INTRODUCTION
« Faire un enfant est un plaisir mais
l'éduquer est un devoir » Sagesse bambara
Plus de quarante ans après l'accession à
l'indépendance de la quasi-totalité des États africains,
les priorités définies alors pour l'amélioration des
conditions de vie des populations africaines restent toujours
d'actualité. Parmi ces priorités, on peut citer : une bonne
alimentation, la santé pour tous, l'éducation et la scolarisation
de tous les enfants.
Au début des années 1960, tous les dirigeants
africains avaient assigné à leur système éducatif,
le devoir de procurer à l'État et à l'économie des
cadres qualifiés mais aussi de dispenser une éducation de base
considérée comme un droit élémentaire de l'homme,
de réduire les disparités régionales et sociales, de
consolider l'identité nationale et culturelle, etc. (KI-ZERBO, 1990).
Ainsi, la conférence internationale d'Addis-Abeba tenue en mai 1961,
recommandait la révision des contenus de l'enseignement et fixait des
objectifs quantitatifs ambitieux comme la scolarisation universelle en
1980.
Entre 1960 et 1975, les taux de scolarisation ont
augmenté de façon remarquable dans tous les pays d'Afrique. Mais
la crise économique provoquée par la détérioration
des termes de l'échange et les différents chocs pétroliers
ont vite freiné cet élan. En effet, le taux de croissance des
effectifs scolaires qui était de 8,4% par an entre 1970 et1980 est
tombé à 2,9% par an entre 1980 et 1989. Non seulement le taux
d'inscription au cycle primaire diminuait mais aussi l'effectif des enfants qui
abandonnaient leurs études avant la fin de ce cycle allait croissant
dans de nombreux pays africains au sud du Sahara. Et ce, d'autant plus que
l'offre scolaire ne suivait pas dans bien des cas l'accroissement rapide de la
population.
Or, l'un des outils indispensables au bien-être des
personnes et au développement socioéconomique et culturel d'un
pays est la scolarisation de sa population (WAKAM, 2000). La scolarisation
forme la personnalité de l'individu, ses idées et son
comportement ; elle élargit ses contacts avec son environnement
proche et avec le monde extérieur(LAMLENN, 1993). Pour (THORIN, 2002)
« Savoir lire et écrire est la seconde conquête de
l'humanité, après le langage. Echouer dans
l'alphabétisation, baisser les bras devant l'ampleur des efforts
à faire pour rendre l'éducation accessible à tous, serait
dénier aux individus leur qualité d'être
humain ».
Le premier engagement de la communauté internationale
à assurer l'instruction primaire universelle remonte à 1990, lors
de la Conférence mondiale sur l'éducation tenue à Jomtien
(Thaïlande) et organisée conjointement par l'UNESCO, l'UNICEF, le
PNUD et la Banque Mondiale. En juin 1996 à Amman (Jordanie), lors de la
Conférence pour le suivi de la conférence de Jomtien, on a pu
constater une augmentation sensible du nombre d'enfants scolarisés,
cette augmentation restait cependant insuffisante compte tenu de
l'accroissement du nombre d'enfants en âge d'aller à
l'école. Dans certaines régions, telles que l'Asie du sud et
l'Afrique subsaharienne, les progrès constatés ont
été très insuffisants.
Dix ans après la conférence de Jomtien, la
communauté internationale a réaffirmé à Dakar
(Sénégal) sa volonté de faire en sorte que tous les
enfants bénéficient d'un enseignement primaire complet gratuit et
de qualité. Malgré l'adhésion des pays et des instances
internationales à ce programme, les progrès n'ont pas
été à la hauteur des attentes. Aussi, l'objectif principal
de cette conférence (à savoir l'éducation pour tous en
l'an 2000) a-t-il été finalement repoussé en l'an 2015 vu
l'ampleur des tâches à accomplir en Afrique Subsaharienne.
Selon l' (UNESCO, 2002), en Afrique, quatre enfants sur dix
ayant atteint l'âge d'aller à l'école n'y vont pas et ce,
bien que l'éducation primaire soit une priorité pour ce
continent. Pour assurer la scolarisation totale dans bon nombre des pays
(africains) sur la base actuelle, le professeur (KI-ZERBO, 1990), affirme qu'il
faudrait que ces pays consacrent la totalité de leur budget au secteur
de l'éducation du fait que dans bon nombre de pays, le taux de
scolarisation est surestimé. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance
(UNICEF, 1999), estime que l'Afrique Subsaharienne devra dépenser 1,9
milliards de dollars supplémentaires par an pour assurer une
scolarisation primaire pour tous d'ici 2010 (à noter que cette
région consacre actuellement près de 9 milliards de dollars par
an à l'éducation). Un effort que les dirigeants africains doivent
impérativement consentir car il est désormais admis que pour
échapper à la pauvreté, les gouvernements doivent faire
d'importants investissements dans les services sociaux de base.
« L'accès universel aux services sociaux de base de
qualité, et en particulier, à l'éducation, la
santé, l'eau et l'assainissement donne aux gouvernements des bases
solides pour le développement. Et ce qui est tout aussi important, il
garantit la réalisation des droits de l'enfant » (UNICEF,
1999). Pour la Banque Mondiale, l'éducation est un droit fondamental,
une fin en soi, indissociable de la vie et du développement.
« Quand on en considère tous les avantages,
l'intérêt d'une revitalisation et du développement de
l'enseignement et de la formation en Afrique ne saurait faire de doute,
même en cette période d'extrême
pénurie »(BANQUE MONDIALE, 1988).
La Guinée est l'un de ces pays d'Afrique Subsaharienne
où les taux de scolarisation sont les plus bas du monde notamment en ce
qui concerne les filles. Le taux brut de scolarisation (TBS) c'est à
dire le rapport de la population scolaire sur la population scolarisable
correspondante était estimé en 2000 à 61 % pour
l'ensemble des deux sexes et seulement 50 % pour les filles. Quant au taux net
de scolarisation qui représente le rapport de l'effectif de la
population scolaire ayant l'âge requis sur la population scolarisable
correspondante, il était de 48 % pour l'ensemble des deux sexes et 41 %
pour les filles. Au niveau régional, le TBS varie entre 45 % dans la
région de Labé à 100 % dans la Capitale Conakry. Tandis
que le TNS, lui varie entre 35 % à Labé et 81 % à Conakry.
La population guinéenne sans aucune instruction avoisine les 80 % pour
les femmes et 55 % pour les hommes (EDSG-II, 2001).
En dépit des efforts nationaux et internationaux
entrepris pour développer l'offre scolaire et améliorer la
qualité des enseignements, la mise à l'école est encore
loin de concerner tous les enfants en âge d'être scolarisés
en Guinée aussi. Au-delà du constat général d'une
sous-scolarisation rurale et féminine, on sait encore peu de choses sur
les pratiques scolaires des familles voir des sociétés toutes
entières (PILON M. , 1995, 1999 et 2000). Comme le dit(WAKAM, 1999), si
l'on peut à juste titre évoquer le manque ou l'insuffisance
d'infrastructures et des maîtres ou encore le manque des moyens
financiers des parents, il y a tout lieu de penser qu'il ne suffit pas à
expliquer cette situation.
Qu'est-ce qui expliqueraient les différences de
scolarisation constatées entre les Régions en
Guinée ? Les caractéristiques
socio-économiques, culturelles et démographiques des
ménages agissent-elles différemment d'une région à
une autre ? Voilà deux questions auxquelles nous tenterons de
répondre dans ce travail de recherche.
Plus concrètement, nous souhaitons contribuer à
une meilleure connaissance des facteurs influents sur la scolarisation des
enfants et suggérer des solutions afin de rehausser le niveau de
scolarisation des enfants de 6-14 ans et de réduire les
disparités entre les régions et les sexes en République de
Guinée.
Ce travail a ainsi pour objectif de :
OS1 - identifier la part de chacun des
facteurs socio-économiques, culturels et démographiques dans
l'explication des différences régionales.
OS2 - identifier la part des
caractéristiques des enfants (sexe et âge) dans l'explication des
disparités régionales en matière de scolarisation en
Guinée.
Pour ce faire, ce travail s'articulera sur cinq (5) chapitres.
Le premier présente le contexte de l'étude. Le deuxième
est consacré à la synthèse de la littérature,
à l'élaboration du cadre conceptuel et à la formulation
des hypothèses. Le troisième chapitre est consacré aux
aspects méthodologiques. Le quatrième chapitre décrit les
variations différentielles de la scolarisation selon les
différents facteurs susceptibles de l'influencer. Dans le chapitre 5
nous essayons d'expliquer les disparités régionales de la
scolarisation en Guinée. En fin, dans la conclusion, nous
présentons la synthèse de nos résultats et leurs
discussions.
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