Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.( Télécharger le fichier original )par Koffi Afandi KOUMASSI Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015 |
2-) Des sanctions contre-productivesLes sanctions d'ordre économique et politique prévues par l'Art. 23-2 de l'Acte font difficilement fléchir les putschistes. Elles sont contournées ou battues du revers de la main par les putschistes qui font valoir leur carnet d'adresse pour bénéficier des soutiens tacites ou avoués de leur large réseau d'amis africains et/ou étrangers. Malheureusement, ces sanctions produisent des dommages collatéraux importants sur l'État victime du coup de force politique et par ricochet sur la population alors même qu'il n'est pas établi que le coup d'État soit le fait de l'État lui-même mais plutôt d'un groupe d'individus, militaires ou civils, aux ambitions souvent personnelles même si ces derniers sont issus de l'appareil étatique230(*). Ainsi, les effets produits par ces restrictions sont considérées comme « les compagnes encombrantes et funestes qui s'abattent sur l'État comme un mauvais sort »231(*). Car c'est le même peuple innocent qui avait subi les affres du régime antidémocratique déchu qui souffre souvent à titre principal des retombées négatives des sanctions. Pour cette raison, Monsieur Kpédu a écrit que « les sanctions économiques tendent plutôt à accroître les besoins des populations plutôt innocentes des dérives de leurs dirigeants politiques »232(*). Plus clairement, le Parlement Européen, dans une Résolution du 8 novembre 1982, a affirmé que « l'histoire des sanctions économiques est une histoire de mesures infructueuses »233(*). C'est pourquoi dans un élan sentimentaliste à l'égard du peuple mauritanien « frère », le président sénégalais A. Wade s'est déclaré hostile aux sanctions prises à l'encontre de la Mauritanie en 2008. Les putschistes arrivent aussi à esquiver les sanctions individuelles les visant nommément et personnellement souvent avec la complicité de leurs alliés. Les interdictions de voyage sont méprisées en vertu des liens inébranlables de fraternité qui lient les chefs d'État. Les sanctions économiques telles que le gel des avoirs ou le blocage des opérations financières engendrent inévitablement le recours à des expédients dangereux. Le blanchiment d'argent, les trafics crapuleux de tous genres et le détournement des ressources naturelles nationales à des fins privées sont les passerelles privilégiées. Il est aussi décevant de constater que la solidarité entre chefs d'État concourt à mettre à nu l'Art. 25-8 de la Charte qui proscrit aux « États parties d'accueillir et d'accorder l'asile aux auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ». Auteur du coup d'État du 23 décembre 2008 en Guinée Conakry, le capitaine Dadis Camara s'est rendu coupable de graves violations des droits de l'homme. Sous les projecteurs de la communauté internationale et en passe de se trouver dans les beaux draps, il a rapidement trouvé refuge sous les ailes protectrices du Président Compaoré. Tout le monde a pris conscience qu'il y a urgence de clore la série du coup d'État en Afrique sinon la démocratie continuera d'y résonner comme un écho lointain. A y voir de près, la réalité en est tout autre. Ainsi au manque d'intrépidité de l'UA dans ses réactions s'ajoute l'inefficience de son cadre opératoire (paragraphe II) pour expliquer la maigreur des résultats jusqu'alors obtenus. * 230La thèse selon laquelle le coup d'État ne saurait être un fait de l'État est défendue par le professeur Jean d'Aspremont. Selon l'auteur, « dans l'hypothèse d'un coup d'État, il demeure en effet impossible d'attribuer la violation de cette obligation (d'être démocratique ou de ne pas commettre des coups d'État) à qui que ce soit. Plus précisément, on doute que le coup d'État constitue un « fait de l'État ». Voir J. D'ASPREMONT, « La licéité des coups d'État en droit international », op.cit., p. 136. * 231 GOURMO A. LÔ, « Enjeux et mécanismes des sanctions face aux coups d'État militaires », op. cit., p. 2. * 232A. Y. KPEDU, Essai sur le principe de légitimité démocratique en droit international et sa mise en oeuvre dans les accords d'aide au développement en Afrique, Thèse de Doctorat en Droit Public, Université de Lomé (Togo) et Université de Poitiers (France), 2007, p. 379. * 233 Journal Officielle de la Communauté Européenne (JOCE), n° 92, 8 novembre 1982, p. 13. |
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