La médiatisation de la "question anglophone" par les journaux camerounais pendant le cinquantenaire de la réunification( Télécharger le fichier original )par Vireil Renaud EBOTO Université de Douala - master 2 en communication sociale et médiatique 2016 |
B- REPLI IDENTITAIRE :Stephano Bartolini sur la question de la formation des clivages estime que : « la structuration des clivages pourrait résulter d'un processus historique spécifique qui prend place uniquement au sein du type d'arène d'autorité qu'est l'État «national», «démocratique» territorialement et économiquement fermé » 48 . Toutes les conditions d'un clivage francophone/anglophone sont réunies au Cameroun selon Aboya Manassé Endong qui a écrit en 2002 dans le journal Le monde diplomatique : « le Cameroun est un des principaux partenaires de la « Françafrique ». Bien que potentiellement riche, et faisant partie des Etats dits « à revenus intermédiaires », le pays est en crise, son économie en panne, ses élites sont défaites. Le président Paul Biya, qui vient de fêter ses vingt ans au pouvoir, voit son autorité contestée. En effet, la question anglophone demeure une épine dans un système politique verrouillé, où une opposition bridée et des sensibilités nouvelles, tentent de se ménager un espace... »49. Les sociétés clivées ont ceci de particulier qu'elles aboutissent à des replis identitaires. Pour Luc Sindjoun : « L'ethnie et la région apparaissent comme des lieux de prise de parole sur la réforme constitutionnelle. En fait, le débat national apparaît comme un "moment critique" dans le cadre duquel la marque ethno-régionale donne droit à l'accès dans le champ politique. C'est par rapport à l'Etat à travers le "large débat national" que les identités ethno-régionales se cristallisent, se construisent...Le quotidien gouvernemental, dont la consultation s'inscrit dans la perspective de la prise au sérieux des "opinions publiées" , présente les positions des "populations du sud"50, de "la population de la Menoua"51, des "Populations du Mbam et 46 The Post, N°01506, du 21 février 2014 47Traduction : « le problème de l'anglophone c'est l'anglophone. Ça c'est le premier problème. Les anglophones mériteraient d'avoir une place de choix dans la société, mais ils ont opté pour jouer le second rôle. » 48Bartolini S, la formation des clivages, Revue internationale de politique comparée, De Boeck, page 14 49Aboya Manassé Endong, Menaces sécessionnistes sur l'Etat camerounais, Le monde diplomatique, (2002) 50Cameroon Tribune, N° 5389, du 3 Juin 1993, p. 3 35 La médiatisation de la « question anglophone » dans les journaux camerounais pendant la célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun. Inoubou et du Mbam et Kim"Ç des "Elites de la Mefou Afamba"52, du "roi des Bamoun", des "Elites de la province de l'Est"53, des "élites du Littoral"54etc. »55 En nous référant à ce propos, l'accès au champ politique au Cameroun est subordonné à la constitution en groupe identitaire pour la revendication d'une cause supposée commune. C'est dans cette optique que les « anglophones » qui ont pourtant des ethnies bien distinctes : Bakweri, Bayangui etc. et des Régions différentes : Nord-Ouest et Sud-Ouest se sont regroupés au sein du vocable « anglophone » pour constituer un lobby ethnolinguistique fort issu du clivage Francophone/anglophone qui existe dans le pays. D'ailleurs la presse camerounaise relève à juste titre que l'on assiste depuis quelque temps à un repli identitaire ethno-tribal déguisé sous des formes culturelles avec des festivals comme le ngùon chez les Bamoun, le Ngondo chez les Duala, le Mbog lia'a chez les Bassa, la fête du coq chez les Toupouri etc. Ce retour aux sources est l'émanation d'un certain agenda caché selon les médias, visant à faire entendre le moment venu une voix qui aurait du poids et permettrait de faire peser sur la balance des revendications politiques. En définitive, la « question anglophone » remonte à l'année 1916 avec le partage du Cameroun en deux par les colons français et anglais. L'unification en 1961 et la réunification de 1972 n'ayant pas satisfait l'une des parties, la partie anglophone, elle se sent lésée jusqu'aujourd'hui. En ce qui concerne la montée des revendications identitaires, elle s'est opérée au début des années 90 avec des groupes irrédentistes tels que le SCNC ou la SCAPO. De nos jours, avec les mutations et les unions civiles qu'a connues la société camerounaise, la « question anglophone » ne se pose en termes de sécession, mais en termes de revendications politiques et de repli identitaire. Toutefois, la célébration du cinquantenaire de la réunification qui a eu lieu en février 2014 dans la ville historique de Buéa a permis de jeter un pavé dans la marre, bien que la question demeure toujours lancinante dans les esprits et dans les agendas des conférences de rédactions. 51Cameroon Tribune, N° 5389, du 3 Juin 1993, p. 4 52Cameroon Tribune, N° 5394, du 10 Juin 1993, pp. 2 - 3 53Cameroon Tribune, N° 5388, du 2 Juin 1993, p. 3 54Cameroon Tribune, N° 5365, du 27 Avril 1993 55Sindjoun L, « Identité nationale et révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 : comment constitutionnalise- t-on le nous au Cameroun dans l'Etat post-unitaire ? » Page 4 CHAPITRE II : LE CINQUANTENAIRE DE LA 36 La médiatisation de la « question anglophone » dans les journaux camerounais pendant la célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun. 37 La médiatisation de la « question anglophone » dans les journaux camerounais pendant la célébration du cinquantenaire de la réunification du Cameroun. La célébration du cinquantenaire de la réunification en février 2014 est le point de départ de notre recherche sur la médiatisation de la « question anglophone ». Une cérémonie qui a commémorée le désir de vivre ensemble scellé en 1961 et renouvelé en 1972 par les francophones et les anglophones. Un moment hautement historique qui a eu lieu dans la ville de Buéa elle aussi riche en histoire. Une occasion idoine de balayer les bavures du passé, de réconcilier la République du Cameroun avec son histoire, avec ses martyres, avec ses héros et avec ses vieux démons notamment celui de la division. Toutefois, cinquante années passées auraient logiquement dû nous conduire à l'organisation de ces festivités évocatoires au plus tard en 2011. Un retard de trois ans a de ce fait été observé et la « question anglophone » subsiste dans les médias camerounais. Peut-on parler d'une occasion manquée ? D'un évènement à rééditer ? À mieux penser ? L'intérêt de ce chapitre porte sur la compréhension du déroulement du cinquantenaire de la réunification et de sa symbolique pour mieux appréhender la résurgence de ces revendications ethnolinguistiques dans les journaux camerounais. |
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