites de son continent,
elle milite en faveur d'un renouveau des relations entre l'Afrique et le reste
du monde. Son action suit donc deux logiques. La première dite «
up-down », mène à l'action politique. Ce n'est qu'avec un
renouveau politique en rupture avec le passé que l'Afrique pourra se
développer. Cependant, ce renouveau politique est sine qua non
d'un renouveau de pratique de la citoyenneté.
La seconde logique dite « bottom-up » mène
à l'initiative citoyenne et à la multiplication de projets de
développement menés localement afin de sensibiliser les
populations et transformer les mentalités et pratiques.
Les dynamiques associatives bénévoles
françaises et ivoiriennes sont croisées. Vieillissantes en
France, elles peinent à se renouveler et à attirer. Un
décalage d'approches et de pratiques, existe entre « une ancienne
» et « une nouvelle génération ». La
technocratisation de la Solidarité Internationale, illustrée par
les appels à projets, a précipité la professionnalisation
du milieu associatif. En Afrique, les acteurs associatifs, à l'image de
la population, sont majoritairement jeunes, volontaires, éduqués
mais non qualifiés en ce qui concerne la coopération
internationale et la gestion de projet de Solidarité Internationale.
Dans le souci de s'inscrire dans une logique de transfert de
compétences, étape indispensable à l'autonomisation et la
pérennité des projets plus que
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d'assistanat, considérée néocoloniale de
la part de la nouvelle génération d'acteurs, les acteurs
associatifs ouest africain collaborent de plus en plus avec des professionnels
de la Solidarité Internationale.
Nous avons vu que la construction de l'exercice citoyen est le
résultat d'un long processus. A l'échelle du monde, il a
été conditionné par la représentation et la
pratique du cosmopolitanisme. De la part des nations, à travers
l'établissement d'un cosmopolitisme politique qui régule les
relations internationales mais également de la part des individus,
traduit par l'émergence de la Citoyenneté Mondiale. Si
l'avènement du développement marque l'acceptation d'un droit
inaliénable des populations au bien être, le développement
durable rappelle à l'humanité la finitude de l'oekoumène.
C'est dans ce contexte que la Côte d'Ivoire, indépendante depuis
1960 poursuit sa construction démocratique et citoyenne. Avec une
population jeune, à prédominance rurale, l'enjeu de la
transformation des mentalités et des pratiques en vue d'un
développement durable apparaissent cruciaux, tant l'impact du
dérèglement climatiques pourrait être désastreux
pour ce pays qui panse encore les vives plaies de sa douloureuse construction
identitaire.
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D. La société civile ivoirienne
D'une définition de la société civile
ivoirienne
René Otayek met en avant que l'émergence de la
société civile, à partir de 1990 en Côte d'ivoire et
plus globalement en Afrique de l'ouest témoigne du démarrage d'un
processus de transition démocratique au sein des pays d'Afrique
francophone. Cette émergence de la société civile
révèle également une problématique relative
à son analyse politique, dans la mesure où sa définition
trop large permet encore son instrumentalisation politique.
Comprendre la nature et le fonctionnement de la
société civile d'un pays ouest africain tel que la Côte
d'ivoire permet de mieux appréhender la question des changements
politiques que l'Afrique connaît depuis une trentaine d'années
maintenant. Elle est donc à mettre en corrélation avec la
problématique anti-autoritaire et la remise en cause quasi-universelle
des modes de régulation politiques caractérisés par la
prééminence absolue de l'Etat. Tel est le cas en Côte
d'ivoire où la rhétorique de la société civile
s'impose avec d'autant plus de vigueur qu'elle s'articule autour de
l'idée que la société civile a un rôle majeur
à jouer dans la démocratisation et le développement
économique du pays libéré depuis 1990 du joug du parti
unique.
Aussi populaire qu'imprécis, le concept de
société civile est un concept « vénérable
» mais « fuyant » (C. Young, 1994), « ambigu » (V.
Pérez-Diaz,1993), « gadget » (D. Lochak, 1986) voire «
mythique » (J.-J. Chevallier,1986). Nous sommes face à un concept
éminemment polysémique dont la difficulté de
définition est compensée par la richesse et la complexité
de la généalogie scientifique (Otayek,2009).
Comme Seligman nous admettons que l'idée de
société civile se réfère à celle de
civilité. Celle-ci, au coeur des relations sociales implique l'existence
d'une vision éthique de l'ordre social et de l'harmonisation entre
intérêts individuels et bien commun, partagée par
l'ensemble des individus d'une société (Seligman, 1992).
L'imprécision de ce concept favorise la remise en cause
de sa pertinence en tant qu'outil d'analyse des processus de transition et de
consolidation démocratique engagés en Côte d'ivoire, dans
la mesure où son instrumentalisation politique rend difficile la lecture
claire des relations entre acteurs de la gouvernance. Alors que le monde
plébiscite l'émergence
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d'une société civile internationale, figure
vertueuse de l'opposition altermondialiste à la mondialisation
libérale, la méfiance caractérise la relation des
ivoiriens à la société civile.
La société civile ivoirienne peut être
analysée selon deux conceptions opposées. La première,
contractuelle, identifie la société civile à l'Etat, y
voyant l'élément autorisant la distinction entre la
société politique organisée et l'état de nature.
C'est la conception des philosophes du 18ème siècle. La seconde,
repose sur une opposition entre l'Etat et la société et entre
intérêts publics et privés incarnés par l'opposition
entre doctrines libérales et marxistes (Otayek,2009).
Pour les libéraux, la société civile
constitue l'espace d'harmonisation des intérêts privés, sur
la base d'un contrat social excluant par principe l'intervention d'un Etat qui
se poserait comme le garant du bien commun. Pour les marxistes, il y a
inéluctablement opposition, mais entre dominants - qui contrôlent
l'Etat et les moyens de production - et dominés. La production
contemporaine de la société civile renvoie ainsi à trois
ordres de critiques : celui du marxisme, celui de la nature et du culte de
l'Etat, et celui du totalitarisme, tel qu'il s'exprime à partir des
années 1970 (M.Offerlé, 2003).
Paradoxalement l'émergence de la société
civile est étroitement liée à la montée de
l'individualisme dans la société ivoirienne dans la mesure
où sans l'affirmation d'une citoyenneté « libre et
égalitaire » symbole de la primauté de
l'intérêt individuel sur l'intérêt collectif, son
existence est difficile à concevoir (A. Seligman,1992).
Bernard Badié souligne que cette individualisation de
la société a pour conséquence de modifier les pratiques
sociales. La Côte d'ivoire vit actuellement une période de
transition où les liens sociaux fonctionnels tels que les relations
entretenues dans l'espace public supplantent peu à peu les liens de
solidarités « mécaniques », inhérents aux
relations de filiations ethniques et familiales, héritages de la
société précoloniale. Cette représentation nouvelle
de la pratique sociale, vient bouleverser la culture politique et civique
ivoirienne, où intérêts publics et privés
s'amalgament encore trop souvent (B. Badie,1992).
L'émergence de la société civile
ivoirienne à partir des années 1990, est en définitive
à mettre en corrélation avec la fin du totalitarisme «
houphouëtien » qui a permis dès lors l'espérance d'un
idéal de société s'appuyant sur la distinction du public
et du privée,
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l'individualisation des relations sociales et la
primauté des solidarités horizontales sur les allégeances
verticales.
Si l'on considère l'association comme la condition
sine qua non de l'existence de la société civile, on
peut néanmoins se questionner si son existence induit de fait de
l'existence d'une société civile « politisée »,
et de ce fait de la culture démocratique en Côte d'Ivoire. La
question est importante, en particulier au regard des thèses de R.
Putnam (1993, 1995) sur le « capital social ».
Le capital social peut être défini comme un stock
de ressources sociales (confiance, normes de réciprocité
généralisée, engagement civique) ayant le pouvoir de
faciliter la coopération, donc de renforcer l'efficacité de
l'action collective et de la participation citoyenne, et de favoriser ainsi la
régulation démocratique. On peut donc affirmer que plus une
société coopère, plus conséquent est le capital
social et plus la démocratie a de chances d'être effective
(Otayek,2009).
Pour Michel Camau, si les associations constitutives de la
société civile n'entrent pas dans un processus de politisation,
leurs actions ne saurait engendrer d'« investissement démocratique
» des citoyens comme des dirigeants politiques. En Côte d'ivoire,
les associations ne se donnent pas toujours des objectifs civiques ou
d'intérêt collectif et sont susceptibles de servir des
intérêts privés. Leur contribution au développement
d'une culture démocratique est donc loin d'être toujours
avérée (Camau,2002).
Les associations ivoiriennes, dont les fonctions principales
ont été en premier ressort les entraides ethniques et
communautaires ont pu être instrumentalisées comme « fusible
» permettant d'éluder toute contestation politique sérieuse.
Plusieurs Etats autoritaires subsahariens ont également entrepris
d'instrumentaliser la société civile, non sans succès, la
vigueur du principe associatif témoignant de l'incomplétude de la
domination étatique. La critique du culturalisme absolu serait
incomplète si la problématique de l'individualisation
posée par Seligman, sans laquelle l'existence de la
société civile était impossible dans les
sociétés holistes subsahariennes n'est pas mentionnée
(Otayek, 2009).
Pourtant, les recherches anthropologiques les plus
récentes tendent à nuancer très sensiblement notre
perception de ces sociétés, en y identifiant des processus
multiformes
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d'individualisation, en particulier dans les milieux urbains
(Marie, 1997). La thèse centrale qui oriente ces recherches est que les
différentes crises économiques qu'ont traversé les Etats
africains ont jusqu'ici profondément déstabilisées les
systèmes communautaires de solidarité tout en fragilisant les
réseaux clientélistes qui permettaient une certaine
redistribution.
On assisterait donc, en réaction, à l'amorce
d'un processus d'individualisation dont témoigneraient l'explosion du
secteur informel, la généralisation des « petits boulots
», la montée de la criminalité ou la multiplication des
dissidences religieuses, en rupture avec l'ordre traditionnel. Mais les auteurs
de ces recherches anthropologiques n'assimilent pas ces processus à ceux
qui ont mené à l'émergence de l'individu en Occident. Ils
préfèrent plutôt parler d'une trajectoire africaine en la
matière, fruit d'un compromis dynamique entre l'individualisation
subjective et la recomposition des solidarités communautaires.
On peut d'avantage relativiser la thèse de Seligman,
pour autant qu'on la mette en perspective avec l'hypothèse de Christophe
Jaffrelot selon laquelle l'émergence d'une société civile
et de la démocratie dans les sociétés prétendument
holistiques est susceptible de se réaliser au travers de la
capacité des groupes « organiques » à s'organiser en
politique. L'ethnie, la caste ou encore la tribu semblent donc être le
cadre structurant d'une société civile non-individualiste, le
groupe faisant fonction d'individu collectif au sein duquel s'exprimeraient les
stratégies individuelles (Otayek,2009).
Fondement de l'action de la société civile
ivoirienne
L'entrée de la Côte d'ivoire en situation de
crise politique a manifestement surpris la communauté internationale. La
locomotive d'Afrique de l'Ouest, le modèle économique gagnant et
le bon exemple d'intégration sociale se sont effondrés le 24
décembre 1999. Si avant cela le développement du pays est surtout
une question d'investissements dans de grandes infrastructures,
désormais les problématiques sont plus celles de situations de
sous-développement assez aigues. Que ce soit dans les quartiers
populaires caractérisés par un habitat toujours plus informel
où l'accès aux services de base est presque impossible (eau
potable, assainissement, santé, éducation, etc.) ou en milieu
rural. Pour la première fois depuis des décennies la
pauvreté se généralise non seulement dans le Nord du pays
mais aussi dans les régions plus développées du Sud.
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L'enquête concernant le niveau de vie des
ménages, conduite par l'Institut National de la Statistique de
Côte d'ivoire en 2008, donne des indications précises relatives
à l'évolution des dépenses de ménage ainsi qu'aux
structures de la pauvreté en Côte d'Ivoire. Elle a servi à
la préparation du Document de Stratégie de la Relance du
Développement et de Réduction de la Pauvreté (DSRP).
Une comparaison des résultats des enquêtes 2002
et 2008 sur les dépenses des ménages, permet de constater une
baisse de 25 % de ces dépenses entre ces deux dates passant de 461 243
FCFA (704€) en 2002 à 342 730 FCFA (523€) en 2008 et à
laquelle il convient d'ajouter l'impact de l'inflation entraînant une
baisse du pouvoir d'achat réel de 45 % en moyenne et conduisant
près de la moitié de la population au-dessous du seuil de
pauvreté soit 220 000 FCFA (336€) par personne et par an en
2008/2009 (Floridi et Verdecchia,2010).
Si la dépense moyenne annuelle par individu
était de 342 730 FCA (523€) en 2008, des écarts importants
existent cependant entre les différentes zones du pays allant de 191.540
FCFA (292€) dans la zone Nord à 561 575 F CFA (857€) à
Abidjan.
La décennie de crise (2002-2011) traversée par
le pays est donc marquée par l'augmentation du nombre de pauvres (38,4 %
de la population totale en 2002 ; 48,9% en 2008) mais s'inscrit cependant dans
une tendance lourde constatée depuis plusieurs décennies puisque
ce taux n'était que de 10 % en 1985.
Pour la période 2002-2008 la pauvreté rurale
représente le double de celle en zone urbaine et a très fortement
augmentée dans le Centre-Nord, le Nord, et dans une moindre mesure dans
le Centre-Ouest, le Centre et le Sud.
Ce sont bien les Ivoiriens comme les partenaires techniques et
financiers actifs dans le cadre de la coopération au
développement qui ont été désorientés par ce
processus de dégradation rapide. L'approche de la sortie de crise
adoptée à partir de 2003 est celle de l'urgence où les
protagonistes principaux sont les acteurs internationaux
spécialisés dans l'action humanitaire. Malheureusement, il
apparait clair que l'on peut qualifier leur réaction de « partielle
» tant l'approche et la posture des acteurs internationaux
spécialistes de l'humanitaire ont été celles de l'urgence
et non du développement.
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Avec l'installation longue de la crise, ce sont donc les
logiques et approches humanitaires qui ont prévalues avec des
conséquences négatives sur le fonctionnement des Organisation de
la Société Civile (OSC) ivoiriennes existantes à
l'époque et avec une très forte influence sur la dynamique plus
générale de la société civile.
Bien évidemment l'approche humanitaire n'est pas
négative en soi mais elle n'a de sens que dans le court terme. Si une
telle approche est perpétuée dans le temps, le risque est
d'alimenter un cercle vicieux qui éloigne toujours plus la
possibilité d'inventer le futur et de résoudre les
problèmes structuraux, tant sur les plans économiques, politiques
et sociaux, et donc d'agir dans une optique de moyen et long terme.
En d'autres termes, les logiques et les approches humanitaires
adoptées dans un contexte d'urgence, peuvent augmenter davantage
l'urgence si elles inspirent le seul mode opératoire possible des
propositions techniques et financières. C'est justement le cas de la
Côte d'Ivoire où l'urgence est devenue pérenne
également parce que les outils pour la combattre en
réalité ne font que la reproduire. Finalement, le cercle vicieux
s'instaure et le court terme s'impose comme le seul contexte qui justifie
l'intervention extérieure.
Dans ce cadre, le risque est que la sortie de la crise soit le
seul univers sémantique possible pour agir dans une temporalité
où imaginer ce qu'il y a au-delà de la crise devient impossible
simplement parce qu'une génération entière n'a vécu
que dans cette condition de « pérenne urgence ». Certes, il
est difficile d'imaginer que des partenaires techniques et financiers puissent
agir et investir dans un pays dont le présent est désormais
cristallisé et le futur incertain. Cela produit un bouleversement non
seulement de la manière de concevoir la solidarité internationale
mais aussi du rôle de la société civile et de ses
organisations (Floridi et Verdecchia,2010).
En effet, trop souvent les partenaires techniques et
financiers, plus spécifiquement les ONG internationales
considèrent les OSC ivoiriennes comme des prestataires de services. Au
lieu de les accompagner ou d'accompagner les processus sociaux dans lesquels
elles s'inscrivent dans la perspective de valoriser leur rôle d'acteur de
développement, on « achète » simplement leurs
activités selon des directives et des choix qui sont faits ailleurs.
Dans ce contexte de crise pérenne, les bailleurs interviennent souvent
sur des problèmes très ponctuels selon la logique de l'urgence
sans pour autant jamais intervenir sur les
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racines de ces problèmes. C'est le cas, par exemple, de
l'enfance abandonnée qui fait l'objet de plusieurs interventions de la
part d'organisations et ONG internationales ou celui du SIDA qui est devenu un
des secteurs de l'urgence le plus « économiquement rentable »
pour les OSC ivoiriennes.
Dans ce cadre, il n'est pas étonnant que des
coopérations bilatérales, comme celle de la France, optent pour
une forme d'attentisme en évitant d'appuyer les acteurs de la
société civile qui pourraient s'avérer fondamentaux pour
la sortie de la crise et l'avenir du pays et ouvrent un guichet pour financer
des petits projets dont la logique et l'efficacité restent à
prouver.
Ce n'est pas étonnant non plus que la GIZ (agence
allemande de la coopération internationale) pour ses projets et actions
de coopération, surtout dans le domaine de la justice,
préfère la collaboration avec le secteur privé y compris
les bureaux d'études ou les associations professionnelles de magistrats
et d'avocats, car il est plus « motivé » que la
société civile qui en réalité serait, hormis
quelques exceptions, « léthargique ».
Par ailleurs il est intéressant de noter que la GIZ est
parmi les rares acteurs qui ont refusés l'approche de l'urgence et de
l'humanitaire et qui travaillent exclusivement dans une optique de
développement. En réalité à la base du comportement
des bailleurs il y a toujours la même attitude : vivre dans l'attente que
le pays sorte de sa crise sans pour autant s'attaquer véritablement aux
causes profondes qui sont à son origine. Impliquer des acteurs qui
pourraient assurer, comme la société civile, le saut qualitatif
nécessaire dans l'exercice difficile du dialogue social et politique
devient une entreprise impossible si l'on reste dans l'univers
sémantique de l'humanitaire. Et ce, surtout parce que les acteurs de la
société civile ne sont plus légitimés ni
motivés à exercer leur rôle d'acteurs de
développement.
Sortir de la crise c'est donc avant tout sortir de la logique
de sortie de crise tout en commençant à imaginer le futur et
à ce qu'il y aura au-delà du mur de cette crise qui peut sembler
infinie lorsque qu'elle atteint son paroxysme. En d'autres termes, il faut
commencer à « sortir de la sortie de crise » et à
considérer cela non comme la seule prérogative du pouvoir
politique ou des institutions mais surtout comme une aptitude de la
société ivoirienne toute entière, et notamment de la
société civile.
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Pour ce faire il faut que l'énergie sociale des
Ivoiriens soit canalisée sur des objectifs qui puissent aller aussi
au-delà des simples mais non moins difficiles « élections
démocratiques et apaisées » et qui puissent investir la
possibilité même d'imaginer le futur et les solutions pour y
arriver. C'est justement le rôle qui incombe à la
société civile et surtout à ses organisations collectives,
de celles qui sont actives au niveau de la base dans les villages et les
quartiers du pays jusqu'aux organisations faîtières.
En somme, il s'agit de faire en sorte que les organisations de
la société civile puissent canaliser cette énergie sociale
vers les objectifs du développement du pays selon une perspective de
dialogue social et politique avec les autres acteurs. Dans ce sens il faut que
les organisations de la société civile aient le courage et la
détermination d'affirmer que leur rôle ne peut pas être
cloué uniquement à la prestation de services, comme
malheureusement la tendance et l'approche de bon nombre des partenaires
techniques et financiers induisent.
En effet, la société civile a aussi une autre
fonction fondamentale : être un acteur de dialogue sur les politiques et
les stratégies nationales et sectorielles de développement. Pour
ce faire les organisations collectives de la société civile qui
ont une orientation à la responsabilité sociale et qui agissent
selon la perspective de l'intérêt collectif, doivent commencer
à s'intéresser à leur investissement au sein d'un espace
public qui doit tout d'abord être construit et ensuite géré
avec toutes les autres familles d'acteurs, étatiques et non
étatiques (Floridi et Verdecchia,2010).
De la typologie de la société civile
ivoirienne
La société civile ivoirienne est composée
de l'ensemble des acteurs collectifs qui agissent au niveau local,
régional ou national et qui sont porteurs d'une orientation à la
responsabilité sociale. Ces acteurs de la société civile,
dans ces conditions, expriment une intentionnalité et opèrent en
faveur du développement social et économique de leur propre
territoire, dans l'intérêt général, souvent à
travers la production de biens ou de services d'intérêt public, en
concertation avec les acteurs publics compétents.
Pour définir une typologie des dynamiques de la
société civile ivoirienne nous nous appuierons sur une analyse
différenciée selon 4 niveaux d'analyses qui définissent
quatre types de structure couramment utilisés par les chercheurs et les
experts en mouvements
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associatifs. Cette typologie suggérée
également par le « Manuel à l'usage des acteurs non
étatiques » promu par le Secrétariat Afrique caraïbes
Pacifique (ACP), permet en outre d'éviter toute confusion sur le
rôle et le positionnement de chacun des acteurs présents au sein
de la société d'un pays, mais aussi d'éviter la mise en
concurrence entre acteurs qui ne peuvent pas partager le même point de
départ. En effet, les valeurs, la mission des organisations, les
compétences techniques, le fonctionnement et le leadership d'un acteur
de base ne peuvent pas être comparés avec ceux d'une organisation
faîtière de niveau supérieur même s'ils agissent dans
le même secteur ou domaine d'activités.
Figure 2: Typologie des acteurs de la société
civile ivoirienne (UE,2010)
Notre typologie se base sur quatre niveaux d'analyse (ou de
structuration) qui sont présentés dans la figure ci-dessus. Dans
cette figure, chacune des 4 grandes flèches reportées dans la
colonne gauche représente un des 4 niveaux de structuration des acteurs
non étatiques, à savoir (du haut vers le bas) : les organisations
faîtières de 4ème
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niveau ; les organisations faîtières de
3ème niveau ; les organisations intermédiaires et
d'accompagnement ; et les organisations de base.
Les organisations de bases
Les organisations de base regroupent les coopératives,
les organisations socio-économiques, les syndicats de paysans, les
associations féminines, de jeunes, culturelles, sportives, groupements
d'intérêt commun, etc. Constituées en milieu rural et
urbain, sous l'initiative d'un groupe de personnes qui s'associent pour
proposer des solutions conjointes à des problèmes du contexte
local immédiat, défendre leurs droits ou améliorer leurs
conditions de vie et d'accès aux services publics (santé,
éducation, etc.).
De manière générale, les organisations de
base semblent disposer d'un fort potentiel dans la recherche de solutions
« collectivisées » aux nombreux problèmes posés
par un contexte difficile, tant sur le plan de la pauvreté que de
façon générale sur des problématiques politiques,
sociales voire aussi sécuritaires, que la Côte d'Ivoire connait
depuis quelques années (Floridi et Verdecchia,2010).
En première analyse, bon nombre de ces organisations
dont l'origine se trouve dans la tentative de faire face à une crise
qui, au niveau de certaines régions a été et continue
à être, assez critique. En effet, même là où
l'environnement semble favorable pour les activités du secteur primaire,
et notamment pour l'agriculture, ce sont l'accès aux services basiques,
en particulier la santé et l'éducation ainsi que
l'écoulement et la commercialisation de produits divers qui
représentent autant d'entraves au développement de ces zones et
ce également du fait de la situation déficitaire sur le plan de
la sécurité.
En réalité, les organisations de base
n'échappent pas à la logique de la « sortie de crise »
que nous évoquons depuis le début de notre propos. Au nom de
laquelle les dynamiques sociales y compris à la base, semblent avoir
pris une autre trajectoire, plus précisément celle liée
aux logiques de l'intervention humanitaire. Cela semble assez évident
à l'analyse du comportement des organisations de base autour de 5 axes
fondamentaux ou variables tels que :
·
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La mission
· Le processus d'institutionnalisation et la
consolidation
· L'ouverture de l'organisation vers l'extérieur
· Le système de financement
· Les besoins en renforcement de capacités
Le premier élément à prendre en compte
est l'information relative à l'année de création des
organisations de base. En effet, bien que certaines organisations soient
nées avant le début de la crise on remarque qu'à partir de
2004, nous avons une importante croissance du nombre de création
d'associations.
Contrairement aux autres pays de la sous-région, en
Côte d'Ivoire la création des organisations de base semble
être liée aux besoins des partenaires techniques et financiers ou
des ONG nationales et internationales impliquées dans la conduite
d'actions humanitaires plutôt qu'à la concrétisation d'une
dynamique sociale et associative visant l'accès des populations aux
services sociaux de base, l'augmentation des revenus des ménages et un
meilleur respect des droits fondamentaux.
Ces différences témoignent d'un lien très
fort entre la demande des partenaires techniques et financier et des ONG
nationales et internationales et la mission dont se sont dotées les
organisations de base. Si l'on prend par exemple la région de Korhogo en
2010, 31,8% des organisations ont déclaré avoir dans leur mission
l'engagement en faveur de la situation des femmes, alors qu'aucune organisation
d'Abidjan n'a mentionné cet aspect. Quant à la région de
Bouaké, à peine 3,2% (en réalité 1 seule
organisation) ont au coeur de leur mission les questions de genre.
En nous interrogeant sur une telle disparité existante
au sein d'un même pays nous pouvons nous rendre compte que cette
disparité provient très probablement d'un effet induit
auprès des organisations de base par les exigences des partenaires
techniques et financier et des ONG nationales. C'est en déterminant des
conditions d'accès spécifiques aux financements que les
partenaires techniques et financiers et ONG nationales comme internationales
influent ainsi non seulement le processus de création des organisations
de base mais aussi le fondement de leur mission (Floridi et
Verdecchia,2010).
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A cela il faut ajouter qu'une bonne part des missions
revendiquées par les organisations ne sont pas tellement compatibles
avec la perception et les dynamiques propres à une organisation de ce
type.
En effet, si le développement d'un village de l'ouest
ou d'un quartier d'Abidjan dont l'entraide entre les membres et même
l'assistance aux immigrés peuvent rentrer très fréquemment
parmi les buts d'une organisation de base, il est beaucoup plus rare de trouver
des aspects tels que les questions de genre, la protection de l'enfance ou les
thématiques de la démocratie et la gouvernance qui sont
plutôt propres à des organisations de deuxième niveau de
structuration.
De même, l'importante ferveur autour de l'allocution
« lutte contre la pauvreté » auprès des organisations
de base ne reflète pas le rôle que d'habitude une organisation de
base joue au sein de son contexte social. Ce qui nous amène à
affirmer qu'une certaine tendance à se comporter comme des ONG est assez
présente chez les organisations de base au moins sur le plan de
l'intention (Floridi et Verdecchia,2010).
Les organisations de deuxième niveau
Le deuxième niveau de structuration est composé
par les acteurs formellement constitués et avec un niveau avancé
de structuration, orientés à la responsabilité sociale,
qui travaillent au bénéfice de la population et de ses formes
organisationnelles du premier niveau, qu'ils accompagnent. Les ONG de
développement, les organisations à but non lucratif
d'accompagnement de dynamiques de développement, les associations de
Droits de l'Homme, les organisations syndicales, etc. appartiennent à
cette typologie.
Quant au deuxième aspect qui nous sert à
comprendre la mission des organisations deuxième niveau, celui des
domaines d'intervention, le cadre général présente un
double intérêt : d'une part le nombre de domaines d'intervention
revendiqués et de l'autre le type de domaine de ces interventions.
Pour ce qui est du nombre de domaines d'intervention, il
ressort très clairement que les organisations ivoiriennes de
deuxième niveau manifestement des organisations «
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généralistes ». En effet si l'on prend en
considération la moyenne de domaines de spécialisation
revendiqués par ces organisations, la moyenne nationale est de 5 par
organisation.
Cette donnée illustre très clairement ce qu'on
peut nommer « dérive généraliste » des
organisations ivoiriennes de deuxième niveau, dont le comportement n'est
guidé que par la recherche des financements. Or, en
réalité une organisation de 2ème niveau ne peut en
principe opérationnelle de manière efficace que si elle s'engage
dans 2 ou 3 domaines d'activités maximum. Au-delà de ce seuil
pour ainsi dire « physiologique », l'action risque de ne plus
être cohérente avec la mission vu qu'il est assez rare qu'au sein
de l'organisation l'on puisse trouver les compétences,
l'expérience et le temps pour opérer dans plus de trois domaines
(Floridi et Verdecchia,2010).
En réalité, pour pallier à cette
contrainte les organisations de deuxième niveau ont recours à un
recrutement exogène, le personnel dont elles ont besoin pour la mise en
oeuvre d'activités qui ne rentrent pas dans le cadre de leurs
compétences. En agissant de la sorte, l'organisation prends le risque de
se transformer en un petit bureau d'étude qui adopte une logique
marchande plutôt que celle propre aux organisations de la
société civile où la vision et la vocation revêtent
une fonction primordiale aux fins de la survie même de l'organisation.
Bien évidemment, ce comportement ne pourrait pas
s'expliquer uniquement par le fait d'une dynamique vicieuse exclusivement
endogène. En effet, la présence de partenaires techniques et
financiers qui agissent pour la plupart dans l'humanitaire et qui sont
demandeurs de collaborations, souvent dans l'optique de la sous-traitance,
représente de fait une incitation au rôle de prestataires de
services des OSC plutôt que celui d'acteurs de développement.
Il s'agit en réalité d'une véritable
« dérive généraliste » des OSC de 2ème
niveau dont la plupart se positionnent comme des « fournisseurs » de
services pour les partenaires techniques et financiers, ces derniers
étant souvent trop cloués au statu quo de l'univers
sémantique de la « sortie de crise » (Floridi et
Verdecchia,2010).
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Les organisations de troisième niveau
Le troisième niveau est composé par les
organisations faîtières fondamentalement coordinations,
fédérations et réseaux, constituées par un
collectif d'organisations qui décident de s'associer et de collaborer
selon une logique thématique et/ou géographique. L'organisation
découlant de cette collaboration est souvent conçue et
perçue comme un espace d'échanges, de communication et de
concertation entre les organisations membres, ainsi qu'un outil pour la
prestation de services aux organisations membres dans des domaines comme le
renforcement de capacités, la projection à l'extérieur, la
défense des intérêts du collectif, etc.
Les organisations de quatrième niveau
Les plateformes et les espaces de concertation, qui composent
le quatrième niveau, sont constitués d'organisations
faîtières" (c'est à dire, composées souvent de
réseaux, de coordinations nationales et locales, etc.) qui se
caractérisent par leur degré de souplesse et de
perméabilité (la structuration est pratiquement inexistante ;
souvent il n'existe pas une formalisation de la relation entre les membres).
Elles sont créées pour "faire front commun" face à une
problématique externe commune ; face aux pouvoirs publics, etc.
Cette typologie des organisations de la société
civile nous permet, finalement, de comprendre le positionnement des
différentes organisations ainsi que les problèmes liés
à chaque niveau et les solutions à préconiser dans le
cadre d'un futur programme d'appui à la société civile. Si
les vocations et les caractéristiques des 4 niveaux de structuration des
OSC diffèrent de manière importante, l'analyse et les
stratégies d'intervention et d'appui devront donc tenir compte du
rôle que chaque niveau joue et peut jouer davantage dans le
développement de la Côte d'Ivoire.
En effet, si les organisations de base de premier niveau
peuvent assurer la mobilisation sociale et l'ancrage territorial, les
organisations de deuxième niveau peuvent mettre à disposition
leurs compétences parfois extrêmement pointues au service du
développement.
Quant aux organisations faîtières de
troisième niveau, elles peuvent faciliter l'accès aux ressources
de leurs membres, l'information et surtout la capitalisation des
expériences. Ce niveau est également fondamental pour assurer une
vision nationale des
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problématiques de la gouvernance et du
développement, outre des actions de plaidoyer et de lobbying tant au
niveau des politiques que des conditions opérationnelles de leurs
organisations membres.
Enfin, les organisations faîtières de
quatrième niveau ont un rôle primordial non seulement dans le
dialogue politique sur les stratégies nationales de développement
mais aussi sur le plan de la coordination entre les différentes familles
d'acteurs non étatiques (Floridi et Verdecchia,2010).
Chaque niveau de structuration, grâce à son
rôle et son positionnement stratégique spécifiques, peut
apporter sa propre contribution tant aux efforts du pays dans la bonne
gouvernance et la lutte contre la pauvreté que dans cette phase de
« sortie de crise » que le pays est en train de vivre. Cette
stratégie de la différenciation s'avère donc pertinente et
nécessaire pour que chaque niveau soit renforcé dans l'exercice
de ses fonctions et dans ses prérogatives au service de
l'intérêt collectif et du développement de la Côte
d'Ivoire.
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2. Méthodologie et contexte de
l'étude
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