Section II : Évolution de l'ouverture
commerciale du Burkina Faso
Pour mieux apprécier les tendances à l'ouverture
de l'économie burkinabè, cette section se consacre dans un
premier temps à l'analyse de la politique commerciale et dans un second
temps à l'examen de la dynamique du taux d'ouverture.
Paragraphe I : Politique commerciale du Burkina Faso
Selon le dictionnaire des sciences
économiques14, la politique commerciale désigne
l'action des pouvoirs publics sur les échanges extérieurs du
pays. Il peut s'agir de la mise en place de dispositifs visant à
protéger le marché national de la concurrence extérieure
(le protectionnisme) ou bien au contraire à réduire cette
protection (le libre-échange). Elle peut également consister
à mettre en place une politique industrielle en faveur d'un secteur
d'activités (la politique commerciale stratégique). La politique
commerciale s'inscrit donc dans le cadre général de la politique
économique.
L'analyse de l'évolution de la politique commerciale du
Burkina Faso fait ressortir une caractéristique principale : le passage
d'une politique fortement administrée (19601990) à une politique
libérale à partir de 1991.
Durant la période 1960-1990 le marché
intérieur a été fortement protégé avec
l'institution de licences, de contingentements, de quotas, de distinctions des
origines des produits, etc. Cette politique protectionniste a été
renforcée pour certains produits pendant la période
révolutionnaire. Conformément à la théorie de
l'industrie naissante, l'objectif recherché était de permettre
aux nouvelles entreprises de mieux appréhender le marché
intérieur, de le maitriser afin de mieux intégrer le
marché mondial et être prêtes pour la concurrence
étrangère. La politique commerciale qui prévaut à
cette période s'inscrit dans la stratégie de développement
par substitution aux importations menée en général dans le
monde en développement. Cette politique consiste d'abord à
identifier les besoins essentiels de l'économie nationale ; ensuite il a
été nécessaire de s'assurer de la capacité des
producteurs locaux à prendre le relais ou plus simplement de s'assurer
de la disponibilité des industriels étrangers à fournir
les équipements et l'expertise nécessaire pour développer
une
14 Alain Beitone et al. (2013)
![](Effets-de-l-ouverture-commerciale-sur-la-croissance-economique-du-Burkina-Faso33.png)
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![](Effets-de-l-ouverture-commerciale-sur-la-croissance-economique-du-Burkina-Faso34.png)
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industrie locale. Enfin, il fallait protéger
l'économie pour permettre aux entreprises qui sont dans l'enfance de
grandir et d'impulser la croissance économique.
Ainsi à la fin des années 1980, le Burkina Faso
se singularise par une politique extrêmement protectionniste qui a
même contribué à l'inadaptation des activités
industrielles et artisanales. En effet, à partir de 1973, période
de tensions inflationnistes dues au premier choc pétrolier, les
autorités ont cherché à contrôler les prix à
travers divers instruments (homologation des prix, contrôle des marges
bénéficiaires). L'État a même procédé
directement à des ventes de biens de consommation de masse par le biais
de la Société Voltaïque du Commerce (SOVOLCOM). En mars
1977, une ordonnance prévoit la règlementation étroite et
rigide des prix et des marges pour les produits importés. A partir
d'octobre 1983, les barrières protectionnistes ont été
considérablement renforcées y compris vis-à-vis des
produits originaires de la Communauté Économique des États
de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui ne bénéficiaient quasiment
plus de traitement préférentiel. Des quotas d'importation ont
porté sur de nombreuses productions locales à l'instar des piles,
les pneumatiques, le caoutchouc-mousse, le carrelage etc. Des autorisations
préalables d'importations ont également été
instituées pour les produits de consommation courante et des
autorisations spéciales d'importations (ASI) pour les médicaments
et les produits dangereux. Courant 1986-1987 des dispositions ont
été prises pour interdire l'importation de fruits et
légumes. Ces mesures ont d'ailleurs entrainé la perte d'une bonne
partie de la récolte de karité en raison des rétorsions
des partenaires commerciaux.
A partir des années 1991 suite à la persistance
de la crise financière (crise de la dette) des années 1980, le
Burkina Faso va négocier un programme d'ajustement structurel avec les
institutions de Bretton Woods. Ce programme vise à assainir les finances
publiques, réduire le poids de l'État dans l'économie et
une déréglementation progressive des activités. Le
processus de désengagement de l'État des secteurs productifs et
la privatisation des entreprises publiques et parapubliques ont pour corollaire
la libéralisation commerciale interne et externe. Le cadre des
activités économiques défini par les PAS consiste depuis
1991, à rechercher par le libre arbitrage du marché, une
meilleure allocation des ressources productives. Cela passe pour l'essentiel
par le retour à la vérité des prix, le retour au libre jeu
de la concurrence, la création d'un environnement économique
sain, propice
à la prospérité des activités
économiques. Plusieurs réformes libérales vont être
opérées durant cette période.
A partir de Janvier 1994 avec la création de l'UEMOA,
le Burkina Faso met désormais l'accent sur les politiques de l'Union. La
politique commerciale du pays consistera pour l'essentiel, en la mise en
application de la règlementation de l'UEMOA. A cet effet, un Tarif
Extérieur Commun (TEC)15 a été institué
en 1997 et un code communautaire des douanes en 2001.
Le Burkina Faso intègre l'OMC en 1995 et
réaffirme ainsi sa position en faveur d'une plus grande
libéralisation commerciale. En effet, l'OMC est l'organisation
internationale qui s'occupe des règles régissant le commerce
international entre les pays. Son but est d'aider, par la réduction
d'obstacles au libre-échange, les producteurs de marchandises et de
services, les exportateurs et les importateurs à mener leurs
activités.
L'entrée en vigueur du TEC-CEDEAO et l'imminente
ratification des APE marqueront également des étapes importantes
dans l'histoire de l'ouverture commerciale du pays. En effet, par l'adoption de
ce tarif en 2015, les biens et services pourront circuler librement dans
l'espace commun et les importations en provenance des pays tiers devront
s'affranchir par contre d'un prélèvement douanier uniforme dans
tous les pays membres. La nouvelle problématique que pose les APE pour
le pays est quant à elle, la réciprocité des avantages car
le Burkina Faso bénéficiait depuis le 5 mars 2001 de l'initiative
« tous sauf les armes16 (TSA)».
D'une politique commerciale initialement protectionniste, le
Burkina Faso a basculé dans le libre-échange à partir de
1991. Comment a évolué son taux d'ouverture commerciale
censé capter les effets de ces politiques commerciales ?
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