Ressources minières, croissance économique et guerres civiles en R.D.Congopar Fanny KABWE Université de Yaoundé 2/ Soa - DEA 2014 |
INTRODUCTION GENERALE1. CONTEXTE ET MOTIVATIONL'une des grandes « idées reçues » du développement économique consiste à penser que le fait de disposer de ressources naturelles est une chance pour un pays ou une région.Celles-ci seraient un facteur de création de richesses et donc de croissance (Chalmin, 2000). L'histoire nous montre une réalité bien différente.1(*) L'empire espagnol n'a guère profité de l'or et de l'argent du Nouveau Monde ; le coton a bien peu servi aux États du sud des États-Unis et si le fer et le charbon ont joué un rôle dans l'essor industriel de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni au XIXe siècle, celui-ci a été moins marquant qu'on ne le pense (Chalmin, 2000). Ce fut le cas de l'Algérie, du Nigeria, du Venezuela parmi les producteurs du pétrole, sans oublier l'Irak ou la Libye. Ce furent aussi les rêves agricoles du Soudan ou de la Côte d'Ivoire. L'Afrique regorge de minerais métalliques et non métalliques et de ressources énergétiques. Bien que des données précises sur les réserves minières (prouvées et probables) en Afrique ne soient pas disponibles, principalement parce qu'une bonne partie est encore peu exploitée, il est probable que l'Afrique regorge 30 % des réserves minières mondiales, dont 40 % des réserves d'or, 60 % des réserves de cobalt, 72 % des réserves de chrome et 65 % des réserves de diamant (BAD, 2011). Les statistiques de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) indiquent qu'en 2010, 242(*) de 54 pays du continent exportaient des produits miniers. L'extraction des ressources minières soulève de défis économiques, environnementaux et sociaux. Certains pays en voie de développement et en particulier la République Démocratique du Congo (R.D.Congo ou RDC) figurent parmi les principaux producteurs et exportateurs nets de divers minerais (OMC, 2010). La reconnaissance du potentiel de contribution du secteur extractif en général et du secteur minier en particulier au développement de la R.D.Congo est ancienne dans la mesure où l'économie n'a pas connu des changements structurels importants depuis 1980. L'agriculture et les industries extractives constituent les principaux piliers de l'activité économique (50% du PIB) mais les recettes fiscales qui découlent de l'exploitation minière sont dérisoires. Malgré l'importance de l'agriculture dans le PIB, 75% de la population souffrent d'insécurité alimentaire (FMI, 2012). L'énorme potentiel des minerais, l'évolution et les transformations profondes de l'économie mondiale avec les ressources minières comme un des éléments clés du développement de l'humanité, justifie que l'on se pose la question de l'impact des ressources minières sur la croissance économique enR.D.Congo. En effet, avec une superficie de 2,345 millions de kilomètres carrés et une population d'environ 70 millions d'habitants (Banque Mondiale, 2012), la R.D.Congoest toujours classée dans la catégorie des pays à faible développement humain. Avec l'IDH qui s'établie à 0,304 en 2012 et qui demeure inférieure aux moyennes de 0,389 et de 0,393 respectivement de l'Afrique Subsaharienne et des pays à faible développement humain (PNUD, 2010). Les indicateurs sociaux affichent des niveaux tellement bas qu'il s'avère pratiquement impossible pour le pays d'atteindre un seul des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Avec une croissance démographique de plus de 3% (BM, 2009) ; une espérance de vie de 49 ans en 2012 ; un taux d'alphabétisation de 67% (PNUD, 2011), l'espoir est presque perdu pour l'horizon 2015, le taux de chômagequand à lui se situe à 50,3% en 2012 contre 51,4 % une année auparavant (Banque Centrale du Congo, 2012). La République Démocratique du Congo régorge 34% des réserves mondiales connues de coltan, 10 % des réserves de cuivre, mais aussi de l'uranium, du cobalt, du zinc, de l'argent, des diamants, de l'or et du pétrole.Les activités extractives et métallurgiques ont enregistré une croissance de 24,6 % en 2010 contre 2,5 % en 2009 (Banque Centrale du Congo, 2010). Cette évolution est attribuable essentiellement aux performances enregistrées dans la production du cuivre et du cobalt, lesquelles ont largement compensé la baisse de la production de zinc, diamant, or et pétrole brut. Le pays a atteint une croissance de 7,2% en 2012 (FMI, 2013), malgré un contexte économique et financier mondial difficile et une situation politico-sécuritaire interne préoccupante. Compte tenu de la demande mondiale de minerais et de l'importance des investissements réalisés dans ce secteur ces dernières années, la croissance poursuit sa progression pour atteindre 8,2% en 2013 et 9,4% en 2014 (FMI, 2013). Cette performance est essentiellement stimulée par les industries extractives, le commerce,l'agriculture et la construction ; soient 40% de la part du produit agricole, 28% des industries extractives et 32% des services (Banque Centrale du Congo, 2010). Par ailleurs, le développement du secteur minier congolais est encore loin de ses potentialités, car jusqu'à présent il n'a contribué que marginalement à la croissance économique. Toutefois, il demeure l'un des secteurs clé de la relance de la croissance en R.D.Congo et il est nécessaire de le maintenir comme secteur porteur de la croissance, en vue de lutter contre la pauvreté (Banque Centrale du Congo, 2011). * 1 La «malédiction des ressources » est la traduction de l'expression plus communément utilisée de « resource curse » qui évoque le « phénomène selon lequel certains pays riches en ressources naturelles (pétrole, gaz, ou minerais) se retrouvent plus pauvres et plus inégaux que d'autres pays qui n'en ont pas », dans Global Witness «Nos Campagnes» (2011), en ligne: Global Witness <http :/ /www. glo balwitness.org/fr/nos-campagnes>. * 2 La R.D.Congo, le Cameroun, le Tchad, le Gabon, Guinée Equatoriale, l'Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Nigéria, la Cote d'Ivoire, etc. |
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