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La communication du tourisme en zone de conflit. Le cas des communes de Ziguinchor et Djembering (basse Casamance).


par Pape Mactar Diaw
Université Assane Seck de Ziguinchor - Master en tourisme 2020
  

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4.4 Les motivations au voyage

Dans ce chapitre, nous allons étudier les risques par rapport aux destinations choisies. Ce travail permet de mieux comprendre les liens entre la motivation et les risques immédiats sur une destination touristique. Bien entendu, les consommateurs sont alors sensibles à toutes formes de risques déclarés dans une zone. En réalité, tout dépend de ce que vous faites du traitement de l'information donnée par une source qui détermine l'avenir de la destination en question. Dans ce sens, y a-t-il forcément un rapport entre le conflit et le tourisme dans ces zones étudiées ? C'est la question que nous nous sommes posé pour pouvoir mesurer véritablement

73 Les attentats du 21 avril 2019 sont une série de huit attaques terroristes qui ont eu lieu le dimanche de Pâques dans plusieurs villes du pays entre 8h45 et 14h15. Des Eglises et trois hôtels de luxe sont visés faisant 257 victimes, dont 42 ressortissants étrangers et 45 enfants. L'organisation de l'Etat islamique a revendiqué ces attaques le 23 avril 2019. Le gouvernement avait accusé le National Thowheeth Jama'ath, un groupe terroriste du pays.

74 Loi promulguée par le président Addel Fattah al-Sissi sur la surveillance des réseaux sociaux en 2018. Il y a également une loi sur la diffusion de fausses nouvelles, l'incitation à la haine, lutte contre le terrorisme.

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l'impact de la communication ou de la couverture médiatique et le traitement de l'information par les différents acteurs sur le tourisme dans les deux communes.

Bien entendu, plus qu'un simple secteur, le tourisme est devenu une industrie mondiale et demeure aujourd'hui plus que jamais exposé et sensible aux crises de tout genre. Les menaces sont réelles et peuvent être d'ordre naturel (ouragans, tremblement de terre...), politique et courants terroristes très actifs. La diversité des acteurs (touristiques, de la communication classique, des TIC, etc.) pourrait ainsi multiplier le risque d'insécurité car ils n'ont souvent pas le même discours face à une situation de base. Pour ce faire, les crises sont nombreuses et ont chacune son degré d'impact sur l'économie de façon générale, mais encore plus sur le secteur du tourisme. En effet, une étude menée en 2004 auprès de plus de 370 voyageurs dans les tour-opérateurs en Australie a montré les catégories de risques perçus comme les plus importantes :

· Les attaques terroristes 46%

· La guerre 18%

· Les risques de santé 13%

· Maladies contagieuses 11%

· Mauvais rapport qualité-prix 8%

· La sécurité en générale 4%75

Dans cette étude, qui concerne aussi le sujet traité dans ce travail, les guerres représentent 18% de risques d'annulation du voyage par le touriste potentiel, de motivation de voyage. Représentant 46% des données, les attaques terroristes sont plus importantes en termes d'impact sur le tourisme. Aujourd'hui, nous remarquons que ce phénomène ne cesse de s'amplifier avec des exemples de plus en plus nombreux : attaques d'Eglises et hôtels en 2019 au Sri Lanka, d'une route touristique en Tunisie en 2018 faisant 6 morts, deux touristes français enlevés et deux soldats tués en 2019 au Burkina Faso. Sur les risques sanitaires, par exemple Ebola déclaré à Ziguinchor en 2015 n'était qu'une fausse information car le suspect souffrait de paludisme. C'est ce qu'ont révélé les analyses faites au moment où le patient a été mis en isolement. Pourtant, l'information avait fuité et était relayée dans les médias dans les minutes qui ont suivi cet incident. A propos du conflit, nous avions vu que celui de Casamance était moins conséquent comparé aux conflits d'autres pays tels que le Rwanda, la République démocratique du Congo, pour ne citer que ceux-là. Néanmoins, ce conflit peut être plus complexe vu les nombreuses factions du Mouvement des Forces démocratiques de la Casamance qui se sont

75Frochot et Legorehel. Le Marketing du tourisme. Op.cit. Encadré 10.1.

implantées dans l'espace géographique. Cependant, nous avons ainsi constaté des zones pacifiées76 comme Djembéring ou encore Ziguinchor. Toutefois, quand on parle de zone de conflit dans la partie sud du pays, tout le monde est impliqué et la communication (appellation Casamance) ne permet surtout pas de faire de distinction géographique du conflit.

Pour notre part, les données que nous avons recueillies après l'étude de terrain dans les deux communes, auprès de nos différentes cibles, nous ont révélé des informations sur les motivations des consommateurs en fonction du risque perçu par les consommateurs.

Figure 10 : Risques liés au conflit à Ziguinchor et Djembéring

Lien evident entre tourisme et conflit

54

 

46

oui

non

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Source : Enquête de terrain, avril 2019.

Sur ces données recueillies, les 54% sont d'avis que le risque de faire du tourisme dans ces zones pourrait ne pas avoir un rapport avec le conflit. Les risques, comme l'a dit M. Cissé, sur l'accentuation ou l'atténuation de la psychose afférente au conflit peut être en effet le rôle de la communication joué à ce niveau. Les conséquences sont ainsi énormes pour les hôteliers en cas d'accentuation, en termes d'annulation de voyage, d'endettement des T.O, de mauvais souvenirs pour les hôtes, etc. Ainsi, la communication faite sur un aspect en lien avec le conflit peut devenir un frein à la motivation de voyage. Dans ce contexte, des souvenirs défavorables à la destination peuvent être associés à cette dualité tourisme/conflit notamment. A cet effet, 50% des interrogés (voir annexe) affirment avoir un mauvais souvenir en termes de fausse nouvelle surtout. Autrement dit, le dualisme est interrogé dans ce travail qui cherche à

76 M. Sambou lors de notre entretien, avril 2019.

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déterminer le rapport de ces deux entités avéré si l'on tient compte de l'aspect communicationnel. Tout compte fait, ces deux éléments ont un rapport dualiste, c'est-à-dire qu'ils peuvent coexister même s'ils sont de nature différente. Ainsi, le lien de causalité n'est pas dû entièrement au conflit, élément source conflits périphériques lui-même. Pour ce faire, 50% des professionnels du tourisme ainsi que 8% des professionnels de la communication (voir annexe) pensent que le conflit impacterait sur la communication du tourisme dans les communes de Ziguinchor et Djembéring. Cette analyse permet de voir que ces deux zones de notre champ de travail, pourtant à l'abri des nombreux incidents notés en Casamance, sont quand même impliquées dans le traitement du simple fait qu'elles sont dans la zone de conflit. En effet, beaucoup pensent que certaines localités ne doivent pas être citées comme faisant partie géographiquement de la zone de conflit. A ce propos, M. Diatta (président du syndicat d'initiative de la Casamance, 2019) précise : « Quand on parle de conflit, de Diogué jusqu'à Vélingara, tout le monde est concerné par ce problème ». Cependant, est-ce qu'un département ou une commune est plus concerné(e) que l'autre ? La réponse semble aussi évidente aux yeux de ceux qui vivent dans la région naturelle de la Casamance. Un événement qui se déroule dans le département de Bignona (touristes violés sur l'axe de Kafountine) n'a rien à voir avec l'activité touristique à Djembéring ou à Ziguinchor, même si on considère qu'ils sont dans la zone de conflit. C'est pourquoi nous avions posé la question suivante : pourquoi Cap-Skirring n'est pas inscrit dans la zone rouge alors qu'il se trouve dans la commune de Djembéring ? Evidemment, il est possible à ce niveau qu'il y ait un traitement spécifique.

4.4.1 Une identité dénaturée

Ces éléments que nous avons cités plus haut sont aussi le résultat d'autres facteurs. En effet, la communication du tourisme dans une zone de conflit est affectée par ce dernier, notamment dans des localités moins touchées par les tensions. Pourtant, les localités dont on fait allusion mériteraient plus d'attention. Mais, les conflits ont un impact énorme, mais encore plus la communication : dénaturer souvent l'identité collective du territoire en question.

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Figure 11 : La communication dénature l'identité de la destination

Une identité dénaturée x La localité

34

20

14

2 1 1

4

6

3

5

3

pas du tout

d'accord

pas d'accord

d'accord

totalement

d'accord

Ziguinchor Djembéring autre

34

7

0

Source : Enquête de terrain, avril 2019.

Comme nous le remarquons dans ce graphique, la question de l'articulation territoire et conflit plus communication et identité est étudiée afin de savoir si les territoires se sentent menacés par la communication faite sur le territoire en question sur la base d'un sentiment d'appartenance identitaire à une localité. La promotion de l'identité territoriale pouvait être un moyen de vulgariser les valeurs du territoire. Cependant, elle est parfois dénaturée par un conflit et de surcroît par le langage ou l'action de communication sur le conflit qui sévit dans un territoire donné. Quand cette communication n'est pas encadrée, ou les acteurs du tourisme sont désorganisés, voire latents, dans ce cas elle peut alors transformer une identité. Déjà le tourisme est quelquefois accusé d'entretenir souvent des relations peu favorables avec les valeurs identitaires, c'est-à-dire les moeurs des terres d'accueil. Car l'industrie du tourisme ne se soucie que de l'aspect de la commercialisation et de la communication. C'est une fin. Elle met donc en péril toute relation humaine respectant l'objet même des territoires cibles. C'est le même résultat qui ressort de cette étude. Dans une zone en conflit, même l'existence de localités pacifiques ou de pays stables n'est point un gage de sécurité permanente. C'est l'exemple du Bénin avec l'incident survenu dans le Parc de Pérendji (2019) couvrant 2.755 km et situé à l'extrême nord du pays, frontalier avec le Burkina Faso. A cause de l'instabilité chronique du pays de l'homme intègre, de supposés terroristes se sont introduits au Bénin pour tuer un guide touristique et enlever des touristes. Alors, un événement survenu dans une zone de conflit peut affecter la Gambie ou la Guinée-Bissau par exemple, et la communication joue un rôle

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important dans ce processus. En effet, les résultats que nous avons obtenus sur la question, dans les deux localités, Ziguinchor et Djembéring, le confirment. Respectivement 2% à Ziguinchor, 1% à Djembéring et 1% autre est en total désaccord ; 4% à Ziguinchor, 6% à Djembéring et 3% autre n'est pas d'accord ; 34% à Ziguinchor, 20% à Djembéring et 5% autre est d'accord et 14% à Ziguinchor, 7% à Djembéring et 3% autre est totalement d'accord sur le fait que la communication sur le conflit dénature l'identité de leur localité, l'image de la destination. Donc, la situation de départ est différente de la situation d'arrivée. L'image perçue, l'image voulue, ne sont pas l'image réelle. L'image est une représentation d'un individu sur un objet, d'une population sur une autre, d'un territoire sur un autre, donc c'est le rapport communication territoire. En effet, l'image perçue est une représentation que se font les consommateurs lorsqu'ils parlent de la destination. L'image voulue est celle organisée par les acteurs du tourisme : les objectifs à atteindre (image souhaitée). Quant à l'image réelle, elle correspond à ce que le territoire a de manière objective sans slogans par exemple ; c'est dans l'ordre naturel des choses. Or, la communication faite sur les zones de conflit peut arriver à influencer ce processus (image souhaitée et image réelle) et ainsi dénaturer l'identité du territoire. C'est le cas dans la commune de Ziguinchor et Djembéring.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon