iii) La mauvaise qualité institutionnelle
La mauvaise qualité institutionnelle concerne
directement la façon dont la rente est redistribuée et/ou
réinvestie via l'arrangement institutionnel. A la lecture du code minier
burkinabè, les institutions burkinabè semblent clairement
afficher leur volonté de rechercher la rente à tout prix. Ainsi,
les nombreux avantages du code s'apparentent plutôt à une braderie
des ressources minières du pays au premier venu. Il n'est pas question
de créer les conditions de l'émergence d'un secteur minier acteur
de développement local et national soutenable, mais plutôt
d'attirer rapidement des investisseurs dans une logique d'accaparement rapide
de la rente. C'est ainsi que les vides juridiques, les nombreux
dysfonctionnements de la bureaucratie, la corruption entrainent des fuites
énormes en matière de collecte de la rente, et le principe
d'unité de caisse rend difficile l'observation de l'usage de la rente et
sa contribution au bien être des populations. Dans les deux premiers
rapports ITIE 2008 et 2009 réalisés par le groupe KPMG, la
méthodologie adoptée consistait dans un premier temps à
estimer le montant des recettes dues par les entreprises minières selon
les formulaires ITIE, puis ce que ces derniers déclarent avoir
payés et enfin ce que l'Etat déclare avoir reçu. On peut
ainsi constater un premier écart de l'ordre de 300 millions de FCFA en
2008 et 3.5 milliards de FCFA en 2009 entre ce qui est dû à l'Etat
burkinabè selon les formulaires ITIE et ce que les entreprises
déclarent avoir payé. Les rapports 2010, 2011 et 2012 ne font
plus ce type de rapprochement, cela traduit la faiblesse et la mauvaise
qualité des institutions qui semble n'avoir aucun moyen de
contrôle sur les entreprises, et préfèrent donc passer sous
silence certains points afin d'éviter les remous des populations.
3 BURKINA FASO: L'éducation, victime de la
ruée vers l'or,
http://www.irinnews.org/fr/report/96222/burkina-faso-l-%C3%A9ducation-victime-de-la-ru%C3%A9e-vers-l-or
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iv) Le syndrome hollandais
Le Burkina Faso est loin d'être dans une situation
où le boom minier provoquerait une appréciation du taux de change
réel à même de déstructurer son économie.
Ainsi le Burkina Faso conserve malgré le boom minier la même
structure économique que celle d'antan : le secteur primaire constitue
toujours la base de son économie et le secteur tertiaire la
première source de valeur ajoutée. Néanmoins, au regard de
la tendance baissière de la contribution du secteur primaire et du
secteur tertiaire a la valeur ajoutée totale depuis 2005, et des taux de
croissance moyens qui ne se sont pas nettement améliorés, on
pourrait y voir les premiers signes de la maladie hollandaise. Le taux de
croissance du Burkina s'est situé en moyenne à environ 3%, 7% et
5% respectivement entre 1980 et 1995, 1995 et 2005, 2005 et 2011 : le
développement du secteur minier s'accompagne d'une baisse de dynamisme
dans les autres secteurs. Le syndrome hollandais se manifeste directement par
une augmentation du niveau général des prix, et une
appréciation du taux de change réel. Or dans le cas du Burkina
Faso, le FMI fait observer que malgré des pics occasionnels de l'ordre
de 10 à 14% comme en 2008-2009, le taux d'inflation s'est maintenu en
moyenne en dessous de 4%. Quant au taux de change réel, il
s'apprécie lorsque la balance commerciale est excédentaire :
l'entrée nette de capitaux provoquant une hausse du pouvoir d'achat, des
pressions inflationnistes et donc une augmentation du rapport des prix
intérieurs par rapport aux prix extérieurs. Dans le cas
précis du Burkina Faso, la balance commerciale demeure
déficitaire même si le pays enregistre par moment de faibles
appréciations du taux de change réel comme au premier trimestre
2012 (02%). Le Burkina Faso semble donc être à l'abri du syndrome
hollandais, contrairement a ce que la première lecture du recul du
secteur primaire et tertiaire pourrait laisser croire.
Les deux autres théories explicatives de la
malédiction que nous avons évoqué dans notre chapitre 1 ne
semblent pas tant que ça menacer l'économie burkinabè plus
que l'économie de tout autre pays en développement. En effet,
l'évolution des prix mondiaux a long terme telle qu'exposée par
la thèse de Prébish et Singer ne semble pas fonctionner dans ce
cas précis, du fait de la hausse soutenue du cours de l'or
observé depuis 2003. Quant aux risques d'éclatement de guerre
civile et d'apparition d'institutions anarchiques, jusqu'à
présent le peuple burkinabè s'est montré très
pacifique et les différents acteurs renouvellent à chaque
occasion leur ferme intention de préserver la paix et l'ordre social.
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