D. Divergences entre les interventions et les besoins
naturels et réels des enfants et insuffisante mobilisation de
ressources
Les jeux et loisirs de l'enfant semblent être totalement
négligés par cette intervention. En effet, nulle part où
il a été signalé la création d'un cadre pour
l'épanouissement de l'enfant (air des jeux, centre culturel, etc.)
pourtant l'enfant est un être gai, joyeux, actif, en mouvement et qui met
beaucoup d'importances sur les jeux. Il se déduit que cette intervention
n'a pas tenu compte des aspirations naturelles des enfants.
La non amélioration de la situation des enfants au
Sud-Kivu peut aussi être liée à la faible mobilisation des
moyens. Ne disposant pas de moyens suffisants pour couvrir tous les besoins en
protection de l'enfance, l'UNICEF est parfois amené à ne pas
être à la hauteur de
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sa tâche. Nous avons en effet découvert que
l'UNICEF ne bénéficie pas d'une facilitation voulue pour
l'accomplissement de sa mission au Sud-Kivu. Par ailleurs, le gouvernement
congolais de lui assurer pas toutes les conditions exigées dans la
coopération pour l'efficacité de ses interventions. Parmi ces
conditions il y a lieu de citer la garantie de la sécurité des
biens et des agents de l'UNICEF, la liberté d'action, l'utilisation
rationnelle des fonds et autres moyens alloués aux activités de
P.E., etc.
La non amélioration effective de la situation des
enfants au Sud-Kivu grâce à l'intervention de l'UNICEF peut, par
ailleurs, avoir entre autres pour causes : le laxisme du gouvernement
provincial du Sud-Kivu dans la prise en compte des droits de l'enfant et la
confusion dans l'attribution des tâches ainsi que
l'insécurité, la négligence des initiatives locales et
l'ignorance de la législation sur les droits de l'enfant par la
population.
1. Le laxisme du gouvernement provincial du
Sud-Kivu dans la prise en compte des droits de l'enfant et la confusion dans
l'attribution des tâches
Le gouvernement provincial du Sud-Kivu est à la base de
la stagnation de la mauvaise situation des enfants dans cette partie du pays
pour plusieurs causes. Parmi elles, l'on peut citer d'abord la
méconnaissance des droits de l'enfant. En effet, les autorités
politico-administratives en province du Sud-Kivu semblent ne pas
reconnaître les droits de l'enfant. Il ne suffit pas de connaitre les
droits de l'enfant, il faut encore les reconnaître. Cependant, il se
produit un constat amer au Sud-Kivu, du fait que le gouvernement provincial
bafoue les droits de l'enfant qui par ailleurs ne s'imposent pas à lui.
La simple inapplication par ce gouvernement des règles contenues dans
les instruments juridiques de protection de l'enfant corrobore cette
affirmation. Citons ici le droit à l'éducation gratuite à
l'école primaire qui est resté lettre morte. Pourtant, la R.D.C.
a ratifié plusieurs instruments juridiques de protection de l'enfant et
a elle-même incorporé dans sa constitution et les autres lois
nationales les principes qui consacrent la protection des enfants tel que nous
l'avons détaillé dans la troisième section du premier
chapitre de ce travail.
Les moyens ne manquant pas en réalité,
l'inapplication de ces textes, très riches de contenu en matière
de protection des enfants, est dû au manque de volonté politique
à la fois du gouvernement central et du gouvernement provincial. En
effet, le plus souvent, il a été constaté que le
gouvernement ne libère pas les moyens nécessaires pour couvrir
les besoins en matière de protection des enfants. Les prévisions
budgétaires du plan du programme de pays entre le gouvernement de la
R.D.C. et l'UNICEF démontrent que pour la période allant de
57
2008 à 2012, seulement 12 800$ sont programmés
par an135. Au regard des besoins liés à la protection
des enfants, ce budget est trop insignifiant. Au-delà de ce constat, il
faut encore se demander si les montants prévus ont été
libérés en totalité et à temps opportun. Et s'ils
l'ont été, il faudra encore se demander s'ils ont
été utilisés rationnellement et aux fins pour lesquelles
ils ont été destinés. Comme le souligne le
Secrétaire Général de l'O.N.U., « de nouvelles
allégations faisant état d'actes de corruption et de
détournement de fonds publics commis par des membres des administrations
et assemblées provinciales ont surgi, entravant les travaux des
structures gouvernementales dans les provinces de Maniema, Kinshasa, en
Equateur et dans le Sud-Kivu » 136.
En outre, nos recherches sur le terrain nous ont fait
constater que le gouvernement provincial du Sud-Kivu est
caractérisé par une confusion dans l'attribution des tâches
en matière de P.E. En effet, ce gouvernement semble abandonner une bonne
part de ses responsabilités et met les espoirs dans l'intervention des
O.I. et O.N.G. qui se préoccupent de la P.E. Pourtant c'est à lui
qu'incombe en premier lieu la charge de protéger les enfants sur son
territoire, les O.I. et les O.N.G. ne pouvant jouer qu'un rôle d'appoint.
Ainsi, nous avons été personnellement surpris pendant la
récolte des données relatives à notre sujet d'analyse, du
fait que certains services de l'Etat nous renvoyaient à l'UNICEF, au
Save the Children Found... pourtant ce sont ces premiers qui sont censés
constituer des premières banques de données en cette
matière sur base des rapports qui leur sont présentés par
ces organisations.
2. L'insécurité, la
négligence des initiatives locales et l'ignorance de la
législation des droits de l'enfant par la population
Le rôle des structures non gouvernementales locales
telles que le B.V.E.S. (Bureau pour le Volontariat au service de l'Enfance et
de la Santé), le CRISEM (Cris de Secours aux enfants
Marginalisés), la DSEV (Dynamique pour le Soutien aux Enfants
Vulnérables), le parlement d'enfants, le village d'enfants SOS, etc.
dans la protection des enfants n'est pas à négliger car ce sont
elles qui sont beaucoup plus rapprochées du terrain137.
Pourtant, elles ne bénéficient pas de l'appui nécessaire
de la part du gouvernement. En conséquence, elles sont
fragilisées et ne savent pas intervenir pour contribuer à
l'amélioration de la situation des
135 MINISTERE DU PLAN DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO,
Plan d'action du programme de pays entre le gouvernement de la RDC et
l'UNICEF 2008-2012, draft, inédit, s.l.n.d.
136 CONSEIL DE SECURITE DE L'ORGANISATION DES NATIONS-UNIES,
Vingt-sixième rapport du Secrétaire général sur
la MONUC, Ed. des Nations-Unies, le 3 juillet 2008, p. 15.
137 L. LUKWANGOMO, Op. cit.
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enfants au Sud-Kivu. Tel est le cas du parlement d'enfants du
Sud-Kivu qui, n'a même pas un simple bureau en province par manque
d'appui.
L'insécurité, les guerres et conflits
armés qui déstabilisent la province depuis des années ;
l'analphabétisme de la population ; les barrières liées
à la coutume (incompatibilité entre la coutume et certains
principes relatifs aux droits de l'enfant : de l'égalité entre
filles, garçons, enfants légitimes, enfants nés hors
mariage ; de la scolarisation de la jeune fille et de sa participation, sa
liberté d'opinion, de pensée et de religion, etc. Ce qui nous
amène à affirmer par rapport à nos coutumes, que «
bien trop souvent, les femmes et les filles sont victimes de discrimination
dans les domaines de la santé, de l'éducation et de l'emploi,
avec toutes les répercussions négatives que cette situation peut
avoir sur leurs libertés »138) ; la croissance
démographique rapide et incontrôlée ; la pauvreté de
la population et la mentalité rétrograde de celle-ci - ce qui
entraine l'irresponsabilité des parents et du gouvernement - ; etc. sont
autant d'autres facteurs engouffrant l'enfant dans l'incertitude. En ce qui
concerne l'insécurité, dans son rapport adressé au Conseil
de Sécurité de l'O.N.U., le secrétaire
général de l'O.N.U. souligne : « dans l'ensemble, les
conditions de sécurité dans la R.D.C. ont demeuré
précaire... Dans le Sud-Kivu, l'insécurité s'est
aggravée, en particulier dans les régions éloignées
; des agents d'Organisations Non Gouvernementales Internationales ont
été victimes de vols à mains armées et des
véhicules de transport ont été volés au cours de la
période considérée. Les F.D.L.R. sont toujours la
principale cause d'insécurité pour les populations dans les
territoires de Kabare et de Walungu. On observe toujours des signes
d'association entre les Maï-Maï et les F.D.L.R. dans le Sud-Kivu
» 139.
138 PROGRAMME DES NATIONS-UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT, Op.
cit., p. 92.
139 CONSEIL DE SECURITE DE L'ORGANISATION DES NATIONS-UNIES,
Op.cit., pp. 1 et 2.
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