Ressources minières, croissance économique et guerres civiles en R.D.Congopar Fanny KABWE Université de Yaoundé 2/ Soa - DEA 2014 |
2. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHELa République Démocratique du Congo est un pays à vocation minière etl'histoire consacre cette affirmation. Avant la période coloniale, une profonde tradition de métallurgie artisanale avait ainsi cours dans différentes régions du Bassin du Congo. L'Etat Indépendant du Congo et, ensuite, le Congo belge engagèrent et développèrent l'exploitation industrielle de ces ressources. Depuis l'indépendance, les gouvernements successifs congolais se sont appuyés sur le secteur minier pour mener leurs politiques économiques et sociales (Bakandeja, 2009). L'influence des ressources minièressur la croissance économiqueen R.D.Congo a toujours été capitale (Dumont, 2013). Cependant, l'instabilité politique, les vicissitudes des cours des métaux, la mauvaise gestion des entreprises publiques et les conflits ont précipité son déclin. A l'aube du nouveau millénaire, il s'avère important de le relancer. Sous la décision de la Banque mondiale (2003), les nouveaux codes et règlements miniers furent adoptés ; une politique libérale favorisant les investissements étrangers fut alors préconisée dans le but de réenclencher l'exploitation minière industrielle et, à sa suite, l'économie du pays ; certains contrats léonins furent revisités (Mazalato, 2009). La question de savoir si les ressources minièresexercent une influence quelconquesur la croissance économique en R.D.Congo, fait depuis quinze ans l'objet d'un débat de plus en plus vif.L'origine de ce débat remonte beaucoup plus loin dans le temps, mais il s'est amplifié après la publication d'un rapport de Sachs et Warner (1997) qui tentait d'apporter la preuve statistique que l'abondance des ressources naturelles avait un impact négatif sur la croissance économique (Paulo et Gary, 2010). De nombreux pays pourtant riches en ressources naturelles affichaient une faible croissance.De ce fait, ces pays étaient victimes de la « malédiction des ressources naturelles», une « malédiction » essentiellement due à l'impact de cette abondance de ressources localisées » sur la politique économique d'un pays donné (Auty, 1993). Une revue de la littérature récente sur la « malédiction des ressources naturelles » met en exergue l'impact négatif des ressources naturelles dans les pays en développement sur trois plans à savoir : · les ressources naturelles affectent la croissance via la volatilité des prix des matières premières. Deux effets sont à différencier : « le syndrome hollandais3(*) ». C'est-à-dire l'appréciation du taux de change qui réduit la compétitivité du secteur exportateur et évince les autres secteurs de l'économie, entravant ainsi la croissance (Corden, 1982), d'une part et d'autre part, « la recherche de rentes » qui menace le développement économique du pays (Krueger, 1974) ;); · la dépendance d'un pays à ses ressources naturelles peut être à la fois une source d'instabilité et des conflits (Collier et Hoeffler 1998 ; 2002 ; 2007 ; 2009), les ressources minières influencent les conflits. Comment ?Quels sont les facteurs explicatifs de la guerre civile en R.D.Congo ? et ; · les ressources naturelles favorisent le développement de la corruption (Leite et Weidmann ,1999 ; Jensen et Wantchekon, 2004). Comment concevoir une politique efficace pour promouvoir l'industrialisation etla transformation économique ? Cependant, les récentes analyses empiriques portant sur la question relative à la malédiction des ressources naturelles jettent un fondement radical. L'abondance des matières premières d'un pays peut contribuer efficacement à la croissance économique notamment à travers une plus grande transparence et une meilleure gestion des ressources (Carbonnier, 2007). Ainsi, Mehlum et al. (2006), Snyder (2006), Robinson et al. (2006), Brunnschweiler (2008), Kabuya et Tshuinza (2009), Avom et Carmignani (2010) renseignent que l'effet des produits de base sur la croissance n'est pas forcément négatif, mais tout dépend de la qualité des institutions. Dans un pays riche en ressources minières, les principaux obstacles à la croissance économique sont l'instabilité macroéconomique et la fragilité des institutions, ainsi qu'un cadre juridique et réglementaire peu favorable au développement du secteur extractif.C'est le taux de croissance de la capacité d'offre qui est le facteur déterminant à long terme de l'augmentation de la richesse et du bien-être : directement sous forme de revenus, indirectement par la jouissance de biens publics (santé, éducation, infrastructure). Plutôt que de ne miser que sur les minerais, la R.D.Congo aurait tout intérêt à diversifier ses sources de revenus d'autant plus que l'incertitude qui plane sur la fin de la guerre civile rend hypothétique le regain d'activité dans le segment industriel de ce secteur (Kabuya et Tshuinza, 2009). Cependant, ces résultats qui proviennent des études de panel sur les pays en développement en général ou de l'Afrique sub-saharienne en particulier ne renseignent pas suffisamment sur l'état du problème de la R.D.Congo. La question principale est alors de savoir :Quel effet les ressources minières exercent-elles sur la croissance économique en R.D.Congo? En d'autre terme : · quel est l'impact direct des ressources minières sur la croissance économique? · quel est l'impact indirect des ressources minières sur la croissance économique? · les ressources minières produisent-elles d'effet négatif sur la croissance économique? * 3 Le terme syndrome hollandais, Dutch Disease (ou maladie hollandaise) désigne la malédiction qui serait attachée pour une économie nationale à la découverte de ressources naturelles. En 1959 un très grand gisement de gaz est découvert dans la province de Groningue au Nord du pays, plus tard d'autres réserves sont découvertes dans le reste du pays et en mer du Nord. Le terme syndrome hollandais apparait dans les années 1970. Après le choc pétrolier de 1973 les performances de l'économie hollandaise se détériore. En effet, la croissance ralentie, le chômage progresse. |
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