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Disparités régionales en matière de scolarisation en Guinée


par Mamadou Dian Dilé Diallo
Université Yaounde II - DESS 2003
  

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INTRODUCTION

« Faire un enfant est un plaisir mais l'éduquer est un devoir »
Sagesse bambara

Plus de quarante ans après l'accession à l'indépendance de la quasi-totalité des États africains, les priorités définies alors pour l'amélioration des conditions de vie des populations africaines restent toujours d'actualité. Parmi ces priorités, on peut citer : une bonne alimentation, la santé pour tous, l'éducation et la scolarisation de tous les enfants.

Au début des années 1960, tous les dirigeants africains avaient assigné à leur système éducatif, le devoir de procurer à l'État et à l'économie des cadres qualifiés mais aussi de dispenser une éducation de base considérée comme un droit élémentaire de l'homme, de réduire les disparités régionales et sociales, de consolider l'identité nationale et culturelle, etc. (KI-ZERBO, 1990). Ainsi, la conférence internationale d'Addis-Abeba tenue en mai 1961, recommandait la révision des contenus de l'enseignement et fixait des objectifs quantitatifs ambitieux comme la scolarisation universelle en 1980.

Entre 1960 et 1975, les taux de scolarisation ont augmenté de façon remarquable dans tous les pays d'Afrique. Mais la crise économique provoquée par la détérioration des termes de l'échange et les différents chocs pétroliers ont vite freiné cet élan. En effet, le taux de croissance des effectifs scolaires qui était de 8,4% par an entre 1970 et1980 est tombé à 2,9% par an entre 1980 et 1989. Non seulement le taux d'inscription au cycle primaire diminuait mais aussi l'effectif des enfants qui abandonnaient leurs études avant la fin de ce cycle allait croissant dans de nombreux pays africains au sud du Sahara. Et ce, d'autant plus que l'offre scolaire ne suivait pas dans bien des cas l'accroissement rapide de la population.

Or, l'un des outils indispensables au bien-être des personnes et au développement socioéconomique et culturel d'un pays est la scolarisation de sa population (WAKAM, 2000). La scolarisation forme la personnalité de l'individu, ses idées et son comportement ; elle élargit ses contacts avec son environnement proche et avec le monde extérieur(LAMLENN, 1993). Pour (THORIN, 2002) « Savoir lire et écrire est la seconde conquête de l'humanité, après le langage. Echouer dans l'alphabétisation, baisser les bras devant l'ampleur des efforts à faire pour rendre l'éducation accessible à tous, serait dénier aux individus leur qualité d'être humain ».

Le premier engagement de la communauté internationale à assurer l'instruction primaire universelle remonte à 1990, lors de la Conférence mondiale sur l'éducation tenue à Jomtien (Thaïlande) et organisée conjointement par l'UNESCO, l'UNICEF, le PNUD et la Banque Mondiale. En juin 1996 à Amman (Jordanie), lors de la Conférence pour le suivi de la conférence de Jomtien, on a pu constater une augmentation sensible du nombre d'enfants scolarisés, cette augmentation restait cependant insuffisante compte tenu de l'accroissement du nombre d'enfants en âge d'aller à l'école. Dans certaines régions, telles que l'Asie du sud et l'Afrique subsaharienne, les progrès constatés ont été très insuffisants.

Dix ans après la conférence de Jomtien, la communauté internationale a réaffirmé à Dakar (Sénégal) sa volonté de faire en sorte que tous les enfants bénéficient d'un enseignement primaire complet gratuit et de qualité. Malgré l'adhésion des pays et des instances internationales à ce programme, les progrès n'ont pas été à la hauteur des attentes. Aussi, l'objectif principal de cette conférence (à savoir l'éducation pour tous en l'an 2000) a-t-il été finalement repoussé en l'an 2015 vu l'ampleur des tâches à accomplir en Afrique Subsaharienne.

Selon l' (UNESCO, 2002), en Afrique, quatre enfants sur dix ayant atteint l'âge d'aller à l'école n'y vont pas et ce, bien que l'éducation primaire soit une priorité pour ce continent. Pour assurer la scolarisation totale dans bon nombre des pays (africains) sur la base actuelle, le professeur (KI-ZERBO, 1990), affirme qu'il faudrait que ces pays consacrent la totalité de leur budget au secteur de l'éducation du fait que dans bon nombre de pays, le taux de scolarisation est surestimé. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF, 1999), estime que l'Afrique Subsaharienne devra dépenser 1,9 milliards de dollars supplémentaires par an pour assurer une scolarisation primaire pour tous d'ici 2010 (à noter que cette région consacre actuellement près de 9 milliards de dollars par an à l'éducation). Un effort que les dirigeants africains doivent impérativement consentir car il est désormais admis que pour échapper à la pauvreté, les gouvernements doivent faire d'importants investissements dans les services sociaux de base. « L'accès universel aux services sociaux de base de qualité, et en particulier, à l'éducation, la santé, l'eau et l'assainissement donne aux gouvernements des bases solides pour le développement. Et ce qui est tout aussi important, il garantit la réalisation des droits de l'enfant » (UNICEF, 1999). Pour la Banque Mondiale, l'éducation est un droit fondamental, une fin en soi, indissociable de la vie et du développement. « Quand on en considère tous les avantages, l'intérêt d'une revitalisation et du développement de l'enseignement et de la formation en Afrique ne saurait faire de doute, même en cette période d'extrême pénurie »(BANQUE MONDIALE, 1988).

La Guinée est l'un de ces pays d'Afrique Subsaharienne où les taux de scolarisation sont les plus bas du monde notamment en ce qui concerne les filles. Le taux brut de scolarisation (TBS) c'est à dire le rapport de la population scolaire sur la population scolarisable correspondante était estimé en 2000 à 61 % pour l'ensemble des deux sexes et seulement 50 % pour les filles. Quant au taux net de scolarisation qui représente le rapport de l'effectif de la population scolaire ayant l'âge requis sur la population scolarisable correspondante, il était de 48 % pour l'ensemble des deux sexes et 41 % pour les filles. Au niveau régional, le TBS varie entre 45 % dans la région de Labé à 100 % dans la Capitale Conakry. Tandis que le TNS, lui varie entre 35 % à Labé et 81 % à Conakry. La population guinéenne sans aucune instruction avoisine les 80 % pour les femmes et 55 % pour les hommes (EDSG-II, 2001).

En dépit des efforts nationaux et internationaux entrepris pour développer l'offre scolaire et améliorer la qualité des enseignements, la mise à l'école est encore loin de concerner tous les enfants en âge d'être scolarisés en Guinée aussi. Au-delà du constat général d'une sous-scolarisation rurale et féminine, on sait encore peu de choses sur les pratiques scolaires des familles voir des sociétés toutes entières (PILON M. , 1995, 1999 et 2000). Comme le dit(WAKAM, 1999), si l'on peut à juste titre évoquer le manque ou l'insuffisance d'infrastructures et des maîtres ou encore le manque des moyens financiers des parents, il y a tout lieu de penser qu'il ne suffit pas à expliquer cette situation.

Qu'est-ce qui expliqueraient les différences de scolarisation constatées entre les Régions en Guinée ?  Les caractéristiques socio-économiques, culturelles et démographiques des ménages agissent-elles différemment d'une région à une autre ? Voilà deux questions auxquelles nous tenterons de répondre dans ce travail de recherche.

Plus concrètement, nous souhaitons contribuer à une meilleure connaissance des facteurs influents sur la scolarisation des enfants et suggérer des solutions afin de rehausser le niveau de scolarisation des enfants de 6-14 ans et de réduire les disparités entre les régions et les sexes en République de Guinée.

Ce travail a ainsi pour objectif de :

OS1 - identifier la part de chacun des facteurs socio-économiques, culturels et démographiques dans l'explication des différences régionales.

OS2 - identifier la part des caractéristiques des enfants (sexe et âge) dans l'explication des disparités régionales en matière de scolarisation en Guinée.

Pour ce faire, ce travail s'articulera sur cinq (5) chapitres. Le premier présente le contexte de l'étude. Le deuxième est consacré à la synthèse de la littérature, à l'élaboration du cadre conceptuel et à la formulation des hypothèses. Le troisième chapitre est consacré aux aspects méthodologiques. Le quatrième chapitre décrit les variations différentielles de la scolarisation selon les différents facteurs susceptibles de l'influencer. Dans le chapitre 5 nous essayons d'expliquer les disparités régionales de la scolarisation en Guinée. En fin, dans la conclusion, nous présentons la synthèse de nos résultats et leurs discussions.

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