Le règlement des conflits armés en Afrique de l'ouest.( Télécharger le fichier original )par TIEU SAMUEL PATRICE MIHAN Université Catholique de là¢â‚¬â„¢Afrique de là¢â‚¬â„¢Ouest - Unité Universitaire dà¢â‚¬â„¢Abidjan - Master 2016 |
TITRE DEUXIEME :UN REGLEMENT PERFECTIBLEJusqu'à ce jour, la mise en oeuvre du Mécanisme de règlement des conflits armés en Afrique de l'Ouest n'a pas été sans peines. Bien au contraire, de multiples obstacles se sont révélés, présentant ainsi la nécessité de parfaire ce Mécanisme. Pour y parvenir il serait judicieux d'identifier d'abord les entraves à l'efficacité du Mécanisme de règlement (Chapitre 1), et ensuite de déterminer les conditions du renforcement du Mécanisme de règlement (Chapitre 2). CHAPITRE 1 : LES ENTRAVES A L'EFFICACITE DU MECANISME DE REGLEMENTLes entraves à l'efficacité du Mécanisme de règlement des conflits armés en Afrique occidentale se révèlent à plusieurs niveaux. L'on constate, d'une part, des obstacles au règlement diplomatique (Section 1), et d'autre part des obstacles au règlement coercitif (Section 2). SECTION 1 : LES OBSTACLES AU RÈGLEMENT DIPLOMATIQUELes obstacles au règlementdiplomatique des conflits se révèlent non seulement au niveau du succès des négociations (Paragraphe 1), mais aussi au niveau de la mise en oeuvre des accords issus de ces négociations (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les obstacles au succès des négociationsC'est avec grand regret que l'on est obligé de constater que les négociations, devant en principe aboutir au règlement des litiges, soient confrontées à une guerre de leadership entre les potentiels réconciliateurs (A) et à une faible volonté des parties à régler le conflit (B). A- La guerre de leadership entre les potentiels réconciliateursExpression d'un « jeu de puissance »260(*), entre certains Etats africains, la guerre de leadership met en lumière leurs divergences relatives à la conduite à tenir dans la résolution des crises261(*). S'ils parlent tous de paix, ils se disqualifient les uns les autres. « Ils se torpillent, souhaitent l'échec de l'un pour prendre sa place »262(*). Cette guerre de leadership est la conséquence du profit que les potentiels médiateurs tireraient de la résolution du conflit. Ce profit serait d'un double caractère. Premièrement, le profit pourrait être politique. Il consisterait, pour les médiateurs, à mettre en valeur leurs compétences diplomatiques, à faire la promotion médiatique de leur personne et de leur pays, à les présenter comme des chantres de la démocratie et de la paix, à faciliter la reconquête de l'électorat, et à faire oublier leur mauvaise politique interne263(*). L'exemple qui illustre bien cette course aux profits offerts par la médiation est la crise ivoirienne. Selon le Docteur Yveline DEVERINla pérennisation de cette crise aurait profité, d'une manière ou d'une autre, à tous les médiateurs264(*), et ceux qui n'auraient eu aucun gain se seraient retirés très vite265(*).Ainsi, présageant l'intérêt personnel qu'il pourrait tirer de la résolution de cette crise, le Président Abdoulaye WADE, du Sénégal, opposa au Président Gnassingbé EYADEMA, du Togo, une rivalité sans nom266(*). En effet, dans le but de paraître comme leader de la sous-région ouest africaine et de l'Afrique francophone, le Président WADE formula de vives critiques contre les opérations de négociation menées par son homologue togolais tout en faisant ses propres propositions d'intervention et de médiation267(*). A côté des profits politiques déjà mis en lumière ici, il faut noter par ailleurs, l'espoir d'obtenir un siège de membre permanent au CS de l'ONU qui oppose le Nigeria à l'Afrique du Sud268(*). Deuxièmement, le profit pourrait être économique. Il pourrait être à la faveur non seulement des médiateurs, mais aussi des pays voisins. L'intervention des médiateurs pourrait être guidée par divers desseins : la préservation des investissements de leur nation dans le pays en conflit269(*), l'obtention de marchés pour les entreprises de leur pays270(*), ou la jouissance du trafic illégale des ressources naturelles et des matières premières des pays en crise271(*). A l'analyse de cette guerre de leadership, force est de constater que ce qui compte est avant tout d'être médiateur et non de réussir l'entreprise de médiation. Il n'est donc pas étonnant de voir que certaines médiations soient teintées de colorations partisanes de nature à affaiblir la volonté des parties à régler le conflit. * 260 Cf. DARRACQ (Vincent), « Jeux de puissance en Afrique : le Nigeria et l'Afrique du Sud face à la crise ivoirienne », in : Politique étrangère 2011/2 (Eté), p. 361-374. * 261 Cf. MAHOUNON (Maurice), Les interventions de la CEDEAO en Afrique de l'Ouest : Conséquences et Perspectives, Thèse de doctorat, Faculté de Droit de l'Université de Maastricht et Faculté de Droit et de Sciences politiques de l'Université d'Abomey-Calavi, Avril 2014, p.228. V. Doc., S/1995/9, 06/01/1995,§ 6-b. * 262 Cf. AKROU (Jean-Baptiste), « Résolution de la crise ivoirienne. Wade, Eyadéma, Bongo : on se marche sur les pieds », in : Fraternité Matin, n° 11410, 18 Novembre 2002, p. 16. * 263 DEVERIN (Yveline), « Crise ivoirienne : du bon usage de la médiation », disponible sur : http://www.geo-phile.net/IMG/pdf/2._Du_bon_usage_de_la_mediation_avec_en-tete_.pdf ; (Consulté le 10/10/2015). * 264 Cf. ibid.Thaabo MBEKI ayant fait oublier la mauvaise image laissée par sa politique de non lutte contre le SIDA, essayait de raviver son image ternie au sein de l'ANC (African National Congress) où sa gestion libérale du pays était de plus en plus fortement critiquée. EYADEMA profita de son statut de médiateur pour faire adopter au même moment, dans la plus grande indifférence internationale une modification de la Constitution qui lui permettait d'être Président à vie. Le Président John KUFFOR, du Ghana, passa, grâce à la crise ivoirienne du statut de nouveau Président inconnu, à celui de Président internationalement reconnu et apprécié pour ses efforts de médiation, il fut réélu sans problème en décembre 2004. Omar BONGO put faire oublier les problèmes intérieurs, de même que TANDJA du Niger qui avait eu une gestion très critiquée de la crise alimentaire qui survenait dans le Nord du pays l'hivernage 2005. * 265 Cf. ibid. Ce fut le cas des Président AmaniToumani TOURE du mali et Mathieu KEREKOU du Bénin qui jouissaient en ce moment là d'une stabilité interne dans leur pays. * 266 Cf. ibid. * 267 Le Président WADE avait même déclaré que les négociations de Lomé entreprises par le Président EYADEMA ne donneront rien. Il avait même rappelé que c'est sous sa présidence que la CEDEAO a tenu son premier sommet sur la crise et a pu arracher le premier accord de cessez-le-feu le 17 octobre 2002. V. AKROU (Jean-Baptiste), « Résolution de la crise... art. cit. * 268 Cf. DARRACQ (Vincent), « Jeux de puissance en Afrique ... art. cit., p. 362. Selon l'auteur, ces deux pays identifiés par les institutions internationales comme étant les deux grandes puissances subsahariennes. * 269 Cf. BALENCIE (Jean Marc) et LA GRANGE (Arnaud de), Monde rebelles. Acteurs, conflits et violences politiques, T. 1, Paris, Michalon, 1996, p.283. * 270 Les entreprises sud-africaines se seraient développées en Côte d'Ivoire depuis la médiation du Président MBEKI. « Ainsi, MTN, (...) est devenu actionnaire majoritaire chez Telecel (...) et SOTRA (...) a pu conclure un contrat d'achat de bus avec une société sud-africaine. (...)Une société sud-africaine est désormais chargée de fournir les compteurs électriques avec des cartes prépayées. (...) » Cf. DEVERIN (Yveline), « Crise ivoirienne ... art. cit. * 271 Cf. Ce fut le cas du trafic du diamant sierra léonais dont le Liberia et le Burkina Faso furent soupçonnés d'y prendre part (Cf. CHATAIGNER (Jean-Marc), L'ONU dans la crise en Sierra Leone. Les méandres d'une négociation, Paris, KARTHALA, 2005, p. 84 et ss.) ; du trafic du Cacao ivoirien qui permit de hisser le Burkina Faso au rang des exportateurs de cacao (Cf. DEVERIN (Yveline), « Crise ivoirienne... art. cit.) ; ou des Cartels nigérians qui essayaient de tirer profit du blanchissement d'argent qui s'effectuait au Liberia (Cf. BALENCIE (Jean Marc) et LA GRANGE (Arnaud de), Monde rebelles... op cit.). |
|