Chapitre II : Organisation sociale et quelques
productions littéraires
L'organisation de la société wolof se distingue
par la superposition de deux systèmes qui ont des fondements et des
caractéristiques différents mais ils ont la particularité
de créer des groupes marqués par l'hérédité,
la hiérarchie et l'endogamie : les castes et les ordres.
II.1 Le système des castes
En ce qui concerne l'origine des castes, Cheikh Anta dit à
ce propos :
Le système est né d'une division du travail,
mais sous un régime politique avancé, monarchique, car on ne
trouve jamais de caste sans noblesse. Cependant, il est fort probable que la
spécialisation dans le travail qui aboutit à
l'hérédité du métier dans le système
à l'échelle familiale et individuelle s'est élaboré
depuis l'organisation clanique. 18
Toutefois, il est difficile de définir la notion de
caste ou de la comparer aux autres formes de stratifications. Au
Sénégal, la société connait une bipartition,
donnant d'un côté les géer et de l'autre les
ñeeño. Les premiers sont la caste dite
supérieure, qui s'adonnent principalement à l'agriculture et
accessoirement à la pêche et à l'élevage, par
opposition aux seconds, groupe inférieur qui a le monopole de la parole
et de l'art.
Les géer constituent la caste
supérieure. Il s'agit des non-artisans de la société
wolof. Leur spécialisation professionnelle étant mal vue,
l'artisanat leur est interdit. Ils peuvent exercer toute autre activité
: agriculture, élevage, pêche etc. Mais ils étaient
généralement paysans ; les deux dernières activités
étant secondaires et marginales remarque Abdoulaye Bara
Diop.19 Les ñeeño constituent le groupe
inferieur dans la stratification sociale du travail en pays wolof. Ils sont
divisés en castes et sous-castes. Cette division repose essentiellement
sur la différence des activités professionnelles et plus
généralement des fonctions. On distingue les jëf-lekk,
les sab-lekk, et les ñoole.
Les jëf-lekk sont les artisans (l'expression
signifie ceux qui vivent d'un métier). Ils constituent une caste qui se
divise elle-même en sous castes, toujours d'après la profession :
tëgg (forgerons), uude (cordonniers), seeñ
(boisseliers), ràbb (tisserand).
Les sab-lekk sont les griots géwël
(littéralement ceux qui vivent de leurs chants). Ce sont les «
artisans de la parole » selon l'expression de D. Zahan20. Les
ñoole constituent une caste à part, marginale par
rapport à tous les autres ñeeño. Ils ne sont ni
artisans ni chanteurs
18 DIOP, Ch, A op.cit, p.11.
19 DIOP, Abdoulaye, Bara, la société
wolof tradition et changement : les systèmes d'inégalité
et de changement,
Paris, Karthala, 1981, p.61.
19 D.ZAHAN, La Dialectique du verbe chez les
Bambara, Paris, Mouton, La Haye, 1963, p.132.
10
musiciens, mais on les rapproche des sab-lekk
à cause de leur liberté et de leur excès de parole
(waxkat). Après l'étude des castes, celle des ordres
s'avère nécessaire pour comprendre les stratifications
traditionnelles secondaires de la société wolof
II.2 Le système des ordres
Ce sont les catégories de la société
politique wolof d'après Abdoulaye Bara Diop, les ordres sont des
catégories sociales constituant l' « armature » de la
société monarchique. Elles sont hiérarchiques et
héréditaires. Elles entretiennent des rapports de domination
(politique) et d'exploitation (économique). Les ordres dans la
société wolof se structurent suivant deux facteurs distincts.
L'un correspond à la dimension
liberté-servilité. Il crée une division binaire de la
société gor (jambur), jaam (homme libre / esclave). Dans
la société wolof traditionnelle la condition libre ou servile
établit la différenciation des personnes en leur conférant
un statut héréditaire supérieur ou inférieur.
L'autre facteur de structuration de la société est politique,
l'existence de la monarchie crée des ordres nouveaux par division
binaire des catégories précédentes en
référence au pouvoir politique. Chez les gor ou
jàmbur apparaît l'opposition buur /
baadoolo. Les buur sont les chefs qui détiennent le
pouvoir ou peuvent y accéder ; les baadoolo, les sujets qui
subissent le pouvoir et ne peuvent y prétendre. En termes d'ordre et non
plus de simple statut politique. Les garmi, la noblesse au sein de
laquelle se recrutent les buur, les souverains, de l'autre les
baadoolo qu'on nomme « gens du peuple ». Les esclaves
à leur tour connaissent la distinction essentielle : jaami-buur /
jaami-baadoolo (esclave de la couronne /esclave des gens du peuples) selon
le statut politique de leur maître. La société wolof
monarchique est composée de cinq ordres principaux : garmi,
jàmbur, baadoolo, jaami buur ; jaami baadoolo.
Les garmi :
Ils occupent le sommet de la pyramide sociale. Ce sont les
familles royales à l'intérieur desquelles on recrutait le roi.
Les Djàmbur :
Les Djàmbur ont une situation de vie plus ou
moins aisée. Ils occupaient une haute fonction à travers les
familles de laman (ancien chefs de communauté et
propriétaire des terres).
Les baadoolo :
Le terme désignant cette catégorie sociale
serait d'origine pular et signifierait « sans force », « sans
pouvoir ». Il s'agit en gros de la « masse du peuple », groupe
ne bénéficiant d'aucune autorité, d'aucun pouvoir. Ils
subissent le pouvoir et lui doivent redevances et prestation de travail. Ils ne
peuvent effectuer le métier des armes contrairement aux garmi
et
11
aux jàmbur. Ils sont les principales victimes
des razzias et pillage et constituent le réservoir d'esclaves de la
classe dirigeante.
Les jaam :
Ils sont des captifs de guerre et vivent
généralement dans la cour royale et leurs maitres ont sur eux le
droit de vie et de mort.
III.3 La production littéraire
La littéréture orale wolof est d'une grande
richesse tant par l'abondance des oeuvres produites que par la
variété des genres et des thèmes abordés. Cela est
du au fait que toutes les activités sociales des wolofs sont soutenues
et agrémentées par des paroles ou des chants bien composés
parmi lesquels on peut citer :
L'épopée
L'épopée est un long poème dans lequel on
chante les exploits d'un héros et ceux de sa communauté. La
production des textes épiques est généralement
assurée par les griots attitrés, attachés à une
famille royale à laquelle ils chantent les actions glorieuses. Comme le
montre l'épopée du Kajoor21
Le conte
C'est un récit imaginaire qui relate la vision du monde
d'une communauté .Il est généralement raconter le soir par
un griot ou un conteur professionnel .Sa fonction consiste à divertir et
à éduquer. Comme le justifie le conte Samba Seytané et
Amari Julit22
Le mythe
Le mythe est un récit imaginaire qui tente d'expliquer
la création de l'univers ou certaines réalités
environnementales. Le mythe de NDIADIANE NDIAYE 23 en est
une parfaite illustration
Le laabaan :
Le laabaan est un chant qu'on entonne pour la jeune
fille qui a gardé sa virginité jusqu'à son mariage. Au
lendemain de la défloration, la bajen qui est la soeur du
père, fait appel aux voisines et griottes pour leur montrer que sa
nièce était restée chaste jusqu'à son mariage.
Ainsi, la gewëlu juud c'est-à-dire « la griotte de la
case » entonne des « saxole » (cris qui expriment le
bonheur et célèbrent la gloire) pour propager la nouvelle. Elle
étale un pagne blanc maculé de sang pour célébrer
la défloration de la jeune fille. À cette occasion, les filles de
la classe d'âge sont interpelées et invitées à
suivre les traces de leur amie. On les exhorte à
21 DIENG, Bassirou, l'épopée du
kajoor, Paris, Dakar, ACCT-CAEG, 1993, p.500.
22 KESTELOOT et DIENG, B. Idem.p105.
23 KESTELOOT et DIENG, B Contes et mythe du
Sénégal, ENDA.IFA, 2001.p.221.
12
nouveau de bien nouer leur pagne pour pouvoir honorer leur
mère, leur famille et elle-même plus tard.
Le taajaboon
Le taajaboon est un rite organisé pendant la
nuit, il symbolise la fin de l'année musulmane .Après le diner
somptueux préparé pour cette occasion, les gens font du
porte-à-porte pour quémander de l'argent, des habits. Cette
quête est accompagnée de chants et de danses humoristiques.
Le kaság
Le kaság renvoie aux chants qu'on
déclame pour des circoncis au cours de leurs initiations. Ces types de
chants renforcent la virilité, la fraternité le courage, le
partage chez les initiés. Cette initiation est une étape
très importante pour les garçons africains. Elle permet de
montrer la bravoure, de s'éloigner de sa mère et de sa famille
pendant quelques temps et en fin de devenir un véritable homme qui sera
digne, responsable, et indépendant.
Le baawnaan
C'est un chant à dimension propitiatoire
prononcé par des femmes pour demander la pluie dans un contexte
où elle se fait rare à venir .Alors elles se regroupent
généralement en dehors du village avec des accoutrements
étrange. Puis, commencent à composer des chansons au cours
desquelles elles prient pour faire tomber la pluie.
Le xaxar
C'est un chant déclamé par des coépouses
à l'occasion de la venue de la nouvelle épousée dans son
domicile conjugal. Ces dernières produisent des chants très
satiriques, accompagnés d'insultes et de terrible diffamation sur la
nouvelle venue. À travers le xaxar, les coépouses avec
à leur tête la première épouse cherchent à
diminuer systématiquement les allures de la nouvelles
épousée en proférant des propos amers. De ce fait, le
xaxar leur permet de dégager toute leur catharsis et de se
libérer d'éventuelles jalousies qui pourraient causer une
atmosphère tendue entre elles.
Le céet :
C'est un chant de femmes qui accompagnent la mariée
dans son domicile conjugal. À travers ces chants, les accompagnatrices
cherchent à exhorter la jeune mariée à faire preuve de
courage, de patience pour pouvoir supporter les éventuelles
épreuves.
Le njam :
C'est un chant produit lors des opérations de tatouage
des lèvres pour inciter la femme à surmonter la douceur. En
effet, le tatouage des lèvres est une terrible épreuve. Par
conséquent,
13
au cours de cette pratique, les griottes improvisent des
chants pour honorer la femme qui a su rester digne, pour magnifier son courage,
et à l'occasion pour chanter la gloire de toute sa lignée
familiale.
Le Jat :
Ce sont des formules hermétiques à peine
défrichable, proférées pour dompter un être
dangereux, pour se protéger ou conjurer le mauvais sort.
Généralement, on rencontre le fat dans les
séances simb ou de faux-lions.
Le ndëpp :
Ce type de chant appartient à la communauté
lébou. Il est déclamé par les connaisseurs dans ce domaine
pour exorciser les esprits ou les démons qui ont hanté une
personne.
Le taaxuraan :
Ces types de chants, produits sur la place publique sont
généralement animés par les vieux chantres errant. Ces
derniers vont de village en village pour divertir les gens avec leurs
instruments de musique et leur qualité exceptionnelle de chanteurs.
Le wolofal :
C'est un chant religieux dans lequel le disciple évoque
la dimension spirituelle de son guide et magnifie les miracles qu'il a
accomplis. Le disciple cherche à retracer aussi l'itinéraire de
son guide.
Le bàkku :
C'est un chant d'autoglorification improvisé par un
lutteur. À travers le bakku le lutteur se galvanise, chante ses
propres louanges, déroule sa devise et évoque sa
généalogie avant de citer nommément les adversaires qu'il
a eu à battre. L'objectif est d'intimider son adversaire tout en
diminuant ses allures audacieuses.
Le kañu :
Le kañu est une poésie
d'activité culturale en milieu wolof pour se forger un mental fort. Le
performateur exalte son courage, le sens de l'honneur et les vertus
paysannes.
La production littéraire dans le Bawol est riche et
variée. De ce fait on note des contes, des épopées, des
mythes et des chants. Cette production littéraire surtout les chants de
culture méritent d'être étudier pour mieux comprendre et
conserver ce patrimoine.
DEUXIÈME PARTIE :
PRÉSENTATION DU CORPUS
14
15
Pour transcrire notre corpus en wolof et faciliter sa lecture,
nous nous sommes appuyés sur le décret no71-566 du 21
mai 1991.
1. Les lettres suivantes ont la même valeur
phonétique que dans l'alphabet français.
a) Consonnes p - paaka : couteau b - bakkan : nez
m - mar : avoir soif
f - for : ramasser t - taw : pluie d - daw : courir
n - nelaw : dormir
s - est toujours prononcé sourd comme si suuf : sol
r - est toujours roulé rafet : être joli
l - lam : bracelet
y - yar : éduquer
k - kër : maison
g - toujours prononcé occlusif garab : arbre
b) voyelles
i - cin- marmite é - séer : pagne
16
2) les lettres suivantes ont dans l'alphabet officiel du
sénégal, la valeur phonétique suivante :
a) consonnes
c - approximativement ce qu'on entend en français dans
tiens. caabi : clé
j - approximativement ce qu'on entend en français dans
dieu.jabar : épouse
ñ- existe en français dans agneau ; ñaw :
coudre
x - approximativement ce qu'on entend en français
standard. xalam : guitare
q - n'existe pas en français ; le son le plus approchant
est celui de k.ñaq : sueur
w -existe en français dans oui. Woo : appeler
Devant i et e,il est prononcé comme dans le
français fuite fas wi : le cheval
I- ce qu'on entend en français dans les mots
empruntés à l'anglais comme parking ; ?aam : mâchoire
b) voyelles
a - ce son est plus fermé qu'un a en français mais
plus ouvert que ë ; caabi : clé
à c'est le son du français ; làkk : parler
une langue étrangère
e c'est le son é ou è du français
(père, tête)
é sér : pagne
ë c'est le son e du français comme demain ; bët
: oeil
i itte : besoin
ô jóg : se lever
u c'est le son ou du français trou ; bukki :
hyène
NB : chaque voyelle sauf (ë) peut être
doublée
17
|