Conclusion de
l'entretien
À la fin de chaque entretien, la possibilité a
été donnée à chaque sujet de soulever leur question
par rapport à l'entretien, d'ajouter un dernier mot ou quelque chose
qu'il pense pourrait nous être utile à cette recherche empirique.
Il faut remarquer que trois de nos huits (8) sujets ont soulevé une
question qui devrait avoir une importance capitale.
Une deuxième question a été posée
par une femme enceinte de quelques mois. Elle l'a formulé ainsi :
Apre w fin poze m anpil kesyon m' byen kontan w' ban m' chans
poze youn. Kesyon m' ta renmen poze sèke m' vin lopital la paske m' pa
t' wè règ mwen depi kèk mwa e m' te vin fè yon
tès grosès e m' konn tande y'ap di depi yon moun ansent e l' gen
SIDA kan timoun nan fèt y'ap pran l' nan men l'. Eske se vre ? Epi
m' bezwen konnen ki sa m' ka fè pou m' pa transmèt timoun
nan li?? (Cas B E 04)
(Traduction libre : Après m'avoir posé
autant de questions, je suis heureuse d'en poser une. Je suis venue à
l'hôpital parce que je n'ai pas remarqué mes menstruations au
cours des derniers mois et je suis venue pour un test de grossesse. J'ai
entendu dire que quand une personne est séropositive et tombe enceinte,
après son accouchement, son bébé lui sera enlevé.
Est-ce vrai?? Que puis-je faire pour ne pas transmettre le virus au
foetus)
Les deux autres questions étaient similaires. Elles
traduisent le désir des interviewé d'être guéris. Un
de ces deux patients nous a demandé :
M ta renmen konnen, èske pa gen yon remèd si
moun nan pran l' lap geri nèt li pap bezwen pran okenn lòt
remèd ankò?? (Cas N J-P 05)
(Traduction libre : J'aimerais savoir existe-t-il un
médicament à suivre pour être totalement guéri afin
que cette personne ne prenne plus de médicaments??)
CHAPITRE V
5. Analyse et interprétation des
résultats
Comme il a été mentionné dans
l'introduction, notre question de recherche principale était : en quoi
la séropositivité peut-elle impacter le psychisme du patient
adulte ? À cela s'ajoutent deux questions spécifiques :
quelles sont les manifestations de la dépression chez les patients
adultes séropositifs?? Quel est le jugement clinique de cette
dépression??L'analyse et l'interprétation des résultats
nous ont permis de répondre nos questions de recherche et d'atteindre
les objectifs de cette recherche.
5.1- Question de départ
La première catégorie de réponse
sous-entend que le VIH/SIDA rend mal à l'aise. Ce malaise peut
être d'ordre psychosomatique. Sur le plan psychologique, la perception de
la société face au VIH/SIDA peut représenter un obstacle
à la santé mentale des patients. Cet obstacle peut se manifester
par des troubles psychiques. Par exemple,
Sanchez-Valero (2003) avancait que le VIH peut résulter d'un
risque important de dépression. Ceci nous permet de comprendre que le
malaise dont parle les séropositifs pourrait bien s'agir d'impact
psychologique ou de malaise sur le plan psychique. Parlant de malaises, nos
participants n'ont pas vraiment fait référence aux effets
secondaires des médicaments qu'ils prennaient
régulièrement dans le cadre du traitement antirétroviral
(ARV).
Deux autres facteurs à prendre en compte qui peuvent
susciter des malaises, comme les patients les appellent, que nous nous appelons
impact psychologique, ce sont la stigmatisation et la discrimination. Ces deux
facteurs sont souvent liés au VIH/SIDA comme le soulignent Aggleton,
Wood et Malcolm (2006). Ces attitudes à l'encontre des PVVIH (Personne
Vivant avec le VIH) se manifestent parfois par un manque de soin et d'appui.
Elles accroissent les souffrances personnelles des personnes
séropositives. Quand la stigmatisation devient une attitude courante,
elle engendre la honte des PVVIH. Une telle honte peut empêcher les PVVIH
à chercher de l'aide médicale, et peut aussi avoir une
énorme incidence sur la santé mentale du patient
séropositif. Ces attitudes peuvent susciter des malaises chez les
personnes séropositives comme l'en témoignent certains
participants.
Donc, sur le plan psychologique, il est difficile pour une
PVVIH de vivre l'expérience de la séropositivité. Ce
malaise s'explique aussi sur le plan somatique. Puisque le VIH est une maladie
chronique, les patients qui veulent suivre un traitement sont condamnés
à prendre des médicaments régulièrement, voire au
quotidien. À un moment donné, ces médicaments peuvent
susciter des effets secondaires qui rendent souvent mal à l'aise les
patients sur le plan somatique.
Le deuxième type de
réponse considèrait le VIH/SIDA comme une maladie
mortelle causant beaucoup de décès.Cette réalité
peut avoir une incidence majeure sur la santé mentale
des PVVIH.Chaque individu a le désir de vivre.Quand une situation
exogène entrave son avenir vital, cela peut entraver le bon
fonctionnement psychique de la personne.Quand le sujet pense à demain,
il peut imaginer une éventuelle mort proche ou lointaine.Dans certains
cas, cela peut engendrer le stress, l'anxiété et la
dépression.D'une part, le caractère mortel de la maladie peut
susciter l'humeur dépressive chez le sujet.D'autre part, quand la
personne prend conscience qu'un jour la chronicité de la maladie finira
par mettre un terme à sa vie, cela peut augmenter l'humeur
dépressive de la personne ce qui pourra susciter une perte
d'intérêt pour les activités quotidiennes.Ces deux
éléments sont deux symptômes importants de la
dépression.Dans le cas des troubles de l'humeur chez les PVVIH, la
considération des personnes face au VIH peut expliquer le
résultat de la dépression.Par exemple, un de nos
interviewés nous a confié ceci : «?Quel que soit ce que
l'on peut dire de cette maladie, c'est une maladie drôle »
; « Dieu a créé chaque personne avec une
espérance de vie, tout ce qui arrive, c'est avec la permission de
Dieu. » Donc, quel qu'en soit la maladie qu'une personne puisse
avoir, elle vivra le temps qui a été prédestiné par
Dieu?» Il qualifie cette maladie de drôle, mais soutient que dans la
mesure où le sujet suit son traitement son espérance de vie ne
sera pas réduite.La considération qu'il porte au VIH pourrait
affecter son psychisme, il voit que c'est une maladie drôle.Cependant,
pour faire face à cette réalité cette personne fait du
refoulement comme mécanisme de défense.Pour pouvoir apaiser la
douleur psychique que cela peut provoquer qui se manifeste souvent par une
humeur dépressive, certains sujets refoulent la réalité
que le VIH/SIDA a un caractère mortel.Par exemple, un autre
sujet voyait le VIH comme une maladie mortelle dans un premier temps et une
fièvre dans un second temps.En réalité, le VIH n'est pas
une simple fièvre, mais une maladie mortelle et chronique.Pourtant, au
fil du temps, cette patiente, pour minimiser les impacts psychologiques de la
séropositivité elle voyait cette infection comme une simple
fièvre.Cependant, cette considération qu'elle a de cette maladie
peut l'aider à mieux faire face à l'expérience de la
séropositivité contrairement aux patients qui le
considèraient comme une maladie mortelle ou une maladie qui peut mettre
mal à l'aise.De ce fait, les impacts psychologiques ne seraient pas les
mêmes.
La troisième catégorie de réponse
concerne une réponse solitaire qui voyait plutôt le VIH/SIDA comme
une maladie contagieuse contractée surtout lors des rapports sexuels non
protégés. Ce participant nous a confié que c'est une
maladie que l'on peut contracter à cause de la débauche et par
manque de prudence. C'est probablement par rapport à ses
expériences personnelles ou celles de ses pairs séropositifs
qu'il a une telle perception du VIH. Ces expériences peuvent susciter le
regret qui peut se manifester par des sentiments de culpabilité qui
constituent un symptôme de la dépression. Les souvenirs de ces
expériences peuvent déclencher une humeur dépressive, mais
essentiellement des sentiments de culpabilité.
Donc, la considération que les personnes
séropositives ont du VIH/SIDA soulève l'impact que cette maladie
peut avoir sur la santé mentale du sujet en question. Cela peut les
aider à faire face à leur expérience de
séropositivité.
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