CHAPITRE III : ETUDE SPATIO-TEMPORELLE
1. Etude de l'espace
La poésie orale africaine est pratiquée
spontanément par toute personne qui le désire dans
toutes les circonstances de la vie. Cependant en milieu wolof,
l'espace de déclamation du kañu varie en fonction du
lieu où le poète cultivateur mène ses activités.
Cette poésie s'effectue généralement en milieu Baol dans
les champs d'arachide et de mil.
? Dans le champ de mil
Les wolofs cultivent différentes variétés
maïs, arachide, haricot, sorgho mais les cultures dominantes dans le Baol
sont le mil et l'arachide.Le performateur de ce chant s'adresse à des
jeunes conquérants de la même classe d'âge, et leur annonce
l'arrivée de la période de récolte du mil. Le cultivateur
met sa supériorité physique en avant. Il chante ses exploits mais
surtout les justifie pour faire deviner la conclusion, à savoir qu'il
est plus courageux que les autres.
Ana li may séen? Ana toolu baay? Gaañi toolu baay
ñorna Ku koy góob? Jáambaar a nga tool Naaj bi tang na lol
Bey noor, bey nawet Ñaq réerul boroom
Que vois- je ?
Où est le champ de mon père ?
Les gens le champ de père a mûri
Qui va faire la moisson ?
Le courageux est au champ
Le soleil tape fort
Cultivez en saison des pluies et en saison sèche
La sueur se paye toujours. (Chant 2).
Ici, le locuteur met en avant l'immensité du champ et
son envie d'accomplir le travail qui l'attend. Il s'autoglorifie en montant
qu'il travaille mieux et beaucoup plus vite que les autres. C'est ainsi que
dans le but d'accélérer le rythme, il lance un défi
à ses protagonistes.
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Dog, dog, dog
Reppit ak ñeppet
Sëgg dagg , siggi dagg
Kuma daxa dagg ,dagg sa loxo
Coupez, coupez, coupez !
Reppit ak ñeppet
Coupez en vous penchant, coupez en vous tenant debout. Celui qui
coupe mieux que moi, coupera sa main. (Chant 12).
? Dans le champ d'arachide
Le champ d'arachides est un lieu propice pour déclamer
le kañu. Du fait de la joie que ses chants suscitent, ils
rendent la récolte plus facile. Ici pour préserver son honneur et
celui de sa famille, le performateur de ce chant loue ses parents qui l'ont
assisté pendant son enfance et lui ont appris à gagner sa vie
dignement en travaillant.
Gërëm na baay moom mii ma jàngal mbay
Ba sama benn moroom rawuma
Gërëm na yaay
Moom mii ma nàmpal bama de gune
Duma dal ci waar diko wañi di yok mbóoy
Rus naako
Duma deqqi ngoon diko lëmes ndajale ma tax
Rus naak
Louange à mon père qui m'a si bien appris à
cultiver
Aucun homme de ma classe d'âge ne me surpasse
Je rends aussi grâce à ma mère
Qui ne m'a pas sevré prématurément
Au champ, je ne diminue jamais la surface à cultiver
J'ai honte de le faire
Je ne récolte pas l'arachide le soir en laissant les
graines sous terre
J'ai honte de le faire. (Chant 1).
2. Étude du temps
En milieu wolof, plus précisément dans le Baol, les
travaux champêtres s'effectuent pendant
la saison des pluies qui coïncident avec la
période des vacances au Sénégal. Elle s'étend de
juin en octobre et correspond à plusieurs phases de la vie paysanne.
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? Le défrichage
Elle commence avant la tombée de la pluie, le
défrichage permet de préparer les champs pour les semailles de ce
fait, on coupe tous les arbustes et on remit toutes les terres incultes pour
les besoins de semailles.
Yewwul yee ma
Yewwuloo yee ma
Yewwul yee ma,Ndeeroo Njaay Bu nu demee ngay lakk may bey
Réveille-toi et réveille-moi !
Réveille-toi et réveille-moi!
Ndeeroo Njaay réveille-toi et réveille-moi !
Arrivés sur place, tu brûleras les herbes et moi je
cultiverai. (Chant 29).
? Le sarclage
Elle commence après les semailles, elle est une des
périodes les plus longues et les plus difficiles de la saison des
pluies. Pendant cette période, le jeune paysan doit lutter contre les
mauvaises herbes qui envahissent les champs de mil et d'arachide. Pour faire
face et gérer cette chaleur, le paysan wolof développe sa
performance en se glorifiant de ses exploits pour se surpasser et accroitre son
énergie.
Modu Njaay um Caar Xëy ci benn ab tool Tool ba nër ta
jeex Lool de gace la Modu Njaay um Caar Xëy ci benn ab tool Tool ba
nër ta jeex Lool de gace la Modu Njaay um Caar Xëy ci benn ab tool
Tool ba nër ta jeex Lool de gace la Modu Njaay um Caar Xëy ci benn ab
tool Tool ba nër ta jeex Lool de gace la
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Modu Njaay de Caar
A passé une journée dans un champ
Sans finir de labourer
Ça c'est une honte
Modu Njaay de Caar
A passé une journée dans un champ
Sans finir de labourer
Ça c'est une honte
Modu Njaay de Caar
A passé une journée dans un champ
Sans finir de labourer
Ça c'est une honte
Modu Njaay de Caar
A passé une journée dans un champ
Sans finir de labourer
Ça c'est une honte. (Chant 18) ? La
récolte
Comme dit l'adage « après la pluie, c'est le beau
temps ».Elle est une récompense à l'acharnement du travail.
Cette période clôt les activités agricoles, qu'il soit dans
le champ de mil ou d'arachide. Dans les champs de mil, les paysans
récoltent le mil en coupant les épis de mil comme l'illustre ce
chant :
Dog, dog, dog
Reppit ak ñeppet
Sëgg dagg, siggi dagg
Kuma daxa dagg, dagg sa loxo
Coupez, coupez, coupez !
Reppit ak ñeppet !
Coupez en vous penchant, coupez en vous tenant debout. Celui qui
coupe mieux que moi, coupera sa main. (Chant 12).
Les chants d'activités culturales plus
précisément le kañu, renseignent le plus souvent
sur le temps et l'espace où le cultivateur se trouve. En milieu wolof,
ces chants sont déclamés le plus souvent pendant la saison des
pluies dans les champs de mil et d'arachide. Le poète cultivateur fait
usage d'un langage conflictuel et d'un style élevé que nous
proposons d'étudier dans les lignes qui suivent.
TROISIÈME PARTIE :
ANALYSE DU CORPUS
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