CHAPITRE PREMIER
CONCEPTS ET THEORIE SUR LA RELANCE
ECONOMIQUE
Dans ce premier chapitre, il est tout d'abord question de
définir certains termes clés tels l'investissement, la
consommation, le Produit Intérieur Brut, la croissance économique
et un plan de relance économique, nécessaires pour une meilleure
compréhension de cette étude. Ensuite, les enjeux
théoriques de la problématique de l'étude seront mis en
exergue, avant un tour d'horizon des travaux empiriques réalisés
autour de ce sujet, avec des précisions sur les différentes
méthodologies utilisées.
I.1 Définition des concepts
) Investissement
Au sens le plus large, l'investissement représente la
valeur des biens durables acquis par les unités productrices
résidentes afin d'être utilisés pendant au moins un an dans
leur processus de production (INS Cameroun, 2009). Il s'agit d'un flux qui
vient accroître le stock de capital. Au sens de la comptabilité
nationale, l'investissement est la somme de la Formation Brute de Capital Fixe
(FBCF) et de la Variation des stocks. Selon le manuel des concepts et
définitions de l'INS du Cameroun (2009), « la FBCF est
mesurée par la valeur totale des acquisitions moins les cessions
d'actifs fixes au cours de la période comptable, plus certaines
additions à la valeur des actifs non-produits réalisés par
l'activité de production des unités institutionnelles ».
L'analyse de l'investissement peut se faire suivant plusieurs aspects.
- Les différents aspects de
l'investissement
L'investissement peut être abordé selon sa nature
matérielle ou immatérielle. En effet, une distinction est faite
entre d'un côté les investissements matériels
qui concernent l'acquisition des biens matériels tels les
terrains, les voitures, les ordinateurs, etc., et de l'autre les
investissements immatériels qui concernent plutôt
des dépenses en logiciels, formation, recherche et développement,
etc.
Par ailleurs, l'investissement peut aussi être
observé suivant son influence sur le stock de capital. En effet, si on
considère qu'au cours de la période t, la production est
assurée par le stock de capital ??, que
l'investissement réalisé pendant une période t n'est
productif qu'à la
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par les dépenses publiques au Cameroun
période suivante (t+1), et que le capital se
déprécie à un taux 8E [0; 1], alors 8Kt est
appelé investissement de remplacement (remplacement de
machines ou d'infrastructures) et diminue le stock de capital. A contrario,
It = Kt+i -- Kt + 8Kt, appelé
investissement brut l'augmente plutôt.
Enfin, l'investissement peut également être
analysé selon l'agent ou l'unité institutionnelle qui le
réalise. Généralement au sens de la comptabilité
nationale, l'investissement ou plus précisément la FBCF concerne
les entreprises, les ménages, les ISBL et l'Etat. Il est
nécessaire de marquer un point d'arrêt sur celui
réalisé par ce dernier, car c'est ce qui nous intéresse
dans cette étude.
- L'investissement public
L'investissement public est défini comme l'ensemble des
dépenses engagées par l'Etat ou les collectivités locales
en infrastructures publiques, encore appelées biens d'équipements
collectifs6. Ceux-ci, généralement très
coûteux, et pouvant être utilisés par tout le monde en
même temps, ne peuvent être supportés par le secteur
privé. La comptabilité nationale définit l'investissement
public simplement comme étant la FBCF des administrations publiques.
Selon Verganzones (2000), Hansen (1965) fut le premier à proposer une
classification des investissements publics en distinguant les investissements
en infrastructures sociales d'un côté, qui sont
réalisées par l'Etat dans le but d'entretenir et de
développer le capital humain (comme l'éducation, les services
sociaux et de santé), et de l'autre côté les
investissements en infrastructures économiques, ayant pour fonction de
booster le processus productif.
La consommation
La consommation est un terme qui revient très souvent
dans la littérature économique. En général, elle
possède plusieurs caractéristiques et en fonction de celles-ci,
on peut en faire une multitude de classification. Dans la présente
étude, on ne s'attardera que sur ses aspects qui sont utiles, et les
définitions données sont tirées du manuel des concepts de
l'INS (2009) et du SCN93.
- La consommation finale
Elle est définie comme l'action d'utiliser ou de
détruire, dans l'immédiat ou de manière progressive, des
biens et des services dans le but de satisfaire un besoin, qu'il soit
individuel ou collectif. Il ressort bien de cette définition qu'autant
on peut consommer (utiliser, détruire) un aliment tel du lait pour
satisfaire le besoin de se nourrir, autant on peut aussi consommer
6 Samuelson (1954) et Musgrave (1959) ont
défini les biens collectifs en se basant sur leurs
caractéristiques de non rivalité et de non exclusion.
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Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
un service tel une information statistique par exemple. La
consommation finale est le fait des ménages, des administrations
publiques et des ISBLSM. La consommation finale des ménages
est la valeur des biens et services de consommation individuelle
acquis par les ménages résidents. Alors que la
consommation finale des administrations publiques est la valeur des
services de consommation individuelle ou collective7 fournis par les
administrations publiques à la collectivité ou à
d'importants sous-ensembles de la collectivité (INS Cameroun, 2009). La
consommation finale des ISBLSM est très souvent
reversée aux ménages sous forme de transferts sociaux en
nature.
- La consommation intermédiaire
Selon le SCN (1993), la consommation intermédiaire est
l'ensemble des biens et services utilisés entièrement en
entrée dans le processus de production à l'exclusion de ceux
considérés comme actifs fixes produits8
- La consommation publique
Celle-ci est généralement utilisée pour
désigner l'ensemble des dépenses de fonctionnement de l'Etat,
parmi lesquelles on peut citer les salaires des agents de la fonction publique,
les subventions, les transferts sociaux en nature, etc.
Il est aussi intéressant pour cette étude, de
s'arrêter sur la formalisation de la fonction de consommation.
- La fonction de consommation
L'analyse de la fonction de consommation est
intéressante pour ce travail en ce sens qu'elle permet d'étudier
théoriquement les interactions entre les revenus des ménages et
leur consommation. Keynes (1936) fût le premier à
développer le concept de la fonction de consommation. Son idée
maîtresse, plus connue sous le nom de loi psychologique, se résume
en ce que lorsque le revenu (Y) d'un individu ou d'un ménage augmente,
sa consommation
(C) s'accroît aussi, mais dans une proportion moindre
que le revenu. C'est ainsi qu'il formalise la fonction de consommation comme
suit :
C = cY + CO, où cE]0 ; 1[,
désigne la propension à consommer et C0 la
consommation incompressible. Pour Keynes, Y désigne le revenu courant et
c'est cet élément de sa modélisation qui sera
critiqué par d'autres économistes.
Friedman (1957) va introduire la notion de revenu permanent.
Selon lui, il faut décomposer le revenu d'un individu ou d'un
ménage en deux : le revenu permanent et le revenu transitoire.
7 Que plusieurs personnes peuvent consommer à
la fois, sans possibilité d'exclusion, tout en satisfaisant le
même besoin.
8 Ce sont des actifs non financiers dépourvus
de production, selon l'INS Cameroun (2009).
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Partant de l'hypothèse suivant laquelle le revenu
transitoire n'influence que très peu les comportements de consommation
des individus, il va arriver à la conclusion selon laquelle la
consommation dépend uniquement du revenu permanent et que la vraie
fonction de consommation est ? ? ??? , où ?? désigne le revenu
permanent et ? une constante qui mesure la fraction consommée du revenu
permanent. Cette notion de revenu permanent, bien qu'économiquement
intéressante pour les analyses de décision de consommation, pose
cependant un problème du fait qu'il soit statistiquement difficile
à observer, à mesurer, contrairement au revenu courant de
Keynes.
Modigliani (1963) quant à lui, va faire
l'hypothèse du cycle de vie. Selon lui, la fonction de consommation d'un
individu varie d'une période à l'autre et est fonction de la
richesse dont il dispose, du nombre d'années qu'il s'attend encore
à vivre, du nombre d'années qui le séparent de la retraite
et du revenu qu'il prévoit gagner au cours de celle-ci.
Ces fonctions de consommation sont importantes en ce sens
qu'elles permettent de savoir comment théoriquement on peut influencer
la consommation des ménages.
) Le FIB et la croissance
économique
Mankiw (2009), définit la croissance
économique comme étant l'augmentation de la production
de biens et de services dans une économie sur une période
donnée, qui est généralement une période longue.
Mais la définition qui revient le plus et qui est plus stricte est celle
de François Perroux citée par Pébereau (1987) : « La
croissance est l'augmentation soutenue, pendant une ou plusieurs
périodes longues, chacune des périodes comprenant plusieurs
cycles quasi décennaux, d'un indicateur de dimension, pour une nation le
produit global en termes réels ». A court terme, les
économistes parlent plutôt d'expansion. La croissance
économique occupe désormais une place très importante dans
les économies contemporaines. En effet, c'est le principal objectif de
toute politique économique car il est reconnu que le niveau de vie des
populations dépend fortement de l'enrichissement qui en
découle.
Perroux fait une différentiation entre
développement et croissance économique pour permettre de mieux
cerner les contours cette notion. Ainsi, il définit le
développement comme l'harmonie des changements mentaux et sociaux d'une
population qui la rend capable de faire croître, cumulativement et
durablement, son produit réel global. Alors que la croissance
économique quant à elle est généralement
mesurée grâce à des indicateurs macroéconomiques
dont le plus courant est le Produit Intérieur brut (PIB). L'INS (2009)
définit le PIB comme une mesure de la richesse créée
pendant un temps donné (généralement l'année) sur
le
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Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
territoire national par tous les agents résidents. Il
se calcule généralement selon trois pistes différentes
:
(i) selon l'optique de la production, il est supputé
par la somme des valeurs ajoutées brutes de toutes les unités
institutionnelles exerçant une activité de production, à
laquelle on ajoute les impôts nets de subventions sur les produits.
(ii) Selon l'optique des dépenses, il s'obtient par la
somme des consommations finales, FBCF, variations de stocks, acquisitions
nettes de cessions des objets de valeur, exportations des biens et services
auxquelles on retranche les importations de biens et services.
(iii) Selon l'optique des revenus, on le calcule par la somme
des rémunérations des salariés, excédent brut
d'exploitation (EBE) ou revenu mixte, des autres impôts sur la production
et les importations, auxquels on soustrait les subventions sur la
production.
Certains économistes tel Pébereau (1987) trouve
cependant que le PIB reste un indicateur imparfait comme mesure de la
croissance économique. Les critiques généralement
formulées dans ce sens portent sur le fait que dans la plupart des pays,
il ne mesure pas, ou mesure mal, l'économie informelle, il ne mesure pas
l'activité de production domestique réalisée par les
membres du ménage (travaux ménagers, petits jardins familiaux,
etc.).
) Plan de relance
La relance économique est une notion d'inspiration
keynésienne. On parle d'ailleurs souvent de relance keynésienne,
car elle découle des travaux de l'économiste britannique J. M.
Keynes (1936). Pour la plupart des économistes, un plan de
relance est un ensemble de mesures de politique économique, qui
s'effectuent par un accroissement des dépenses publiques
(dépenses de l'Etat en consommation ou en investissement) ou une
réduction de certains impôts, décidées par le
gouvernement d'un pays ou d'une zone économique, dans le but de
provoquer une reprise de l'activité économique et une
réduction du chômage lors des périodes de faible croissance
ou de récession. De manière générale, un plan de
relance peut être constitué de mesures de politique
monétaire et/ou de mesures de politique budgétaire. La politique
monétaire consiste très souvent en une baisse des taux
d'intérêts qui encourage la demande de crédits par les
ménages et les entreprises et donc augmente l'activité
économique. Elle peut aussi consister en une diminution du taux de
rendement de la monnaie. La politique budgétaire quant à elle,
est plus répandue et possède essentiellement deux leviers. L'Etat
peut décider d'augmenter l'offre interne en augmentant les
dépenses publiques (tout en faisant un
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Mesures alternatives de relance économique par les
dépenses publiques au Cameroun
arbitrage entre dépenses de consommation publique et
dépenses d'investissements publics) ou alors augmenter les revenus
disponibles des agents par une baisse des impôts, une hausse des
prestations sociales, une revalorisation des salaires, etc. De manière
générale, les effets d'une politique budgétaire peuvent
être résumés comme suit :
Graphique 1 : Les effets d'une politique
budgétaire
![](Mesures-alternatives-de-relance-economique-par-les-depenses-publiques-au-Cameroun2.png)
Accroissement des l'investissement
public
Investissement
Allègement des coûts fixes pour les
entreprises
Réduction des déficits publics
Aide à
l'investissement privé
Création d'emplois publics
Relèvement des bas revenus, augmentation des
revenus des agents
Augmentation des rentrées fiscales
et parafiscales
Consommation
Accroissement des revenus
Création d'emplois
Relance de l'activité économique
Source : M. Beaud
(1983).
Depuis la crise économique et financière de
2008, un grand nombre de pays occidentaux présentent tour à tour
des plans de relance pour faire face et remettre leurs économies sur de
bonnes bases de croissance. Mais dans les pays d'Afrique sub-saharienne comme
le Cameroun en particulier même si des actions sont entreprises pour
faire face à la crise, on a peu entendu parler de relance
économique.
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