Les fonctions sociales de la littérature dans l'oeuvre de Simplice Ilunga Monga( Télécharger le fichier original )par Guy KEBA GUMBA Université de Lubumbashi - DEA 2016 |
I.1.1.1.4. QUE RETENIR ?A la fin de ce survol, nous pouvons retenir, à la suite de Maurice AmuriMpala-Lutebele1(*), que la littérature est la transformation du fait social en fait littéraire. Cette définition courte et claire résumé une conception de la littérature prenant en compte la trilogie écrivain-texte-lecteur. La prise en compte de cette trilogie débouche sur les prescriptions suivantes résumées par Sartre dans son essaie susmentionné : 1. D'abord recenser les lecteurs virtuels, c'est-à-dire les catégories sociales qui ne nous lisent pas mais qui peuvent lire. 2. Après avoir cerné un public possible, il faut se demander comment faire de lui des lecteurs en puissance, c'est-à-dire de vrais lecteurs, caractérisés par leur liberté, et qui s'engageraient comme l'écrivain le fait. Le but serait d'arriver à un point où le public ait besoin de lire et où l'écrivain serait alors indispensable. « Alors l'écrivain se lancera dans l'inconnu » : il va parler à des gens à qui il n'a jamais parlé et refléter leur souci ; 3. Une fois que l'écrivain aura regagné un public, c'est-à-dire une unité organique de lecteurs, d'auditeurs et de spectateurs, il faut passer à l'étape suivante, c'est-à-dire à celle de transformation des hommes et du monde. Les lecteurs ont aujourd'hui une connaissance de l'être humain comme exemplaires singuliers de l'humanité, ils doivent accéder à un « pressentiment de leur présence charnelle au milieu de ce monde-ci ». Les lecteurs ont ce que l'on peut appeler une bonne volonté abstraite, ils doivent la concrétiser afin que celle-ci s'historialise et se transforme en revendications matérielles. Le public est double : le premier épuise sa bonne volonté dans des rapports de personne à personne sans visée globale ; le deuxième, parce qu'il appartient aux classes opprimées, tente d'obtenir par tous les moyens une amélioration matérielle de son sort. L'enseignement n'est pas le même pour les deux : aux premiers, il faut apprendre que le règne des fins ne peut se réaliser sans Révolution et aux autres que la révolution n'est concevable que si elle prépare le règne des fins. C'est à partir de cette tension que se réalisera l'unité du public. Car si la bourgeoisie ne se préoccupe pas du prolétariat, l'écrivain, lui, est pleinement conscient de son appartenance à la condition humaine et donc à ces deux groupes. Certes, l'écrivain pourrait tendre à une littérature pure, mais alors, il s'éloignerait du prolétariat et reviendrait à une littérature entièrement bourgeoise. Inversement, il pourrait également renier ses valeurs bourgeoises, mais alors son projet d'écrire serait entièrement discrédité. Il n'a d'autre choix que de surmonter l'opposition et la littérature dit que c'est possible, puisque la littérature est liberté totale, une liberté qui doit se manifester chaque jour. Après avoir indiqué la route à suivre pour tout écrivain de son époque, Sartre précise encore les deux aspects sous lesquels doit se présenter un ouvrage littéraire : celui de la négativité et celui de la construction. La négativité, tout d'abord, implique une analyse approfondie de chaque notion afin de distinguer ce qui lui revient en propre et ce qui a été ajouté par l'oppresseur. Dans ce domaine, c'est surtout un travail sur le langage qu'il faut entreprendre. « La fonction de l'écrivain est d'appeler un chat un chat. Si les mots sont malades, c'est à nous de les guérir » . C'est une opération critique qui demande l'engagement de l'homme tout entier. Cependant, la critique ne suffit pas. On ne se bat plus contre une seule idéologie, comme c'était le cas en 1750, mais on est pris entre de multiples idéologies. Voilà pourquoi il faut ajouter l'idée de la construction, ce qui ne veut pas dire, précise Sartre, qu'il faille créer une nouvelle idéologie. En effet, à chaque époque, c'est la littérature tout entière qui est l'idéologie et cela parce qu'elle constitue la totalité synthétique et souvent contradictoire de tout ce que l'époque a pu produire. Le temps n'est plus à la narration ou à l'explication, mais à une perception qui soit en même temps action puisqu'elle révèle aux gens ce qu'est le monde et le pousse à le changer, comme nous l'avons vu au premier chapitre : « L'homme est à inventer chaque jour ». En résumé, nous dit Sartre, la littérature d'aujourd'hui doit être problématique et morale - morale, souligne notre auteur, non pas moralisatrice. La littérature doit montrer que l'homme est valeur et que les questions qu'il se pose sont toujours morales. Et Sartre de conclure : « Bien sûr, le monde peut se passer de la littérature. Mais il peut se passer de l'homme encore mieux ». En somme, il se construit volontairement ou non, directement ou non, consciemment ou non une relation entre un écrivain et son lecteur via le texte. Une fois que l'écrivain appris conscience de son rôle et du rapport le liant au lecteur, ses stratégies narratives ne sont plus le fait du hasard et les attentes légitimes du public découlant de ce rapport peuvent alors s'appréhender comme le pathos d'un groupe hétérogène criant à l'écrivain : · Consolez-moi; · Amusez-moi; · Attristez-moi; · Attendrissez-moi; · Faites-moi rêver; · Faites-moi rire; · Faites-moi frémir; · Faites-moi pleurer; · Faites-moi penser. Seuls, quelques esprits d'élite demandent à
l'artiste: Faites-moi quelque chose de beau, dans la forme qui vous conviendra
le mieux, suivant votre tempérament. L'artiste essaie, réussit ou
échoue. GuyDe Maupassant sous son pseudonyme de
Chaudrons-du-diable, qu'il utilisa pour signer en 1880 la chronique Etretat
dans la revue Gil Blas, évoque les différentes
revendications du lecteur mais surtout, le pacte implicite tissé entre
ce dernier et l'écrivain: « Quelle fonction l'un et
l'autre attribuent-ils à l'oeuvre ?Quels sont les enjeux de
l'écriture, mais aussi de la lecture ? * 1AmuriMpala-Lutebele, M., Cours de Littérature Française du XXème siècle, UNILU, 1997- 1998, inédit. |
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