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Terrorisme et géopolitique en Afrique. Sens et contresens.

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par Sékou COULIBALY
Alassane Ouattara de Côte dà¢â‚¬â„¢Ivoire - Master 2015
  

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III. Des enjeux du terrorisme dans son versant idéologique

Au-delà de toute spéculation autour des violences terroristes, force est de reconnaitre que l'idéologie constitue au terrorisme ce qu'est l'âme au corps humain. Liés, il est impossible pour l'un de survivre sans l'autre. L'idéologie perçue comme l'âme et l'acte terroriste comme le corps, on en vient à la déduction suivante: nulle violence terroriste sans un fond idéologique. Et, dans la majeure partie des cas, parlant de terrorisme aujourd'hui, l'idéologie s'apparente à ce qu'il convient de nommer une guerre de civilisations. Comment expliquer cette lutte entre civilisations ? Mais avant, que faut-il donc entendre par civilisation ? Sans détour, on peut la définir comme l' « ensemble des caractères propres aux sociétés évoluées »99(*), ces caractères étant la technique et la culture. Une telle définition réductionniste de la civilisation au seul lien entre la technique et la culture laisse les pays africains en général, en marge de la civilisation du fait de leur absence sur la sphère technologique.

Il conviendrait, dans ce cas, de redéfinir le mot « civilisation » pour mesurer sa portée sur l'Afrique. En cela, il nous convient, outre l'aspect technique de la civilisation, de la définir comme le caractère de ce qui meuble la vie culturelle et matérielle d'une société humaine donnée. De ce point de vue, là où il y a des humains, on peut sous-tendre à une civilisation en termes de mode de vie. On parlera alors aisément de civilisation africaine, occidentale, arabe ou américaine, chacune ayant ses spécificités. On peut se permettre même d'opposer civilisation à la barbarie si tant est que la violence est l'oeuvre de barbares. Mais comment comprendre le terrorisme en Afrique comme relevant d'une guerre entre civilisations ?

1. Du paradoxe de l'islamisme à la prétention à une Afrique islamisée

L'islam est-il en guerre en Afrique ? Autrement dit, le terroriste en Afrique est-il musulman ? Cela paraît visible. Sinon, comment comprendre que les mouvements terroristes, en Afrique, se proclament défenseurs de la charia ? Mais quelle est cette charia qui, dans son déploiement, semble ignorer les préceptes de l'islam ? Alors qui sont-ils, les terroristes en Afrique et que défendent-ils réellement ? Telles sont les questions que nous traiterons dans la suite de notre étude.

Du terrorisme comme manifestation du fanatisme religieux, on n'en dira jamais assez. Notre souci, c'est de lever toute équivoque sur la notion de terrorisme religieux dans une Afrique culturellement animiste. Car, si le terrorisme est motivé par la croyance religieuse, il ne devrait pas faire de ravages dans un continent qui n'est religieux que par accident, que par emprunt.

Cependant, faut-il croire que le terrorisme en Afrique apparait chichement ? Ou bien faut-il alors croire qu'il est l'oeuvre d'organisations musulmanes ? Cette seconde préoccupation semble plus évidente. Car, tous les attentats récents en Afrique sont revendiqués par des organisations dites islamistes. On se rappellera des différents attentats revendiqués par l'État Islamique, par des filiales d'Al-Qaïda, en occurrence Boko haram et AQMI.

Se proclamant défenseurs de la « théocratie musulmane » détruite par l'Occident »100(*) et soucieux de la préservation de la morale sociale, les combattants pour l'État Islamique s'insurgent contre l'éducation et le mode de vie occidental. À leurs yeux, l'éducation et les cultures occidentales favorisent le « laisser-faire » et le « laisser-aller » qu'impliqueraient les notions de liberté et de démocratie dont « les révolutions française et américaine se sont faites les porte-paroles »101(*).

Pourtant, là où il y a religion, il y a contrainte, il y a « soumission à la volonté de Dieu »102(*). Dans un tel contexte, le terrorisme se dresse contre le concept de « Lumières », entendue comme un élément de l'histoire, le siècle de l'affirmation de la démocratie et de la séparation des pouvoirs politiques et religieux. De là, on peut dire qu'être terroriste, c'est refuser d'avoir « le courage de se servir de son propre entendement »103(*) refusant du reste, les principes de laïcité. C'est, ne pas parvenir à se défaire des lèches du pouvoir religieux dans une société humaine structurée autour de la rationalité. En cela, on pourra lire dans les dialogues respectifs entre Jacques Derrida et, Jürgen Habermas avec Giovanna Borradori les mots suivants :

 L'idéologie explicite des terroristes qui ont commis les attentats du 11 septembre contre les tours jumelles et le Pentagone [on peut le penser pour les terroristes en Afrique] est le rejet d'une modernité et d'une laïcité du type de celle qui, dans la tradition philosophique, est associée au concept des Lumières.104(*)

Cela laisse croire que les laudateurs du terrorisme sont d'une espèce toute autre que l'espèce humaine. Sans pitié ni ressentiments, ils agissent de la façon la plus démesurée. Ils se font craindre et ils sont craints. Ainsi, « pour instaurer la terreur, ces actions sont voulues dures ; pour ne pas dire cruelles »105(*). Cela apparait d'ailleurs à leurs yeux comme signe de victoire. À en croire l'ampleur des dégâts humains causés par les attaques terroristes à travers le monde et la psychose qui s'installe. Doit-on, dans ce contexte, concevoir que l'islam suppose négation des « Lumières » ?

Envisager le contraire, cela reviendrait à nier l'ampleur du slogan des terroristes qui est « Il n'y a de dieu que Allah et Muhamed est son messager »106(*) ou « Allah Akbar »107(*). Cette phrase, prise dans son contexte théologique, amène à ne pouvoir identifier le terroriste que par son appartenance à la religion musulmane. Autant on ne reconnait un moine que par son accoutrement, le terroriste, dans ce cas, n'est reconnaissable que par son témoignage à l'Unité d'Allah et non par l'arme qu'il utilise encore moins par l'ampleur de la terreur qu'il crée.

La traduction de l'extrait d'un document trouvé par le FBI dans les bagages des pirates de l'air du 11 septembre 2001 est révélatrice. On peut lire, tout le long du chapitre consacré à l'interprétation de ce document par Gilles Kepel, les phrases suivantes par lesquelles, l'on est parvenu à motiver les djihadistes de l'attentat du 11 septembre :

Quand tu embarqueras dans (A)108(*), au moment où tu y mets ton pied, avant d'y pénétrer, fais les invocations et les prières, et rappelle-toi bien que c'est une guerre qui est en voie. Et comme il a dit - sur lui la bénédiction et le salut - : « Matin et soir sur la voie d'Allah valent mieux que ce bas monde et tout ce qu'il contient ». Puis occupe-toi de remémorer constamment Allah. Il a dit - qu'il soit exalté - « Ô vous qui croyez, quand vous faites face à une troupe, soyez résolus et remémorez beaucoup Allah - ainsi vous réussirez peut-être »... Alors invoque Allah (...) n'aie pas peur et demande à Allah qu'il te confère le martyre de face et non dans le dos, sois patient, endurant. Ensuite chacun d'entre vous doit se préparer à remplir son rôle de façon qu'Allah en soit content et serrer les dents comme l'ont fait les pieux ancêtres - qu'Allah les ait en Sa miséricorde - avant de s'engager dans la bataille. Au moment du corps à corps, frappe comme les braves qui ne veulent pas retourner en ce bas monde, crie « Allah akbar » car ce cri fait entrer l'effroi dans le coeur des infidèles109(*).

Ce récit laisse clairement percevoir à quel point l'endoctrinement au nom d'Allah et du Prophète est une triste réalité dans le milieu terroriste. L'invocation d'Allah dans le mal en se serrant les dents, c'est-à-dire en agissant sans pitié et sans remords selon ce passage, témoigne de l'adhésion probable du Dieu110(*) musulman au terrorisme sous toutes ses formes. Car, cette incitation à la violence et à la haine, telle que décrite par le passage ci-dessus, n'a nulle autre motivation que l'obtention de l'amitié d'Allah qui se matérialise par l'accession du djihadiste aux « jardins du paradis ornés de leurs plus beaux ornements » avec la présence massive des houris revêtues de leurs plus belles parures, le réclamant en disant : « Viens, ô ami d'Allah »111(*).

C'est dire que la fin du terrorisme est l'islamisation du monde. Et, c'est justement au nom de cette prétendue amitié avec Allah, obtenue en voulant imposer un islam nouveau, que le djihadiste doit trouver satisfaction. En cela, il ne discute pas les ordres des catalyseurs mais les écoute et obéit à ce qui se dit.

Cependant, ce qui se dit, bien que voulant se fonder sur et même par les écrits coraniques ou les propos rapportés du Prophète Muhammad (Mahomet) - sur lui la bénédiction et le salut112(*) - est teinté de fanatisme, de mésinterprétation subjective. C'est dire, que les discours sur des écrits coraniques au sujet du terrorisme, bien que se voulant révélateurs, pourraient prêter à de mauvais commentaires et ne justifier que la position de celui ou celle qui discourt. Sinon, comment Dieu113(*) peut-il, lui-même, être incitateur de la violence ? Dieu a-t-il vraiment besoin que des individus « égarés » se battent pour lui ou même en son nom ? N'est-ce pas qu'au fond se cache une réalité toute autre?

Pourtant, à en croire à Jean Fleury, le but de tout mouvement terroriste est l'application de la charia114(*). Et cela, il le démontre bien à travers l'occupation de certaines zones maliennes par des acteurs terroristes d'Aqmi et d'Ansar ed-Dine. Pour Fleury, en effet, après avoir pris possession des villes de Tombouctou, de Gao, de Kidal, « la charia est immédiatement imposée »115(*). Ainsi, l'enjeu des terroristes islamistes reste la promotion de la charia.

Mais quelle est cette charia qui appelle à la haine, au massacre, au vol et au viol ? Quelle est cette drôle d'organisation dite islamique qui détruit les lieux de culte, les mosquées, les médersas ? D'ailleurs, et si le terrorisme n'avait pas de chose en commun avec l'islam ? Et si au fond, les commanditaires terroristes ne cherchaient qu'à se faire des alliés, à toucher les coeurs des « chevaux de Dieu », des «fou[x] d'Allah »116(*) afin de les dresser contre la paix sociale ?

À scruter de près, Islam et terrorisme sont diamétralement opposés. On demandera alors pourquoi même au Moyen-âge, il y eut des combats qui opposaient musulmans et non musulmans appelés « jihad » ou guerre sainte. La réponse est toute simple : le jihad sous sa forme médiévale, mené par le Prophète de l'Islam et ses compagnons, visait l'instauration d'une certaine justice sociale telle que la liberté de culte notamment. Cependant, ce combat dont on a tendance à confondre aujourd'hui au terrorisme, le « jihad », n'est plus de notre temps. L'adhésion à l'islam n'est plus comme dans les premières heures de son apparition. Les dogmes, suivre sans questionner, écouter sans comprendre et agir pour obtenir l'amitié d'Allah semblent alors avoir un autre sens aujourd'hui. On pourrait même croire que le siècle des Lumières, si cher aux Occidentaux, peu ou prou, est impulsé par le Coran sans que cela ne paraisse comme l'éloge de cet écrit canonique. Les versets coraniques ci-après sont révélateurs: « Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez. Et vous n'êtes pas adorateur de ce que j'adore. A vous votre religion, et à moi ma religion » (109 :4-6).117(*)

À travers ces versets de la sourate 109 du Coran parmi tant d'autres, il apparait clairement que l'Islam est pour la liberté de culte, la liberté de croyance etcette différence de foi, ne devait pas susciter de problème majeur encore moins susciter le terrorisme. Le terrorisme est une action condamnée par l'Islam. « C'est pourquoi, Nous avons prescrit que quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une corruption sur terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes » (5 : 32).Combien sont-ils, pourtant, les victimes des agis terroristes ? Indénombrables ! Faut-il alors croire que l'acteur terroriste est musulman ? Cela parait difficile à le prouver.

Comment, à partir de là, comprendre le fait, par un individu se réclamant de la religion musulmane, de tuer à démesure des innocents ?Cela ne demande-t-il pas, de prime à bord, à distinguer le jihad du terrorisme aujourd'hui si tant est que l'acte terroriste consisteà tuer, à ne massacrer rien que pour tenir en alerte l'opinion publique d'éventuel acte similaire ?Car, en effet, le jihad, entermes de guerre autorisée en islam, ou comme la permission aux musulmans de faire la guerre au moyen-âge, de répondre à l'attaque, semble ne s'insurger que contre les injustices avérées. Et ce, dans le strict respect des droits que l'islam reconnait à l'homme ; notamment le droit à la vie. Le terrorisme peut donc sembler avoir sa justification loin de l'islam.

Ne faut-il pas croire qu'au fond, le terrorisme relève d'un abus discriminatoire tendant à discréditer l'opinion islamique ? N'est-ce pas le terrorisme, le fondement d'une guerre de civilisation ?

* 99 Didier JULIA, Dictionnaire de la philosophie, Madrid, Larousse, 2011, p. 44.

* 100 Mohammed HANIF, Journal d'un Moudjahid de l'État Islamique, Penser le radicalisme dans le monde actuel, Québec, Différence pérenne, 2015, p. 10. Telle que décrite dans cet ouvrage, il s'agit pour la Oumma musulmane, le monde musulman, de se repositionner dans un monde sous forte influence des vainqueurs de la seconde guerre mondiale, qui tendent à bouleverser l'ordre de toutes les autres sociétés vers la démocratie. « L'Islam doit réagir aux extrémismes vécus quotidiennement de par le monde », conclura Hanif.

* 101 Jacques DERRIDA et Jürgen HABERMAS, op. cit., p. 38.

* 102 Mohammed HANIF, op.cit., p. 11. L'Islam signifie littéralement soumission.

* 103 La réponse de Kant à la question : Qu'est-ce que les Lumières ?

* 104Jacques DERRIDA, Jürgen HABERMAS, op.cit., Paris, Galilée, 2004, pp.37-38.

* 105 Mohammad HANIF, op.cit., p. 11.

* 106 La calmatchaada, la profession de foi musulmane. Elle est la « clé » d'entrer dans la religion musulmane, celle du paradis. Cependant, son mérité ne réside pas dans sa prononciation sinon dans la foi qui accompagne ce geste. Selon les écrits coraniques, quiconque prononce la calmatchaada « La illahaillalaMuhamad rasulula » comme son dernier témoignage, est éligible pour le Paradis.

* 107 Allah est Grand.

* 108 Avion. En arabe (T), initiale, selon toute vraisemblance, de « ta'ira » selon Gilles KEPEL.

* 109 Gilles KEPEL, op. cit., Paris, Gallimard, 2003, pp. 719-720.

* 110 Comment comprendre cela si selon Mohammed HANIF dans son Journal d'un Moudjahid de l'État Islamique, « l'Islam émane du même Dieu que celui décrit par le Torah et la Bible » ?

* 111 Giles KEPEL, op.cit., p. 720.

* 112 Eulogie du Prophète Mahomet

* 113 Qu'il s'agisse du Dieu chrétien ou musulman.

* 114 Lois, commandements islamiques qui régissent la vie religieuse, politique et sociale dans certains États musulmans.

* 115 Jean FLEURY, La France en guerre au Mali, Les combats d'AQMI et la révolte des Touareg, op.cit., p.99.

* 116 Selon les mots d'Atmane TAZAGHART dans, AQMI, Enquête sur les héritiers de Ben Laden au Maghreb et en Europe, op.cit.

* 117 Essai de Traduction du Coran avec la Translittération phonétique en caractère latins, Traduit et revu par Ahmad Harakat, Marseille - France, Dar El-Fikr, Sourate 109, « Les infidèles » Pré-hégirien, 6 versets.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle