2. Théories explicatives
Quelles sont les mécanismes qui expliquent la
malédiction des ressources naturelles ? La théorie
économique propose plusieurs explications que l'on peut résumer
en 6 groupes (Frankel 2012). Il s'agit notamment de : l'évolution
à long terme des prix mondiaux, la volatilité des prix des
matières premières, l'éviction permanente du secteur
manufacturier, institutions autocratiques ou oligarchiques, l'existence
d'institutions anarchiques et le syndrome hollandais.
a) L'évolution à long termes des prix
mondiaux.
Cette théorie remonte au années 1950 avec la
thèse de Prebish et Singer qui stipule que sur le long terme, les prix
des produits minéraux et agricoles suivent une trajectoire à la
baisse. Selon la loi d'Engel, les ménages consacrent une fraction plus
faible de leur revenu à la nourriture et autres nécessités
de base lorsque leur revenu augmente. Appliquée à
l'économie mondiale, cette loi se traduit sur le long terme par une
dégradation des termes des échanges au détriment des pays
du sud. Prebish (1950) observe que depuis 1876, les termes de l'échange
se sont dégradés pour les pays exportateurs de matière
première au profit des pays
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exportateurs de produits manufacturés. Dans cette
logique on comprend bien que les pays riches en ressources naturelles qui n'ont
pas réussi à industrialiser leur économie réalisent
de faible performance économique sur le long terme. Néanmoins,
l'évolution récente des cours des matières première
remet en cause cette hypothèse. En effet, le cours des matières
premières, notamment les matières premières agricoles se
caractérise par une dynamique en escalier : la tendance
générale à la baisse depuis 1921 connait un retournement
à partir des années 2000 et se stabilise autour d'un nouveau
régime dynamique élevé à partir de 2006 (Couharde
et al. 2012). V. Geronimi et Taranco (2014), confirme également
l'hypothèse selon laquelle les termes de l'échange des produits
primaires s'orientent vers un niveau durablement plus élevé,
atteignant 104.09 (base 100 en 1977-79) contre 65.64 sur la période
1986-2005.
b) La volatilité des prix des matières
premières
Cette théorie soutien que la volatilité des prix
des matières premières est l'un des déterminants majeurs
de la malédiction. Le marché des matières premières
se caractérise par des changements brusques des prix de base, de la
découverte de nouveaux gisements, de nouvelles technologies ou des
fluctuations des taux de change. La volatilité s'explique principalement
par une faible élasticité-prix de la demande et de l'offre,
à court terme. De sorte que lorsque que les prix augmentent, la demande
ne diminue pas assez à court terme et lorsque les prix baissent, l'offre
ne diminue pas assez non plus. Cela s'explique par le fait que le
système de production nécessite toujours un temps d'ajustement
(Frankel 2012).
La volatilité des prix nuit gravement à la
croissance et à la productivité sur le long terme. Elle
occasionne un chômage frictionnel, une utilisation incomplète du
capital, et des coûts occasionnels très élevés. La
volatilité est non seulement mauvaise pour la croissance mais
également pour l'investissement, la distribution des revenus, la
pauvreté et l'éducation (Van der Ploeg 2011). Dans les pays
riches en ressources naturelles, caractérisés par un
marché financier peu développé, une polarisation ethnique
et de faibles institutions, Ramey et Ramey (1995) montrent que les effets
négatifs des ressources naturelles sur la croissance sont dus
principalement à la volatilité des cours des matières
premières.
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