1.2. Le système éducatif
guinéen
1.2.1. Historique de
l'éducation
1.2.1.1. Historique de
l'éducation en Afrique
Selon F. RATH cité par (WAKAM, 2002) on distingue trois
types d'éducation : l'éducation formelle (ou scolaire),
l'éducation non-formelle (ou périscolaire) et l'éducation
informelle (ou non scolaire).
Dans son rapport annuel de 1988 intitulé
« l'éducation en Afrique subsaharienne », la Banque
Mondiale décrivait en ces termes ce qu'était l'éducation
en Afrique traditionnelle :
« Les sociétés africaines ont une
longue et riche tradition éducative. Dispensée de tout temps par
tous les groupes ethniques et linguistiques ; l'éducation
traditionnelle demeure un important moyen de transmission d'identité
culturelle. Elle vise à inculquer aux enfants les comportements et les
connaissances qu'exigera le rôle qu'ils sont appelés à
jouer au sein de la société, mettant l'accent sur les devoirs et
les prérogatives qui ont leur source dans les valeurs culturelles.
Véhiculée par la parole et l'exemple au foyer, ainsi que par les
leçons et le rituel hors du foyer, l'éducation traditionnelle
vise à résoudre les problèmes concrets de la vie courante.
Elle forme des dirigeants politiques aussi bien que des simples agriculteurs et
elle inculque le sens civique aux membres de la
collectivité».
Plongeant ses racines bien au-delà de la période
coloniale, l'héritage chrétien représente le
deuxième apport important à l'éducation en Afrique. Vers
l'an 450, l'église chrétienne d'Éthiopie avait mis en
place tout un système d'éducation qui allait devenir le support
principal de la vie culturelle, spirituelle, littéraire, scientifique et
artistique de ce pays.
L'islam représente la troisième influence
majeure sur l'éducation africaine d'avant la période coloniale.
Des structures de type scolaire et autre dont un petit nombre comme à
Tombouctou au Mali, et à Lanus sur la côte EST de l'Afrique
allaient connaître un grand rayonnement, furent créées pour
enseigner la morale et la théologie de
l'islam ».L'éducation du type formelle ne débutera en
Afrique qu'avec l'arrivée des missionnaires européens.
1.2.1.2. Historique du
système éducatif guinéen
Suivant la nature des régimes socio-politiques qui se
sont succédé en Guinée, le système éducatif
guinéen a connu plusieurs mutations.
a) L'époque précoloniale :
période avant 1895
Jusqu'en 1875, la Guinée était structurée
en des Sociétés-Etats dont les chefs étaient responsables
de la gestion politique, économique et militaire du territoire.
L'écriture en caractère latin était inconnue.
L'éducation de cette époque visait la préparation de
l'enfant à la vie collective par le développement de ses
aptitudes morales, intellectuelles et physiques. (FEINDOUNO, 1998).
En 1878, la première école des missionnaires fut
implantée à Boffa (sur le littoral guinéen) et dix
ans plus tard une école laïque française à l'ancien
port négrier de Benty(préfecture de Forécariah).
b) L'époque coloniale (1895--1958)
En 1895, la Guinée devient colonie française
rattachée à l'Afrique Occidentale Française (AOF).
L'éducation qui était jusque-là informelle devient
formelle et structurée. Neuf (9) écoles sont créées
à Conakry, Boffa, Boké, Kindia, Mamou, Labé, Faranah,
Kankan et Siguiri ayant un effectif total de 500 élèves.
Entre 1903 et 1911, l'administration coloniale définit
un système éducatif spécial pour les colonies et
crée des nouvelles écoles pour la formation des maîtres
indigènes, des interprètes et des commis d'administration. A
partir de 1920, la métropole procède à l'ouverture de
l'école technique professionnelle Georges Poiret de Conakry et des
centres d'apprentissages d'Agriculture et d'Élevage de Kindia et de
Mamou.
À la fin de la deuxième guerre mondiale en 1945
on assiste à l'émergence des leaders syndicaux et politiques qui
réclament l'émancipation des peuples africains par le biais de
l'instruction. Le cycle de formation fut ainsi élargi du primaire au
secondaire dans de nombreuses régions du pays. Les lycées
techniques de Conakry (Donka) et classique de Labé (Popodara) ouvrent
leurs portes. Mais l'accès à ces écoles était
très limité. Jusqu'en 1957 l'effectif des élèves du
secondaire n'était que de 807 élèves.
c) L'époque postcoloniale (à partir de
1958)
c-1. Le système éducatif guinéen sous
la 1ère République (1958-1984)
A la faveur du référendum du 28 septembre 1958
la Guinée accède à la souveraineté nationale. Les
nouvelles autorités engagent un vaste programme de réforme du
système éducatif. C'est ainsi que l'ordonnance numéro 42
/MEN du 5 août 1959 portant réforme de l'enseignement fut
adopté. Cette ordonnance stipule que :
Article 1 : la réforme de l'enseignement
a pour but :
de rénover les valeurs culturelles africaines ;
de rendre effectif le droit à l'instruction reconnu
à tout citoyen de la République de Guinée par la loi
constitutionnelle du 10 novembre 1958 ;
de permettre au peuple de Guinée d'accéder
pleinement à la culture scientifique et à des techniques
répondant aux besoins réels du pays.
Article 2 : l'enseignement est obligatoire pour
tous les enfants et adolescents de 7 à 15 ans.
Article 3 : l'enseignement est dispensé
gratuitement à tous les degrés. Cette gratuité
s'étend pour la durée de l'enseignement obligatoire aux
fournitures scolaires.
Article 4 : des bourses sont accordées
à tous les élèves dont les familles ne peuvent pas assurer
l'entretien.
Article 5 : l'éducation des enfants
inaptes ou déficients intellectuels est assurée par un personnel
spécialisé.
Le « NON » de la Guinée au
référendum du Général de Gaule en août 1958
eut pour conséquence le départ de la quasi-totalité des
enseignants français. Jusqu'en 1958, il n'existait en Guinée que
trois cours normaux à Kindia, Kankan et Macenta pour la formation
des moniteurs d'enseignement général. La formation des
instituteurs était assurée dans les écoles
fédérales du Sénégal (Sebikotane et Rufisque), du
Mali (Katibougou) et de Côte d'Ivoire (Dabou). Le personnel sortant de
ces écoles était loin de satisfaire les besoins du fait du
départ des étrangers. Pour pallier ces difficultés, l'Etat
fit appel à tous les citoyens jugés capables d'exercer la
fonction d'enseignement. Parallèlement à cette action, des
nouveaux centres de formation furent créés. C'est le cas de
l'école normale primaire de Kankan, l'école des sages-femmes de
Kindia, l'école nationale des techniques administratives de Conakry,
l'école nationale d'agriculture de Foulaya, etc.).
En 1961, suite à la grève des enseignants, les
écoles privées sont supprimées et la gratuité de
l'enseignement et son caractère obligatoire jusqu'au baccalauréat
proclamé.En 1962, l'Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de
Conakry, première école d'enseignement supérieur en
Afrique francophone, fut créé. Elle comprenait deux
facultés : Génie civil et Mines et Géologie.
Les réformes de l'enseignement intervenues à
partir de la moitié des années 60 sont marquées par la
proclamation de la révolution culturelle socialiste et l'enseignement
dans les langues nationales (huit au total) dans les écoles.
Les différents cycles d'enseignement en
République de Guinée étaient : le Collège
d'enseignement révolutionnaire premier cycle (CER 1er cycle)
équivalent actuel au cycle primaire, le Collège d'enseignement
révolutionnaire deuxième et troisième cycles (CER
2ème et 3ème cycle) équivalent au
collège et au lycée et le CER 4ème
équivalent de l'enseignement supérieur.
Le conseil national de la révolution (CNR) tenu
à Conakry du 19 au 24 janvier 1970 décida de la création
dans chaque unité de base du Parti-État (district ou quartier)
d'un Collège d'enseignement révolutionnaire (CER 1er
cycle) et chaque CER 2ème& 3ème
cycle en était une unité de production et devrait «disposer
d'un domaine cultivable de 120 ha et entretenir un cheptel de 60 têtes de
bovins au moins ».
Dès 1972, le CNR élargi au conseil
supérieur de l'éducation décida de l'introduction pour un
quart dans le calcul de la moyenne de composition et des examens, de
l'utilisation effective par les CER de 40 % de leur temps aux activités
productives ; de l'alphabétisation systématique de tout le
peuple ; de la création de l'académie des langues
nationales.
Ces années sont aussi marquées par la
création de l'école des agents techniques d'exploitations des
postes et télécommunications de Conakry, le transfert de la
faculté de Mines Géologie près du centre minier de Kamsar,
de la création de l'Institut de recherche Agronomique et
fruitière de Foulaya et de l'École nationale de zootechnie de
Famoila (Beyla), de l'école nationale vétérinaire de
Mamou, de l'école des eaux et forêts de Séredou, du
transfert de l'école nationale d'agriculture de Foulaya à
Faranah.
La 36ème session du CNR tenue à
Conakry décida de l'introduction de l'enseignement des langues
nationales au secondaire. La charte du 16 février 1975 proclama la
création des facultés agronomiques dans toutes les régions
administratives du pays. La Guinée comptait à cette date trente
facultés d'agronomies du 1er degré et six du
2ème degré.
c-2. Le système éducatif sous la
2ème République (1984 à nos
jours)
La prise du pouvoir par l'armée le 3 avril 1984 marque
un autre tournant dans l'histoire de la guinée. Des changements
importants furent opérés dans le système éducatif
à la suite de la conférence nationale de l'éducation tenue
en mai-juin 1984 à Conakry. Les changements concernaient non seulement
la restructuration du système éducatif mais aussi les
stratégies et les finalités du système. Ainsi dès
1984, le français devient la langue d'enseignement à tous les
niveaux. Les activités artistiques et théâtrales sont
supprimées des programmes des écoles. Les programmes furent
réaménagés, certaines matières telles que
l'Agriculture et la Zootechnie supprimées. La quasi-totalité des
CER 2ème et 3ème cycles sont fermées
dans les PRL (Pouvoir Révolutionnaire Local) et les Arrondissements.
L'amélioration de la qualité de l'enseignement a
aussi consisté en un vaste programme de perfectionnement et de recyclage
des enseignants. Le contrôle des connaissances est renforcé par
l'institutionnalisation de trois compositions annuelles au lieu de deux, la
création de la classe de Terminale et l'institutionnalisation du
concours d'accès à l'université. Au niveau du
lycée, l'option agronomie est supprimée et deux nouvelles
options sciences expérimentales et sciences sociales se sont
ajoutées à l'option sciences mathématiques. Le brevet qui
se passait en 9ème est ramené en
10ème, les baccalauréats premiers et deuxième
parties institués en 12ème et en terminales. En 1987,
les écoles privées qui avaient été suspendues
à la suite de la grève des enseignants de 1961 sont
autorisées à reprendre du service.
En 1990, le gouvernement lance un vaste programme d'ajustement
structurel du secteur de l'éducation (PASE) et se fixent deux objectifs
majeurs :
Sur le plan quantitatif, relever le taux de scolarisation de
27 à 60 % avant l'an 2000 et former 500 enseignants par an et 1400 par
an après l'an 2000.Sur le plan qualitatif,
· construire et entretenir les locaux scolaires
· qualifier le personnel enseignant et
d'encadrement ;
· le redéploiement des enseignants non
qualifiés dans leur formation d'origine ;
· fournir des manuels scolaires à tous les
établissements du pays ;
· réduire des disparités entre les sexes et
les zones en matière de scolarisation
· promouvoir l'enseignement privé
· doter l'administration scolaire en matériels
informatiques.
La réussite de ce premier programme valut à la
Guinée son échelonnement par les bailleurs de fonds. Le nouveau
programme appelé PASE-II et qui est entré en vigueur en 1996
avait pour objectif de préserver et développer les acquis du
PASE-I. Sur le plan quantitatif, il se devait de porter le taux de
scolarisation de 34 à 53 % en l'an 2000 et accroître le taux
d'accès à l'école à 70 % du taux brut d'inscription
en 1ère année en l'an 2000. Le PASE-II avait aussi
pour but d'accroître la participation communautaire dans la
définition des finalités de l'école et de sa gestion.En
l'an 2000 un nouveau programme dénommé Enseignement de base pour
tous d'ici l'an 2010 (EPT) fut lancé. L'EPT doit permettre de
scolariser tous les enfants en âge d'être scolarisés d'ici
l'an 2010.
Au niveau de l'enseignement supérieur, d'importants
changements ont été également enregistrés depuis
1984. Dès 1986, les Instituts Polytechniques de Conakry et de
Kankan sont érigés en Universités. L'École Normale
Supérieure de Manéah est restructurée et rebaptisée
Institut Supérieur des Sciences de l'Éducation de Guinée.
En 2001, les Centres Universitaires Régionaux de Labé et de
Nzérékoré ont été ouverts et
rattachés respectivement à l'Université de Conakry et de
Kankan.
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