YIELD-MANAGEMENT ET IMPACTS SUR LE COMPORTEMENT DES
CONSOMMATEURS
LE YIELD-MANAGEMENT DES COMPAGNIES AERIENNES
Mémoire de recherche
Directeur de mémoire : Présenté
par :
Mathieu SALVADORE Guillaume MONNIN
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont
accompagnées durant la rédaction de ce mémoire.
En particulier, je tiens à remercier Monsieur Simon
REGNIER, Monsieur Jean-François LEMOINE et Monsieur Stéphane
MAGNE pour leur pédagogie et leurs enseignements dans le cadre du cours
de Techniques d'enquête en management qui m'ont permis d'apprendre et
maîtriser les bases de l'étude qualitative et de l'étude
quantitative, ainsi que de nombreux concepts que j'ai pu réutiliser au
cours de mes recherches pour ce mémoire, et évidemment la prise
en main du logiciel SPSS.
Je remercie également Monsieur Alexandre STEYER pour
son cours de Recherche en management et MonsieurRaouf ZAFRI pour son cours
d'Expertise statistique en marketing. Ces deux cours m'ont permis de bien
assimiler les différents tests statistiques et leurs méthodes
d'utilisation, ce qui m'a grandement aidé pour la rédaction de ce
mémoire.
Je remercie aussi mes amis et camarades pour leurs conseils et
leur relecture finale : Mina ARKOUB, Clément ASSERAF,Alexandra
BOCCHETTA et Agathe DIGHIERO, sans oublier les 107 répondants à
mon questionnaire, qui m'ont permis de récolter de nombreuses
données nécessaires à mon étude.
Enfin, je remercie mon directeur de mémoire Monsieur
Mathieu SALVADORE pour ses conseils pour la restructuration de mon travail.
Table des matières
1. INTRODUCTION
3
2. REVUE DE LITTERATURE : LE
YIELD-MANAGEMENT, DEVELOPPEMENT, PRINCIPE, OBJECTIFS
5
2.1. EMERGENCE DU YIELD-MANAGEMENT
5
2.1.1. Le développement du transport
aérien civil
5
2.1.2. Le tournant de la fin des
années 1970: Air Deregulation Act
5
2.1.3. Définitions du
Yield-management
6
2.2. PRINCIPE DU
YIELD-MANAGEMENT
6
2.3. LES CHAMPS D'APPLICATION DU
YIELD-MANAGEMENT
7
2.4. LES LEVIERS DU YIELD-MANAGEMENT
DANS LE TRANSPORT AERIEN
8
2.4.1. Le pricing
8
2.4.2. La prévision de la demande
9
2.4.3. La gestion des capacités
9
2.4.4. La gestion du surbooking
10
2.5. YIELD-MANAGEMENT ET
PERCEPTION DU CONSOMMATEUR
10
2.5.1. L'équité
10
2.5.2. Les facteurs modérateurs
11
3. ETUDE QUANTITATIVE SUR LA PERCEPTION ET LE
COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS FACE AU YIELD-MANAGEMENT
12
3.1. LES HYPOTHÈSES
12
3.2. CONSTRUCTION DU QUESTIONNAIRE
14
3.3. ANALYSE DES RÉSULTATS
14
3.3.1. L'échantillon
14
3.3.2. Analyses univariées sur la
perception du yield-management
16
3.3.3. Analyses multivariées
24
3.4. VALIDATION DES HYPOTHÈSES
30
4. CONCLUSION
32
Références bibliographiques
33
Annexes (questionnaire)
INTRODUCTION
Avant de commencer, il me semblait important de justifier mon
choix du thème et du sujet. Passionné depuis tout jeune par
l'aviation en général, ce mémoire représentait
l'opportunité pour moi de mettre en relation mon domaine
d'études, le marketing, avec le secteur qui me fascine. De plus, il me
semblait intéressant d'étudier les politiques tarifaires et les
méthodes de fixation de prix des billets d'avion.
Nous nous sommes toujours demandés comment
était-il possible de payer un prix totalement différent de celui
de notre voisin pour un siège offrant exactement les mêmes
services. Que ce soit pour une chambre d'hôtel, un billet d'avion ou de
train, le prix peut varier selon la date à laquelle on a acheté
le billet, notre profil de consommateur, etc. Au-delà de la simple loi
de l'offre et de la demande, cette différence est en fait due au
yield-management, une technique d'optimisation du revenu pour les
entreprises, qui induit des variations de prix selon différents
critères, autres que la simple classe de voyage (économique,
affaire, première...) et les services proposés (bagages, repas
à bord,..). L'objectif pour l'entreprise est de maximiser sa recette
générée, parfois au détriment du consommateur. De
nos jours, le yield management est au coeur des politiques tarifaires
des compagnies aériennes, mais il est également présent
dans d'autres entreprises de service (hôtels, locations de voiture...).
Nous allons dans ce mémoire nous intéresser à cette
technique en nous concentrant sur le transport aérien civil, et donc aux
différents aspects du yield-management utilisé par les
compagnies aériennes.
Au cours de ce mémoire nous allons donc nous interroger
sur la perception du yield-management par les consommateurs (qui sont
donc ici les passagers), en cherchant à déterminer si ces
techniques qui déterminent les politiques tarifaires des compagnies
aériennes influent sur le comportement des clients, et comment ces
derniers comprennent ce qui se cache derrière le prix d'un billet
d'avion.
Nous verrons dans un premier temps l'émergence et les
principes de base du yield-management, puis nous étudierons la
place centrale du client dans ces mécanismes à travers les
leviers de ces pratiques et le traitement de leur perception dans la
littérature. Puis, à travers une étude quantitative, nous
chercherons à déterminer comment le yield-management
impacte le comportement, la compréhension et la perception du
consommateur.
1. REVUE DE LITTERATURE : LE
YIELD-MANAGEMENT, DEVELOPPEMENT, PRINCIPE, OBJECTIFS
2.1.
EMERGENCE DU YIELD-MANAGEMENT
2.1.1. Le développement du
transport aérien civil
Le premier vol commercial a lieu en 1914 en Floride entre
Saint-Petersburg et Tampa, sur un appareil pouvant transporter un passager. La
première traversée de l'Atlantique sans escale a lieu en 1921 et
entrouvre la porte au développement de l'aviation civile, qui peine
cependant à se démocratiser entre les deux guerres et reste un
moyen de transport réservé aux plus aisés. La fin de la
seconde guerre mondiale marque un tournant avec des progrès techniques
fulgurants et l'apparition de nombreuses nouvelles lignes aériennes. Au
cours des années 1950, les avions à turbopropulseurs puis
à réaction succèdent aux moteurs à pistons
permettant une augmentation sensible de la vitesse des avions. Le transport
aérien se démocratise de plus en plus et devient accessible
à un grand nombre de voyageurs. Cependant, la plupart des compagnies
aériennes restent étatiques et la concurrence dans le secteur est
faible voire inexistante. Il faut attendre la fin des années 1970 pour
voir la dérégulation du transport aérien intervenir,
d'abord aux Etats-Unis, avant de se répandre en Europe et ailleurs
à la fin des années 1980.
2.1.2. Le tournant de la fin des
années 1970:Air DeregulationAct
L'émergence du yield-management est
étroitement liée à la déréglementation du
secteur aérien aux Etats-Unis à la fin des années 1970. Le
24 octobre 1978, Jimmy Carter, le 39e président des Etats-Unis, signe le
AirlineDeregulationActafin de déréglementer le transport
aérien ce qui conduit à la suppression du contrôle du
gouvernement sur le marché aérien, permettant l'introduction de
nouvelles compagnies aériennes, une augmentation du nombre de vols et
une diminution des tarifs due à cette nouvelle concurrence accrue. Sans
le yield-management, afin de conserver des parts de marché, la
solution des compagnies aériennes face à une situation de forte
concurrence qu'elles n'ont jamais connue auparavant serait de déclencher
une guerre des prix. Mais ce comportement s'avère néfaste
à moyen et long terme. C'est ainsi qu'est apparu le
yield-management,issu des travaux académiques de LITTLEWOOD du
début des années 1970. La logique d'optimisation du remplissage
de l'avion laisse place à une logique de maximisation des revenus
générés par le total des sièges vendus, quel que
soit le taux de remplissage final de l'appareil. Cela suppose des variations de
prix adaptées à la demande.
2.1.3. Définitions du
Yield-management
Le terme «yield» désigne le revenu
par siège et par mile (1 mile 1,6 kilomètres).
Le yield-management est donc littéralement la gestion de la
recette créée par siège et par mile. Les
définitions du yield-management se sont multipliés
durant les années 1980 et 1990. Selon DAUDEL et VIALLE (1989), c'est
«l'ensemble de techniques au service d'un principe : la gestion des
capacités en vue de la maximisation du revenu global d'une entreprise de
services». Pour SMITH et al (1992), c'est «un processus d'allocation
du meilleur service au meilleur client et au meilleur moment». Selon la
définition de JAUNCEY et al (1995) le yield-management (ici
appliqué à l'hôtellerie) est «la maximisation du
revenu par chambre reposant sur une manipulation structurée des tarifs,
afin de prendre en compte des schémas prévus de demande».
DONAGHY et al (1997) définissent le yield-management comme
«une technique de maximisation du revenu qui vise à augmenter le
rendement net par une prévision d'allocation de la capacité
disponible concernant des segments de marché
prédéterminés à un prix optimal». Pour JONES
(2000) «le yield-management est un système destiné
aux propriétaires de l'entreprise afin de maximiser la
profitabilité par un management évolué, en identifiant les
potentialités de segments de marché, en évaluant leur
valeur, en fixant des prix, en créant des règles de
réduction de tarifs et de déplacement pour établir un
processus avancé de réservations, et en contrôlant
l'efficacité de ces règles ainsi que leur mise en
oeuvre».Les définitions du yield-management
évoluent au fil des années et deviennent de plus en
précises: on en retiendra finalement deux: celle d'AUTISSIER (2000) qui
le traduit par «management du rendement et le définit comme «
une politique qui
cherche un meilleur rendement possible pour chaque unité de
capacité disponible». Enfin, celle de LEGOHEREL et POUTIER
(2017), pour qui le yield-management est «une forme
sophistiquée de gestion de l'offre et de la demande par l'action
simultanée sur les tarifs et sur la capacité disponible».
2.2. PRINCIPE DU YIELD-MANAGEMENT
Selon LEGOHEREL et POUTIER, le yield-management
repose sur un principe de forte variation tarifaire adaptée au contexte
de marché: intensité de la demande, type de demande, actions des
concurrents, etc. Une segmentation de la clientèle est
nécessaire: on va distinguer les clients «à haute
contribution» ou «affaires», c'est à dire les passagers
prêts à payer plus cher leur billet, ce sont
généralement les hommes d'affaires ou les travailleurs voyageant
pour leur entreprise, et les autres clients dits «loisirs», plus
généralement des touristes qui n'ont pas des moyens aussi
élevés. Ainsi, une compagnie utilisant le
yield-management va faire varier ses prix de manière plus ou
moins importante au cours de sa campagne de réservation. Deux
sièges présentant les mêmes services peuvent coûter
du simple au double selon que l'on achète son billet longtemps avant
(earlybooking) ou quelques jours avant. C'est l'hypothèse
Earlybird, aussi appelée règle de LITTLEWOOD, selon
laquelle les passagers à faible contribution réservent avant les
passagers à contribution élevée.
2.3. LES CHAMPS D'APPLICATION DU YIELD-MANAGEMENT
Le yield-management n'est pas applicable à
toutes les entreprises de services. Seules les entreprises remplissant
certaines conditions particulières semblent pouvoir réellement
profiter des techniques du yield-management. Nous allons
présenter ces conditions et les illustrer en les appliquant au secteur
de l'aérien:
- Des produits périssables: des biens/services qui
n'ont plus aucune valeur une fois une date limite dépassée. C'est
le cas d'un siège d'avion: s'il est invendu au moment du départ,
il ne peut pas être stocké et remis en vente pour plus tard. Sa
recette est simplement perdue.
- Une demande fluctuante: une demande qui évolue selon
la période de l'année. Dans le cas des billets d'avion, la
demande va, par exemple, être beaucoup plus forte l'été car
c'est une période de vacances pour la majeure partie de la population.
- Une capacité de production fixe: on ne peut adapter
la production facilement, l'ajustement présente un coût
élevé. Par exemple, on ne peut pas augmenter la capacité
d'un avion une fois que toutes les places ont été vendues.
- Un service de réservation: le produit peut être
vendu à l'avance via un service de réservation. C'est le cas
depuis longtemps dans l'aérien, et encore plus depuis le
développement d'internet
- Une possibilité de segmentation par les prix: on
segmente la demande selon certaines caractéristiques du consommateur.
Dans le cas des compagnies aériennes, il s'agit ici des deux types de
clientèle que l'on a vu auparavant (haute contribution/basse
contribution).
- Des coûts variables unitaires très faibles: ces
coûts (dans l'aérien, il s'agit des coûts supportés
par la compagnie liés à l'occupation d'un siège
supplémentaire par un passager: nourriture, boisson, nettoyage) doivent
représenter moins de 20% du coût total (coûts variables +
coûts fixes, ces derniers étant liés au personnel, à
l'entretien des avions, au prix du kérosène, etc.).
Ainsi, en tenant compte de ces contraintes, on retient que le
yield-management n'est profitable qu'à certaines entreprises de
services: en particulier les compagnies aériennes ou de transports en
général, les chaînes d'hôtels, les entreprises de
location de voiture ou encore les parcs d'attraction.
2.4. LES LEVIERS DU YIELD-MANAGEMENT DANS LE TRANSPORT
AÉRIEN
2.4.1. Le pricing
a) Le prix
Une partie du yield-management consiste à
différencier le prix d'un même service pour maximiser le revenu de
l'entreprise. Il s'agit donc d'adapter le prix selon différentes autres
variables, mais également à l'inverse, le prix peut être
l'outil utilisé pour contrôler la demande. Le prix est
étroitement lié à la capacité de la compagnie
aérienne à segmenter son marché
b) La segmentation du marché
La segmentation de marché est au coeur des pratiques de
yield-management. C'est ce qui va permettre de proposer une
tarification différenciée et de maximiser le revenu global. Dans
l'aérien, la base de la segmentation de marché est la
création de différentes classes de voyage (Economy, Premium
Economy, Business, Première), elles-mêmes composées de
sous-segments de marché, généralement les clients
«loisirs» (faible contribution) et les clients «affaires»
(haute contribution). Tous les clients n'ont pas les mêmes attentes par
rapport aux prestations proposées. P. LEGOHEREL et E. POUTIER
définissent 4 règles que doit respecter la tarification
différenciée:
- La sensibilité au prix: les segments de
clientèle doivent être le reflet des différents niveaux de
sensibilité au prix. Un client à haute contribution est moins
sensible aux variations de prix qu'un client à faible contribution.
- L'étanchéité entre les segments: le
client ne doit pas trouver de solutions pour échapper à son
segment et à la tarification qui lui est associée. Par exemple,
un client dit «affaires» ne doit pas avoir accès à un
tarif réservé à la classe «loisirs». Pour cela,
la compagnie aérienne impose des contraintes liées au moment de
l'achat du billet; les tarifs «loisirs» sont disponibles à
l'avance, et les prix augmentent quand on se rapproche de la date du
départ. Ainsi, comme un homme d'affaires est très souvent
contraint de réserver son billet peu de temps à l'avance, il
n'aura pas accès aux tarifs avantageux et ne pourra pas
s'échapper de son segment.
- La flexibilité: il faut conserver une
flexibilité forte des tarifs pour pouvoir s'adapter aux imprévus,
liés au marché ou à la concurrence
- La dégressivité: «un client prêt
à payer un tarif ne doit jamais payer moins». Il ne faut pas que
les écarts de prix entre les différents tarifs soient trop
élevés, de sorte que le surcoût (pour le consommateur) ne
soit pas trop important si un client est attiré par les services du
tarif supérieur.
c) Connaissance du marché et de la concurrence
Il faut toujours que les compagnies aériennes
étudient les évolutions du moment des prix dans le secteur afin
de ne pas proposer un prix s'éloignant trop de celui de ses concurrents
ou de la tendance du marché. Si le prix est trop élevé par
rapport aux concurrents, il y a des chances de laisser des sièges vides
au départ car les passagers «loisirs» auront choisi un tarif
plus avantageux chez une compagnie concurrente. Si le prix est trop bas par
rapport aux concurrents, il y aura un écart entre le revenu
généré par les ventes et le revenu qui aurait pu
être généré si le prix proposé avait
été optimal.
2.4.2. La prévision de la
demande
On cherche à prévoir la demande totale du vol
ainsi que les comportements d'annulation et de non-présentation. Pour
faire ces prévisions, on étudie:
- Les historiques de réservations (par jour, par
saisonnalité, par classe tarifaire, etc.) et les historiques de
go-show (présentation sans réservation).
- Les historiques d'annulations et de no-show
(non-présentation d'un client réservé) sur les mêmes
critères.
- Les informations sur la concurrence et les prix
pratiqués.
Pour SPECKLING (2001), on combine ces historiques avec des
données estimées par des lois de probabilités. Par
exemple, Lufthansa estime la demande de passagers avec des lois normales. La
compagnie scandinave SAS estime les passagers no-show avec une loi
binomiale approximée par loi normale.
2.4.3. La gestion des capacités
La gestion des capacités va correspondre à la
répartition des sièges dans les différentes classes de
réservation. Celle-ci dépend à la fois de la
qualité des prévisions de demande et de la recette attendue par
classe de réservation. L'objectif est de favoriser les classes à
plus haute contribution afin de maximiser la recette totale du vol. Cependant,
il y a un arbitrage à faire, car tous les passagers ne sont pas des
clients à haute contribution. Le risque, à vouloir trop favoriser
la classe à haute contribution, est de laisser des sièges vides
au départ car on aura proposé un prix trop élevé
trop tôt. A l'inverse, si on favorise trop les clients à faible
contribution, tous les sièges seront remplis mais on n'aura pas
possiblement un manque à gagner, car certaines places auraient pu
être prises par des clients prêts à payer plus cher.
2.4.4. La gestion du surbooking
La plupart des compagnies aériennes actuelles
pratiquent des politiques de surbooking : elles mettent en vente
un nombre de billets légèrement supérieur au nombre de
places réellement disponibles dans l'avion car elles anticipent des
annulations ou des no-show. Cette méthode est efficace et
permet aux compagnies de contrer un manque à gagner lié à
ces sièges qui seraient laissés vides sans ces anticipations,
mais qui sont finalement très souvent occupés. Cependant, les
anticipations des compagnies aériennes étant basées sur
des outils probabilistes, il arrive parfois qu'un passager ayant
réservé se retrouve débarqué de son vol, si la
compagnie a envisagé plus d'annulations et de no-show qu'il n'y
en a réellement. Cette situation est très couteuse pour la
compagnie : à la fois financièrement, les indemnisations
offertes au passager sont très élevées afin de
remédier au préjudice subi, mais aussi au niveau de l'image et la
notoriété, car ce type d'incident est généralement
très mal reçu par le client. D'après ALLOUCHI (2010), la
moyenne de passagers débarqués pour cause de surbooking
est 12 pour 10000 passagers transportés, pour les compagnies
européennes.
2.5. YIELD-MANAGEMENT ET PERCEPTION DU CONSOMMATEUR
2.5.1. L'équité
La perception de la pratique du yield-management par
les consommateurs dépend de leur manière d'évaluer
l'équitabilité du prix auquel ils font face. KAHNEMAN et al
(1986) présentent l'équité d'un point de vue double,
à la fois du consommateur et de l'entreprise, dans la théorie du
dual entitlement. Elle prône que les consommateurs ont droit
à un prix de référence afin de déterminer si le
prix qu'ils ont en face d'eux est équitable. Cette
équitabilité perçue dépend aussi du profit que
reçoit la firme. Si ce profit est jugé raisonnable, le prix est
perçu comme équitable par les consommateurs, ce qui n'est pas le
cas quand la firme utilise l'augmentation du prix pour s'enrichir. Selon
CAMPBELL (1999), une augmentation du prix est acceptable et équitable
pour le client si elle est liée à une augmentation des
coûts de production, et non à une volonté
délibérée d'accroître ses profits. Cependant, la
plupart des consommateurs ne parvient pas ou ne cherche pas à comprendre
la structure de coûts d'une firme. Ils se fient donc à leurs
expériences de consommation ou aux prix du marché et de la
concurrence pour déterminer si un montant est équitable ou
non.
2.5.2. Les facteurs
modérateurs
Selon HIKKEROVA (2011), il y a trois facteurs autres que le
prix de référence qui impactent la perception du
yield-management par le consommateur :son information et habitude
de la pratique, le résultat en termes de prix pour le consommateur, et
le mode de présentation de la pratique de yield-management par
l'entreprise.
Il est démontré que plus un individu est
exposé à ces pratiques, plus il les accepte : par exemple,
au tout début des années 1990, le yield-management est
beaucoup mieux accepté dans le secteur de l'aérien, où il
est désormais ancré, que dans le secteur de l'hôtellerie
où il est à ses débuts (HIKKEROVA, 2011). A la fin des
années 1990, une nouvelle étude montre que la pratique est
désormais pareillement perçue dans les deux secteurs (CAMPBELL,
1999). Un individu plus habitué va savoir comment profiter de ces
pratiques pour bénéficier d'un prix avantageux (en achetant son
billet au plus tôt par exemple).
La perception de la pratique par le consommateur dépend
aussi du résultat en termes de prix. Selon McGUIRE et al (2006), le
yield-management est perçu plus équitable par le client
dans une situation où il est favorisé (c'est-à-dire qu'il
profite d'un prix plus bas que le prix normal : par exemple on lui
présente un prix comme étant une réduction) que quand il
est défavorisé (il paie plus cher que le prix normal).
Enfin, la perception de l'équité est aussi
impactée par la manière selon laquelle est présenté
le prix. Un même prix est accueilli de meilleure manière s'il
apparaît comme une réduction, et de moins bonne s'il
apparaît comme une augmentation (KIMES et WITRZ, 2002).
3. ETUDE QUANTITATIVE SUR LA PERCEPTION
ET LE COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS FACE AU YIELD-MANAGEMENT
De nombreuses études qualitatives relatives au
comportement des consommateurs face au yield-management ayant
déjà été réalisées, nous avons
décidé de réaliser une étude quantitative afin de
vérifier à plus grande échelle des comportements
observés dans la littérature et dans certaines études
qualitatives.
3.1. LES HYPOTHÈSES
Pour établir les hypothèses, nous nous sommes
appuyés à la fois sur les éléments de la
littérature que nous avons mentionné dans la partie 1, mais
également sur les verbatim (répertoriés
ci-dessous) tirés d'une étude exploratoire (entretiens
semi-directifs) portant sur 53 répondants et menée par BREDA,
GIANNELLONI et SELMI.
Tableau 1: Verbatim de l'étude exploratoire
Il ressort de ces verbatim que les répondants
comprennent globalement l'intérêt qu'on les entreprises à
employer ces pratiques de yield-management. Ils semblent saisir les
enjeux économiques qui se cachent derrière ces méthodes.
Cependant, ils soulèvent des questions de dimension éthique quant
à ces pratiques, qui sont qualifiés d'inéquitables,
déloyales, discriminatoires ou encore compliquées à
comprendre. Enfin, la plupart des personnes interrogées trouvent des
avantages à ces politiques de prix, qui peuvent permettre de saisir des
bonnes affaires, et qui sont qualifiées de justifiées dans
certaines situations. Ainsi nous pouvons établir un certain nombre
d'hypothèses, réparties dans 4 thématiques.
Thème 1: Compréhension des pratiques de
yield-management
? Hypothèse 1: Les pratiques de
yield-management sont comprises par la majorité des
consommateurs, qui entendent que ces dernières sont nécessaires
pour la compagnie aérienne.
? Hypothèse 1.1: Les voyageurs réguliers
assimilent et comprennent mieux
les pratiques de yield-management que les voyageurs
occasionnels.
? Hypothèse 1.2: Les voyageurs occasionnels peuvent se
sentir davantage discriminés ou lésés par les pratiques
tarifaires dues au yield-management.
? Hypothèse 1.3: Les clients anticipent l'achat de
leurs billets dans le but de profiterdeprix bas.
Thème 2: Ethique et yield-management
? Hypothèse 2: Même s'ils arrivent à les
comprendre, les consommateurs trouvent les pratiques de
yield-management injustes.
Thème 3: Acceptation des pratiques
? Hypothèse 3.1 : Les consommateurs acceptent beaucoup
plus facilement les pratiques de yield-management lorsqu'elles leurs
sont favorables.
? Hypothèse 3.2 : Les consommateurs réclament
plus de transparence de la part des compagnies aériennes à propos
de leurs politiques de prix.
Thème 4: Impact du yield-management sur la
fidélité des passagers
? Hypothèse 4 : Les pratiques de yield-management
ne sont pas un élément déterminant de la
fidélité des clients à la compagnie aérienne.
3.2. CONSTRUCTION DU QUESTIONNAIRE
A partir de ces hypothèses, nous avons construit un
questionnaire en quatre parties:
- La première partie est destinée à une
série de questions sur les habitudes des clients au moment d'acheter
leurs billets d'avions et de voyager, afin de les familiariser avec le
thème et catégoriser les répondants (en séparant
par exemple les voyageurs réguliers et les voyageurs occasionnels, ceux
qui achètent leurs billets à l'avance et ceux qui achètent
au dernier moment). Ce sont des questions fermées avec un nombre
réduit de réponses possibles.
- La deuxième partie est une mise en situation avec des
exemples de différenciations tarifaires suite à des variations de
prix dues à des pratiques de yield-management. Il y a deux
scénarios, le premier où la différenciation tarifaire qui
s'applique est défavorable au répondant et le second où
elle profite au répondant. L'objectif est double: familiariser le
répondant avec le yield-management, et déterminer si la
perception du répondant est différente en fonction de si la
variation tarifaire qui s'applique lui est favorable ou non. On utilise des
échelles de Likert pour mesurer le degré d'accord du
répondant avec les affirmations.
- La troisième partie porte sur la perception, la
compréhension et l'opinion générale des répondants
quant au yield-management. On utilise une fois de plus des
échelles de Likert, et six affirmations tirées de l'étude
exploratoire (que l'on a reformulées).
- La dernière partie porte sur les informations
personnelles du répondant: son sexe, son âge, sa catégorie
socioprofessionnelle et son domaine d'études.
3.3. ANALYSE DES RÉSULTATS
3.3.1.
L'échantillon
Le questionnaire a été diffusé sur les
réseaux sociaux pendant une semaine, et voici les principales tendances
qui ressortent de l'échantillon, composé de 107
répondants.
Graphique 1: Répartition des CSP dans
l'échantillon
Parmi ces 107 répondants, nous avons eu 78 femmes et 28
hommes (un « autre »), pour une écrasante
majorité d'étudiants (autour de 75%), ce qui était
plutôt attendu, car nous n'avions que les réseaux sociaux comme
moyen de diffusion large. Ainsi, la moyenne d'âge est située entre
23 et 24 ans.
Graphique 2 : Fréquence de voyages en avion des
répondants
En ce qui concerne les habitudes de voyages des
répondants, nous avons un échantillon assez homogène.
49,5% des 107 répondants prennent l'avion moins de 3 fois par an (nous
les qualifierons de «voyageurs occasionnels»), et parmi les 50,5%
restants (que nous qualifierons de «voyageurs réguliers»),
près d'un tiers d'entre eux prennent l'avion plus de 7 fois par an.
60% de nos répondants réservent leurs vols plus
de 3 mois avant leur départ, et 3 répondants sur 4 n'ont aucun
programme de fidélité chez une compagnie aérienne ou une
alliance. Pour 51,4% de notre échantillon, le premier facteur qui
détermine le choix du billet d'avion est le prix, au-delà de la
durée totale du voyage (nombre d'escales) et du choix de la compagnie
aérienne.
3.3.2. Analyses
univariées sur la perception du yield-management
Nous avons soumis le scénario suivant aux
répondants:
Les blocages successifs de votre université
conduisent à sa fermeture et à l'annulation des cours pour les
deux prochaines semaines. Libre comme l'air, vous décidez donc avec vos
amis de vous offrir quelques jours de vacances, et de planifier un voyage pour
Lisbonne. Le vol aller est dans 3 jours et il ne reste que très peu de
billets d'avion en vente au départ de Paris: vous devez donc chacun
payer 210€, bagage en soute non inclus. Dans l'avion (vous n'êtes
pas à côté de vos amis), vous discutez avec votre voisin
qui vous apprend qu'il n'a payé que 85€ pour des services
similaires, en ayant réservé son billet 6 mois avant
vous.
Nous avons ensuite soumis 8 affirmations où le
répondant devait exprimer son degré d'accord grâce à
des échelles de Likert (1= Absolument pas, 5= Absolument). Voici les
résultats.
Graphique 3: «Vous trouvez cette situation juste
moralement«
La situation est jugée plutôt juste moralement ou
absolument juste moralement par 49 personnes sur 107.
Graphique 4 : «Vous trouvez cette situation
inacceptable«
Elle est jugée inacceptable ou absolument inacceptable
par seulement 16,8% de l'échantillon.
Graphique 5: «Vous trouvez cette situation
normale«
La situation est a minima plutôt normale pour
plus de 70% des répondants.
Graphique 6 : "Vous trouvez cette situation
injustifiée«
La situation n'apparaît pas injustifiée par la
majorité de l'échantillon.
Graphique 7 : "Vous êtes satisfait de la
politique tarifaire de cette compagnie aérienne«
Globalement, les répondants n'ont pas d'avis
tranché quant à leur satisfaction vis à vis de la
politique tarifaire sous-jacente à ce scénario.
Graphique 8 : "Vous comprenez la politique tarifaire
de cette compagnie aérienne«
La politique tarifaire qui consiste à proposer des prix
beaucoup plus élevés à l'approche de la date du vol est
majoritairement comprise par l'échantillon (69,2%).
Graphique 9 : "Vous voyagerez à nouveau avec
cette compagnie aérienne«
Une grande partie des répondants ne se prononce pas sur
cette affirmation, cependant 50,4% d'entre eux affirment être favorable
à voyager à nouveau avec cette compagnie aérienne,
malgré le prix élevé.
Graphique 10 : "Vous recommanderez cette compagnie
aérienne autour de vous«
De même, les répondants ne tranchent pas
réellement.
Tableau 2 : Statistiques descriptives de la situation
1
En somme, la situation décrite, bien qu'elle ne soit
pas favorable au consommateur, est perçue de manière assez
positive par la plus grande partie de l'échantillon, qui la juge
plutôt juste moralement, tout à fait normale et
compréhensible. Cependant, les répondants restent majoritairement
neutres sur les questions de la satisfaction vis à vis de la politique
tarifaire, la fidélité envers la compagnie aérienne et
concernée et la recommandation.
Nous avons soumis ensuite un nouveau scénario aux
répondants, où cette fois le consommateur profite d'un tarif
avantageux lié à la saisonnalité :
Vous êtes en train de planifier vos prochaines
vacances au Mexique et consultez le site internet d'une compagnie
aérienne proposant des vols depuis Paris. Vous souhaitez partir au
milieu du mois de juin et constatez que le prix d'un vol aller à 7:30 du
matin pour vos dates préférentielles est 290€. Par
curiosité, vous recherchez sur le même site le même
itinéraire en rentrant une date au hasard au début du mois
d'août. Cette fois, le vol est à 15:30 et le prix du billet est
520€.
Nous avons ensuite proposé les 8 mêmes
affirmations, et de même nous avons mesuré le degré
d'accord des répondants grâce à des échelles de
Likert.
Tableau 3 : Statistiques descriptives de la situation
2
En observant les graphiques de la situation 2 (qu'il n'est pas
nécessaire de remettre ici tant ils sont similaires à ceux de la
situation 1), et en comparant à première vue les moyennes des
deux situations pour chaque affirmation, nous remarquons que les
résultats sont relativement similaires à ceux observés
lors de la situation précédente. Nous pouvons supposer qu'il n'y
a pas de différence significative dans la perception du
yield-management entre une situation où le consommateur obtient
un prix relatif plus faible et une situation où le consommateur est
contraint de payer un prix élevé. Nous verrons si cette
supposition se confirme lors des analyses multivariées.
Nous analysons désormais les réponses aux
questions générales sur la perception du
yield-management. Les répondants, grâce aux deux mises en
situation, étaient déjà familiarisés avec la
pratique au moment de répondre à ces questions. On utilise
à nouveau des échelles de Likert avec les mêmes mesures du
degré d'accord (1 = Absolument pas, 5 = Absolument).
Graphique 11 : «D'une manière
générale, un service devrait toujours être vendu au
même prix, les pratiques des compagnies aériennes sont donc
discriminatoires«
Globalement, les répondants ne sont pas d'accord avec
le terme «discriminatoire» ni avec le fait qu'un service devrait
toujours être vendu au même prix.
Graphique 12 : « D'une manière
générale, ces pratiques sont bénéfiques aux
consommateurs car elles permettent de faire des bonnes
affaires »
Cette fois-ci, les répondants sont plutôt
d'accord avec l'affirmation et près de 47% d'entre eux voient la
possibilité de faire des bonnes affaires grâce au
yield-management.
Graphique 13 : « Les compagnies aériennes
devraient être plus transparentes quant à leurs pratiques
tarifaires »
Les avis sont très tranchés cette fois-ci, la
majorité de l'échantillon s'accorde à dire que les
compagnies aériennes devraient être plus transparentes quant
à leurs pratiques tarifaires.
Graphique 14 : « Il est normal de faire payer
plus cher à ceux qui achètent leur billet au dernier
moment »
On ne peut pas réellement dégager de tendance
suite à cette affirmation, chacun des cinq degrés d'accord se
rapprochant de 20% de fréquence.
Graphique 15 : « Ces pratiques sont injustes et
ne devraient pas être autorisées, car la compagnie aérienne
qui le fait vole de l'argent aux clients »
Moins d'un quart des répondants seulement estiment
qu'il faudrait limiter voire interdire les pratiques de
yield-management.
Graphique 16 : « Ces pratiques sont
compréhensibles car elles permettent aux compagnies aériennes
d'optimiser leurs ventes »
Majoritairement, les répondants comprennent le pourquoi
de ces pratiques sur les prix, ce qui coïncide avec les réponses
enregistrées sur les deux scénarios précédents.
Tableau 4: Statistiques descriptives des affirmations
générales sur la perception du yield-management
3.3.3. Analyses
multivariées
Dans un premier temps nous réalisons un test d'ANOVA
à un facteur avec le logiciel SPSS afin de déterminer si la
fréquence de voyage en avion de nos répondants détermine
leur perception et leur compréhension du yield-management. La
fréquence, variable qualitative à quatre modalités (moins
de 3 fois par an; entre 3 et 7 fois par an; entre 7 et 11 fois par an; plus de
11 fois par an) sera utilisée en variable facteur. Les variables
dépendantes seront certaines des affirmations dont on a
évalué le degré d'accord des répondants grâce
à des échelles de Likert. On utilisera ainsi 5 variables pour
évaluer la perception (les affirmations suivantes: «Vous trouvez
cette situation juste moralement», «Vous trouvez cette situation
inacceptable» pour les deux situations décrites, et l'affirmation
générale «D'une manière générale, un
service devrait toujours être vendu au même prix, les pratiques des
compagnies aériennes sont donc discriminatoires») et quatre
variables pour évaluer la compréhension (l'affirmation suivante
«Vous comprenez la politique tarifaire de cette compagnie
aérienne» pour les deux situations décrites, et les
affirmations générales «D'une manière
générale, ces pratiques sont bénéfiques aux
consommateurs car elles permettent de faire des bonnes affaires» et
«Ces pratiques sont compréhensibles car elles permettent aux
compagnies aériennes d'optimiser leurs ventes»).
Tableau 5 : ANOVA à un facteur sur le lien entre la
fréquence de voyage en avion et la perception du
yield-management
Tableau 5 : ANOVA à un facteur sur le lien entre la
fréquence de voyage en avion et la compréhension du
yield-management
Nous ne remarquons aucune relation significative entre notre
variable qualitative et nos neuf variables métriques (Sigest
toujours supérieur à 0,05). Nous ne pouvons donc pas affirmer que
la fréquence de voyages en avion influe sur la perception ou la
compréhension des pratiques de yield-management. Pour nous en
assurer, nous transformons notre variable qualitative à quatre
modalités en variable à deux modalités («voyageurs
occasionnels» pour ceux qui prennent l'avion moins de trois fois par an,
et «voyageurs réguliers» pour les autres) et nous appliquons
sur SPPS un test t de comparaison de moyennes sur échantillons
indépendants.
Tableau 5 : Test t de comparaison de moyennes entre la
fréquence de voyage en avion et la perception du
yield-management
Tableau 6 : Test de t de comparaison de moyennes entre la
fréquence de voyage en avion et la compréhension du
yield-management
Sur la base de ces deux tableaux, nous pouvons observer des
différences dans les réponses des deux groupes. Comme attendu,
les voyageurs occasionnels ont plus de mal à comprendre les pratiques
tarifaires des compagnies aériennes (tableau 6), la moyenne pour les 4
variables étant plus basses que pour les voyageurs réguliers.
Cependant, en ce qui concerne la perception des pratiques, les moyennes des
deux groupes sont non seulement beaucoup plus proches en termes
numériques, mais vont parfois à l'encontre des hypothèses
formulées. Par exemple, il ressort que les voyageurs réguliers
voient davantage la situation 2 comme inacceptable (2,39) que les voyageurs
occasionnels (2,28). Cependant, tout cela reste à confirmer, car la
significativité de ces écarts n'a pas encore été
étudiée.
Tableau 7 : Test de significativité du test t de
comparaison de moyennes entre la fréquence de voyage en avion et la
perception du yield-management
Tableau 8 : Test de significativité du test t de
comparaison de moyennes entre la fréquence de voyage en avion et la
compréhension du yield-management
Une nouvelle fois, la significativité de nos
observations ne peut être affirmée, Sigétant bien
au-dessus de 0,05.
Afin d'étudier le lien d'association entre d'une part
la recherche de prix bas et d'autre part l'anticipation de l'achat des billets,
nous effectuons sous SPSS un test du Khi-2. Notre première variable est
déterminée par la question «Habituellement, lorsque vous
achetez vos billets d'avion: (vous privilégiez)» et où le
répondant doit choisir le facteur qui influe le plus sur son choix entre
le prix du billet, la durée du voyage, et la compagnie aérienne
sélectionnée. Notre seconde variable est tirée de la
question «Vous avez l'habitude de prévoir vos voyages:»
où le répondant a le choix entre 4 modalités allant de
«très à l'avance (je réserve mon billet plus de 6
mois avant le départ)» à «au dernier moment (je
réserve mon billet moins de deux semaines avant le
départ)».
Tableau 9 : Test du khi-2 sur le lien d'association entre
la recherche de prix bas et l'anticipation de l'achat des billets
Le test n'est pas significatif à 5%. Il n'y a donc pas
de lien entre la date de réservation et la recherche de prix bas.
Enfin, nous pouvons tester grâce à un test t sur
échantillons appariés sous SPSS la différence de
perception du yield-management en fonction de si la situation est
favorable au consommateur ou non. Nous nous appuyons une fois encore sur le
degré d'accord des répondants avec les affirmations
proposées, mesuré par des échelles de Likert et sur la
base des deux situations du questionnaire (pour rappel, le scénario 1
est défavorable au consommateur qui paie un prix de dernière
minute, donc plus cher, et le scénario 2 est favorable au consommateur
qui paie un prix moins cher car son billet d'avion est acheté pendant
une période creuse).
Tableau 10: Test t sur échantillons appariés
de la différence de perception du yield-management en fonction de la
situation
Ainsi, la situation 1 apparaît plus juste moralement,
plus acceptable, plus normale, et plus justifiée que la situation 2.
Cependant, le consommateur semble plus satisfait de la politique tarifaire dans
la situation 2 et il est davantage susceptible de recommander la compagnie
aérienne.
Tableau 10: Test de significativité du test t sur
échantillons appariés de la différence de perception du
yield-management en fonction de la situation
Mais les différences de perception constatées
entre les deux situations ne sont significatives que dans deux cas
(Sig est inférieur à 0,05), qui sont contradictoires: le
consommateur est davantage satisfait de la politique tarifaire de la compagnie
aérienne dans la situation 2, mais il est globalement plus enclin
à voyager à nouveau avec la compagnie aérienne de la
situation 1 (alors qu'il a payé un tarif élevé dû
à son achat de dernière minute).
3.4. VALIDATION DES HYPOTHÈSES
Grâce aux analyses univariées et
multivariées des réponses du questionnaire, nous pouvons
désormais confirmer ou infirmer les hypothèses
élaborées au préalable.
Thème 1: Compréhension des pratiques de
yield-management
? Hypothèse 1.1: Les pratiques de
yield-management sont comprises par la majorité des
consommateurs, qui entendent que ces dernières sont nécessaires
pour la compagnie aérienne.
Cette hypothèse est validée. Que ce soit dans la
situation 1 ou 2, les répondants sont près de 70% à
répondre 4 ou 5 sur l'échelle de Likert à l'affirmation
«Vous comprenez la politique tarifaire de cette compagnie
aérienne», pour une moyenne de 3,86. De plus, dans la section sur
les questions générales, les répondants sont
majoritairement plutôt d'accord voire absolument d'accord avec les
affirmations «D'une manière générale, ces pratiques
sont bénéfiques aux consommateurs car elles permettent de faire
des bonnes affaires» et «Ces pratiques sont compréhensibles
car elles permettent aux compagnies aériennes d'optimiser leurs
ventes». On peut affirmer que les pratiques sont comprises et
assimilées par les consommateurs.
? Hypothèse 1.2: Les voyageurs réguliers
assimilent et comprennent mieux les pratiques de yield-management que
les voyageurs occasionnels.
Cette hypothèse n'est pas validée. Nous avons vu
qu'il n'y avait pas de différence significative entre les voyageurs
réguliers et les voyageurs occasionnels en termes de
compréhension des pratiques de yield-management.
? Hypothèse 1.3: Les voyageurs occasionnels peuvent se
sentir davantage discriminés ou lésés par les pratiques
tarifaires dues au yield-management.
Cette hypothèse n'est pas validée. Les voyageurs
occasionnels ne se sentent pas plus discriminés par les pratiques de
yield-management que les voyageurs réguliers.
? Hypothèse 1.4: Les clients anticipent l'achat de
leurs billets dans le but de profiter de prix bas.
Cette hypothèse n'est pas validée. Il n'y a pas
de relation significative entre la date d'achat du billet et le choix des prix
bas (relativement à la durée du voyage ou au choix de la
compagnie aérienne).
Thème 2: Ethique et yield-management
? Hypothèse 2: Même s'ils arrivent à les
comprendre, les consommateurs trouvent les pratiques de
yield-management injustes.
Cette hypothèse n'est pas validée. Les pratiques
de yield-management sont jugées assez justes par
l'échantillon, que ce soit pour les affirmations liées aux deux
situations ou à l'affirmation générale «Ces pratiques
sont injustes et ne devraient pas être autorisées, car la
compagnie aérienne qui le fait vole de l'argent aux clients».
Thème 3: Acceptation des pratiques
? Hypothèse 3.1: Les consommateurs acceptent beaucoup
plus facilement les pratiques deyield-management lorsqu'elles leurs
sont favorables.
Cette hypothèse n'est pas validée. Les
réponses aux deux situations ont démontré que
l'acceptation et la perception des pratiques tarifaires sont
indépendantes du fait qu'elles soient favorables ou non au client.
Cependant, les répondants sont significativement plus satisfaits de la
politique tarifaire de la compagnie aérienne dans la situation où
le prix est plus faible.
? Hypothèse 3.2: Les consommateurs réclament
plus de transparence de la part des compagnies aériennes à propos
de leurs politiques de prix.
Cette hypothèse est validée. C'est l'affirmation
qui obtient la moyenne la plus élevée sur l'échelle de
Likert (4,16). Les répondants sont très majoritairement en faveur
de plus de transparence de la part des compagnies aériennes sur leurs
pratiques tarifaires, ce qui pourrait favoriser l'acceptation du
yield-management par tous les voyageurs.
Thème 4: Impact du yield-management sur la
fidélité des passagers
? Hypothèse 4: Les pratiques de yield-management
ne sont pas un élément déterminant de la
fidélité des clients à la compagnie aérienne.
Cette hypothèse est validée. Dans les deux
scénarios, la plupart des réactions sont neutres à
l'affirmation «Vous voyagerez à nouveau avec cette compagnie
aérienne». On peut élargir ce constat à l'affirmation
«Vous recommanderez cette compagnie aérienne autour de
vous».
CONCLUSION
Ainsi, à travers cette étude nous avons pu nous
rendre compte que les pratiques de yield-management des compagnies
aériennes sont globalement ancrées dans l'esprit des
consommateurs, qui en ont conscience, les comprennent et tentent parfois d'en
tirer profit, en anticipant l'achat de leurs billets par exemple. Ces pratiques
étant apparues il y a plus de 40 ans, les consommateurs ont eu le temps
d'en prendre l'habitude, et donc la perception globale de ces pratiques
tarifaires est plutôt bonne. Si l'équité de ces pratiques
est remise en question dans la littérature, notre échantillon
accepteces pratiques, même lorsqu'elles leur sont défavorables et
les poussent à payer un prix plus cher. Cela peut s'expliquer par le
fait que notre échantillon est majoritairement jeune et étudiant
(dont le quart font des études d'économie, de gestion ou de
commerce), et a donc plus de facilités à se positionner du point
de vue de l'entreprise. La compréhension de ces pratiques amène
les consommateurs à adapter leurs comportements : ainsi, la
majorité de l'échantillon réserve ses billets d'avion plus
de trois mois avant la date du départ en ayant conscience que les prix
augmentent au fur et à mesure que le vol approche. Cependant notre
étude comporte des limites : l'échantillon très jeune
est peut-être un facteur explicatif de la facilité de
compréhension et d'acceptation du yield-management. De plus, de
nombreuses hypothèses n'ont pas pu être validées, comme
l'idée que le consommateur accepte beaucoup plus facilement une
situation de variation tarifaire qui lui est favorable. Le
yield-management ne semble pas non plus être une variable
déterminante de la fidélité du consommateur envers la
compagnie aérienne. Ainsi, il serait peut-être intéressant,
dans un futur travail de recherche, de s'intéresser plus en profondeur
aux facteurs qui pourraient impacter les comportements de
fidélité et même d'ambassadeur d'un consommateur envers une
compagnie aérienne, en prenant un échantillon beaucoup plus
équilibré en termes de tranches d'âge.
Références
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ANNEXES
Le questionnaire