CONCLUSION PARTIELLE
Le second chapitre a été consacré
à une étude jurisprudentielle des décisions dans
lesquelles les TPI et la CPI ont eu à faire face à des
circonstances atténuantes. Ainsi tant les Statuts du TPI (TPIY et TPI)
et de la CPI ainsi que leurs RPP soulignent la possibilité pour le juge
pénal international de tenir compte des circonstances
particulières qui ont entouré la perpétration des crimes.
Il s'agit soit des circonstances aggravantes, soit des circonstances
atténuantes. Dans toutes les affaires examinées, le juge a admis
des circonstances atténuantes telles que la coopération avec la
Cour/le Bureau du Procureur, le jeune âge,...L'admission ou non de ces
circonstances était le génie d'un pouvoir discrétionnaire
passant par la pleine souveraineté dans le pouvoir
d'appréciation.
Pour préserver le souci de la lutte contre
l'impunité dans lequel s'inscrivent ces juridictions, il importe de
réviser les Statuts et les RPP de ces juridictions pour y inscrire, de
façon limitative, les seules circonstances atténuantes
admissibles.
CONCLUSION GENERALE
« Les circonstances atténuantes dans la
jurisprudence des juridictions pénales internationales (TPI et
CPI) », voilà une construction sémantique que nous
nous sommes permis d'étudier pour préciser d'une part le sens des
juridictions pénales internationales et, d'autre part les applications
dont le juge international a déjà faites des circonstances
atténuantes. Pour sa réalisation, l'élan de
décollage s'est inspiré de la problématique cherchant
à savoir, partant de la monographie juridique des JPI, si les auteurs
des crimes internationaux peuvent bénéficier des circonstances
atténuantes au moment de leur condamnation et quelle en serait la
base.
Y cherchant réponse, nous avons formulé les
hypothèses selon lesquelles les juridictions pénales
internationales sont celles qui ont été créées pour
connaitre des crimes graves aux droits de l'homme et au droit international
humanitaire. Les auteurs des crimes internationaux ne
bénéficieraient des circonstances atténuantes que sous les
conditions prévues soit par le Statut de Rome de la CPI, soit par les
Statuts du TPIR et du TPIY ainsi que leurs Règlements de Preuve et de
Procédure.
Pour vérifier nos hypothèses, nous avons
subdivisé le travail en deux chapitres.
Dans le premier chapitre, il a été question de
faire une monographie juridique des juridictions pénales internationales
en examinant les juridictions dites des vainqueurs (section I), les
juridictions pénales ad hoc (section II) pour chuter par
l'étude monographique de la CPI (section III).
A titre de résultat à ce stade, nous concluons
que les juridictions pénales internationales sont donc celles qui ont
été mises sur pied afin de sanctionner les auteurs des violations
graves au droit international humanitaire et aux droits de l'homme qui se sont
commises dans certains Etats. Elles ont eu comme précurseurs les
tribunaux militaires internationaux de Tokyo et de Nuremberg qui,
malheureusement, ont été critiqués en tant que
juridictions des vainqueurs. Si l'on prend soin d'analyser les soubassements du
TMIN, il apparaît vite que l'oeuvre de Nuremberg, sous l'inclinaison que
lui avaient donnée les politiques, n'a pas eu exactement sa
portée. Dès lors, l'action répressive envisagée
accusait un gauchissement certain par rapport à la primauté du
droit qui semble être son pur et unique objectif. En ce qui concerne le
tribunal de Tokyo, il fut créé par un ordre militaire du
commandant en chef des forces alliées à l'extrême Orient.
Quant au tribunal de Nuremberg, celui-ci fut établi par un traité
international négocié par les quatre grands alliés, auquel
ont adhéré par la suite dix-neuf autres pays. Nonobstant cela,
ces deux tribunaux ont le mérite d'avoir été les
premières juridictions pénales internationales ad hoc.
Après s'en est suivi la création du TPIY et du TPIR
chargés successivement de réprimer les graves violations du DIH
et des droits de l'homme qui ont été commis sur le territoire de
l'ex-Yougoslavie et du Rwanda. Les TPIY et TPIR ne sont pas exempts de
critiques car, se rapportant à des réalités politiques et
géographiquement déterminées ont été
créés après la commission des crimes qu'ils devraient
juger, d'une part et il faut reconnaitre à leur égard un
remarquable élargissement du jus puniendi par rapport aux
tribunaux organisés après les deux guerres mondiales, d'autre
part. Ces juridictions ont, au-delà de tout doute raisonnable,
affirmé que les individus pouvaient aussi relever de la
compétence des juridictions internationales. En sus, dans un souci de
pérenniser la lutte contre l'impunité des crimes internationaux
et au regard des limites des tribunaux pénaux internationaux ad
hoc, la nécessité de mettre sur pied une juridiction
permanente s'est imposée. Cela a conduit à la création de
la CPI qui, du reste, est complémentaire à la justice nationale
des Etats.
Quant au second chapitre, il a été
constitué par les réponses à notre deuxième
question de recherche en se focalisant sur l'analyse des circonstances
atténuantes dans la jurisprudence des juridictions pénales
internationales. Outre la théorie générale sur les
circonstances atténuantes (section I), nous avons analysé les
affaires (Section II) ainsi classées :
· Pour le TPIY, ont été
analysées : l'affaire Procureur c/ Erdemovic et l'affaire
Procureur c/ Anto Furundzija ;
· S'agissant du TPIR, une étude minutieuse a
été consacrée aux affaires Procureur c/ Georges
Ruggiu et Procureur c/ Jean Kambanda.
· Enfin, nous avons décortiqué l'affaire
Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo et l'affaire Procureur c. Germain KATANGA,
s'agissant du travail déjà abattu par la CPI.
Au regard de la jurisprudence du TPIR, les motifs le plus
fréquemment invoqués pour accorder bénéfice des
circonstances atténuantes restent la collaboration avec la justice, sous
forme d'aveux et de témoignages, en ayant aidé la justice,
facilité les enquêtes et accéléré les
procédures (TPIR, Aff Procureur c/ Jean Kambanda). Le fait
d'avoir sauvé certaines victimes d'autres crimes, le repentir (ou les
remords exprimés) envers les victimes (TPIR, Aff Procureur c/
Ntakirutimana), l'état de santé défaillant et
l'absence d'antécédents (TPIR, Procureur c/ Georges
Ruggiu) ont été reconnus comme autant de circonstances
atténuantes par le TPIR. Dans l'affaire Procureur c/ Drazen
Erdemovic, le TPIY distingue deux catégories de circonstances
atténuantes : celles contemporaines à l'accomplissement du
fait criminel (l'état d'incapacité mentale, la
nécessité dans laquelle se trouvait D. Erdemovic, la contrainte,
son niveau dans la hiérarchie militaire) et les circonstances
atténuantes postérieures à la commission des faits (les
remords, la coopération avec le Bureau du Procureur et l'aveu de la
culpabilité).
Cependant, nous déplorons le fait que les
circonstances atténuantes sont retenues/admises de manière
parfois légère pour des crimes aussi odieux que les crimes
internationaux. Si l'on admet que l'accord par les juges du
bénéfice des circonstances atténuantes aux prévenus
en raison de leur collaboration avec la justice (en vue de faire avancer des
enquêtes souvent difficiles) ou à la réparation des
dommages causés aux victimes, nous sommes surpris de voir admise la
situation familiale du condamné ou son inexpérience du
commandement comme circonstances atténuantes suite à des tels
crimes.
Les décisions déjà rendues par la CPI
nous renseignent à titre des circonstances atténuantes:
l'exception d'état de nécessité, mobiles pacifiques et
ordres de démobilisation et la coopération avec la Cour (Affaire
Procureur c. Thomas LUBANGA). En sus, elles nous renseignent sur l'âge du
condamné, sa situation familiale ainsi que le rôle joué
dans le processus de désarmement et de démobilisation (affaire
Procureur c. Germain KATANGA).
Toutes ces circonstances atténuantes admises tant
devant la CPI que devant les TPI se fondent successivement sur l'article 78 du
Statut de la CPI et l'article 145 2.a) du RPP de la CPI ; les articles 24
2) du Statut et 62bis du RPP du TPIY ; ainsi que l'article 23 2)
du Statut du TPIR. Toutes ces dispositions ont en commun le fait que le juge,
en fixant la peine doit tenir compte de la gravité du crime et de la
situation personnelle du condamné, notamment les circonstances
atténuantes. C'est donc sur cette base, en utilisation de son pouvoir
discrétionnaire d'appréciation, que le juge pénal
international admet ou non les circonstances atténuantes.
En somme, il est vrai que dans certaines affaires (cas de
l'affaire Procureur c/ Jean Kambanda devant le TPIR) les juges ont eu
à écarter les circonstances atténuantes en arguant que
« les circonstances aggravantes (tel que la gravité du crime)
qui entourent la commission des crimes l'emportent largement sur les
circonstances atténuantes (...) ». Conséquence, elles
en annihilent le bénéfice au profit du condamné. Ce
changement d'attitude par le juge pénal international démontre,
et soutient, à suffisance le risque pour le juge de se servir de ces
circonstances atténuantes pour consacrer une forme
« d'impunité ». Enfin, eu égard à
cette crainte, nous recommandons la révision tant des Statuts des TPI
ainsi que leurs RPP que du Statut de la CPI et son RPP pour y intégrer
les seules circonstances atténuantes que les juges pourraient admettre.
Tout cela dans le strict respect des droits de la défense et à un
procès équitable. N'en déplaise à ceux qui
soutiennent, de façon principiale, que les circonstances
atténuantes sont judiciaires, surtout, facultatives et qu'elles ne sont
pas légales.
En péroraison, notre thématique rentrant dans
un champ très complexe et vaste, nous ne pensons pas en avoir
épuisé la substance. De ce fait, nous nous laissons sous la
sagesse des autres chercheurs qui voudront bien faire leurs nos conclusions,
les corroborer et, pourquoi ne pas les contredire.
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