DISCUSSION
Les maladies diarrhéiques sont un syndrome qui
présente une diversité épidémiologique,
étiologique et clinique. Notre objectif général dans cette
étude était d'évaluer l'implication des virus et de
certains parasites dans la survenue des diarrhées chez les enfants de
moins de 5 ans à l'hôpital régional de Bertoua,
Est-Cameroun. Ceci nous conduit à réaliser une étude
transversale descriptive chez les enfants en consultation pour la
diarrhée à l'hôpital régional de Bertoua.
Au cours de la présente étude qui s'est
déroulée pendant la période allant de Janvier à
Mars 2015, nous avons collecté et analysé 63 échantillons
de selles provenant d'enfants présentant une diarrhée. La
moyenne d'âge de cette population est de 15,49#177;11,39 mois.
Nos principaux résultats montrent qu'en moyenne, 18,16%
des enfants en consultation soufraient de la diarrhée (tableau 3). Ce
taux est supérieur à celui trouvé par NGWE et al.
(2007) lors d'une étude réalisée à Ebolowa dans la
région du Sud au Cameroun avec une fréquence de 10,9% ; et
par NGUENDO et al. (2008) à Yaoundé dans la
région du Centre au Cameroun (14,4%). Il est par ailleurs
inférieur au taux national qui est de 21% (EDS-MICS, 2011) ; et
celui trouvé par NGWE et al. (2007) à Maroua au Nord du
Cameroun (36%). La diarrhée est l'une des maladies infantiles les plus
meurtrières au Cameroun et 13% des décès chez les enfants
de moins de 5 ans sont dus aux maladies diarrhéiques. Les variations
climatiques de la région de l'EST sont entièrement compatibles
avec les données du profil saisonnier des diarrhées décrit
par NGWE et al. (2007) lors de l'étude des déterminants
socio-environnementaux de la morbidité diarrhéique des enfants de
moins de 5 ans au Cameroun. Ils affirment qu'ils existent deux pics de
diarrhée variant en fonction des saisons. Tout ceci pourrait justifier
cette fréquence des consultations pour la diarrhée chez les
enfants de moins de 5 ans à Bertoua pendant notre période
d'étude.
Dans notre étude, nous avons constaté que les
enfants de 0 à 11 mois sont les plus touchés par la
diarrhée avec 30 cas sur 63 (47,6%) (Tableau 4). Ce fort taux avait
déjà été rapporté par NGOUM et al. (2010)
lors d'une étude réalisée dans hôpitaux de la
ville de Yaoundé au Cameroun avec une fréquence de 65,6%;
par ORLANDI et al. (2006) à Porto Velho au Brésil
(53,3%) ; par DJENEBA (2006) au Centre Médical Saint Camille de
Ouédraogo au Burkina Faso avec une fréquence de (46,97%) ;
et par KONATE (2006) au CHU Gabriel Touré de Bamoko au Mali. Pendant la
première année de vie de l'enfant la diversité du
répertoire d'anticorps contre les agents infectieux est
limitée (Olives, 2008), ce qui pourrait justifier le fait qu'il soit
particulièrement exposé à la diarrhée. De plus,
c'est à cette période que se développe
progressivement l'immunité propre à l'enfant, pendant qu'il
se produit une baisse des anticorps d'origine maternelle.Le nourrisson est
alors plus vulnérable. A cela s'ajoute également la
diversification alimentaire de l'enfant et, lorsque celle-ci est mal
conduite, la malnutrition puis la diarrhée peut survenir (WGOGG,
2012). Au moment où l'enfant commence à se
déplacer librement, il mange la terre, il touche les objets autour de
lui et il met toute chose dans sa bouche : c'est la période de haut
contact avec les microbes pathogènes. Ce temps est bien
critique pour l'enfant car il commence à manger les aliments
communs et à boire l'eau, souvent non potable, comme tout le
monde.
En ce qui concerne les causes de diarrhées chez les
enfants de moins de 60 mois :
Sur l'ensemble de notre échantillon, nous avons
identifié 47,6% d'enfants positifs au test de Rotavirus (Tableau 5). Nos
résultats sont supérieurs à ceux obtenus respectivement
par NGOUM et al. (2010) à Yaoundé (32,80%), OLESEN et al. (2005)
au Danemark (13,2%) et DJENEBA (2006) à Ouédraogo au Burkina Faso
(22,73%), ORLANDI et al. (2006) à Porto Velho au Brésil
(23,6%), KONATE (2006) au Mali (36%) et FODHA et al. (2006) en Tunisie
(20%). Ces données montrent que les Rotavirus ont une incidence qui
varie d'un pays à l'autre et à l'intérieur d'un même
pays, mais restent le principal agent étiologique dans les
gastroentérites virales des enfants partout dans le monde (MATHIE L. et
al, 2006). Une forte fréquence de Rotavirus a
été mise en évidence chez les enfants de 0-11 mois (66,7%)
par rapport à ceux de 12-24 mois (23,3%) et ceux de 24-59 mois (10,0%)
(Figure 14). En effet, le taux de détection des Rotavirus est
élevé chez les enfants de moins de 12 mois par rapport à
ceux qui ont 24 moins et décroît fortement après 2 ans
(NGOUM et al. (2010). La première infection à rotavirus suscite
chez l'enfant une réponse immunitaire spécifique du
sérotype. Cette réponse s'amplifie à l'occasion de
contacts répétés, et l'immunité acquise au cours de
ces premières infections protège l'enfant contre une maladie
grave lors des expositions ultérieures à des rotavirus de
sérotypes différents (DJENEBA 2006). Ceci expliquerait donc cette
baisse de fréquence des rotavirus chez les enfants de 12 -24 mois
obtenue dans nos résultats.
Les Adénovirus ont été mis en
évidence neuf (9) fois sur l'ensemble de l'échantillon, soit une
fréquence de 14,3% (Tableau 5). Ce taux est inférieur
aux taux rapportés par MOGTOMO et al (2008) à Douala au
Cameroun (43,1%) et par KONATE (2006) au Mali (16%). mais il est
supérieur aux taux rapportés par NGOUM et al. (2010) à
Yaoundé (6,6%), FODHA et al. (2006) en Tunisie (6%) et DJENEBA (2006)
à Ouédraogo au Burkina Faso (1,52%). En effet les
Adénovirus entériques sont principalement reconnus comme agents
étiologiques importants de gastroentérites virales infantiles
dans les pays à climat tempéré (MOGTOMO et al
(2008). Par ailleurs,ce sont les virus les plus impliqués dans la
survenue des diarrhées chez les enfants en hospitalisation, ce qui
pourrait justifier cette fréquence.
En plus des agents pathogènes viraux mis en
évidence dans notre échantillon, les parasites intestinaux
se sont également révélés comme agents
étiologiques importants dans la survenue des diarrhées
infantiles. Nous avons identifié des Protozoaires et des Helminthes dans
22,22% des cas. Deux taux similaires avaient été rapportés
par LEHMAN et al. (2012) Douala au Cameroun (26,59), DJENEBA (2006)
à Ouédraogo au Burkina Faso (18,18%), et KONATE (2006) au Mali
(20%). La fréquence des Protozoaires (Entamoebahistolytica,
Giardia lambia,IsosporabelietTrichomonasintestinalis) est
de 14,3%. Elle est le double de celle des Helminthes (Ascaris
Lumbricoides,Strongyloïdesstercoraliset Hymenolepisnana) qui
est de 7,9% (tableau 5). La fréquence des Protozoaires se rapproche de
celle observée par LEHMAN et al. (2012) Douala au Cameroun
(13,07%) et Djénéba (2006) à Ouédraogo au Burkina
Faso (12,12%). Le mode de Transmission de ces Parasites (orale, par l'eau et
les aliments souillés et transcutané, par la terre
souillée de larves) explique leur présence élevée
chez les enfants âgés de plus de 12 mois dans notre
échantillon. Dans ce même contexte Entamoebahistolytica
est le parasite le plus fréquent (9,52%). Ce même constat a
été fait par LEHMAN et al. (2012) Douala au Cameroun
avec une fréquence de (10,33%).
Parmi les enfants atteints d'une coïnfection (11,1%), les
adénovirus étaient coinfectés avec les rotavirus dans 6,3%
des cas. En Afrique en général et au Cameroun en particulier, le
rotavirus et l'adénovirus sont les cause les plus communes de la
diarrhée grave chez les enfants en bas âge. Ce qui justifierait ce
fort taux de coïnfection, en rapport avec d'autres études (FODHA et
al, 2006 ; MOGTOMO et al, 2008 ; KONATE, 2006).
Dans 3 cas, l'infection parasitaire était associée à celle
du rotavirus. Les parasites mis en cause étaient :
Trichomonas intestinalis, Ascaris Lumbricoideset
Strongyloïdesstercoralis. Dans un cas, nous avons noté une
coïnfection entre le Rotavirus, l'Adénovirus et Ascaris
Lumbricoides. Cette possibilité de coïnfection des
rotavirus avec d'autres agents pathogènes que nous avons
trouvé a été également rapporté par
Certains auteurs, notamment une coïnfection avec certains parasites
intestinaux (ORLANDI et al., 2006). Ce constat nous montre donc que virus,
et parasites entériques pourraient entretenir une relation
symbiotique dans l'intestin, et ceci constitue sans doute un facteur
d'aggravation de la diarrhée chez l'hôte.
Dans notre étude nous avons remarqué que :
33,3% des enfants recevant une alimentation diversifiée sans lait;
3,2% des enfants recevant un allaitement artificiel exclusif ; 11,1% des
enfants recevant un allaitement maternel avec d'autre liquides ;
38,1% des enfants recevant un allaitement mixte (lait maternel plus lait
industriel et/ou domestique) ; et 9,5 % des enfants recevant le lait et
divers aliments (Tableau 4). De plus, les enfants recevant soit une
alimentation diversifiée sans lait, soit un allaitement artificiel
exclusif, soit un allaitement mixte (+ lait domestique) ou alors un allaitement
mixte (+ lait industriel) avaient une probabilité plus
élevée que ceux qui reçoivent un allaitement maternel +
autre liquide et ceux reçoivent un allaitement maternel exclusif
à faire la diarrhée à rotavirus. Comme on le sait, la
durée de l'allaitement et le mode d'allaitement contribuent à la
mortalité des enfants en favorisant leur exposition aux risques
d'infection et de malnutrition. Ceux-ci incluent le risque de morbidité
diarrhéique (NGWE et al. (2007). Bref, l'allaitement
artificiel, l'alimentation inadéquate et les mauvaises pratiques de
sevrage (arrêt précoce de l'alimentation au lait maternel) en
pratique dans cette zone du pays seraient à l'origine de cette haute
fréquence des diarrhées infectieuses (ATOKARE, 2008). De plus Les
agents infectieux qui provoquent les diarrhées se propagent par
l'ingestion d'aliments ou d'eau contaminée, ou par contact de mains
souillées, d'où la nécessité du respect stricte des
mesures d'hygiène.
Parmi les biais qu'il convient de noter dans notre
étude, nous pouvons citer principalement le biais d'information qui
serait dû au fait que certaines interviews se sont
déroulées par l'intermédiaire d'un traducteur. Ceci
limitait parfois le niveau d'exploration des antécédents de
certains enfants. Ce biais a été contrôlé beaucoup
plus par les investigations cliniques des enfants.
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