CONCLUSION
L'objet de ce chapitre était d'identifier, du
côté de l'offre, les facteurs explicatifs de l'exclusion bancaire.
L'analyse qui s'en est suivie nous a permis de passer en revue certains aspects
de la réglementation du secteur bancaire et des politiques commerciales
des établissements de crédit qui causent l'exclusion bancaire.
En ce qui concerne la règlementation, nous avons vu que
certaines mesures peuvent avoir des effets pervers.
C'est le cas de la non rémunération des
dépôts qui a pour contrepartie la gratuité de la tenue de
compte. On observe que certaines banques ne rémunèrent
effectivement pas les dépôts à vue mais facturent la tenue
des comptes. D'autres, respectent cette norme mais révisent
systématiquement à la hausse les prix des autres services ou en
élaborent de nouveaux afin de combler ce qu'elles perçoivent
comme un manque à gagner.
De plus, la règlementation est mise en cause à
travers le laxisme observé dans la facturation des services bancaires
(frais de tenue de compte, taux d'intérêt débiteur, frais
liés à la détention d'une carte, garanties requises pour
bénéficier d'un crédit...).
Parallèlement, nous avons identifié les
stratégies commerciales des banques incriminables relativement à
l'exclusion bancaire. Celles-ci vont de la segmentation de la clientèle
suivant des critères bien précis, à la rentabilisation des
difficultés des clients et font de l'exclusion bancaire, une
externalité négative de l'activité bancaire.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
CHAPITRE 2 : ANALYSE EMPIRIQUE DES FACTEURS DU COTE DE
L'OFFRE DE SERVICES BANCAIRES
INTRODUCTION
Le chapitre liminaire nous a permis de mettre en relief
l'état du débat théorique sur les facteurs de l'exclusion
bancaire du côté de l'offre du marché bancaire. Il en
ressort que le phénomène étudié se justifie par la
réglementation du secteur bancaire et certaines politiques commerciales
des établissements de crédit. A cet égard, l'exclusion
bancaire constitue une externalité négative de l'activité
bancaire.
Rendus à ce stade, il convient de confronter ces
observations théoriques à la réalité des faits
à travers une analyse empirique conséquente, l'enjeu étant
de déterminer les facteurs les plus pertinents pour expliquer
l'exclusion bancaire du point de vue de l'offre des services bancaires.
Notre démarche s'inspire de l'étude d'Allen et
al. (2012) menée dans 123 pays18, dans l'optique d'y
identifier les causes de l'exclusion bancaire. Trois indicateurs sont alors
utilisés pour mesurer l'exclusion bancaire, la détention d'un
compte dans une banque ou toute autre institution financière formelle,
l'utilisation de ce compte pour épargner et la fréquence
mensuelle d'usage dudit compte.
L'enjeu est de déterminer le niveau de
corrélation qui existe entre l'exclusion bancaire d'une part, et les
exigences documentaires, les politiques d'inclusion financière, le
statut des banques19, l'architecture de l'industrie
bancaire20 d'autre part.
L'objet de ce chapitre est donc d'évaluer, en nous
référant à l'approche d'Allen et al. (2012), l'influence
de certaines caractéristiques institutionnelles sur l'exclusion bancaire
au Cameroun. Le choix des caractéristiques retenues est uniquement
régi par la disponibilité des données.
18 Le Cameroun est inclus dans cet
échantillon.
19 Les banques peuvent être privées ou
publiques.
20 L'architecture bancaire renvoie à la
répartition des agences et des DAB.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Le présent chapitre est organisé ainsi qu'il
suit : la première section présente le modèle empirique et
les données. La seconde section est consacrée à
l'estimation et l'interprétation des résultats.
SECTION I- La présentation du modèle et
description des données de l'analyse
Dans cette section, nous commençons présenter le
modèle empirique ainsi que les données qui permettront d'en
effectuer l'estimation.
I.1- La présentation du modèle empirique
Le modèle utilisé par Allen et al. (2012) est le
suivant :
'
y ij* = x i j fl + z ij ï
+ 8 ij
'
y ij = 1 si y1 * > 0
yij = 0 si *
yij < 0
Où i et j désignent
respectivement les pays et les individus, *
y1 ij est une variable
latente qui représente l'exclusion bancaire, xij
est un vecteur de caractéristiques institutionnelles, z1
ij est un vecteur de caractéristiques individuelles,
â et ã sont des
vecteurs de paramètres et å1ij est un
terme d'erreur normalement distribué, de moyenne nulle et de variance
égale à 1.
En estimant leur modèle par la méthode du
maximum de vraisemblance, ils arrivent au résultat selon lequel la
pénétration des comptes bancaires est plus faible dans les pays
au sein desquels les frais d'ouverture sont élevés. En outre, les
pays dotés des réseaux bancaires les plus denses21 se
caractérisent par de fortes propensions à épargner.
Par ailleurs, l'exclusion financière serait une
fonction décroissante de la stabilité politique et de la
transparence sur les pratiques bancaires. Enfin, les auteurs ne trouvent pas de
corrélation négative entre l'exclusion financière et les
exigences documentaires.
21 La densité bancaire étant
mesurée par le nombre d'agences ou de DAB pour 1000 habitants.
30
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
A ce niveau de l'analyse, des précisions d'ordre
méthodologique sont nécessaires pour présenter les points
de rupture entre l'approche sus présentée et la nôtre.
Premièrement, une différence est observée
au niveau du champ de l'étude. En effet, si les auteurs sus
évoqués étudient l'exclusion financière, qui est un
concept beaucoup plus complexe, nous nous limitons uniquement à
l'exclusion du système bancaire classique. Ce choix tient au fait que le
système financier camerounais est porté par les institutions
bancaires.
Deuxièmement, à la différence du
modèle théorique, nous n'utilisons que deux indicateurs pour
mesurer l'exclusion bancaire, notamment la détention d'un compte
bancaire et la détention d'une carte de paiement22.
Troisièmement, le cadre spatial de notre étude
se limite à un seul pays : le Cameroun. Par ailleurs, compte tenu du
fait que dans cette partie de notre travail nous nous intéressons
uniquement à l'impact des caractéristiques institutionnelles sur
l'exclusion bancaire, la variable qui capte les caractéristiques
individuelles est exclue.
Ces distinctions faites, la spécification du modèle
peut à présent être donnée.
Supposons l'existence d'un caractère qualitatif qui
peut prendre K modalités disjointes ; Si K=2, on dit que la variable est
dichotomique23. Exemple: avoir un compte ou ne pas avoir de
compte.
Dès lors, on peut représenter un
caractère qualitatif dans le cadre d'un modèle
économétrique. En prenant le cas qui consiste à avoir un
compte ou non, on définit la variable y par :
y = {1 si l'invididu possède un compte et 0 sinon.
22 Nous nous référons en effet
à la classification de Constans (2006) présentée en
introduction et qui établit trois niveaux d'exclusion, à savoir
la possession d'un compte bancaire, la détention de moyens de paiement
nécessaires à l'usage dudit compte et l'accès au
crédit
23 Dans le cas général K E N* on
dit que la variable est polytomique.
Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
Si P représente la probabilité qu'un individu
possède effectivement un compte, alors P n'est rien d'autre que
l'espérance mathématique de y : P = E(y).
L'objectif du modèle choisi est alors d'expliquer la
survenue de l'événement considéré en fonction d'un
certain nombre de caractéristiques observées pour les individus
de l'échantillon. Il s'agit donc précisément de
spécifier la probabilité d'apparition de cet
événement.
Supposons que l'on dispose de N observations y1 d'une variable
endogène codée yj = 1 ou yj = 0 par convention et soit x
= (x ... x '), un vecteur ligne de variables exogènes associées
à la variable endogène y.
Le logit linéaire simple s'écrit : y1 = x + e.
Où å~ est un vecteur de termes d'erreur gaussiens
supposés identiquement et indépendamment distribués,
tandis que â désigne un vecteur colonne
de K paramètres inconnus.
Dans la littérature économique, il est
établi que la régression logistique permet, au travers de la
méthode du maximum de vraisemblance, d'estimer les paramètres,
d'évaluer la précision de l'estimation, de mesurer le pouvoir
explicatif du modèle, de vérifier s'il existe une liaison
significative entre l'ensemble des variables explicatives et la variable
dépendante, d'identifier les descripteurs pertinents et donc
d'évacuer les variables non significatives (Rakotomalala, 2014).
La vraisemblance correspond spécifiquement à la
probabilité d'obtenir l'échantillon ? à partir d'un tirage
dans la population. La méthode du maximum de vraisemblance consiste
à produire les paramètres â de la régression
logistique qui rendent maximum la probabilité d'observer cet
échantillon.
Nous effectuerons donc une régression logistique de
manière à identifier les facteurs les plus statistiquement
pertinents de l'exclusion bancaire au Cameroun.
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Pour ce faire, nous utiliserons les données
présentées au point suivant.
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Les facteurs de l'exclusion bancaire au Cameroun
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