UNIVERSITÉ PAUL VALÉRY MONTPELLIER III UFR V
SCIENCE DU SUJET ET DE LA SOCIÉTÉ DÉPARTEMENT DE
PSYCHOLOGIE
MÉMOIRE PRÉSENTÉ À
L'UNIVERSITÉ PAUL VALERY MONTEPLLIER III COMME EXIGENCE PARTIELLE DU
MASTER 2 RECHERCHE. DYNAMIQUES DES CAPACITÉS HUMAINES.
ACTIVITÉS SYMBOLIQUES, DÉVELOPPEMENT ET ÉDUCATION
Montpellier, Juin 2015
Influence conjointe du bilinguisme et de la
pédagogie
alternative sur les productions graphiques des
enfants
Par Carinne MARADEÏ
Sous la Direction de Claire BRECHET
«L'art enfantin qui apparaît aux yeux du profane
comme une activité gratuite et subsidiaire est, pour
l'éducateur, oeuvre vive qui porte en elle des valeurs
de sensibilité et d'intelligence suceptibles d'éclairer notre
connaissance de l'enfant d'un jour nouveau.»
Elise Freinet.
PRÉSENTATION DU JURY
CE MÉMOIRE A ÉTÉ ÉVALUÉ
PAR UN JURY COMPOSÉ DE :
M. Denis Brouillet, président du jury
Département de psychologie à l'université
Paul Valéry Montpellier III.
M. Arielle Syssau - Vaccarella, rapporteure
Département de psychologie à l'université
Paul Valéry Montpellier III.
M. Anne-marie Costalat-Founeau, rapporteure
Département de psychologie à l'université
Paul Valéry Montpellier III.
IL A FAIT L'OBJET D'UNE SOUTENANCE DEVANT JURY
LE 17 JUIN 2015
REMERCIEMENTS
Je souhaite avant tout remercier ma directrice de
mémoire Madame Claire Brechet qui m'a guidé,
écouté, corrigé et surtout a toujours été
disponible, pour me permettre de trouver des solutions afin d'avancer.
Je tiens particulièrement à adresser un grand
remerciement à l'école Calandreta de Mèze; ainsi
qu'à l'école Freinet, Ange Guépin de Nantes et à
tous ces enseignant(e)s, sans qui cette étude n'aurait pas
été possible.
Je remercie également les directrices et directeurs
d'écoles d'avoir bien voulu m'accueillir. Merci à Cédric,
Pierre, Gaëlle et Virginie enseignant(e)s en pédagogie Freinet qui,
de par leur expérience, m'ont permis de progresser dans la
réalisation de ce mémoire. Merci à Cyril, Audrey,
enseignant(e)s et Caroline, directrice de l'école Calandreta de
Mèze, pour leur accueil et leurs connaissances de cette pédagogie
si particulière.
Sans oublier tous les enfants pour leurs contributions, sans
laquelle cette étude n'aurait pas vue le jour.
Enfin, un grand merci à ma famille, mes amies, mon
compagnon et surtout mes enfants, de m'avoir accompagnée et soutenue
tout au long de ces trois années de travaux de recherche.
Cette licence Creative Commons signifie qu'il est permis de
diffuser, d'imprimer ou de sauvegarder sur un autre support une partie ou la
totalité de cette oeuvre à condition de mentionner l'auteur, que
ces utilisations soient faites à des fins non commerciales et que le
contenu de l'oeuvre n'ait pas été modifié.
|
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1
I. CADRE THEORIQUE 1
1.1 Dessin expressif et stratégies graphiques 1
2.2 Dessin expressif et créativité 2
1.3 Environnement scolaire et créativité 3
1.4 Bilinguisme et créativité 5
II.METHODE 7
2.1 Participants 7
2.2 Matériel 9
2.3 Procédure 9
2.4 Analyse des dessins 10
III.RESULTATS 13
3. 1 Score d'expressivité 13
3.2 Utilisation des différents types de stratégies
14
IV.DISCUSSION 20
CONCLUSION 23
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 24
ANNEXES 1
LISTES DES TABLEAUX ET DES FIGURES
Tableau 1. Descriptif de l'échantillon 8
Tableau 2 Pourcentage de dessins produits par pédagogies
et par types de
stratégies utilisées. 15
Figure 1. Exemple de dessins expressifs, obtenant la note
maximale (7). 12
Figure 2. Score moyen d'expressivité en fonction de la
pédagogie et du
groupe (2). 14
Figure 3 Nombre moyen de dessins en fonction du groupe (2) et de
la
stratégie employée, pour laquelle l'Anova a
révéler un effet
significatif. 16
Figure 4. Nombre moyen de dessin en fonction de la
stratégie employée et
du type de pédagogies pour les enfants du groupe 1. 19
Figure 5. Nombre moyen de dessin en fonction de la
stratégie employée et
du type de pédagogies pour les enfants du groupe 2. 19
1
INTRODUCTION
La présente étude repose sur deux grands
ensembles de travaux. Le premier porte sur le développement du dessin
expressif et indique que celui-ci est notamment lié au
développement de la flexibilité cognitive. Un second ensemble de
travaux montre que certaines pédagogies alternatives ainsi que le
bilinguisme ont une influence positive sur le développement de la
flexibilité cognitive. En reliant ces deux domaines de recherche
classiquement traités de manière séparée, notre
étude a pour objectif d'évaluer l'incidence que peut avoir la
pédagogie alternative (Freinet/PI) ainsi que le bilinguisme sur la
capacité des enfants à marquer graphiquement des émotions
dans leurs dessins (i.e. « dessin expressif »).
I. CADRE THÉORIQUE
1.1 Dessin expressif et stratégies graphiques
L'étude du dessin enfantin a toujours fasciné
les psychologues. Une abondante revue de littérature a été
établie par Stora (1963), Wallon, Cambrier et Engelhart (1990) ou plus
récemment par Baldy (2011). Les premières études
scientifiques se sont d'abord intéressées au dessin
figuratif/réaliste, c'est-à-dire à l'habilité des
enfants à représenter un thème (e.g., un bonhomme ou une
maison) le plus fidèlement possible à la réalité.
Ce n'est que récemment que les chercheurs ont étudié
l'évolution du dessin expressif chez l'enfant, c'est-à-dire
l'habilité des enfants à marquer des émotions dans leurs
dessins (e.g., joie, tristesse, colère) (e.g., Burkitt, Barrett &
Davis, 2003; Cox, 1993). En 2007, une étude de Brechet, Picard et Baldy,
a démontré que la capacité à marquer des
émotions (joie, tristesse, colère et surprise) dans le dessin
d'un bonhomme se développe entre 5 et 11 ans. L'enfant utilise pour cela
une variété d'indices graphiques pouvant être
regroupés au sein de trois grandes stratégies graphiques. Ives
(1984) a établi que les enfants utilisent et combinent ces trois grandes
stratégies pour dépeindre une émotion cible dans leurs
dessins expressifs. La stratégie littérale
correspond aux expressions du visage (e.g., bouche souriante pour
la joie). La stratégie non littérale de
contenu, est utilisée pour
2
dépeindre l'émotion à travers des
repères figuratifs tels que la présence du soleil pour la joie.
La stratégie non littérale abstraite
sert à marquer l'émotion au travers d'indices non
figuratifs relatifs aux propriétés physiques de la couleur, de
l'épaisseur du trait et de la taille (e.g., augmentation ou diminution
de la taille du personnage, usage exclusif du gris).
2.2 Dessin expressif et créativité
Pour Guilford (1950, cité par Lubart, Mouchiroud,
Torjman & Zenasni, 2003), la créativité peut recouvrir les
deux grands domaines que sont la pensée convergente et la pensée
divergente. La pensée divergente, peut se résumer comme un
processus cognitif permettant de produire des idées créatives,
tout en envisageant de nombreuses solutions possibles. Les travaux portant sur
la pensée divergente s'accordent généralement à
décrire cette composante de la créativité comme
étant le produit d'au moins trois éléments distincts : la
flexibilité (reflétée par le nombre de catégories
d'idées différentes), la fluidité (reflétée
par le nombre d'idées produites), l'originalité
(reflétée par le nombre d'idées statistiquements rares).
Récemment, une étude de Picard et Boulhais (2011) s'est
intéressée au lien potentiel entre dessin expressif et
pensée divergente au cours du développement de l'enfant. Les
auteurs ont demandé à des enfants de 9 à 15 ans
d'effectuer le test des lignes parallèles (Torrance, 1966, cité
par Picard et al, 2011). Cette tâche permettait de mesurer un
score de pensée divergente en prenant en compte la flexibilité,
la fluidité et l'originalité des productions graphiques. Ils
leurs ont ensuite demandés de produire des dessins expressifs :
dessiner, à l'aide de crayons de couleurs, un arbre et une maison
neutres, heureux et tristes. Cette seconde tâche permettait de mesurer un
score d'expressivité. Ce score allait de 0 à 7, en fonction de
l'utilisation des différentes stratégies graphiques
(littérale, de contenu, abstraite ou combinaison des trois). Leurs
résultats montrent qu'il y a une évolution en fonction de
l'âge dans l'utilisation des stratégies graphiques. Les enfants
utilisent d'abord essentiellement les stratégies littérales pour
connoter émotionnellement leurs dessins. Au cours du
développement, l'utilisation des stratégies littérales
diminue au profit des stratégies de contenu. Les enfants utilisent plus
tardivement les stratégies abstraites. Enfin, les enfants les plus
âgés sont capables de combiner les trois types de
stratégies. Ces auteurs montrent
3
également l'existence d'un lien positif entre la
capacité des enfants à dessiner de manière expressive et
leurs scores de flexibilité et de fluidité à la
tâche de pensée divergente : plus les enfants obtiennent un score
élevé de flexibilité et de fluidité (tels que
mesurés par le test des lignes parallèles), plus ils utilisent
des stratégies graphiques riches pour marquer les émotions dans
leurs dessins.
1.3 Environnements scolaires et créativité
Les caractéristiques communes aux enseignants qui
favorisent la créativité ont été identifiées
par Cropley en 1997 (cité par Lubart, Mouchiroud, Tordjman &
Zenasni, 2003, p 72-73). Ces enseignants pratiquent le travail en
coopération, motivent les étudiants pour apprendre les faits,
encouragent la pensée flexible, évitent de juger les idées
des étudiants avant qu'elles n'aient été
considérées, favorisent l'auto-évaluation des
idées, prennent au sérieux les questions et les suggestions des
étudiants, offrent des opportunités de travailler dans diverses
situations et avec divers matériaux, et enfin aident les
étudiants à dépasser la frustration et l'échec pour
qu'ils aient le courage de poursuivre de nouvelles idées. Toutes ces
caractéristiques font partie des éléments utilisés
par les pédagogies alternatives. Au cours du 20ème
siècle, des enseignants et des psychologues développent une
approche alternative à la pédagogie traditionnelle. Ce sont les
travaux de Piaget (1896-1980) qui apporteront à ces pédagogues
novateurs le soutien de la science. Freinet (1969), à
l'origine de la pédagogie alternative du même nom, appuie une
partie de sa pédagogie sur les travaux de Dewey (1859-1952) pour qui les
activités manuelles sont le support des activités
intellectuelles. Freinet émettra deux postulats (a) «l'élan
vital» : un enfant est animé par un dynamisme naturel qui ne
devrait pas être opposé; (b) «le tâtonnement
expérimental » : l'erreur est un moyen d'accéder à la
connaissance. Il voit dans la formation scolaire traditionnelle un handicap
possible à la création artistique et cherchera à
développer les compétences créatrices des enfants dans ses
méthodes pédagogiques. Par exemple, il rejette vigoureusement
l'enseignement traditionnel du dessin, accusé de brider l'imagination et
l'expression par son excès de formalisme. Copies et sujets
imposés sont bannis. L'enfant, véritable créateur, doit
dessiner de manière spontanée sans se soucier du réalisme.
Oury (1967), est le fondateur de la
4
pédagogie institutionnelle (ci après
abrégé : PI). Il dénonce l'école caserne et adapte
la pédagogie de Freinet au milieu urbain en y rajoutant sa propre
conception de l'enseignement. Il base sa pédagogie sur l'importance de
la place du sujet en s'inspirant de la psychothérapie institutionnelle
et de la dynamique des groupes de Lewin (18901947), créant ainsi
différents outils : les ceintures, le conseil et le quoi de neuf. Ces
outils (voir annexe I), seront repris avec les invariants de Freinet (voir
annexe II) par les écoles Calandretas. La première Calandreta
voit le jour en 1979. Leur objectif est de transmettre la langue et la culture
occitane en immersion précoce. Ce sont des établissements
scolaires bilingues Franco-occitan, laïcs. Il existe actuellement 54
écoles réparties sur 17 départements. Chaque
établissement emploie une méthode de pédagogie qui tient
compte des courants pédagogiques de Freinet/PI, d'Oury, et des
psycholinguistes tels que Petit (2001) et Dalgalian (2000), qui favorisent le
bilinguisme en immersion précoce. L'expression libre et surtout le
dessin libre, sont considérés dans ce type de pédagogie
(Calandreta, Freinet/PI) comme essentiels pour le développement de
l'enfant. Les salles de classes ainsi que l'école sont
décorées d'un large éventail d'oeuvres d'arts,
créées par les enfants eux-mêmes. La pratique artistique,
ne se résume pas sur un temps collectif, telle qu'elle est
pratiquée en pédagogie traditionnelle. L'enfant peut dessiner en
écoutant un exposé, pendant la lecture d'un de ses camarades,
quand il a fini un devoir, ou pris de l'avance dans un travail.
Il existe à ce jour très peu de recherches
traitant de l'impact des pédagogies Freinet/PI sur la
créativité. L'une d'entre elles a cependant permit de montrer que
les enfants issus de pédagogie Freinet obtenaient des scores de
créativités plus élevés que les enfants issus de
pédagogie traditionnelle (Avanzini & Ferrero, 1976, 1977,
cité par Besancon, Zenasni & Lubart, 2010). Plus récemment,
Besançon et Lubart (2007) ont mené une étude
semi-longitudinale, avec 211 enfants âgés de 7 à 12 ans,
scolarisés en pédagogie Freinet, Montessori et en école
traditionnelle. Leur postulat était que les enfants scolarisés en
pédagogies alternatives (Freinet, Montessori) auraient des performances
créatives plus importantes que les enfants scolarisés en
pédagogie traditionnelle. La créativité a
été mesurée au moyen de différents types de
tâches telles que : l'utilisation inhabituelle d'une boîte en
carton (nommer oralement les différents
5
usages possibles), l'amélioration d'un jouet (nommer
oralement les différentes possibilités de le rendre plus
amusant), le test des lignes parallèles (réaliser le plus de
dessins possibles à partir de lignes parallèles et leur donner un
titre). Ces différentes tâches permettaient notamment
d'évaluer la pensée divergente. Les différents indices
pris en compte étaient : la fluidité, la flexibilité, et
l'originalité. Leurs résultats montrent que le type de
pédagogie influence de manière significative la performance
créative des enfants: les élèves issus de pédagogie
alternative sont significativement plus créatifs que les enfants issus
de pédagogie traditionnelle.
1.4 Bilinguisme et créativité
Être bilingue c'est posséder deux signifiants
pour un signifié. Les diverses études sur bilinguisme, montrent
que le bilinguisme précoce (0-7 ans) exerce un effet positif sur la
formation des processus cognitifs chez l'enfant (e.g., Fardeau, 1993). Dans une
étude de Bialystok (1999), des cartes comprenant des ronds et des
carrés rouges et bleus étaient présentées à
des enfants de 4 et 5 ans bilingues (Anglais/chinois) et monolingues (Anglais).
Les enfants étaient invités à trier, dans un premier
temps, ces cartes en fonction de leur forme géométrique
(rond/carré) indépendamment de la couleur. Ensuite, la consigne
initiale était modifiée et les enfants devaient trier ces
mêmes cartes en fonction de leur couleur (bleu/rouge)
indépendamment de la forme. Les enfants bilingues ont mieux
réussi dans la deuxième consigne qui suit le changement de
règle, alors que les enfants monolingues ont persisté dans la
consigne initiale. Cet exemple illustre le fait que le bilinguisme favoriserait
la flexibilité cognitive, composante de la créativité,
correspondant à la capacité à s'adapter à de
nouvelles règles. Une étude longitudinale (sur 2 ans) s'est
également penchée sur la flexibilité
représentationnelle des enfants bilingues (Adi-Japha, Berberich-Artzi,
& Libnawi, 2010). Des enfants âgés de 4 ans, bilingues
(Anglais-hébreux) et monolingues (Hébreux) et des enfants
âgés de 5 ans, bilingues (Arabe-hébreux) et monolingues
(Hébreux) ont été invités à dessiner une
fleur/maison et une fleur/maison qui n'existait pas. La tâche de dessiner
des objets qui n'existent pas est considérée comme une mesure de
flexibilité cognitive/représentationnelle par Kamiloff-Smith
(Karmiloff-Smith, 1990, cité par Adi-Japha et al, 2010; Picard &
Vinter, 2007).
6
Deux juges indépendants ont évalué les
catégories de changements en s'appuyant sur la méthodologie de
Karmiloff-Smith, pour les dessins des fleurs/maisons et fleurs/maisons qui
n'existaient pas. Ces catégories de changements étaient aux
nombres de 7 : changement réussi, suppression d'élément ,
insertion d'élément , changement de la forme d'un
élément, changement entier de la forme, changement de
position/orientation , changement complet. Les résultats indiquent que,
dès l'âge de 4 ans, les enfants bilingues ont fait preuves, dans
leurs dessins de plus de flexibilité représentationnelle.
Effectivement, ils ont produit significativement plus de changement complet
dans leurs dessins, en incluant des caractéristiques humaines et/ou
animales à leur dessin (e.g., une fleur girafe, une fleur avec des
mains) et en transformant totalement la fleur/maison en un autre objet (e.g.,
une maison devenue un robot, une fleur devenue un arbre).
Considérant que le dessin expressif sollicite notamment
la pensée divergente de l'enfant et en particulier sa
flexibilité, nous supposons que les enfants bilingues et ceux issus de
pédagogies alternatives pourraient présenter de meilleures
performances que les enfants monolingues et que ceux issus de la
pédagogie traditionnelle, relativement à leur capacité
à dessiner de manière expressive. Ceci pourrait être
observée, notamment au travers de l'utilisation de stratégies
plus complexes et/ou plus diverses. Le premier objectif de cette étude
est de vérifier cette hypothèse. Par ailleurs, à ce jour,
aucune étude ne s'est penchée sur l'influence conjointe du
bilinguisme et de la pratique de pédagogies alternatives sur les
productions graphiques des enfants. Or, des écoles telles que les
Calandretas combinent ces deux facteurs dans leurs enseignements (i.e.,
bilinguisme français-occitan et pédagogie Freinet/PI). Le second
objectif de cette étude est donc d'examiner la capacité à
dessiner de manière expressive chez des enfants issus d'écoles
Calandretas, afin d'évaluer dans quelle mesure le bilinguisme et la
pédagogie alternative peuvent avoir ou non un effet combiné sur
les productions des enfants. Enfin, sur un plan développemental, nous
évaluerons également dans quelle mesure l'âge des enfants
interagit ou non avec le type d'environnement scolaire sur les capacités
expressives des enfants. D'après la littérature, les
stratégies employées par les enfants dans leurs dessins
connotés émotionnellement évolueraient avec l'âge.
C'est pourquoi nous avons choisi deux groupes d'âge (CP/CE1 et CE2/CM1)
qui correspondent à un cycle d'apprentissage
7
et un cycle de consolidation, ce qui nous permettra d'observer
une éventuelle évolution en fonction de l'âge.
II. MÉTHODE
2.1 Participants
Les enfants étaient au nombre total de 235 (126
garçons et 109 filles). Ils étaient scolarisés en classe
de CP, CE1, CE2, CM1 et issus de 4 écoles différentes : une
école Calandreta, une école primaire traditionnelle, une
école à pédagogie Freinet, et une école pratiquant
l'immersion linguistique précoce. Tous les enfants étaient
d'âge scolaire normal, possédaient une vision normale ou
corrigée à la normale et ne présentaient aucun
problème psychomoteur particulier. Un accord parental a
été obtenu ainsi que l'accord de l'inspecteur de
l'académie. Le Tableau 1 présente la répartition des
enfants en fonction de leur genre, leur âge et de leur pédagogie.
Le choix de notre échantillonnage s'est porté sur les enfants de
6-9 ans, car d'après les travaux de Torrance (1968) une accalmie
temporaire est présente à l'âge de 9-10 ans dans le
développement de la créativité, associée à
la pression exercée sur les enfants à s'adapter aux contextes
scolaires et aux normes. Ce déclin de la créativité
résulterait aussi de transformation des processus de pensée
divergente, le développement des capacités de la pensée
logique formelle inhiberait les capacités de pensées
créatives (Lubart & Lautrey, 1998 in Lubart et al,
2003).
8
Tableau 1.
Descriptif de l'échantillon
Groupe
|
Classes
|
Filles
|
Garçons
|
Total
|
Age moyen (ET)
|
Total
|
Calandreta
|
CP
|
6
|
6
|
12
|
6.78 (0.24)
|
44
|
|
CE1
|
1
|
11
|
12
|
7.69 (0.40)
|
|
|
CE2
|
6
|
3
|
9
|
8.38 (0.32)
|
|
|
CM1
|
1
|
10
|
11
|
9.58 (0.40)
|
|
Traditionnelle
|
CP
|
9
|
7
|
16
|
6.74 (0.29)
|
64
|
|
CE1
|
7
|
9
|
16
|
7.86 (0.30)
|
|
|
CE2
|
7
|
9
|
16
|
8.72 (0.32)
|
|
|
CM1
|
7
|
9
|
16
|
9.65 (0.29)
|
|
Freinet
|
CP
|
9
|
8
|
17
|
6.43 (0.28)
|
81
|
|
CE1
|
13
|
7
|
20
|
7.33 (0.26)
|
|
|
CE2
|
11
|
12
|
23
|
8.39 (0.36)
|
|
|
CM1
|
14
|
7
|
21
|
9.43 (0.26)
|
|
Bilingue
|
CP
|
0
|
8
|
8
|
6.69 (0.23)
|
46
|
|
CE1
|
8
|
4
|
12
|
7.95 (0.21)
|
|
|
CE2
|
4
|
8
|
12
|
8.76 (0.37)
|
|
|
CM1
|
6
|
8
|
14
|
9.72 (0.32)
|
|
9
2.2 Matériel
Chaque enfant avait à sa disposition 5 crayons de
couleurs (rose, jaune, bleu, vert, rouge) ainsi qu'un crayon à papier
classique (JIB) et cinq feuilles de papier A4 (orientation paysage) comportant
une marge située à droite dans laquelle étaient
notées les informations concernant l'enfant. Chaque dessin
demandé à l'enfant était réalisé sur une
feuille unique.
2.3 Procédure
L'expérimentation s'est déroulée de
manière individuelle, dans une salle affectée à cet effet,
de façon à ce que les enfants ne soient pas
déconcentrés ou influencés par les autres enfants. La
durée de l'expérimentation était entre 10 et 15 minutes
par enfant. Les crayons de couleurs étaient fournis par
l'expérimentatrice, de manière à ce que tous les enfants
disposent d'un matériel standard, permettant d'éviter les
disparités liées à la qualité du matériel de
base.
Chaque enfant était invité à dessiner en
premier lieu un personnage (i.e., dessin de référence). La
consigne était la suivante : «Voici une feuille, des crayons de
couleurs et un crayon gris. Peux-tu dessiner un personnage ? » (le
terme de « quelqu'un » pouvait être également
utilisé si l'enfant ne comprenait pas). Ce premier dessin permettait de
solliciter la routine du dessin du personnage avant d'introduire la tâche
à valence émotionnelle. Il était ensuite demandé
à l'enfant: «Maintenant, je voudrais que tu dessines un
personnage joyeux (en colère/triste/qui a peur)». Ces
émotions ont été sélectionnées sur la base
de travaux précédents sur le dessin expressif (Brechet et
al, 2007, 2009; Jolley, Fenn & Jones, 2004). Nous avons
contrôlé l'ordre de présentations des émotions : les
émotions ont été évoquées selon 4 ordres
préétablis :
10
? Dessin de référence -Joie - Colère - Peur
- Tristesse ; ? Dessin de référence -Peur - Tristesse -Joie -
Colère ; ? Dessin de référence - Tristesse -Peur -
Colère - Joie ; ? Dessin de référence -Colère -
Joie- Peur - Tristesse.
Ces ordres ont été définis afin
d'éviter le biais d'une émotion sur une autre en les
présentant toujours dans le même ordre. Il permettait
également d'éviter l'effet de lassitude dû aux nombres de
dessins. L'enfant a ensuite été remercié pour ses
dessins.
2.4 Analyse des dessins
Deux juges ont travaillé indépendamment, sur la
base d'une grille de cotation précédemment
élaborée. (voir annexe III) Ces évaluations ont
été faites sur la base des stratégies graphiques telles
que celles développées dans les études de Picard, Brechet
et Baldy (2007), et de Picard et al (2011) Il s'agissait donc de
déterminer, pour chaque dessin, quelle(s) stratégie(s)
étai(en)t employée(s). Rappelons que, pour marquer les
émotions dans leurs dessins, les enfants peuvent utiliser trois grandes
stratégies : (a) les stratégies littérales
(ci-après abrégé L) qui correspondent aux expressions du
visage, par exemple, la présence d'une bouche souriante pour la joie,
(b) les stratégies de contenu non littérales (ci-après
abrégé C), dans le style contenu, l'humeur psychologique est
dépeinte non littéralement à travers des repères
figuratifs tels que la présence de soleil dans la joie, la
présence de personnage en plus, et la position du corps avec les bras en
l'air pour la joie et (c) les stratégies non littérales
abstraites (ci-après abrégée A), dans le style abstrait,
l'humeur psychologique est dépeinte non littéralement à
travers des indices non figuratifs relatifs aux propriétés
physiques de la couleur, l'épaisseur du trait et la taille, par exemple
l'augmentation ou la diminution de la taille du personnage, l'usage exclusif du
gris et le marquage du trait pour les émotions à valence
négative. L'annexe III énumère les indices graphiques
propres à chaque stratégie au sein de notre échantillon de
dessins.
11
Sur la base de l'évaluation des juges et sur le
modèle de Picard et al (2011), nous avons ensuite
attribué à chaque dessin un score d'expressivité. Parmi
les trois grandes stratégies (L-C-A) les dessins ont été
codés comme suit : pas de stratégie (score 0), stratégie L
uniquement (score 1), stratégie C uniquement (score 2), stratégie
A uniquement (score 3), stratégie LC (score 4), stratégie LA
(score 5), stratégie CA (score 6), Stratégie LCA (score 7).
Chaque stratégie n'étant pas mutuellement exclusive, l'enfant
pouvait obtenir un score maximum par dessin de 7. La Figure 1 présente
des illustrations de dessins expressifs contenant les trois types de
stratégies (L-C-A), obtenant le score maximal de 7. Nous avons
regroupé les enfants en deux groupes d'âge, le premier groupe
concerne les enfants de CP et CE1 et le deuxième groupe les enfants de
CE2 et CM1.
12
Joie
- Littéral : sourire.
- Contenu : bras levés, soleil, maison.
- Abstrait : augmentation de la couleur.
|
|
Peur.
- Littéral : bouche ovale, yeux ronds.
- Contenu : mots, personnage en plus.
- Abstrait : gris unique.
|
|
Tristesse.
- Littéral : larmes.
- Contenu : animal de compagnie.
- Abstrait : gris unique.
|
|
Colère.
- Littéral : bouche convexe.
- Contexte : flamme, arme personnage en
plus.
- Abstrait : traits marqués.
|
|
Figure 1. Exemple de dessins expressifs, obtenant la
note maximale de 7
13
III. RÉSULTATS
3. 1 Score d'expressivité
Une analyse de variance a été conduite avec les
différentes pédagogies (4), l'âge (2) et le genre (2) en
tant que facteurs inter-participant sur le score moyen d'expressivité.
Le nombre de dessins concernés par cette analyse était 940 (235
participants produisant chacun 4 dessins émotionnellements
connotés). Nous avons choisi un seuil alpha de .05 pour toutes les
analyses. L'analyse de variance indique un effet significatif de la
pédagogie employée, F (3, 219) = 37.40, p <
.01, et de l'âge F (1, 219) = 21.18, p < .01, mais
aucun effet significatif du genre de l'enfant. Le score moyen
d'expressivité en fonction du type de pédagogie et de l'âge
des enfants apparaît dans la Figure 2.
En ce qui concerne l'effet significatif de la
pédagogie, une analyse post-hoc (test de Tukey) a été
réalisée. Conformément à nos hypothèses, il
apparait une différence significative entre les enfants issus de la
pédagogie Freinet (M =15.62) et ceux issus des Calandretas
(M = 11.36) (p < .01), entre ceux issus de la
pédagogie Freinet et ceux issus de l'école bilingue (M =
8.46) (p < .01) et entre ceux issus de la pédagogie Freinet
et ceux issus de l'école traditionnelle (M = 7.78) (p
< .01). En outre il apparaît aussi une différence
significative entre les enfants issus de l'école Calandreta (M
= 11.36) et ceux issus de l'école bilingue (M = 8.46)
(p < .05) mais aussi entre les enfants issus des Calandretas et
ceux issus de l'école traditionnelle (M = 7.78) (p
< .01).
En ce qui concerne l'âge, les enfants du groupe 1,
scolarisés en classes de CP et CE1, obtiennent un score
d'expressivité (M = 9.25) inférieur à ceux du
groupe 2 (classes de CE2-CM1) (M = 12.28).
14
Figure 2. Score moyen d'expressivité en
fonction de la pédagogie et du groupe (2)
3.2 Utilisation des différents types de
stratégies
Nous avons pris en compte les sept stratégies ou
combinaisons de stratégies possibles (L, C, A, LC, LA, CA, LCA) cf.
Picard & Boulhais (2011). Nous avons comptabilisé pour chaque enfant
le nombre de dessins correspondant à chacune de ces stratégies
(voir tableau 2). Pour chacune des stratégies séparément,
nous avons conduit une analyse de variance avec les différentes
pédagogies (4) et l'âge (2) en tant que facteurs
inter-participants, sur le nombre moyen de dessins. Ceci a donc abouti à
un total de 7 analyses de variances, soit une pour chaque stratégies
répertoriées. La Figure 3 montre le nombre moyen de dessins en
fonction du groupe (2) et de la stratégie, pour laquelle l'ANOVA a
révélé un effet significatif.
15
Tableau 2.
Pourcentage de dessins produits par pédagogies et par
types de stratégies utilisées
|
Calandreta
|
Traditionnel
|
Freinet
|
Bilingue
|
Stratégies
|
|
|
|
|
Littéral (L)
|
24
|
44
|
19
|
37
|
Contenu (C)
|
12
|
11
|
4
|
15
|
Abstrait (A)
|
1
|
2
|
3
|
3
|
Littéral-contenu (LC)
|
32
|
21
|
18
|
19
|
Littéral-abstrait (LA)
|
3
|
4
|
17
|
4
|
Contenu-abstrait (CA)
|
5
|
0
|
6
|
4
|
Littéral-contenu-abstrait (LCA)
|
16
|
7
|
23
|
7
|
Non expressif
|
6
|
11
|
10
|
11
|
16
Figure 3 Nombre moyen de dessins en fonction du
groupe (2) et de la stratégie employée, pour laquelle l'ANOVA a
révélé un effet significatif
Pour la stratégie L, l'ANOVA révèle un
effet significatif de l'âge, F (1, 227) = 5.16, p <
.05 : les enfants les plus jeunes ont produit davantage de dessins ne contenant
qu'une stratégie littérale (M = 1.40) que les enfants
les plus âgés (M = 1.08). L'ANOVA révèle
également un effet significatif de la pédagogie, F (3,
227) = 13.83, p < .01. Une analyse post-hoc Tukey indique une
différence significative entre les enfants issus de la pédagogie
traditionnelle (M = 1.77) et ceux de l'école Calandreta (M
= 0.98) (p < .01), entre les enfants issus de la
pédagogie traditionnelle (M = 1.77) et les enfants issus de la
pédagogie Freinet (M = 0.74) (p < .01), et entre
les enfants issus de l'école bilingue (M = 1.48) et ceux issus
de la pédagogie Freinet (M = 0.74) (p < .01). Il
n'apparaît aucune autre différence significative.
17
Pour la stratégie C, l'ANOVA ne révèle
aucun effet significatif de l'âge, mais révèle un effet
significatif de la pédagogie, F (3, 227) = 6.15, p
< .01. L'analyse post-hoc Tukey indique une différence
significative entre les enfants issus de la pédagogie Freinet et ceux
des autres écoles. Leur nombre moyen de dessin est plus faible (M
= 0.16) que les enfants issus de l'école bilingue (M =
0.61) (p < .01), de l'école Calandreta (M = 0.48)
(p < .01) et ceux issus de l'école traditionnelle (M
= 0.42) (p < .05).
Pour la stratégie A, l'ANOVA ne révèle
aucun effet significatif de l'âge ni de la pédagogie. Notons que
très peu d'enfants ont utilisé cette stratégie de
manière isolée.
Pour la stratégie LC, l'ANOVA révèle un
effet significatif de l'âge, F (1, 227) = 4.29, p <
.05 : les enfants les plus âgés ont produit davantage de dessins
contenant cette stratégie (M = 1.05) que les enfants les plus
jeunes (M = 0.78). L'ANOVA révèle également un
effet significatif de la pédagogie, F (3, 227) = 4.06, p
< .01. Une analyse post-hoc Tukey indique une différence
significative entre les enfants issus de l'école Calandreta (M
= 1.29) et ceux enfants issus de la pédagogie Freinet (M =
0.73) (p <.01), et entre les Calandreta (M = 1.29) et les
enfants issus de l'école bilingue (M = 0.76) (p
<.05).
Pour la stratégie LA, l'ANOVA révèle un
effet significatif de l'âge, F (1, 227) = 4.32, p <
.05 : les enfants les plus âgés ont produit davantage de dessins
contenant cette stratégie (M = 0.37) que les enfants les plus
jeunes (M = 0.19). L'ANOVA révèle également un
effet significatif de la pédagogie, F (3, 227) = 11.78, p
< .01. Une analyse post-hoc Tukey indique une différence
significative entre les enfants issus de la pédagogie Freinet et ceux
issus des autres écoles. Le nombre moyen de dessin est plus
élevé pour les enfants issus de la pédagogie Freinet
(M = 0.68) que pour les enfants issus de l'école bilingue
(M = 0.17) (p < .01). ceux issus de l'école
traditionnelle (M = 0.17) (p < .01) et enfin ceux issus de
la Calandreta (M = 0.14) (p < .01).
18
Pour la stratégie CA, l'ANOVA ne révèle
aucun effet significatif de l'âge, mais révèle un effet
significatif de la pédagogie, F (3, 227) = 4.36, p
< .01. Une analyse post-hoc Tukey indique une différence
significative entre les enfants issus de la pédagogie Freinet (M
= 0.25) et ceux issus de la pédagogie traditionnelle (M =
0.01) (p < .01), mais aucune différence significative entre
les enfants issus de l'école Calandreta et ceux issus des écoles
Freinet et bilingue.
Pour la stratégie LCA, l'ANOVA révèle un
effet significatif de l'âge, F (1, 227) = 6.15, p <
.05 : les enfants les plus âgés ont produit davantage de dessins
contenant cette stratégie (M = 0.66) que les enfants les plus
jeunes (M = 0.40). L'ANOVA révèle également un
effet significatif de la pédagogie, F (3, 227) = 10.08, p
< .01. Une analyse post-hoc Tukey indique une différence
significative entre les enfants issus de la pédagogie Freinet (M
= 0.91) et les enfants issus de l'école bilingue (M =
0.28) (p < .01), mais aussi entre les enfants issus de la
pédagogie Freinet (M = 0.91) et ceux issus de la
pédagogie traditionnelle (M = 0.27) (p < .01). Il
n'apparaît aucune différence significative entre les enfants issus
de l'école Calandreta et ceux issus de la pédagogie Freinet et de
l'école bilingue.
Notons enfin qu'aucune des 7 analyses de variances
réalisées n'a indiqué d'interaction significative entre
les facteurs âges et les différentes pédagogies.
Le nombre moyen de dessins produits en fonction des
différents types de pédagogies et stratégies
employées apparaît dans les Figures 4 et 5.
19
Figure 4. Nombre moyen de dessin en fonction de la
stratégie employée et du type de pédagogies pour les
enfants du groupe 1 (CP/CE1)
Figure 5. Nombre moyen de dessin en fonction de la
stratégie employée et du type de pédagogies pour les
enfants du groupe 2 (CM1/CM2)
20
IV. DISCUSSION
La présente étude visait à évaluer
l'influence conjointe de la pédagogie alternative et du bilinguisme sur
le score d'expressivité, au travers de l'utilisation des
différentes stratégies expressives employées par les
enfants dans leurs dessins.
Notre première hypothèse était que les
enfants bilingues et ceux issus de pédagogies alternatives pourraient
présenter de meilleures performances que les enfants monolingues et que
ceux issus de la pédagogie traditionnelle, relativement à leur
capacité à dessiner de manière expressive. Nos
résultats indiquent que les enfants issus des pédagogies
alternatives (Freinet et Calandreta) obtiennent un score d'expressivité
supérieur aux enfants scolarisés en pédagogie bilingue et
traditionnelle. La constatation que les enfants issus des pédagogies
alternatives ont des scores d'expressivités plus élevés
dans leurs dessins est conforme avec des précédents
résultats révélant majoritairement une
supériorité des performances créatives des enfants
scolarisés en pédagogie alternative (Besançon &
Lubart, 2007 ; Rose, Jolley, & Charman, 2011). Comme prévu nos
résultats montrent que les enfants issus de la pédagogie Freinet
et ceux issus de l'école Calandreta utilisent et combinent plus
facilement les stratégies. Plus précisément les enfants
issus de la pédagogie Freinet et ceux issus de l'école Calandreta
combinent les stratégies littérales avec celles de contenus et
abstraites, alors que les enfants de la pédagogie traditionnelle et ceux
de la pédagogie bilingue ont tendance à moins utiliser la
combinaison des stratégies et privilégient l'usage d'une
stratégie unique (littérale, contenu). Picard et Boulhais (2011)
ont démontré que l'utilisation d'expression graphique complexe
est associée à une forte créativité graphique. Ces
résultats pourraient s'expliquer par l'attitude des enseignants,
identifiée par Cropley en 1997. Effectivement en pédagogie
traditionnelle l'enseignant à un rôle frontal avec l'apprenant,
l'élève est passif, les règles relativement fixes, les
connaissances sont compartimentées et peu liées entre elles, les
performances sont évaluées par des épreuves de rappels, ce
qui favorise la pensée convergente. Alors que, les enseignants
pratiquant les pédagogies alternatives accordent une plus grande
liberté aux élèves, une place importante est donnée
à l'expression libre, les activités sont
21
reliées entre elles et s'enracinent dans la pratique,
ce qui favorise la prise d'initiative et l'ouverture à de nouvelles
expériences, des qualités qui sont nécessaires pour le
développement de la créativité. (Lubart et al,
2003). Dans la pédagogie Freinet/PI, l'apprentissage
expérientiel est central. L'enfant apprend en faisant lui-même, le
maître sert uniquement de guide. On respecte le rythme de l'enfant, les
savoirs sont acquis en fonction de son évolution, s'il possède
une compétence de maîtrise dans un domaine il pourra venir
soutenir ses pairs dans leurs apprentissages. L'accent est
systématiquement porté sur le fait qu'il existe une multitude de
solution à un problème et de différents moyens de parvenir
à le régler. Les pensées convergentes et divergentes sont
constamment sollicitées. L'utilisation de ces deux systèmes de
pensées accroisse le potentiel créatif. (Guilford, 1950).
Bien que nos résultats montrent un effet de l'âge
et un effet du type de pédagogie sur les capacités expressives,
ils ne révèlent aucune interaction entre l'âge et la
pédagogie sur le score d'expressivité ainsi que sur les
stratégies employées. Cependant nos résultats ne sont pas
analogues à ceux obtenus par Rose et Jolley (2012) qui ont
révélé une différence en fonction de l'âge et
du type de pédagogie (Steiner, Montessori, traditionnelle) entre 7 et 9
ans. Cette différence de résultat peut émaner du type de
pédagogie analysé, effectivement le type de pédagogie
influence de manière significative les performances créatrices
des enfants (Besançon & Lubart, 2007). En effet, même si la
place de l'enfant est centrale, les enseignements, les activités et le
rôle de l'enseignant, différent radicalement entre les
pédagogies Steiner, Montessori, Freinet et traditionnelle.
Le second objectif de cette étude était
d'examiner la capacité à dessiner de manière expressive
chez les enfants issus d'écoles Calandreta. Les enfants issus de
l'école Calandreta obtiennent des scores d'expressivités plus
élevés que les enfants issus de la pédagogie
traditionnelle ainsi que ceux issus de l'école bilingue. Ils utilisent
et combinent majoritairement les stratégies : contenu-littérale,
contenu-abstraite et la combinaison littérale-contenu-abstraite. La
particularité des écoles Calandretas, telle qu'observer dans
cette étude, est de conjuguer la pédagogie Freinet/PI et le
bilinguisme en immersion précoce. Notre étude montre une
supériorité des scores des enfants issus de la
pédagogie
22
Calandreta sur les enfants issus de l'école bilingue,
ce qui nous permet d'écarter l'influence unique du bilinguisme sur les
scores de créativités tel que démontrés par Adi
Japha et al (2010). Ces résultats devant être
interprétés avec prudence, le potentiel créatif pouvant
être mesuré aux travers de différents types de tâches
(Lubart et al, 2003). Il ne faut pas exclure non plus que le
bilinguisme était examiné sous l'angle d'une langue
régionale (l'occitan), donc très peu usitée en dehors du
système scolaire contrairement aux langues internationales telles que
l'Anglais.
Suite à ces résultats, nous nous attendions
à trouver de meilleures performances dans les capacités
expressives et dans l'utilisation des stratégies pour les enfants issus
de Calandretas, par rapport aux autres écoles et notamment par rapport
aux enfants issus de l'école Freinet, ce qui n'est pas le cas. Les
enfants issus de la pédagogie Freinet ont obtenus des scores
supérieurs tant en expressivité que dans l'utilisation et la
combinaison des stratégies par rapport aux enfants issus de
l'école Calandreta. Nous ne pouvons donc pas exclure la
possibilité d'une influence du type d'environnement familial sur le
développement des capacités expressives. En effet, Lubart et
Lautrey (1996) ont démontré l'impact du type d'environnement
familial sur la créativité. Les environnements les plus
contraignants et les plus laxistes sont moins favorables au
développement cognitif. L'environnement le plus stimulant est celui qui
fournit à la fois des régularités (donc des contraintes)
et des perturbations, introduisant de la souplesse dans les règles de
vie et les habitudes. Une structuration souple de l'environnement familial est
positivement corrélée à la performance créative des
enfants. Les parents choisissant ce type d'école sont conscients que
l'éducation est centrée sur l'enfant, ce qui va permettre de
développer des compétences différentes. Ces parents
pourraient avoir des attitudes différentes dans leurs modes
d'éducations, dans leurs pratiques et leurs activités notamment
artistiques et culturelles avec leurs enfants, ce qui pourrait engendrer un
impact sur les aptitudes graphiques de l'enfant. A l'heure actuelle il existe
peu d'études portant sur ce domaine à l'exception d'une
évaluation menée par Burkitt, Jolley et Rose (2010) ; Burkitt et
Lowry (2015), montrant l'existence d'une influence conjointe de l'environnement
familial, des enseignants et de l'enfant lui-même sur les attitudes et
les pratiques graphiques de l'enfant.
23
En outre, nous avons aussi évalué dans quelle
mesure l'âge des enfants interagit ou non avec le type d'environnement
scolaire sur leurs capacités expressives. Nos résultats indiquent
que les enfants les plus jeunes (6-7 ans) ont un score d'expressivité
plus faible que les enfants les plus âgés (8-9 ans). Cette
évolution croissante des scores d'expressivités est
cohérente avec le développement progressif de la capacité
des enfants à marquer des émotions dans leurs dessins entre 5 et
11 ans (Brechet et al, 2007). En adéquation avec les
résultats de Ives (1984), les enfants utilisent et combinent 3 grandes
stratégies (L-C-A), et aucun n'utilisent les stratégies de
contenus, abstraites, seules et la combinaison contenu-abstraite. Les
enfants les plus jeunes (6-7 ans) représentent les émotions
à travers des stratégies littérales seules et à
partir de 8 ans cette utilisation diminue au profit de l'utilisation de la
combinaison des stratégies LC-LA-LCA. Ces résultats pourraient
être mis en relations avec ceux obtenus par Brechet et al (2007)
montrant que les enfants à partir de 5 ans produisent exclusivement des
indices d'expressions faciales et qu'à partir de 8 ans apparaît
également la production d'indices de postures et de contextes.
CONCLUSION
Cette étude est la première à avoir
évalué les scores d'expressivités et les
stratégies employées par les enfants issus des écoles
Calandretas. Démontrant ainsi la supériorité des
enfants issus des écoles Calandretas sur ceux issus des
pédagogies traditionnelles et ceux des écoles bilingues. Une
des limites de notre étude est le nombre d'école, en effet
il n'y avait qu'une seule école Calandreta et une seule école
Freinet. Or la mise en oeuvre de la pédagogie Freinet diffère
d'un enseignant et d'une école à une autre. Les
écoles Calandretas étant des écoles pratiquant la
pédagogie Freinet/institutionnelle, leurs fonctionnements peut, de se
fait différer d'une école à une autre. À l'avenir
étendre cette étude à d'autres écoles de type
Calandreta permettrait de confirmer nos résultats.
24
BIBLIOGRAPHIE
Adi-Japah, E., Berberich-Artzi, J., & Libnawi, A. (2010).
Cognitive flexibility in drawings of bilingual children. Child Development,
81(5), 1356-1366.
Avanzini, G., & Ferrero, G. (1976-1977). Contribution
à une comparaison entre les techniques Freinet et les méthodes
traditionnelles d'enseignement. Bulletin de Psychologie, 30(10-13),
455-467.
Baldy, R. (2011). Fais-moi un beau dessin, regarder le dessin
de l'enfant, comprendre son évolution. Paris: Editions In Press.
Besancon, M., & Lubart, T. I. (2007). Differences in the
development of creative competencies in children schooled in diverse learning
environments. Learning and Individual Differences, 18, 381-389.
Besançon, M., Zenasni, F., & Lubart, T. I. (2010). Le
haut potentiel créatif. Enfance, 1,. 77-84.
Bialystok, E. (1999). Cognitive complexity and attentional
control in the bilingual mind. Child Development, 70, 636-644.
Brechet, C., Picard, D., & Baldy, R. (2007). Expression des
émotions dans le dessin d'un homme chez l'enfant de 5 à 11
ans. Canadian Journal of Experimental Psychology, 61(2), 142-153.
Burkitt, E., Barrett, M., & Davis, A. (2003). The effect of
affective characterisations on the size of children's drawings. British
Journal of Developmental Psychology, 21, 565-584.
Burkitt, E., Jolley, R., & Rose, S. (2010). The Attitudes and
Practices that Shape Children's Drawing Experience at Home and at
School. International Journal of Art & Design
Education, 29, 257-270.
Burkitt, E. and Lowry, R. (2015), Attitudes and Practices that
Shape Children's Drawing
Behaviour in Mainstream and Performing Arts Schools.
International Journal of Art & Design Education, 34, 25-43.
* Cox, M. V. (1993). Children's drawings of the human
picture. Hove, England: Psychology Press.
25
* Cropley, A. J. (1997). Fostering creativity in the classroom:
general principles. In M. Runco. Handbook of creativity. Cresskill, NJ: Hampton
Press.
Dalgalian, G. (2000). Enfances plurilingues.
Témoignage pour éducation bilingue et plurilingue. Paris:
L'harmattan.
Fardeau, O. (1993). Franco-italian bilingualism in early
childhood and cognitive development. Bilinguisme precoce franco-italien et
developpement cognitif, 7(2), 83-99.
Freinet, C. (1969). La méthode naturelle :
L'apprentissage du dessin. Paris: Delachaux et Niestlé. * Guilford,
J. P. (1950). Creativity. American psychologist, 5(9), 444-454.
Ives, S. W. (1984). The development of expressivity in drawing.
British Journal of Educational Psychology, 54, 152-159.
Jolley, R. P., Fenn, K., & Jones, L. (2004). The development
of children's expressive drawing. British Journal of Developmental
Psychology, 22, 545-567.
* Karmiloff-Smith, A. (1990). Constraints on representational
change: Evidence from children's drawing. Cognition, 34, 57-83.
* Lubart, T. I., & Lautrey, J. (1998). Family environment and
creativity. The XVth biennal meetings of the international society for the
study of behavioral development, Berne, Suisse
Lubart, T. I., Mouchiroud, C., Tordjman, S., & Zenasni, F.
(2003). Psychologie de la créativité. Paris:
A.Collin.
Oury, F., & Vasquez, A. (1967). Vers une pédagogie
institutionnelle. Maspéro. Paris: Matrice éditions.
Petit, J. (2001). L'immersion une révolution.
Broché. Colmar: Jérôme Do Bentzinger.
Picard, D., & Boulhais, M. (2011). Sex differences in
expressive drawing. Personality and Individual Differences., 51,
850-855.
Picard, D., & Vinter, A. (2007). Relationships between
procedural rigidity and
interrepresentational change in children's drawing behavior.
Child development, 78, 522- 541.
Picard, D., Brechet, C., & Baldy, R. (2007). Expressive
strategies in drawing are related to age and topic. Journal of non verbal
behavior, 32, 243-257.
Rose, S.E., Jolley, R.P., & Charman, A. (2011). An
investigation of the expressive and representational drawing development in
National Curriculum, Steiner and Montessori schools. Psychology of
Aesthetics, Creativity and the Arts, 6, 1, 85-93.
Stora, R. (1963). Etude historique sur le dessin comme moyen
d'investigation psychologique. Bulletin de psychologie, 17(2-7),
266-307.
* Thomas, N. G., & Berk, L. E. (1981). Effects of school
environments on the development of young children's creativity. Child
Development, 52(4),1153-1162.
Torrance, E.P (1968) A longitudinal examination of the
fourth-grade slump increativity. Gifted Child quarterly,
12,195-199.
* Torrance, E. P. (1966). The Torrance Tests of Creative
Thinking. N. P. Princeton. Wallon, P., Cambrier, A., & Engelhart, D.
(1990). Le dessin de l'enfant. Paris: Presses
Universitaires de France.
26
"Les références précédées
d'une astérisque signifient des études issues de
méta-analyses".
1
ANNEXES
ANNEXE I
COMPOSANTES DE LA PÉDAGOGIE
INSTITUTIONNELLE.
(Pour référence complète voir le site
de l'ICEM)
Le quoi de Neuf.
Il s'agit du premier temps et lieu de parole de la
semaine. A l'accueil du lundi matin, l'enfant peut, s'il le désire,
raconter quelque chose au groupe (ce qu'il a fait, une nouvelle qu'il a
entendue, etc.). Le quoi de neuf cré un lien avec l'extérieur. Il
a aussi "une fonction de libération et d'entraînement à la
parole".
Le conseil de classe.
Le conseil a lieu à chaque fin de semaine. C'est un
lieu de décision pour l'organisation et la régulation de la vie
du groupe. A partir de l'ordre du jour - demandes, propositions, informations,
critiques et félicitations - chacun a la possibilité de
s'exprimer et participe ainsi à l'organisation de l'école, et
à l'élaboration des règles de vie. Les règles sont
expliquées, discutées puis votées, modifiées ou
même annulées si elles n'ont plus de raison d'être. C'est
surtout un apprentissage à part entière de la citoyenneté
en montrant aux enfants que la loi est objective et que les conflits ne peuvent
être réglés de manière arbitraire, mais par le
respect de lois et de règles écrites et connues de tous
Les ceintures de comportement et de
compétences.
Tous les enfants possèdent une ceinture de
comportement. Cette ceinture est fictive et matérialisée à
la fois par une pastille de couleur plastifiée apposée sur le
tableau de travail qui est affiché dans la classe et par un brevet
obtenu lors de la passation de la ceinture. Les ceintures de comportement
s'appuient sur les ceintures de judo. Plus une ceinture est basse et moins
l'enfant possède de droits. Plus elle est élevée et plus
l'enfant possède de droits. Les sanctions en cas de transgression du
règlement,
2
sont de plus en plus importantes en fonction de la
ceinture. En cas de comportements inappropriés, l'enfant peut subir
temporairement une régression de ceinture, à ce moment-là,
le conseil lui attribue soit : une ceinture dorée (si trop de
perturbations, de provocations, pas ou trop peu de travail. C'est l'autonomie
« zéro » en classe). Soit une ceinture rouge
(élève au comportement dangereux pour lui ou les autres. C'est la
dernière extrémité dans la classe coopérative.
L'élève est seul à une table, ne se déplace plus,
reste près de l'enseignant). L'élève peut demander
à récupérer sa ceinture en en faisant la demande au
conseil, et en expliquant comment il compte faire pour que les choses se
passent mieux.
Les métiers.
Dans la classe, chacun, selon ses capacités, son
comportement, peut avoir un métier, une tâche qu'il exerce
quotidiennement et qui est nécessaire au bon fonctionnement du lieu. Ces
métiers sont institutionnalisés, discutés et
décidés en conseil
.
La monnaie intérieure.
Cette monnaie intérieure est chaque année
choisit par les classes à tour de rôle. Le travail, les
productions de l'enfant sont pour la plupart rémunérées.
Le paiement tient compte du niveau de chacun. Cette monnaie n'aurait aucun sens
si l'enfant n'avait pas la possibilité de la dépenser à sa
guise. Il y a dont un marché, une fois par semaine ou l'enfant pourra
vendre et/ou acheter. Mais il va également payer en fonctions des
infractions aux règles élaborées en commun.
3
ANNEXE II
LES INVARIANTS PÉDAGOGIQUES
de C Freinet en 1964, par Catherine
Chabrun
(Pour lire le texte intégral : Bibliothèque
de l'école moderne n° 25)
Invariant n°1. L'enfant est de
la même nature que l'adulte.
Invariant n° 2. Etre plus
grand ne signifie pas forcément être au-dessus des
autres.
Invariant n° 3. Le
comportement scolaire d'un enfant est fonction de son état
physiologique, organique et constitutionnel.
Invariant n° 4. Nul - l'enfant
pas plus que l'adulte - n'aime être commandé
d'autorité.
Invariant n° 5. Nul n'aime
s'aligner, parce que s'aligner, c'est obéir passivement à
un ordre extérieur.
Invariant n° 6. Nul n'aime se
voir contraint à faire un certain travail, même si ce
travail ne lui déplaît pas
particulièrement. C'est la contrainte qui est paralysante.
Invariant n° 7. Chacun aime
choisir son travail, même si ce choix n'est pas
avantageux.
Invariant n° 8. Nul n'aime
tourner à vide, agir en robot, c'est-à-dire faire des
actes, se plier à des pensées qui sont
inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas.
Invariant n° 9. Il nous faut
motiver le travail.
Invariant n° 10. Plus de
scolastique.
Invariant10 bis. Tout individu veut
réussir. L'échec est inhibiteur, destructeur de
l'élan et de l'enthousiasme.
Invariant10 ter. Ce n'est pas le
jeu qui est naturel à l'enfant, mais le travail.
4
Invariant n° 11. La voie normale de
l'acquisition n'est nullement l'observation,
l'explication et la démonstration, processus essentiel
de l'école, mais le tâtonnement expérimental,
démarche naturelle et universelle.
Invariant n° 12. La
mémoire, dont l'école fait tant de cas, n'est valable et
précieuse
que lorsqu'elle est vraiment au service de la vie.
Invariant n° 13. Les
acquisitions ne se font pas comme l'on croit parfois, par
l'étude
des règles et des lois, mais par l'expérience.
Étudier d'abord ces règles et ces lois, en français, en
art, en mathématiques, en sciences, c'est placer la charrue devant les
boeufs.
Invariant n° 14.
L'intelligence n'est pas, comme l'enseigne la scolastique,
une
faculté spécifique fonctionnant comme en
circuit fermé, indépendamment des autres éléments
vitaux de l'individu.
Invariant n° 15.
L'école ne cultive qu'une forme abstraite
d'intelligence, qui agit,
hors de la réalité vivante, par le truchement
de mots et d'idées fixées par la mémoire.
Invariant n° 16. L'enfant
n'aime pas écouter une leçon ex cathedra.
Invariant n° 17. L'enfant ne
se fatigue pas à faire un travail qui est dans la ligne de
sa vie, qui lui est pour ainsi dire fonctionnel.
Invariant n° 18. Personne, ni
enfant ni adulte, n'aime le contrôle et la sanction qui
sont toujours considérés comme une atteinte
à sa dignité, surtout lorsqu'ils s'exercent en public.
Invariant n° 19. Les notes et
les classements sont toujours une erreur.
Invariant n° 20. Parlez le
moins possible.
Invariant n° 21. L'enfant
n'aime pas le travail de troupeau auquel l'individu doit se
plier comme un robot. Il aime le travail individuel ou le
travail d'équipe au sein d'une communauté
coopérative.
Invariant n° 22. L'ordre et la
discipline sont nécessaires en classe.
Invariant n° 23. Les punitions
sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour
tous et n'aboutissent jamais au but recherché. Elles
sont tout au plus un pis-aller.
5
Invariant n° 24. La vie nouvelle de l'école
suppose la coopération scolaire, c'est-à-
dire la gestion par les usagers, l'éducateur compris,
de la vie et du travail scolaire.
Invariant n° 25. La surcharge
des classes est toujours une erreur pédagogique.
Invariant n° 26. La conception
actuelle des grands ensembles scolaires aboutit à
l'anonymat des maîtres et des élèves;
elle est, de ce fait, toujours une erreur et une entrave.
Invariant n° 27. On
prépare la démocratie de demain par la démocratie à
l'école.
Un régime autoritaire à l'école ne
saurait être formateur de citoyens démocrates.
Invariant n° 28. On ne peut
éduquer que dans la dignité. Respecter les enfants,
ceux-ci devant respecter leurs maîtres est une des
premières conditions de la rénovation de l'école.
Invariant n° 29. L'opposition
de la réaction pédagogique, élément de la
réaction
sociale et politique est aussi un invariant avec lequel nous
aurons, hélas ! A compter sans que nous puissions nous-mêmes
l'éviter ou le corriger.
Invariant n° 30. Il y a un
invariant aussi qui justifie tous nos tâtonnements et
authentifie notre action: c'est l'optimiste espoir en la
vie.
Joie Personnes en plus, mots bulles, bras levés,
accessoires/chapeaux, jeux/jouets,
étoiles, oiseaux, maison, soleil, fleurs, coeur,
papillon cadeaux, arc en ciel.
Tristesse Personnes en plus, mots bulles, mains sur le
visage, bras près du corps,
nuages/pluies, coeur brisé, animal de
compagnie.
Peur Personnes en plus, mots bulles, bras levés, mains
sur le visage/bouche, corps
tremblant/penché, monstre,.
Colère Personnes en plus, mots bulles, mains sur les
hanches, flammes, diable, éclairs,
armes, fumée.
6
ANNEXE III.
CARACTÉRISTIQUES DES INDICES GRAPHIQUES EN
FONCTION DU TYPE DE
STRATÉGIE.
(L) Stratégies Littérales
Joie Bouche convexe.
Tristesse Bouche concave, larmes,
sourcils tombants.
Peur Bouche concave, yeux ronds, larmes,
cheveux hérissés.
Colère Bouche convexe/droite,
dents visibles, sourcils marqués.
(NLC) Non littérales de contenus.
(NLA) Non littérales abstraites.
Joie Augmentation de la taille du personnage de plus de 1/6,
utilisation de plus de 2
couleurs ; par rapport au dessin de
référence.
Tristesse Baisse de la taille du personnage d'au moins 1/6,
utilisation du gris
uniquement, utilisation de moins de 2 couleurs, traits
marqués; par rapport au dessin de référence.
Peur Baisse de la taille du personnage d'au moins 1/6,
utilisation du gris
uniquement, utilisation de moins de 2 couleurs, traits
marqués; par rapport au dessin de référence.
Colère Baisse de la taille du personnage d'au moins
1/6, utilisation du gris
uniquement, utilisation de moins de 2 couleurs, traits
marqués; par rapport au dessin de référence.
7
UFR V - Science du sujet et de la
société. Département de Psychologie Université Paul
Valéry Montpellier III
INFLUENCE CONJOINTE DU BILINGUISME ET DE LA
PÉDAGOGIE ALTERNATIVE SUR LES PRODUCTIONS GRAPHIQUES DES
ENFANTS
RÉSUMÉ
Cette étude est la première à
évaluer l'influence conjointe de la pédagogie alternative et du
bilinguisme sur le score d'expressivité, au travers de l'utilisation des
différentes stratégies expressives employées par les
enfants dans leurs dessins. 235 enfants, issus de 4 écoles
différentes: une école Calandreta (école pratiquant la
pédagogie Freinet/PI associer au bilinguisme précoce), une
école primaire traditionnelle, une école à
pédagogie Freinet, et une école pratiquant l'immersion
linguistique précoce, ont produit un total de 940 dessins. Les
évaluations des dessins ont été faites selon le type de
stratégies employées. Nos résultats indiquent que les
enfants issus de la pédagogie Freinet et ceux issus de l'école
Calandreta ont des scores d'expressivités supérieurs aux enfants
scolarisés en école traditionnelle et bilingue, et combinent plus
les stratégies.
Mots clés : Pédagogies
alternatives : bilinguisme ; stratégies ; dessins expressifs.
JOINT INFLUENCE OF BILINGUALISM AND ALTERNATIVE
PEDAGOGY ON GRAPHIC PRODUCTIONS OF CHILDREN
ABSTRACT
This is the first study to evaluate the combined influence of
alternative education and bilingualism on the score of expressiveness, through
the use of different expressive strategies used by children in their drawings.
235 childrens from four differents schools: a Calandreta (school practicing
Freinet / PI associate with the early bilingualism), a traditional primary
school, a school Freinet pedagogy, and school practicing early language
immersion, have a product total of 940 patterns. Evaluations drawings have been
made according to the type of strategies employed. Our results indicate that
children from the Freinet pedagogy and those from the school Calandreta have
expressivity of higher scores on school in traditional, bilingual school, and
combine more strategies.
Key-words : Alternatives pedagogies ;
bilingualism ; strategies ; drawings
expressives..
|