Année Universitaire 2012/2013
Université de Nice Sophia Antipolis
HMPY23
UFR Lettres Arts et Sciences Humaines Département de
Psychologie
Etude des différences cognitives
liées à l'âge en fonction du niveau de l'habileté
créative des personnes
Mémoire de Recherche
Master 1 Psychologie du
Développement
Réalisé par :
Anne-France HURET
Sous la direction de :
Docteur Andrea SOUBELET
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tout d'abord sincèrement ma
directrice de recherche, Andrea Soubelet, d'avoir rendu possible ce projet de
recherche, passionnant et enrichissant, d'avoir été
présente et disponible tout au long de l'année et enfin de
m'avoir conseillé et encourager. Merci à vous. Mes remerciements
s'adressent également à Bruno De Cara, membre du jury pour
l'attention portée à mon travail de recherche.
Je remercie tous les participants de la recherche pour leurs
disponibilités, intérêts et soutiens.
Merci également à Candice et Chloé et
à cette solidarité d'étudiante que nous avons eu les unes
envers les autres durant ce travail de recherche.
Sans oublier toutes les personnes chères à mon
coeur qui ont toujours cru en moi, je pense à Josiane, Charles, Monique,
Florence, Chrystel et Nolan.
Je remercie mes défunts parents. Sans eux, je ne serais
pas la femme battante, courageuse et créative que je suis. A mes
frères et soeurs, aussi loin de mes yeux mais si près de mon
coeur.
Je tiens enfin à remercier Anne qui m'a toujours
encouragé depuis que j'ai repris mes études. Elle a vécu
mes moments de bonheur, de réussite mais aussi mes moments de doute et
d'incertitude et a su trouver les bons mots pour que je continue mon chemin
universitaire et que je garde confiance en moi.
« La créativité embellit la vie, nous
la montre sous un autre angle au quotidien, nous amène toujours à
innover, inventer, s'enrichir, construire, c'est une source inépuisable
d'inspiration et de stimulation ».
3
Résumé : Cette étude vise à
décrire les différences liées à l'âge sur le
plan cognitif en fonction du niveau de l'habileté créative des
personnes. Sachant que le vieillissement normal est accompagné d'un
déclin cognitif, celles-ci présentent-elles un vieillissement
plus favorable c'est-à-dire des effets de l'âge moins
prononcés sur le plan cognitif ? L'indice de «
créativité » nécessite plus de stimulation cognitive
qu'un indicateur de « stimulation classique » tel que les mots
croisés, la lecture et met en jeu aussi des aspects motivationnels qui
pourraient multiplier le caractère stimulant de l'activité
créative d'où son intérêt pour cette recherche. Pour
cela, chaque participant est évalué selon différentes
mesures cognitives (mémoire de travail, raisonnement, vocabulaire et
vitesse de traitement). La créativité a été
évalué à l'aide des épreuves de
créativité les plus courantes qui sont les tests de pensée
divergente et les épreuves d'insight.
Mots clés : Fonctions cognitives, déclin
cognitif, habiletés créatives, pensée divergente,
insight.
Objectives: This study aims to describe the age-related
differences in cognitive function in the level of creative ability of peoples.
Knowing that the standard ageing implies a cognitive decline, these do present
a more favorable ageing that is effects of the age less pronounced on the
cognitive plan? The index of "creativity" requires more cognitive stimulation
than an indicator of "classic stimulation" such as crossword puzzles, reading,
and also involves motivational aspects which could multiply the stimulating
character of creative activity which is why his interest for this research. For
this, each participant is assessed using various cognitive measures (working
memory, reasoning, vocabulary, and processing speed). Creativity was assessed
using tests of the most common creativity which are divergent thinking tests
and tests of insight.
Mots clés : Cognitive functions, cognitive
décline, creative abilities, divergent thinking, insight.
4
Table des matières
I - INTRODUCTION 5
II - LE VIELLISSEMENT COGNITIF NORMAL
7
II.1. Définition et manifestations 7
III- « DU CONCEPT D'ACTIVITE STIMULANTE A
L'HABILETE CREATIVE » 9
III.1. De l'activité stimulante à la
créativité 9
III.2. La créativité 10
III.3. Les mesures de la créativité : la
pensée divergente et l'insight 14
IV- CREATIVITE ET COGNITION 16
IV.1. La créativité et la cognition 16
IV.2. Intéraction entre l'âge et la
créativité sur la cognition 16
V- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 18
V.1. Problématique 18
V.2. Hypothèses 19
VI- METHODOLOGIE 21
VI.1. Participants 21
VI.2.Materiel 22
VI.2.1.Questionnaire démographique 22
VI.2.2.Tests cognitifs et créatifs 22
VI.3. Procédure 23
VII- RESULTATS 24
VII.1.Relation entre âge et cognition 24
VII.2.Relation entre créativité et cognition 24
VII.3.Intéraction entre âge et
créativité sur cognition 25
VIII- DISCUSSION 29
Références 33
5
I - INTRODUCTION
La population mondiale connaît actuellement un
vieillissement accéléré. Globalement, les personnes
âgées de 65 ans et plus représentaient 6.9 % en 2000 et on
estime qu'elles représenteront 15.6 % des êtres humains de la
planète en 2050. A cette fréquence, la population de gens de 60
ans et plus augmentera environ 3.5 fois plus rapidement que la population
totale (United Nations, 2004). Les effets de cette transition
démographique pourraient être néfastes car le
vieillissement est fréquemment lié au déclin progressif
des fonctions cognitives (Bherer, 2004). Cependant, le vieillissement cognitif
n'est pas un phénomène homogène et certaines personnes
âgées montrent de bonnes performances cognitives et conservent un
style de vie actif (Wilson, Barnes et Bennett, 2002 ; Kramer, Bherer, Colcombe,
Dong et Greenough, 2004).
Certains chercheurs se sont intéressés aux
facteurs qui semblent moduler ce vieillissement. Parmi ces facteurs, ils se
sont intéressés aux activités de vie stimulantes
cognitivement (lecture, mots croisés, peinture) et ont
étudié si les individus exerçant une activité plus
intense présentaient un déclin cognitif en lien avec l'âge
plus faible (Salthouse, 2006 ; Jopp et Hertzog, 2007 ; Soubelet, 2009 ; Small,
Dixon, McArdle et Grimm, 2011). Les résultats observés ont
démontré que les personnes présentant de plus hauts
niveaux d'exercice mental montrent de meilleures habiletés cognitives.
Cependant, il n'a pas été démontré que cet exercice
mental plus intense soit associé à un déclin cognitif plus
faible ou freiné (Salthouse, 2006 ; Jopp et Hertzog, 2007 ; Soubelet,
2009). Il existe, de plus, une certaine difficulté à mesurer
cette activité stimulante. Selon Soubelet (2009), cette dimension
stimulante peut être liée à certains facteurs individuels
comme la motivation, l'expérience dans l'activité exercée,
ou le niveau des habiletés cognitives de la personne. En effet, il n'est
pas certain que tous les participants exerçant des activités
stimulantes recherchent le même niveau de performance, y consacrent les
mêmes efforts (Lemaire & Behrer, 2005).
Selon un grand nombre d'auteurs, « la
créativité serait la capacité à réaliser une
production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte
dans lequel elle se manifeste » (Sternberg et Lubart, 1995 ; Amabile,
1996 ; Bonnardel, 2006). Par « activités stimulantes »,
certains chercheurs (Wilson, Barnes et Bennett, 2002) entendent des «
activités induisant un haut niveau d'implication tout au long de la vie,
comme la lecture, la peinture ou la pratique d'un instrument de musique ».
Un lien proche est donc présent entre l'activité stimulante
et la
6
créativité car elles nécessitent toutes
deux une forte implication, stimulation et nouveauté dans leurs
expressions. Cet exercice mental qui nécessite la mise en oeuvre
d'habiletés cognitives est produite au niveau de ses deux concepts afin
d'atteindre l'objectif désiré (dans la réalisation
créative d'un artiste) ou demandé (lors d'un atelier
mémoire pour les personnes âgées). L'indice de «
créativité » nécessite plus de stimulation cognitive
qu'un indicateur de « stimulation classique » tel que les mots
croisés, la lecture et met en jeu aussi des aspects motivationnels qui
pourraient multiplier le caractère stimulant de l'activité
créative d'où son intérêt pour cette recherche. Il
peut être donc possible de penser que face à une même
situation environnementale, les personnes créatives sont davantage
stimulées. Cependant, aucune étude n'a abordé cette
problématique : les personnes les plus créatives montrent-elles
un déclin cognitif plus favorable c'est-à-dire des effets de
l'âge moins prononcés sur le plan cognitif ?
Certains chercheurs se sont intéressés aux
capacités cognitives impliqués dans la pensée
créative dite « divergente » et dans l'insight
(Torrance, 1988 ; Lubart et Sternberg, 1995 ; DeYoung, Flanders, Jordan et
Peterson, 2008) dont les résultats montrent des corrélations
entre les habiletés cognitives et créatives qui seront
explicités dans la quatrième partie.
Ce travail de recherche vise donc à étudier les
relations entre l'âge et les fonctions cognitives en fonction du niveau
de l'habileté créative des personnes. Il sera utilisé pour
cela les épreuves de créativité les plus courantes qui
sont les tests de pensée divergente et les épreuves d'insight
(Lubart, 2003). Dans le cadre de ce travail, une partie sera en lien avec
le vieillissement cognitif normal ainsi que les écrits théoriques
et scientifiques à cet effet. Puis la littérature
étudiée portera sur le concept d'activité stimulante
à l'habileté créative, la présentation des
épreuves de créativité utilisée, la
créativité et la cognition. Enfin, il sera traité de la
problématique, des hypothèses, de la méthode
utilisée, des résultats et enfin de la discussion.
7
II - LE VIELLISSEMENT COGNITIF NORMAL
II.1. Définition et manifestations
Le vieillissement est un affaiblissement naturel des
facultés physiques et psychiques dû à l'âge. Il
s'agit d'un processus lent et progressif. La cognition est l'ensemble des
activités intellectuelles et des processus qui se rapportent à la
connaissance et à la fonction qui l'a réalisée (Larousse
Médical).
Selon le DSM-IV, le vieillissement cognitif « normal
» est décrit sous le terme de « Déclin cognitif
lié à l'âge » ou « Aging Related Cognitive
Decline ». Ce vieillissement normal entraînerait sur le plan
cognitif une baisse de l'efficience des fonctions cognitives et
exécutives (mémoire, vitesse de traitement, capacités
visuo-spatiales, attention, concentration, inhibition, résolution de
problème, raisonnement logique, flexibilité mentale,
stratégies, planification).
Les résultats observés des différentes
recherches mettent en évidence un développement des performances
cognitives (mémoire, raisonnement, vitesse de traitement,
capacité visuo-spatial) des individus jusqu'à l'âge de 18
ans environ et celles-ci déclinent aux alentours de 27 ans (Salthouse,
2009).
Sont observés par exemple des différences
liées à l'âge sur le plan de la mémoire de travail
(Lauverjat, Pennequin et Fontaine, 2005), la mémoire épisodique
(Charlot et Feyereisen, 2005 ; Salthouse, 2006), des habiletés de
raisonnement (Horn et Cattell, 1967 ; Behrer, Belleville et Hudon, 2004) et de
la vitesse de traitement (Park et Gutchess, 2002 ; Schaie, 2005). Le
vieillissement cognitif normal s'accompagne donc d'un déclin
cognitif.
Cependant, toutes les fonctions cognitives ne sont pas
affectées au cours du vieillissement. Il a été
observée que les connaissances générales (vocabulaire,
connaissance) augmentent considérablement jusqu'au début de
l'âge adulte puis restent relativement stables par la suite (Cattell,
1987 ; Schaie, 1998 ; Salthouse 2004, 2010). Dans une recherche de Horn et
Cattell (1967) par exemple qui ont comparé les performances de 297
sujets d'âges variés, les résultats ont mis en
évidence des performances supérieures chez les adultes les plus
âgés par rapport aux plus jeunes, concernant les connaissances
générales. Le profil classique du vieillissement cognitif normal
est présenté en figure 1 (Grégoire, 1993).
8
Figure 1 : Profil classique du
vieillissement cognitif normal
14
12
10
4
8
6
2
0
Verbale
Performance
25-34 35-44 45-54 55-64 65-69 70-74 75-79
Tranches d'âge
Ce schéma du résultat de l'étude de
Grégoire sur les scores obtenus à toutes les épreuves de
la WAIS-R par 700 participants de 25 à 79 ans, illustre bien ce qui a
été explicité. Avec l'avancé en âge, un
déclin cognitif des performances cognitives a été
observé (mémoire, habiletés de raisonnement, vitesse de
traitement) et une stabilité des performances verbales (vocabulaire,
connaissance).
Par ailleurs, même si il a été
observé un déclin cognitif au niveau des performances cognitives,
cette même littérature a mis en évidence la présence
d'une importante variabilité interindividuelle dans l'évolution
du fonctionnement cognitif chez l'adulte (Schaie, 2005 ; Salthouse 2004, 2010).
En effet, certaines personnes conservent plus longtemps un maintien de ces
performances ou une diminution de celles-ci moins prononcées, tandis que
d'autres présentent des modifications plus rapides. Il existe une forte
disparité interindividuelle (Schaie, 2005 ; Salthouse 2004, 2010).
9
III- « DU CONCEPT D'ACTIVITE STIMULANTE A
L'HABILETE CREATIVE »
III.1.De l'activité stimulante à la
créativité
Par « activités stimulantes », certains
chercheurs (Wilson, Barnes et Bennett, 2002) entendent des «
activités induisant un haut niveau d'implication tout au long de la vie,
comme la lecture, la peinture ou la pratique d'un instrument de musique ».
Selon un grand nombre d'auteurs, « la créativité
serait la capacité à réaliser une production qui soit
à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se
manifeste » (Sternberg et Lubart, 1995 ; Amabile, 1996 ; Bonnardel,
2006). Un lien étroit est donc présent entre l'activité
stimulante et la créativité. En effet, elles nécessitent
chacune une forte implication, stimulation et nouveauté dans leurs
expressions.
Une étude longitudinale de Small, Dixon, McArdle et
Grimm (2011) de 12 ans a exploré la dynamique temporelle des relations
entre l'engagement dans des activités stimulantes et les changements
dans le fonctionnement cognitif des personnes âgées (vitesse de
traitement, mémoire sémantique et mémoire
épisodique). Les résultats ont globalement confirmé que
l'engagement des personnes dans des activités stimulantes était
associé à de meilleurs résultats dans les trois domaines
cognitifs explorés.
Les résultats observés d'autres recherches sur
les activités stimulantes ont démontré que les personnes
exerçant des activités plus intenses sont associées
à de meilleure habileté cognitive c'est-à-dire à
une plus grande vivacité/rapidité, une meilleure mémoire,
de meilleures capacités de raisonnement, une plus grande facilité
à penser l'espace (Salthouse, 2006 ; Jopp et Hertzog, 2007 ; Soubelet,
2009).
Cependant, ils ne montrent pas que cet exercice mental plus
intense soit associé à un déclin cognitif plus faible ou
freiné. L'échec de cette hypothèse de la stimulation
mentale lorsqu'appréhendée au travers d'indicateurs tels que la
lecture, les mots croisées, la peinture, la cuisine, conduit à
repenser le concept de stimulation mentale. En particulier, le potentiel
créatif des personnes peut-il amener à un déclin cognitif
plus favorable c'est-à-dire des effets de l'âge moins
prononcés sur le plan cognitif.
Il peut être en effet plausible d'imaginer que face
à un même contexte, les personnes créatives sont davantage
stimulées que celles manifestant une moindre propension à
utiliser cette pensée créative dite « divergente ».
S'il existe, une certaine difficulté à mesurer cette
activité
10
stimulante qui peut être liée à certains
facteurs individuels comme la motivation par exemple (Soubelet, 2009), il est
possible de concevoir que la personne créative soit plus motivée
et donc plus stimulé cognitivement. Il pourrait être question de
« créativité stimulante » dont l'effet, lorsque
celle-ci est utilisée quotidiennement, amènerait à des
différences cognitives plus favorables.
De plus, être créatif met en jeu beaucoup plus de
dimensions qu'être stimulé à travers la lecture ou les mots
croisés et en ce sens elle peut être donc plus stimulante.
D'où l'intérêt de s'intéresser à cet index de
créativité et non plus à un indicateur « classique
» de stimulation. Ces personnes mettraient donc en jeu
régulièrement leurs habitées créatives plus
prononcées. Cette créativité pourrait amener à des
effets de l'âge moindre, sachant qu'elle nécessite la mise en
oeuvre d'habiletés cognitives.
Afin de mieux comprendre les mécanismes en jeu dans la
créativité, voici ci-dessous, de manière plus
détaillée, la créativité puis les mesures de
celle-ci avec la présentation des tests utilisés de la
pensée divergente et de l'insight.
III.2. La créativité
La psychologie de la créativité prendra son
essor essentiellement dans la seconde moitié du XXème
siècle, et en particulier grâce aux travaux de Guilford (1950).
Celui-ci va suggérer que la créativité requiert des
capacités intellectuelles comme la facilité à
détecter les problèmes, des capacités d'analyse,
d'évaluation et de synthèse, ainsi qu'une pensée fluide et
flexible. Puis, il va élaborer une théorie factorielle de
l'intelligence (Structure of Intellect) composée de cinq
opérations intellectuelles (cognition, mémoire, pensée
divergente, pensée convergente et évaluation).
La vision classique de la créativité
fondée par Guilford (1950) repose sur ce principe dichotomique
divergence/convergence. La démarche créative commence par la
reconnaissance d'un problème. À partir de là, un processus
de divergence s'engage, et finalement se termine, par convergence, dans une
nouvelle solution du problème (de la « perception analytique »
qui nécessite la pensée convergente, l'« incubation »
et l'« illumination » nécessitant la pensée divergente
et enfin l'« évaluation » avec la pensée convergente de
nouveau).
11
Voici un tableau explicatif qui met en évidence les deux
modes de pensées présentés par Guilford qui sont
impliqués dans la créativité mais diffèrent par
leur nature.
Tableau 1 : Pensée
convergente et divergente
PENSÉE CONVERGENTE
|
PENSÉE DIVERGENTE
|
- Pensée qui travaille sur le mode rationnel.
|
- Pensée qui travaille sur le mode intuitif,
irrationnel.
|
- Catégorisation et Rigueur
|
|
|
- Fantaisie, imagination.
|
- Raisonnement logique, mathématique,
|
|
analytique, problèmes rationnels.
|
- Capacité à générer plusieurs
idées nouvelles.
|
- La bonne réponse.
|
- Flexibilité, habileté de passer d'une
perspective à une autre, originalité.
|
- Classe, hiérarchise.
|
|
|
- Associe, diffuse.
|
- L'identique.
|
|
|
- Le nouveau, le discontinu.
|
La première méthode est mathématique,
rationnelle donc convergente car elle se centre sur le problème et la
découverte de la solution par raisonnement logique. La seconde
méthode est intuitive, irrationnelle donc divergente car elle
s'éloigne du problème (Guiford, 1950). Dans la même
idée, pour Lubart, la pensée convergente cherche une seule bonne
réponse, la réponse unique, « optimale » et la
pensée divergente recherche des idées éloignées,
originales de la réponse unique. Pour Torrance (1976), cette
réponse originale nécessite beaucoup plus d'énergie
intellectuelle que la réponse unique, commune ou évidente.
Une autre caractéristique des individus créatifs
selon Guilford (1950), c'est qu'ils seraient en mesure de « voir ce
que les autres ne voient pas » et de développer un «
style de pensée divergent ». Ce style de pensée est mis
en oeuvre par des individus qui sont capables de faire varier les perspectives
ou les points de vue qu'ils adoptent et d'utiliser des registres de
connaissances très différents de ceux habituellement
mobilisés (Lubart, 2003).
D'après la théorie de Mednick, en 1960, la
créativité est, en effet, dépendante de la structure des
connaissances des individus et notamment du lien entre ces connaissances,
puisque pour lui les capacités associatives sont à la source du
potentiel créatif. Selon de nombreux auteurs, les aptitudes cognitives
contribuent à la pensée créative, mais la
créativité
12
ne peut s'exercer que si nous disposons déjà de
connaissances suffisantes sur le domaine (Feldhusen, 1995 ; Wiley, 1998,
citée par Borst, Dubois et Lubart, 2006).
Enfin, Lubart (2003) mentionne aussi plusieurs
capacités intellectuelles identifiées cognitivement comme
essentielles à la créativité dont la pensée
divergente et convergente, la flexibilité cognitive, la capacité
à identifier et définir le problème, l'encodage
sélectif, la combinaison et la comparaison sélective (analogie,
métaphore).
Etre créatif, c'est donc être stimulée
cognitivement. L'individu voit, en effet, sa créativité
exacerbée au fur à mesure qu'il se trouve en présence
d'autres personnes (qui lui posent des questions ou dont la discussion
l'amène à un exercice mental plus poussé) ou d'autres
situations environnementales (ou les solutions face un problème sont
plus originales, plus divergentes) et qui le poussent donc à une
stimulation cognitive et créative plus constante.
Cette stimulation n'est pas uniquement cognitive ; elle met en
jeu aussi des aspects motivationnels qui pourraient multiplier le
caractère stimulant de l'activité créative comme les
émotions (« positives » ou « négatives »,
elles amènent à un exercice mental plus poussé) et la
personnalité de l'individu (quelqu'un d'ouvert à de nouvelles
expériences et qui prend des risques développe plus de
créativité). Plus il se trouve en situation de recherche et
d'invention plus il fait appelle à sa créativité et plus
il crée et est stimulé. L'exercice mental créatif ainsi
exercé de manière plus fréquente devrait amener à
un déclin cognitif plus favorable.
Ce qui amène à s'intéresser à
plusieurs index de stimulation comme présenté dans la Figure 2 de
l'approche multivariée de la créativité de Lubart avec les
différents facteurs qui peuvent justement stimuler cette
créativité.
13
Figure 2 : L'approche
multivariée de Lubart, 2003
Cette approche présente l'intérêt de
rendre compte des caractéristiques des individus pouvant faire preuve de
créativité. Celle-ci dépend des différents facteurs
cognitifs (intelligence, connaissance), conatifs (style, personnalité,
motivation), émotionnels et environnementaux. Lubart suggère donc
que le potentiel créatif d'une personne serait le résultat de la
combinaison de tous ces facteurs.
Ainsi, chaque individu possèderait un profil
d'aptitudes sur ces différents types de ressources, lié à
son potentiel créatif.
La stimulation de la créativité n'est donc pas
uniquement cognitive car elle met en jeu aussi des aspects motivationnels qui
peut multiplier le caractère stimulant de l'activité
créative. Cette production créative multipliée peut amener
à une meilleure habileté cognitive.
Voici, dans la partie suivante, les mesures de la
créativité utilisé afin d'évaluer le potentiel
créatif des participants de cette étude.
14
III.3. Les mesures de la créativité :
pensée divergente et insight
Sur la base de travaux de Guilford, les travaux de Torrance,
dès 1950, vont aboutir à la construction d'un test de
pensée créative (Torrance Test of Creative Thinking,
TTCT, Torrance, 1976), adapté des épreuves de pensée
divergente de Guilford (1950). Ce test est composé d'une série de
tâches dans lesquelles le sujet doit indiquer, en temps limité, le
maximum d'idées originales possibles en référence à
des situations fictives, des objets existants ou encore des formes
géométriques.
La créativité, dans ce test, est mesurée
à l'aide de trois indices : la fluidité (nombre d'idées
produites), l'originalité (rareté statistique des
réponses) et la flexibilité (nombre de catégories de
réponses différentes). Le TTCT sollicite spécifiquement la
production d'idées originales ce qui demande au sujet, en plus de
capacités de fluidité cognitive, de s'affranchir d'attitudes
conventionnelles et de mobiliser la richesse de leurs réseaux
d'association (Torrance, 1976). La pensée divergente a été
à la base des premiers tests de créativité. Pour Guilford
(1950), cette capacité à rechercher de manière
pluridirectionnelle de nombreuses idées, à partir d'un simple
point de départ, est essentielle à l'expression créative.
En effet, le fait de générer un grand nombre
d'éventualités et de pistes à explorer, augmentera
d'autant plus la probabilité de trouver une idée nouvelle et
adaptée, donc une idée créative.
Après les tests de pensée divergente, les
mesures cognitives les plus représentatives et les plus utilisées
pour évaluer la créativité sont les tests qui
évaluent les problèmes d'insight. Les épreuves
d'insight permettent de mesurer les capacités d'encodage, de
comparaison et de combinaison sélective (modèle de Sternberg et
Davidson, 1986). Elles demandent de restructurer un problème pour
pouvoir le résoudre. Ces trois capacités mesurées par les
épreuves d'insight permettent de prélever, de comparer
et de combiner dans l'environnement les informations en relation avec le
problème à résoudre.
Cependant, elles ne sont pas en elles-mêmes des
épreuves de créativité, car la solution est toujours
unique et ne constitue pas une production originale (Dow et Mayer, 2004). Des
auteurs analysant la créativité font, en outre, état
d'étapes spécifiques, telles « l'incubation »
au cours de laquelle de nombreuses associations d'idées sont
créées de façon inconsciente et « l'illumination
» qui correspond à la prise de conscience soudaine d'une
idée intéressante (Gelb, 1996).
15
Dans le modèle de l'insight de Sternberg et
Davidson (1986), il est proposé trois types de capacités
cognitives qui contribuent indépendamment à l'insight :
la pensée convergente, la pensée divergente et la rupture du
cadre (sortir de sa fixité fonctionnelle, Duncker, 1945). Une fois le
processus de pensée divergente finalisé, les idées et les
informations sont organisées et structurées grâce à
la pensée convergente.
Les problèmes peuvent être divisés en deux
catégories générales: bien définis et mal
définis (Pretz, Naples et Sternberg, 2003). Pour les problèmes
bien définis (non insight), le participant reconnaît
immédiatement une méthode de résolution qu'il sait
déjà.
Pour les problèmes mal définis
(insight), le participant ne connait pas déjà la
méthode de résolution appropriée et doit donc en inventer
une (la pensée créative et l'insight sont
impliqués dans les problèmes mal définis, mais pas dans
les bien définis).
Dans l'étude de De Young, neuf problèmes
insight ont été utilisés, qui pourrait être
définie comme « purs » base sur la classification
proposée par Weisberg (1995), qui a noté que certaines
incohérences dans la littérature pouvaient être dues
à l'utilisation de problèmes qui ne nécessite pas
forcément la restructuration de la solution (problèmes bien
définis).
Afin avoir explicité les données de la
littérature concernant la créativité et les tests
utilisés, voici, dans la quatrième partie, les résultats
des différentes recherches sur la cognition et la
créativité. Ensuite, un autre paragraphe traitera de
l'interaction entre l'âge et la créativité sur la
cognition. Aucune recherche n'a, cependant, été effectué
sur le sujet mais il m'a semblé important d'expliciter pourquoi il est
important de s'intéresser à cette problématique.
16
IV- CREATIVE ET COGNITION
IV.1. Relation entre créativité et
cognition
Dans l'étude de De Young (2008) qui a examiné
les différences individuelles dans les capacités cognitives
contribuant à résoudre les problèmes d'insight,
trois des tests de Torrance de la pensée créative dite «
divergente » ont été utilisés pour évaluer la
pensée divergente.
Des trois différents indices de la pensée
divergente, la flexibilité et la fluidité était
corrélés à l'insight. Ce qui suggère que
ces indices peuvent être particulièrement importants dans la
pensée divergente (Runco et Chand, 1995).
Ses résultats démontrent aussi que l'insight
problème et la flexibilité de la pensée divergente
sont significativement corrélés avec l'ensemble des variables
cognitives (analytique, vocabulaire, mémoire de travail). Un lien existe
donc bien entre les habiletés créatives et cognitives.
Enfin, une corrélation positive entre la pensée
divergente et les performances créatives chez les enfants (à
l'aide du TTCT de Torrance, « verbal » et « figural » et
des problèmes « insight ») a été
retrouvée par certains auteurs (Torrance, 1988 ; Lubart et Sternberg,
1995; Davidson, 2003). Les performances sur des problèmes bien
définis (non insight), y compris ceux qui constituent les tests
de QI standard, sont associées aux performances sur les problèmes
mal définis (insight). Les résultats de leurs recherches
ont montré que, les enfants qui sont les plus intelligents, sont
également les plus créatifs.
Les résultats observés démontrent donc
que les personnes qui présentent des habiletés créatives
plus prononcées montrent aussi de meilleures habiletés
cognitives. Voici, dans la partie suivante, ce qui représente le coeur
de cette recherche : « Ces personnes les plus créatives
montrent-elles des effets de l'âge moins prononcés sur le plan
cognitif ? ».
IV.2. Interaction entre l'âge et la
créativité sur la cognition
Aucune étude chez les adultes n'a abordé la
problématique de différences cognitives liées à
l'âge en fonction de l'habileté créative des personnes.
Cette étude va donc permettre de
17
connaitre si les personnes les plus créatives montrent
un déclin cognitif plus favorable c'est-à-dire des effets de
l'âge moins prononcés sur le plan cognitif.
Il a d'abord été expliqué qu'il existait
une certaine difficulté à mesurer l'activité stimulante.
Non au niveau du temps consacré à une activité mais au
niveau de la motivation, de l'expérience dans l'activité
exercée, ou du niveau des habiletés cognitives qui peuvent
être des facteurs individuels liés à cette dimension
stimulante.
D'après l'approche multivariée de Lubart (2003)
proposé, la créativité peut dépendre de certains
facteurs individuels tels que des facteurs cognitifs (intelligence,
connaissance), conatifs (styles cognitifs « manière dont une
personne génère les idées », traits de
personnalité et motivation), émotionnels et environnementaux.
Celui-ci explique qu'un état émotionnel peut focaliser des
énergies parce que l'acte créatif est un moyen d'évacuer
une énergie émotionnelle dans un travail productif. Il
suggère enfin que le potentiel créatif d'une personne serait le
résultat de la combinaison de tous ces facteurs. Ainsi, chaque individu
possèderait un profil d'aptitudes sur ces différents types de
ressources, lié à son potentiel créatif exprimé par
ses productions.
La stimulation de la créativité n'est donc pas
uniquement cognitive ; elle met en jeu aussi des aspects motivationnels qui
pourraient multiplier le caractère stimulant de l'activité
créative. Il est possible que cette production créative
multipliée puisse amener à une meilleure habileté
cognitive. D'où l'intérêt de s'intéresser à
cet index de créativité et non plus à un indicateur «
classique » de stimulation. En effet, la mesure de ce potentiel
créatif combinant tous les facteurs amènerait peut être
à des effets de l'âge moins prononcés sur le plan cognitif.
Et donc à un déclin cognitif plus favorable.
Voici, dans les chapitres suivants, la problématique et
les hypothèses, la méthodologie et les résultats de ce
travail de recherche.
18
V- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
V.1. Problématique
Comme il a été vu, le vieillissement cognitif
normal est accompagné d'un déclin cognitif, observer sur les
données transversales (Salthouse, 2004 ; Salthouse, 2006) comme
longitudinales (Schaie, 1998 ; Schaie et Baltes, 1998). Il a été
explicité que les résultats observés des
différentes recherches mettent en évidence un
développement des performances cognitives (mémoire, raisonnement,
vitesse de traitement, capacités visuo-spatiales) des individus
jusqu'à l'âge de 18 ans environ et celles-ci déclinent aux
alentours de 27 ans (Salthouse, 2009). Par contre, toutes les fonctions
cognitives ne sont pas affectées au cours du vieillissement. Il a
été observée, effectivement, que les connaissances
générales (vocabulaire, connaissance) augmentent
considérablement jusqu'au début de l'âge adulte puis
restent relativement stables par la suite (Cattell, 1987 ; Schaie, 1998 ;
Salthouse 2004, 2010).
Ensuite, des recherches ont pu mettre en évidence que
les personnes exerçant des activités stimulantes plus intenses
présentaient des habiletés cognitives plus marquées
(Salthouse, 2006 ; Jopp et Hertzog, 2007 ; Soubelet, 2009 ; Small, Dixon,
McArdle et Grimm, 2011).
Puis, il a été expliqué la
difficulté à mesurer cette activité stimulante. Il n'est
pas certain que tous les participants exerçant des activités
stimulantes recherchent le même niveau de performance, y consacrent les
mêmes efforts (Lemaire & Behrer, 2005). Selon Soubelet (2009), cette
dimension stimulante peut être liée à certains facteurs
individuels comme la motivation, l'expérience dans l'activité
exercée ou le niveau des habiletés cognitives de la personne.
Concernant la créativité, sa stimulation n'est pas uniquement
cognitive ; elle met en jeu aussi des aspects motivationnels qui pourraient
multiplier le caractère stimulant de l'activité
créative.
Enfin, il a été montré le lien entre
l'activité stimulante et la créativité. Elles
nécessitent toutes deux une forte implication, stimulation et
nouveauté dans leurs expressions. Il a été
explicité l'importance de l'exercice mental qui est nécessaire
à l'acte créatif, ses deux concepts sont bien liés. Il
peut être plausible d'imaginer que face à un même contexte,
une même situation, les personnes créatives soient davantage
stimulées que celles manifestant une moindre propension à
utiliser un style de pensée créatif dit « divergent ».
Et mettent donc en
19
jeu régulièrement leurs habitées
créatives plus prononcées, qui pourrait amener à des
effets de l'âge moindre, sachant qu'elle nécessite la mise en
oeuvre d'habiletés cognitives. La personne créative voit, comme
le disait Guilford (1950) ce que les autres ne voient pas. Par exemple, en
regardant un objet, une fleur, un individu, une image ou d'autres
éléments, le processus de pensée divergente se met en
place qui l'amène à trouver de nouvelles idées, concepts
et qui poussent cette personne à une stimulation cognitive et
créative plus constante. Alors que les autres individus, une fleur par
exemple reste une fleur et ne peut amener à aucune nouvelle idée
créative, nouveaux concepts liés à la couleur, la forme,
la taille ou le nom de celle-ci.
Des résultats de recherche sur la
créativité ont démontré, en effet, une
corrélation entre les personnes qui présentent des
habiletés créatives et cognitives (Lubart et Sternberg, 1995 ;
Torrance, 1988 ; Davidson, 2003 ; De Young, 2008).
Etre créatif, c'est donc être stimulée
cognitivement qui met en jeu aussi des aspects motivationnels ce qui explique
l'intérêt à cet index de créativité et non
plus à un indicateur « classique » de stimulation. L'objectif
de ce travail est donc d'étudier si les différences liées
à l'âge sur le plan cognitif sont fonction des habiletés
créatives des personnes. Ou si les mêmes différences
liées à l'âge sont observées quelque soit le niveau
d'habileté créative des participants.
V.2. Hypothèses
Il a été utilisé différentes
tâches cognitives qui capturent la majorité des effets de
l'âge observés, comme la mémoire de travail, la vitesse de
traitement, la capacité visuo-spatiale, les fonctions exécutives
et le vocabulaire (Salthouse, 2004).
Plusieurs hypothèses ont ainsi pu être
établies :
? une corrélation négative entre l'âge et
les performances aux tests cognitifs de mémoire de travail, de vitesse
de traitement et de raisonnement devrait être observée et qui
devrait donc répliquer ce qui a été observé dans la
littérature, avec l'avancée en âge, un déclin de ces
performances cognitives.
20
? une corrélation positive entre l'âge et les
performances au test cognitif de vocabulaire devrait être observée
et qui devrait donc répliquer ce qui a été observé
dans la littérature, avec l'avancée en âge, un maintien ou
une augmentation de cette performance cognitive.
? une corrélation positive entre la
créativité et les mesures cognitives devrait être
observée.
? une interaction entre l'âge et la
créativité sur la cognition devrait être observée,
dans le sens de différences liées à l'âge sur le
plan cognitif plus marquée chez les personnes manifestant les plus hauts
scores de créativité.
21
VI- METHODOLOGIE VI.1.
Participants
85 participants âgés de 18 à 93 ans ont
participé à cette étude, âgés en moyenne de
44 ans ( ET = 17.88). Il y a 54 femmes et 31 hommes, 75 sont droitiers et 10
sont gauchers. Ils ont en moyenne un niveau d'étude de 12.90 ans ( ET=
2.62 ) et une santé auto-évaluée de 7.95 (ET= 1.44).
Tous les participants de plus de 60 ans avaient un score au
MMSE (« Mini-Mental State Examination » ; Folstein et al, 1975) de 27
à 30. Les participants ont été recrutés par le
biais d'annonces sur les réseaux sociaux, dans les administrations
(Conseil Général) et aussi par le biais de l'entourage.
Avant d'effectuer les tâches cognitives, un
questionnaire d'auto évaluation de l'anxiété-état
(STAI-A), c'est-à-dire l'anxiété au moment de l'entrevue a
été distribué à l'ensemble des sujets (STAI :
Spielberger et al., 1983). Cette mesure de l'anxiété par le STAI
(« State Trait Anxiety Inventory », Spielberger et al., 1983)
consiste à évaluer l'anxiété ressentie par le
participant sur le moment.
Cette échelle spécifique est un questionnaire
à choix multiples comprenant 20 items. A chaque réponse est
administré un score, allant de 1 à 4 indiquant le degré
d'anxiété. Le sujet doit donc choisir parmi les propositions
celles qui leur correspondent le mieux.
L'ensemble des participants avaient une moyenne
d'anxiété de 30.08 (ET=10.48). Les caractéristiques de
l'échantillon distinguant 3 groupes d'âge (18-39 ; 40-59 et plus
de 60) sont présentées dans le tableau 2.
Tableau 2 : Moyennes et
écarts-types entre parenthèses des caractéristiques de
l'échantillon.
|
|
|
|
Etudes
|
18-39 ans
14.08 (ET =2.43)
|
40-59 ans
12.32 (ET =2.57)
|
|
22
VI.2.Materiel
Après avoir signé le formulaire de consentement
afin de participer à cette étude, les participants ont rempli un
questionnaire démographique.
VI.2.1.Questionnaire démographique
Il comprenait la date de naissance, le genre, le diplôme
le plus élevé obtenu, le niveau d'étude, et la
santé auto-évaluée de « très mauvaise »
à « excellente » et enfin la profession.
VI.2.2.Tests cognitifs et créatifs
Les habiletés cognitives dites fluides ont
été évaluées avec les matrices progressives de
Raven, version abrégée (APM ; Raven, 1998) La vitesse de
traitement a été mesurée avec le test des symboles
(Weschler, 1997). Les habiletés cristallisées (vocabulaire) ont
été mesurées avec l'échelle de vocabulaire de
Wechsler (Weschler, 1997). La mémoire de travail a été
évaluée avec un rappel immédiat de 16 mots (Rey, 1964).
La créativité a été
évalué à l'aide des épreuves de
créativité les plus courantes qui sont les tests de pensée
divergente et les épreuves d'insight.
Trois des tests de la pensée créatrice de
Torrance ont été utilisés pour évaluer la
pensée divergente. Les participants disposaient de trois minutes pour
générer autant de réponses possibles pour chacun des
problèmes suivants:
? « Imaginez que tous les êtres humains soient
nés avec six doigts à chaque main au lieu de cinq. Listez toutes
les conséquences ou les implications de ce phénomène qui
vous viennent à l'esprit »
? « Enumérez un maximum de choses qui soient
à la fois comestibles et blanches »
? « Enumérez tout ce que vous pensez que l'on peut
faire avec une brique ou un parpaing (bloc de béton) ».
Comme il a été vu précédemment,
les scores divergents reposent sur 3 indices: la fluidité (nombre
d'idées produites), l'originalité (rareté statistique des
réponses) et la flexibilité (nombre de catégories de
réponses différentes). Ces 3 indices peuvent être
examinés séparément, ou normalisés et
combinés en un score pensé unique divergents.
L'originalité est marqué par
référence pour toutes les réponses valides dans
l'échantillon, avec
23
1 point attribué aux réponses données
entre 3% et 10% des participants, 2 points aux réponses données
par 3% ou moins et 3 points à des réponses uniques.
Pour le test de l'insight, neuf problèmes ont
été présentés oralement aux participants, ils
avaient deux minutes pour résoudre chaque problème. Cette
durée a été choisie par Lockhart et ses collègues
(1988), qui avait donné aux participants quatre minutes pour
résoudre des problèmes similaires d'insight, et a
indiqué dans ses résultats que 97% des solutions ont
été générés dans les deux premières
minutes. Les scores de performance ont été calculés comme
pourcentage de réponses correctes.
VI.3. Procédure
Le recueil des données a nécessité une
rencontre individuelle d'une heure trente environ avec chaque participant. La
rencontre s'est effectuée à divers endroits, chez le domicile du
participant, à l'université Saint Jean d'Angely ou au domicile de
l'examinateur.
24
VII- RESULTATS :
Pour toutes les variables de l'étude, l'absence de
données aberrantes a été vérifiée.
VII.1.Relation entre âge et cognition
Des corrélations entre l'âge et les
différentes fonctions mesurées sur l'ensemble de
l'échantillon ont été effectuées lors de cette
étude.
L'avancée en âge s'est montrée
corrélée de manière significative à l'ensemble des
mesures cognitives utilisées. On observe des corrélations
négatives entre l'âge et la mesure de raisonnement (r = - .46,
p<.0001), de la mémoire (r = - .48, p< .0001) et de la vitesse de
traitement (r = -0.77, p<.0001).
En revanche la corrélation entre l'âge et le
vocabulaire est significative positivement (r = .35, p<.001). Ce qui
signifie qu'avec l'avancée en âge, les performances aux
différents tests diminuent, mis à part le test du vocabulaire,
pour lequel les performances augmentent. Ces résultats répliquent
donc ce qui a été démontré dans la
littérature.
En complémentarité, une analyse a
été effectuée entre l'âge et la
créativité qui a mis en évidence des corrélations
négatives entre l'âge et deux indices de créativité.
En effet, l'avancée en âge amène à moins de
fluidité (r = - .24, p< .05) et d'originalité (r = - .22,
p< .05).
VII.2.Relation entre créativité et
cognition
Des corrélations entre les différents indices de
créativité et les fonctions cognitives mesurées sur
l'ensemble de l'échantillon ont été effectuées lors
de cette étude.
Une synthèse du tableau de corrélation entre
créativité et cognition (*p< 0.05 ; **p< 0.01) est
proposé dans le tableau 3 (lorsque le chiffre est en italique, c'est un
effet tendanciel ce qui veut dire que p > 0.05).
25
Tableau 3 : Corrélation
entre indicateur de créativité et mesure cognitive
Vitesse de Traitement
Habiletés fluides
Mémoire Travail
Vocabulaire
Fluidité
.29**
.23*
.22
-.09
-.12
Originalité
.28*
.21*
.20
-.04
Score pensée divergente
.25*
.22*
.18
-.08
.27*
Certains indices de pensée divergente se sont
montrés corrélés de manière significative
à
certaines mesures cognitives utilisées. Il a
été observé, en effet, des corrélations
positives
entre la fluidité, l'originalité, le score total de
la pensée divergente et la vitesse de traitement.
Flexibilité
.15
.19
.10
De plus, il a été observé des
corrélations positives entre la fluidité, l'originalité,
le score
total de la pensée divergente et les habiletés
fluides.
Insight
.14
.20
.21
Ensuite, un effet tendanciel a été
observé entre la fluidité et la mémoire de travail. Enfin,
une corrélation positive a été observée entre
l'insight et le vocabulaire.
Par contre, il n'a été observé aucune
corrélation entre les trois différents indices de la
pensée divergente et l'insight.
VII.3.Interaction entre âge,
créativité sur la cognition
A l'aide du modèle de régression linéaire
multiple, il a été testé l'interaction entre l'âge
et la créativité sur les différentes mesures cognitives,
en incluant les variables indépendantes « âges », «
créativité » et la variable d'interaction âge X
créativité.
Une synthèse du tableau de corrélation entre
l'âge et la créativité sur la cognition (*p< 0.05 ;
**p< 0.01) est proposé dans le tableau 4.
26
Tableau 4 : Interaction entre
l'âge et la créativité sur la cognition
Vitesse de Traitement
Habiletés fluides
Mémoire Travail
Vocabulaire
Age*Fluidité
Age*Flexibilité
Age*Originalité
.01
.03
.09
-.08
-.13
-.16
.14
.13
.18
-.01
.21
.33**
.31**
.56
.33**
.04
Des effets de l'âge sur la cognition sont observés
qui varient en fonction du niveau de
créativité des personnes. Différents
graphiques ont permis de savoir dans quel sens cet effet
d'interaction opérait. L'âge (« jeunes »
c'est-à-dire moins de X années et « âgés »
c'est-à-dire
plus de X années) et les indices de
créativité (1 (faible) et 2 (élevé)) ont
été recodés en
fonction de la médiane.
Age*Score pensée divergente
Age*Insight
-.03
.01
-.10
-.04
Voici trois graphiques ci-dessous représentant l'effet
d'interaction de l'âge et des différents
indices de créativité sur le vocabulaire.
65
63
61
49
47
45
43
41
29
59
57
55
53
51
39
37
35
33
31
Intéraction Age*Fluidité sur le
vocabulaire
Jeunes Agées
Age
Fluidité faible
Fluidité élevé
Graphique 1: Interaction entre
l'âge et la fluidité sur le vocabulaire
27
Graphique 2 : Interaction entre
l'âge et la flexibilité sur le vocabulaire
65
63
61
49
47
45
43
41
29
59
57
55
53
51
39
37
35
33
31
Intéraction Age*Flexibilité sur le
vocabulaire
Jeunes Agées
Age
Flexibilité faible
Flexibilité élevé
Graphique 3 : Interaction entre
l'âge et l'originalité sur le vocabulaire
65
63
61
49
47
45
43
41
29
59
57
55
53
51
39
37
35
33
31
Intéraction Age*Originalité sur le
vocabulaire
Jeunes Agées
Age
Originalité faible
Originalité élevé
Avec l'avancée en âge, la fluidité,
flexibilité et originalité élevées sont
associées à des différences d'âges plus importantes
sur les performances cognitives concernant le vocabulaire, à savoir que
l'avantage des âgés par rapport aux jeunes sur des tâches de
vocabulaire est plus important chez les personnes manifestant de fortes
habiletés créatives. En effet, les effets de l'âge sur la
cognition (vocabulaire) varient en fonction du niveau de
créativité des personnes.
28
Par contre, il n'a été observé aucune
interaction pour la fluidité, la flexibilité et
l'originalité et les autres mesures cognitives et de même entre
l'âge et l'insight et les différents tests cognitifs.
29
VIII- DISCUSSION :
L'objectif de ce travail de recherche était de tester
si les différences liées à l'âge sur le plan
cognitif variaient en fonction du niveau de l'habileté créative
des personnes. Pour cela, 85 participants de 18 à 93 ans ont
participé à cette étude, âgés en moyenne de
44 ans. Chaque participant était évalué selon
différentes mesures cognitives (mémoire de travail, raisonnement,
vocabulaire et vitesse de traitement). La créativité a
été évalué à l'aide des épreuves de
créativité les plus courantes qui sont les tests de pensée
divergente et les épreuves d'insight.
Les résultats ont répliqué les effets de
l'âge sur la cognition observé dans la littérature. En
effet, une corrélation entre l'âge et les performances aux
différents tests cognitifs a été observée. Avec
l'avancée en âge, est observé un déclin des
fonctions cognitives sur les mesures de raisonnement, de vitesse de traitement,
de mémoire de travail. En revanche une corrélation entre
l'âge et le vocabulaire est significative positivement. Ce qui signifie
que les performances augmentent concernant le vocabulaire et les connaissances
en fonction de l'âge des participants. Les plus âgées
présentaient de meilleurs résultats que les plus jeunes. Ces
résultats rejoignent les résultats de l'étude de Horn et
Cattell (1967) qui ont comparé les performances de 297 sujets
d'âges variés et ont mis en évidence des performances
supérieures chez les adultes les plus âgés par rapport aux
plus jeunes, concernant les connaissances générales.
L'hypothèse selon laquelle il existerait une
corrélation entre créativité et mesures cognitives est
validée en partie concernant les tests cognitifs non verbaux. En effet,
une corrélation positive entre la fluidité, l'originalité,
le score total de la pensée divergente et la vitesse de traitement et le
raisonnement a été observé. Concernant les tests cognitifs
verbaux, un effet tendanciel a été observé entre la
fluidité et la mémoire de travail. Ces résultats
amènent à penser que la créativité a un effet
positif sur les fonctions cognitives. Les personnes qui ont des
habilités créatives plus prononcées sont davantage
stimulées cognitivement dans un même contexte que celles
manifestant une moindre propension à utiliser ce style de pensée
dit « divergent ». Les habiletés créatives stimulent
donc les fonctions cognitives, les personnes créatives présentent
une plus grande vitesse de traitement, de meilleures capacités de
raisonnement.
30
De plus, un effet significatif a été
observé concernant l'insight et le vocabulaire. Ce
résultat confirment, en partie, ceux de l'étude de De Young et
ses collaborateurs (2008) qui a démontré que l'insight
était significativement corrélés avec l'ensemble des
variables cognitives (analytique, vocabulaire, mémoire de travail). Par
contre, il n'a pas été trouvé de corrélations entre
la flexibilité de la pensée divergente et toutes les mesures
cognitives. Pourtant, dans l'étude de De Young (2008), la
flexibilité de la pensée divergente était
significativement corrélés avec l'ensemble des variables
cognitives (analytique, vocabulaire, mémoire de travail).
Enfin, il n'a été observé aucune
corrélation entre les trois différents indices de la
pensée divergente et l'insight. Alors que dans l'étude
de De Young, la flexibilité et la fluidité était
corrélés à l'insight. Cependant, son étude
regroupait des étudiants de 17 à 30 ans alors que cette recherche
regroupe des participants de 18 à 93 ans dont la plupart ne sont plus
étudiants. Cette variabilité au niveau de l'âge peut
expliquer ces résultats qui diffèrent d'une recherche à
une autre.
L'hypothèse selon laquelle il existerait des
différences liées à l'âge sur le plan cognitif plus
marquée chez les personnes manifestant les plus hauts scores de
créativité, est validée en partie concernant le test
vocabulaire. Des effets de l'âge sur le vocabulaire ont été
observés qui variaient en fonction du niveau de l'habileté
créative des personnes à savoir que l'avantage des
âgés par rapport aux jeunes sur des tâches de vocabulaire
est plus important chez les personnes manifestant de fortes habiletés
créatives. Par contre, il n'a été observé aucune
interaction pour la fluidité, la flexibilité et
l'originalité et les autres mesures cognitives ainsi qu'entre
l'âge et l'insight et les différents tests cognitifs.
Que conclure au sujet de tous ses résultats ?
Les connaissances sont le matériel sur lequel les
processus cognitifs vont opérer. Il a été explicité
que selon la théorie de Mednick (1960), la créativité est
dépendante de la structure des connaissances des individus et notamment
du lien entre ces connaissances, puisque pour lui les capacités
associatives sont à la source du potentiel créatif. Les
résultats montrent bien, à un âge avancé,
l'importance des capacités associatives des connaissances acquises qui
sont plus flexibles et fluides grâce au potentiel créatif des
personnes. Ce qui amène à la question de l'existence d'un lien
entre la créativité et l'intelligence.
31
Les résultats ont démontré une
corrélation entre la créativité et la cognition (effet
positifs avec le raisonnement, la vitesse de traitement et un effet tendanciel
avec la mémoire de travail) qui nous permet d'avoir une certaine
approche de cette intelligence et de voir une relation entre ses deux concepts.
De plus, il a été observé des différences
cognitives liées à l'âge sur des tâches de
vocabulaire en fonction du niveau de l'habileté créative des
personnes. Il est possible de penser qu'un lien existe donc entre
l'intelligence et la créativité.
La question est de savoir pourquoi il a été
démontré des effets de l'âge sur la cognition (vocabulaire)
qui varient en fonction du niveau de créativité des personnes
mais pas des effets de l'âge sur les autres fonctions cognitives ?
Peut-être parce qu'il a été observé dans les
résultats de cette recherche comme dans la littérature, une
corrélation entre l'âge et le vocabulaire significative
positivement. Les performances augmentent concernant le vocabulaire en fonction
de l'âge des participants. Les plus âgées
présentaient, dans cette étude, de meilleurs résultats que
les plus jeunes. Ainsi, avec l'avancée en âge, les personnes les
plus créatives peuvent plus facilement laisser s'exprimer cette
pensée divergente enrichit de ses connaissances.
De plus, selon Lemaire (2005), les études sur
l'expertise ont permis de montrer qu'il existe une capacité de
réserve cognitive chez les personnes âgées. Cette
capacité peut leurs permettre d'augmenter leur performances cognitives
dans certaines conditions comme lorsqu'elles sont motivées pour obtenir
de bonnes performances. Ce qui expliquerait ce résultat.
Ensuite, la possibilité de travailler sur un
échantillon suffisamment large a facilité la mise en application
des hypothèses. La possibilité d'étudier quatre variables
cognitives différentes a permis d'avoir une vision d'ensemble du
fonctionnement cognitif et donc d'appréhender son aspect
hétérogène.
Cependant, une évaluation complète de la
créativité permettrait une approche plus complète des
différences cognitives liées à l'âge en fonction du
niveau de l'habileté créative de la personne. Le test complet
pourrait montrer des effets de l'âge sur les autres fonctions cognitives.
Pour cela, le test de Torrance intégral comprend une partie «
figurale » en plus de la partie « verbale » Celle-ci utilise
trois images mesurées à l'aide de cinq indices:
originalité, fluidité, rupture de cadre, élaboration,
abstraction des titres.
32
De plus, le test d'insight comprend un test spatial
et de mathématiques avec plusieurs problèmes qui pourraient aussi
être utilisés. Ainsi il pourra être évalué si
les personnes qui déploient plus fortement des habiletés
créatives sur la totalité des tests présentent de
meilleures performances aux différents tests cognitifs. La relation
entre créativité et cognition serait encore plus limpide.
Cette étude peut aussi apporter un complément de
réponse à la question de la préservation du déclin
cognitif. La notion de réserve cognitive mentionnée confirme
l'intérêt d'exercer ses activités créatives afin de
préserver ses habilités cognitives le plus longtemps possible.
Favoriser la créativité, la stimulation cognitive et la
motivation à travers des ateliers d'art-thérapie en
établissement d'hébergement pour personnes âgées
dépendantes (EHPAD) semble être une piste intéressante pour
une prise en charge du vieillissement cognitif pathologique.
33
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