1.2.2 Vers une ingénierie spécifique à
la participation - de 1990 à nos jours.
Simon Wuhl explique que « depuis longtemps
l'idée prévaut que pour crédibiliser une démarche
participative, qu'elles qu'en soient les modalités. Il faut
réduire l'asymétrie qui préexiste entre les
institutionnels et leurs experts disposant du savoir technique (et du pouvoir
ultime de décision) d'une part, et les représentants de la
société civile peu équipés sur ce plan d'autre part
».
À la fin des années 1980 et au début des
années 1990, les pouvoirs publics vont s'employer à
formaliser et institutionnaliser une véritable ingénierie
de la participation des usagers autour des grands projets
d'aménagement et d'environnement, y compris pour des projets importants
qui requièrent des compétences techniques
spécialisées comme le CNDP et le PUCA Il s'agit, pour les
autorités, de reprendre le contrôle d'un mouvement grandissant de
contestation, qui s'exprime dans le domaine du cadre de vie, en
répondant partiellement aux revendications exprimées d'une plus
grande démocratisation dans la prise de décision.
Parmi la multitude des initiatives issues de l'institution ou
de la société civile dans son acception la plus large, deux
d'entre elles sont toujours très présentes :
· La création en 1995 d'une Commission
nationale du débat public (CNDP), pour favoriser et organiser
les débats avec des représentants de la société
civile, au cours de l'élaboration de grands projets d'aménagement
(tracé de lignes à haute tension, stockage des déchets
nucléaires, construction d'un aéroport,) ayant un impact sur
l'environnement42. Elle représente un nouveau type
d'institution par sa composition (élus locaux, magistrats,
représentants d'associations de défense de l'environnement), par
son fonctionnement
40 Jean-Pierre Gaudin La démocratie
participative en France, 2007, p.48
41 Loïc Blondiaux, Le nouvel esprit de la
démocratie, 2008, pp. 42-44 ; Simon Wuhl, 2002, pp. 240-266, et
2007, pp.113-114
42 Point important : la CNDP deviendra
indépendante de toute autorité administrative en 2002
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(consultation obligatoire pour certains cas) et par sa
conception (argumentation, équité de parole et transparence).
· La constitution d'une ingénierie de la
participation, grâce à une multitude d'acteurs aux
compétences diversifiées (experts, juristes, chercheurs,
militants, etc.) qui se mettent au service des citoyens sans compétences
sur les secteurs de l'urbain et du cadre de vie au départ,
généralisant la démarche initiée dans le cadre de
l'action entreprise à l'Alma-gare de Roubaix dans les années
1970. Comme le Plan Urbanisme, Construction et Architecture du
Ministère de l'Équipement (PUCA). Cette
ingénierie de la participation s'articule autour de l'émergence
de spécialistes de la participation et sur la monovalence de ses
compétences. Ces spécialistes de la participation s'organisent
aussi bien d'anciens militants des luttes urbaines que d'entreprises nouvelles
de communication. Se donnant comme objectifs d'informer et de former sur la
compréhension des enjeux. Ironiquement ces médiateurs doivent
demeurer dans leur rôle de spécialiste mais ne jouent aucun
rôle de pédagogue auprès des groupes associatifs ou des
groupes citoyens.
Le rôle que peuvent jouer les médiateurs se
retrouve dans certains pays où celle-ci s'organise différemment
de nos médiateurs comme en Finlande et au Danemark avec leurs concepts
d'ombudsman, ayant un rôle de traitement des plaintes aidant les citoyens
à défendre leurs droits devant un État puissant et
complexe. On peut retrouver d'autres missions à celui-ci comme dans les
politiques éducatives et de surveillance législative dans les
pays scandinaves tels que la Finlande ou le Danemark. Ce modèle de
médiateur au centre des décisions reste tout de même assez
loin de ce que l'on peut retrouver en France.
34
Conclusion de partie : La participation se détachent des
processus institutionnels participatifs.
Nous avons proposé une analyse articulée autour
de plusieurs concepts tirés de la littérature internationale qui
a permis de créer une passerelle étymologique entre ces deux
termes que sont l'empowerment et la démocratie participative.
La thématique de l'empowerment renvoie, comme celle de
participation ou de démocratie participative, à une
pluralité d'interprétations mais surtout d'expériences
sociales et politiques. Elles s'inscrivent, depuis les années 1960, dans
des perspectives de reconnaissance d'une place légitime aux groupes
marginalisés que ce soit les femmes, les pauvres ou bien les populations
des quartiers difficiles. Cette notion, comprenant l'idée de pouvoir,
est centrale dans le terme. Les exemples de ses applications ont rarement
abouti à un pouvoir politique. Elle ouvre plutôt les esprits
autour d'un pouvoir au plus près de ses citoyens dans un but d'influence
et la prise en compte dans les politiques publiques. Les similitudes que nous
avons pu constater dans l'articulation historique de ces deux termes, plus ou
moins ressemblant, nous met en garde contre la perte de vitesse qu'a pu
être cette notion de participation dans le processus institutionnel
participatif des années 1990. On ne citant que, à titre
d'exemple, l'asymétrie entre les institutions et la
société civile, entre les couches sociales favorisant
l'instrumentalisation de la participation des citoyens et le maintien de toutes
formes de pouvoir dans les sphères institutionnelles dirigeantes d'en
haut.
Le constat qui est fait dans cette première montre la
complexité de compréhension qu'il peut exister dans la lecture du
modèle démocratique en place et le montage de la
démocratie participative à travers la construction sociale et
politique française. Cette première partie représentera un
abécédaire de ce que représente la participation à
l'échelle institutionnelle, et ce qui est mis en place dans les
instances de participation en France. Elle nous servira
d'éléments de synthèse de l'histoire de la création
du phénomène de participation dans la société
d'aujourd'hui.
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