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Dynamiques citoyennes et acteurs de développement en Afrique. L’exemple de la société civile ivoirienne.


par Hervé Rabet
Université Bordeaux Montaigne - Master II études interdisciplinaires des dynamiques africaines 2020
  

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A. Comparaison avec le modèle rwandais

Il s'agira ici de comparer les dynamiques des sociétés civiles ivoiriennes et rwandaises en matière d'atteinte des ODD. Le choix du comparatif avec le Rwanda est motivé par le fait que ce pays est considéré par les acteurs associatifs ivoiriens et ouest africains comme le modèle à suivre en matière de développement africain. De plus la Cote d'ivoire et le Rwanda partage des similitudes qui nous permettent de comparer leurs politiques publiques en matière de développement.

Le Rwanda est un pays qui a d'abord été colonisé par les Allemands ensuite par les Belges et ce jusqu'à son indépendance en 1962. L'indépendance est suivie par l'instauration de la première République hutue de 1962 à 1973, et la seconde de 1973 à 1994. Au début des années 90, le pays est le théâtre d'une guerre civile qui oppose le régime d'Habyarimana au Front Patriotique Rwandais (FPR), mouvement politique créé par des réfugiés tutsis en exil, et qui donna lieu au génocide de 1994. Ce dernier est considéré comme l'un des évènements les plus violents du 20ème siècle et de l'histoire contemporaine.

Depuis la fin du génocide, le pays est dirigé par le FPR et son président Paul Kagame. En 25 ans, le pays a réalisé de nombreuses avancées sociétales. Selon les autorités, cela s'explique par «la création d'emplois dans le secteur non agricole, la croissance de la production agricole et un degré accru de commercialisation de l'agriculture ». En outre, le gouvernement a initié une transition démocratique avec la mise en place d'élections locales en 1999, suivi en 2003 par les élections parlementaires et présidentielles. Malgré ces progrès, le pays est confronté à divers défis que partage actuellement la Côte d'ivoire. (Swinnen, 2019)

Le premier est celui de la gestion des traumatismes engendrés par la guerre civile (1990 -1994) et le génocide ainsi que la réconciliation entre les Rwandais. Ces derniers sont encore choqués par cette période et souffrent de séquelles physiques et/ou psychiques. L'UNICEF évoque une « génération traumatisée » dans son rapport de 1995. Les personnes présentes comme absentes au moment des faits vivent dans la crainte que les évènements se répètent. La particularité du génocide des tutsis est qu'il s'agit d'un

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génocide de proximité, perpétré à l'intérieur du cercle social par des membres de ce cercle. Cela a eu pour conséquence de briser le lien social qui unissait le peuple rwandais. A l'heure actuelle, il est essentiel pour les autorités de traiter en priorité la question du « vivre ensemble » et de la réconciliation nationale.

Le second concerne la forte croissance démographique. En 2017, la population comptait de 12 208 000 habitants, c'est-à-dire près de 498 personnes par km2 (Banque mondiale, 2019). Selon l'étude prospective des Nations Unies de 2017, la population rwandaise devrait doubler d'ici 32 ans (variante de fécondité élevée), d'ici 40 ans (variante de fécondité moyenne) et d'ici 42 ans (variante de fécondité faible). Cependant les progrès effectués restent considérables. En 1994, le taux de fécondité est de 6 enfants par femme, et en 2016 de 4 enfants par femme, il y a donc eu une baisse du taux de fécondité de 38,57% en l'espace de 22 ans (BM, 2019). Mais comme en Côte d'ivoire, il s'agit d'une population jeune : les moins de 25 ans représentent 60,45% de la population totale. Au cours de ces dernières années, la pression démographique a été un facteur déclencheur de conflits dans plusieurs pays africains, la rareté des ressources intensifiant la concurrence et exacerbant les tensions entre ethnies, religions et régions. Le clivage intergénérationnel s'est également accentué lorsque les jeunes ont compris les limites de la gérontocratie, à savoir la préemption des biens du pays et des postes de pouvoir par une part de la population vieillissante et plus en accord avec l'essentiel de la population.

Le troisième défi est lié à la qualité de l'éducation nationale. Les autorités ont fortement encouragé la scolarisation, et le taux de diplômés est en augmentation. Malheureusement, l'éducation offerte n'est pas de bonne qualité. Beaucoup d'universitaires ne trouvent pas d'emploi, soit parce qu'ils n'ont pas les compétences requises soit parce que le marché de l'emploi n'est pas adapté à l'offre croissante de main-d'oeuvre qualifiée. En 2017, le taux de chômage représentait 17,36% de la force de travail (BM, 2019). En parallèle, la dernière évaluation intégrée des conditions de vie des ménages pour la période 2016/17 révèle que le taux de pauvreté est de 38,2%, dont 16% de pauvreté extrême, et le coefficient de Gini est de 0.429. Il n'y a pas eu de changement significatif par rapport à l'évaluation précédente comme ce fut le cas entre 2010/11 et 2013/14.

L'avant-dernier défi est relatif à la ruralité de la société rwandaise. En effet, 80 % de la population vit de l'agriculture. Cependant, le foncier est en tension car il est de plus en

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plus difficile de trouver des terres arables disponibles. Couplé à l'augmentation de la population, cela déclenche une recrudescence des conflits fonciers. En 2005, les autorités ont promulgué un ensemble de lois foncières dans le but de sécuriser la propriété et de faciliter les transactions foncières. Cette formalisation est à double tranchant, car la titrisation des terres, l'absence de reconnaissance des parcelles dont la taille est inférieure à un hectare et le manque de restriction concernant la taille maximale favorisent les gros investisseurs en augmentant leurs pouvoirs de négociation. Cela fragilise dans le même temps la position des petits exploitants. Dans le pire des cas, cela pourrait encourager l'accaparement des terres. En 2007, les autorités lancent un nouveau programme d'intensification de la production agricole pour assurer la sécurité alimentaire et atteindre l'autosuffisance alimentaire. Le programme d'intensification agricole, qui promeut la monoculture, identifie six cultures prioritaires orientées vers le marché international et à haute valeur ajoutée.

Le dernier défi porte sur le régime politique et ses carences démocratiques. Au pouvoir depuis 2000, le président Kagame a été élu en 2017 pour un 3ème mandat grâce à la modification de la Constitution. Bien que se revendiquant démocratique, le Rwanda s'apparente à un régime autoritaire. Le caractère démocratique des élections a été remis en cause à plusieurs reprises étant donné les résultats surprenants : depuis l'instauration des élections, le président et son parti ont été élus avec plus de 90% des voix.

La démocratie, comme projet sans cesse à construire, implique la liberté d'opinion, le respect des droits des minorités, la confrontation pacifique des intérêts, la liberté d'organisation, l'État de droit, la responsabilité des gouvernants, etc. Cela suppose pouvoirs et contre-pouvoirs et donc un espace libre, celui d'une société civile forte, indépendante du pouvoir de l'État et de celui de l'économie (de l'argent). Ce qui n'est actuellement pas le cas selon plusieurs défenseurs des droits humains. En effet, les autorités politiques ne tolèrent que très peu les critiques qui peuvent émaner des acteurs de la société civile. Les libertés d'expression, de presse et d'association sont très contrôlées et de fait limité. Le FPR fait régner un climat de peur et de surveillance qui empêche les citoyens de critiquer ouvertement les politiques mises en place par peur de représailles. (Swinnen, 2019)

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Le principal argument du FPR pour justifier sa politique autoritaire est la lutte contre le divisionnisme et l'idéologie génocidaire (Front Line Rwanda [FLR], 2005). Les citoyens évitent donc généralement la critique du pouvoir par peur de tomber dans ce que le gouvernement pourrait qualifier de divisionnisme ou d'idéologisme ethnique, d'où l'importance de s'en tenir au discours public (Front Line Rwanda, 2005). Depuis plusieurs années, nous assistons à la personnification du FPR sous les traits de Paul Kagame. La concentration du pouvoir décisionnel entre les mains de l'Exécutif, qui, selon les cas, se confond avec la Présidence, aboutit souvent au ballottage de l'opposition, mais aussi au

ballottage des pouvoirs législatifs et judiciaires, garants de gouvernance
démocratique. Malgré les critiques, le président Kagame est considéré par la plupart des Rwandais comme un héros national, car il a su redresser le pays après évènements de 1994. Dans la plupart des imaginaires, il est le seul capable de gérer correctement le pays ce qui justifie certaines dérives de son gouvernement. Les discours du FPR peuvent être assimilés à ceux des régimes autoritaires asiatiques puisqu'on y retrouve l'idée que : «la spécificité multiethnique, les risques de division et l'incertitude économique du monde sont autant de menaces potentielles qui justifient le pouvoir fort d'un État paternaliste puissamment structuré, à l'opposé du pluralisme politique ».

Jusqu'en 2012, le gouvernement encourage la bonne gouvernance à travers le maintien de la paix et de la sécurité, la réforme des systèmes judiciaires, fiscaux et financiers, la décentralisation, mais aussi la promotion des libertés d'expression et d'association. Ainsi, les autorités accordent de l'importance aux actions des OSC et cherchent à les intégrer dans la stratégie gouvernementale en renforçant leurs compétences et capacités, et en promouvant un cadre légal propice à leurs finalités .Depuis 2013 la vision du gouvernement et des OSC est globalement que la gouvernance doit être améliorée «en favorisant la participation et la mobilisation des citoyens pour la prestation du développement, en renforçant la responsabilité publique et en améliorant la prestation de services». La responsabilité publique fait référence d'une part au rôle de monitoring des politiques gouvernementales, des citoyens, des communautés et des parties prenantes (OSC et bailleurs de fonds), et d'autre part à la responsabilité vers le bas des représentants élus (Swinnen,2019).

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En 2017, le plan septennal du gouvernement présente la bonne gouvernance comme la prestation de services et le renforcement de la participation des citoyens et des OSC via les mécanismes de décentralisation. Un des objectifs est la création d'un partenariat durable entre le secteur public, le secteur privé, les OSC et les autorités afin d'accélérer le développement. Pour atteindre leurs objectifs, les autorités prônent une coordination à tous les niveaux, c'est-à-dire une coordination horizontale entre les divers organes du pouvoir et une coordination verticale entre les citoyens et les autorités ainsi qu'entre les OSC et les autorités. Cette coordination passe principalement par une politique de décentralisation initiée en 2005 dont l'objectif est de faciliter l'implémentation des politiques nationales aux échelons locaux. Les autorités préconisent également une coordination avec les acteurs extérieurs en exigeant une harmonisation et un alignement des bailleurs de fonds et des ONG internationales avec les priorités nationales. Depuis l'arrivée au pouvoir du FPR, la politique gouvernementale se focalise progressivement sur l'aspect économique de la société. À titre d'exemple, en 2009, le Rwanda occupait la 143èmeplace du classement Doing Business de la Banque mondiale, aujourd'hui il occupe la 29èmeplace (BM, 2018). Dans les documents stratégiques, cela se traduit par l'emploi d'un vocabulaire entrepreneurial tandis que le vocabulaire en lien avec les libertés n'apparaît plus.

« Pour le gouvernement rwandais, il ne s'agit plus de faire de l'humanitaire, mais du développement. » (Swinnen,2019). Dès lors, il y a un transfert de la société civile vers le secteur privé. La société civile qui, pendant les années précédentes, était le partenaire privilégié des autorités est remplacée au profit du secteur privé. Les OSC se trouvent donc concurrencées par un secteur privé fortement soutenu par l'État. Pour les OSC, cette stratégie de coordination se traduit, dans un premier temps, par la formalisation et la professionnalisation, et par la suite par l'insertion des OSC dans les stratégies du gouvernement. Ces transformations se sont principalement opérées à travers l'adoption de lois et le renforcement de structures étatiques responsables de la société civile. Dès lors, les OSC sont perçues comme un partenaire privilégié du gouvernement qui l'aide à réaliser ses objectifs de développement local. Par exemple, lorsque le gouvernement a mis en place le programme « une vache par famille pauvre », ce sont des organisations de la société civile qui l'ont mis en oeuvre. Les OSC doivent aussi faire le monitoring des politiques gouvernementales et encourager la participation des citoyens dans les

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décisions politiques locales. Aux niveaux locaux et sectoriels, les OSC doivent aligner leurs actions avec les priorités des Plans de Développement.

Dans le cadre de la formalisation et la professionnalisation des OSC, divers structures et organes créées. La Rwanda Civil Society Platform, les contrats de performance et les Joint Action Development Fora ont été instaurés avant 2010, mais la participation à ceux-ci a été fortement encouragée après. En revanche, le Rwanda Governance Board est un organe créé en 2011.

En 2004, les autorités créent la Rwanda Civil Society Platform (RCSP) pour soutenir, promouvoir et contrôler les actions gouvernementales au sein de la société civile ainsi que pour administrer les relations entre les collectifs et le gouvernement (Swinnen,2019). Les collectifs sont des groupes de coordination qui regroupent les organisations d'un même domaine. La RSCP, composée de 15 collectifs, gère les OSC de manière décentralisée à travers le pays. De cette façon, les actions locales s'inscrivent dans un programme national. Les acteurs de la société civile rwandaise peuvent être classés en 4 niveaux : les groupes d'initiatives locales (coopératives, groupes de jeunes, syndicats...), les ONG internationales et les organisations basés sur la foi, les collectifs et la RCSP. Certaines organisations dénoncent « une surveillance » exercée par la RSCP, car ils y voient un moyen supplémentaire des autorités limiter l'action de certaines OSC, agissant notamment sur les thématiques de justice sociale et d'alternance démocratique. Cet avis n'est pourtant pas partagé par tout le monde. Il serait réducteur de dire que les collectifs servent uniquement de mécanismes de contrôle car des OSC travaillent étroitement avec les autorités. Par exemple, c'est de notoriété publique que l'ONG Pro-femme est proche du pouvoir, mais cela ne l'empêche pas de produire de très bons résultats, au contraire. Selon certains acteurs, la RSCP augmente la force du plaidoyer puisqu'elle facilite l'accès à l'information et la diffusion d'un message.

Les contrats de performance sont mis en place à partir de 2006. Le contrat de performance (Imihigoen kinyarwanda) a pour but de consolider le système de planification, le suivi et l'évaluation des résultats prévus par les Plans de développement à tous les niveaux de pouvoir à travers une démarche participative. Dès que le contrat est signé par le président, il est intégré dans les priorités des entités décentralisées (du village au District). Ce contrat est applicable aux hôpitaux, aux centres de santé, aux écoles et aux

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ménages. À titre d'exemple, lorsqu'il a été décidé que chaque ménage devait avoir une mutuelle, des contrats de performance ont été mis en place au niveau de la cellule familiale. À la fin de chaque année, le contrat de performance est évalué via un formulaire. De plus, certaines organisations sont sélectionnées pour des entrevues complémentaires avec des représentants du gouvernement, des membres de la société civile, des partenaires de développement, et des spécialistes. Cependant, loin de dépendre du hasard, ces entretiens complémentaires peuvent être un moyen supplémentaire pour approcher les organisations « qui dérangent » et les écarter. La mise en place de ces contrats pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, il faut souligner la pression exercée sur le District pour que les résultats soient atteints, car s'ils ne le sont pas, les membres du District sont démis de leurs fonctions. De plus, au niveau local, « la responsabilité vers le bas est très importante ». Par exemple, si un citoyen dénonce une personne de l'administration locale pour corruption, mauvaise gestion ou autre, elle sera quasi immédiatement démise de ces fonctions si l'accusation est avérée. La pression exercée sur l'administration locale est double : elle vient des autorités et de la population. Pour avoir de bons résultats, les Districts appliquent les objectifs de manière rigide sans tenir compte des possibles effets néfastes ou pire, falsifient les résultats (Swinnen,2019).

Pour lutter contre la falsification des résultats, les autorités ont pris de nouvelles mesures plus strictes. Celles-ci risquent d'accentuer les pressions exercées sur les autorités locales. Ensuite, nous pouvons souligner la mise en place d'objectifs parfois « irréalistes » et non adaptés au contexte local et de politiques qui ne tiennent pas compte des besoins locaux. Dès lors, ces contrats peuvent être perçus comme un autre moyen de surveiller et contrôler ce qu'il se passe à l'échelle locale puisque les résultats sont évalués à tous les niveaux administratifs. Et pour finir, cette course aux résultats a un impact sur l'exercice des OSC. Il arrive que les Districts octroient des fonds aux OSC « bien cotées » pour qu'elles s'installent dans leur District, et ce même si l'offre de ces ONG n'est pas en adéquation avec les besoins du District. Nous pouvons également assister au « parachutage » de nouvelles ONG créées uniquement pour répondre à un besoin identifié par les autorités et la disparition tout aussi soudaine de celles-ci. En outre, les contrats de performance exigent des résultats « tangibles » et quantifiable ce qui n'est pas toujours possible sur un délai « post-projet » court.

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En 2007 apparaissent les Joint Action Development Fora (JADF). Ces plateformes ont pour mission de garantir le développement socio-économique et la qualité des prestations de services. Celles-ci sont chargées de la communication entre le gouvernement, la société civile et le secteur privé. Les OSC ont des obligations envers le JADF puisqu'elles sont tenues d'y participer ainsi qu'aux plans de développement districtuels et sectoriels et aux contrats de performance annuels. La participation à la plateforme JADF, aux plans de développement locaux et aux contrats de performance peut modifier complètement les activités des OSC selon la façon dont elles sont perçues par les autorités locales (une opportunité ou une obligation). Dans le cas des ONG internationale, cette participation, bien que non obligatoire légalement peut être une condition sine qua non à l'obtention de la lettre de recommandation, nécessaire à l'enregistrement et à la reconnaissance de l'organisation (Swinnen,2019).

En 2011, le Rwanda Governance Board (RGB) est créé. Il se définit comme un organe étatique indépendant dont la principale préoccupation est la bonne gouvernance. Cette position indépendante est critiquée puisque selon certaines sources, le RGB et les autorités entretiennent une étroite collaboration. Au fil des modifications législatives, le rôle du RGB au sein de la société civile rwandaise prend de l'ampleur. Peu après la mise en place du RGB, des nouvelles lois sur l'organisation et le fonctionnement des ONG et ONG internationales sont publiées et la loi relative aux associations sans but lucratif. Cela conduit à la disparition du statut d'association. Depuis, le gouvernement ne reconnaît que trois acteurs principaux de la société civile à savoir les organisations basées sur la foi (OBF) et les ONG nationales et internationales. Ces mesures semblent avoir été prise pour, d'une part, limiter et freiner la multiplication des OSC, et d'autre part, pour augmenter l'effectivité de celles-ci. La restructuration du milieu associatif était nécessaire et cela a permis un meilleur contrôle. Lors d'une discussion, nous avons appris que la disparition de certaines associations était perçue par certains acteurs comme une autre stratégie des autorités pour limiter l'autonomie des organisations en leur imposant de nouvelles contraintes administratives. Le RGB est chargé d'enregistrer les OSC et de leur accorder une personnalité juridique. Il s'occupe aussi du suivi et de l'évaluation de la société civile rwandaise. Tandis que le gouvernement le considère comme un partenaire privilégié de la société civile rwandaise, plusieurs chercheurs et acteurs dénoncent la mainmise qu'il a sur les OSC puisqu'il est établi que le RGB peut demander

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des explications relatives à la gouvernance, à la performance et à la prestation de services des institutions publiques et privées et éventuellement les sanctionner administrativement. Cela peut aller de l'avertissement à la suspension du droit d'exercer (Swinnen,2019).

Depuis 2013, les JADF sont coordonnés par le RGB (Décret ministériel n° 004/03 du 27/12/2013, 2013). Et depuis2016, le RGB est responsable de l'enregistrement et du suivi des activités des ONG internationale qui jusque-là dépendaient de la direction générale de l'immigration et de l'émigration (Loi n°05/2012 du 17/02/2012). En 2018, la loi portant sur l'organisation et le fonctionnement des Organisations basées sur la foi est abrogée par la loi n°72/18. Une nouvelle loi concernant les ONG et les collectifs est en train d'être formulée en collaboration avec la RSCP et d'autres organisations. Entre la première version et la seconde, le référencement aux lois internationales de défense des libertés a été supprimé. Dans ce projet de loi, le RGB peut imposer des conditions supplémentaires pour l'octroi de la personnalité juridique et pour les conditions d'enregistrements des organisations si elle le juge nécessaire. En fonction du type d'organisation, un certificat de collaboration ou des lettres de recommandation du District seront demandés. Bref, l'augmentation de conditions concernant la création et le fonctionnement des organisations nationales (ONG, collectifs, syndicats, fondations...) réduit le champ de définition et d'action de ces organisations. Ces nouvelles restrictions sont une façon d'évincer les OSC qui posent un problème à l'élite politique et économique au pouvoir. De manière générale, les initiatives telles que la RSCP, les contrats de performance, les JADF peuvent améliorer l'action des OSC. Cependant, il faut s'interroger sur les réels objectifs de ces initiatives : Est-ce qu'il s'agit de lutter contre la corruption et l'inefficacité ? Ou est-ce qu'il s'agit de contrôler et d'instrumentaliser les OSC ? Il faut aussi se demander : Quelle est la limite entre coordination et contrôle ? De plus, à partir du moment où il est impossible de sortir du cadre imposé, il y a un problème d'atteinte aux libertés.

Les relations entre le Rwanda et les pays occidentaux sont parfois tendus. Des critiques surgissent quant à la façon dont le pays est gouverné par le président Kagame et son parti politique, mais aussi sur les relations avec ses pays limitrophes. Lorsqu'il s'agit de répondre aux critiques, nous remarquons que les autorités rwandaises utilisent trois

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types d'arguments : la position de la communauté internationale lors du génocide, la situation particulière rwandaise et la vision anticolonialiste.

Avec son premier argument, le FPR accuse certains pays d'avoir participé au génocide du fait de l'absence d'intervention de la communauté internationale malgré les appels à l'aide. En ayant recours à cet argument, le FPR joue avec le sentiment de culpabilité des pays occidentaux. Le second argument fait référence à l'état de ruine du pays après 1994 et à l'ensemble des progrès réalisés depuis. Pour Kagame, étant donné le passé lourd, le pays nécessite des mesures particulières. Grâce à cet argument, la communauté internationale a tendance à fermer les yeux sur les abus du FPR. Comme indiqué précédemment les dérives autoritaires sont souvent acceptées au nom du progrès économique. De plus, Kagame parle d'une démocratie adaptée aux particularités rwandaises. En 2017, Kagame s'exprime : « C'est un principe auquel chacun de nous veut être associé, du moment que le contexte, l'histoire et la culture d'un pays le permettent. Mais l'Occident dit à tout le monde de rentrer dans le moule de la démocratie occidentale ». (Swinnen,2019). Le troisième argument critique la position paternaliste des pays occidentaux, voire colonisatrice, vis-à-vis des pays africains ainsi que son attitude moralisatrice. En 2012, la ministre rwandaise des Affaires étrangères et de la Coopération a accusé les pays occidentaux «de se servir de l'aide accordée aux pays pauvres pour les considérer comme de petits enfants » et a ajouté qu'« une relation semblable au paternalisme devrait s'arrêter...». En 2016, Kagame souligne la tendance de certains États à s'immiscer dans la souveraineté des États africains : « Certains participants au système international ont tendance à considérer ce changement comme un défi à leur leadership historique. Ils continuent à revendiquer le droit de définir des objectifs et d'imposer des résultats, sans consultation véritable des personnes concernées. » (Swinnen,2019).

Bien que le Rwanda et la Côte d'ivoire présentent des similitudes en matière de développement, la principale différence réside dans la mise en oeuvre de politiques publiques en matière de développement. Une politique publique est un concept de science politique qui désigne les « interventions d'une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire ».

Le Rwanda, modèle de développement pour une nouvelle génération de leaders et d'acteurs associatif, s'appuie sur l'autoritarisme de son Etat, qui loin d'être parfait

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présente au moins l'avantage de permettre la mise en oeuvre de dynamique vertueuse et observable de développement. Contrairement au président Ouattara, Paul Kagame semble parvenir à l'achèvement du processus de réconciliation national indispensable à la légitimité d'un pouvoir autoritaire, qui loin d'être exécrer par la plupart des acteurs de la société civile africaine, peut être plébisciter à condition qu'il soit vertueux. Par là nous entendons que l'autoritarisme n'est pas inéluctablement associé au manque d'alternance démocratique et à la privation des libertés citoyennes mais bien à la capacité de coercition de l'état en cas de manquement citoyen à la mise en oeuvre de dynamique vertueuse de développement.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld