III. Discussion des premières pistes de
réflexion, difficultés rencontrées et perspectives
Tout d'abord, si ce travail de mémoire est rendu
très intéressant par le fait qu'il a débuté en
même temps que les premières réflexions à Rennes,
cela peut également être perçu comme une contrainte. En
effet, un certain temps fut nécessaire pour solliciter les
différents services, leur expliquer le cadre des réflexions
menées, leurs objectifs et finalement aboutir à la constitution
de groupes de travail.
D'une manière générale, on constate qu'il
y a un réel besoin de retourner à des règles simples,
compréhensibles de tous et notamment des usagers. Jusqu'à
présent, ce n'était pas forcément le cas, avec un
règlement contenant une multitude de normes et de dispositions
écrites en langage juridique parfois peu compréhensible.
A côté de cela, plusieurs difficultés
subsistent au cours des réflexions menées. Dans un premier temps,
on pourrait se demander s'il est nécessaire de refonder de nouvelles
règles, ou « simplement » d'adapter celles existantes. Cette
question se pose dans le cadre de l'ambition affichée par la mise en
place d'un coefficient de biotope « unique », qui paraît pour
le moment trop « novatrice » et qui pourrait ne pas être
validée par les élus de Rennes Métropole. Il semble encore
nécessaire de laisser du temps à la collectivité pour
notamment faire les études complémentaires qui permettront de
mieux cadrer les prochaines mesures réglementaires. On constate aussi
une certaine peur de repartir d'une « feuille blanche » pour repenser
de nouvelles pratiques.
Il est encore compliqué de faire accepter la
présence du « vert » à certains habitants. D'une part,
par la gêne qui peut être occasionnée, notamment pour les
arbres à proximité directe du bâti.
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En effet, on dénombre chaque année une
importante demande d'abatage d'arbres. D'autre part, par l'effet de
désordre, voire même de « sale » que peut renvoyer une
végétation faiblement contrôlée ou la
présence d'eau sur l'espace public. Même si ces aspects ne sont
pas partagés par l'ensemble de la population, il subsiste notamment des
inquiétudes de la part de certaines personnes de voir revenir l'eau en
surface. Ces premières observations démontrent le travail qui
reste à réaliser pour sensibiliser le grand public à la
présence d'eau et de végétation en zone urbaine, mais
également au rôle qu'elle peut jouer pour le confort et le
bien-être des citoyens. Il semble donc nécessaire de renforcer la
communication sur ces différents aspects, notamment par
l'intermédiaire de plaquettes pédagogiques. Par ailleurs, il
semble tout aussi important de responsabiliser le citoyen par rapport à
son lieu de vie et lui permettre de s'y investir, tout en laissant la
collectivité en définir le cadre.
On remarque également certaines stratégies
territoriales qui peuvent paraître paradoxales. Par exemple, dans la
volonté de limiter la consommation d'espace en densifiant et en
surélevant les constructions, ce qui contribue à renforcer l'ICU,
phénomène qui est une des préoccupations majeures des
stratégies d'adaptation sur le territoire. Ces contradictions expriment
clairement le fait que la gestion menée par la collectivité ne
peut pas être optimale sur toutes les thématiques, notamment sur
l'aspect développement économique et lutte contre les GES et
l'ICU. Il faut donc accepter le fait qu'on ne peut pas être « bon
» sur toutes les problématiques et qu'il faudra faire des compromis
selon les projets ou selon les priorités. Ce type de démarche
nécessite en revanche l'appui politique, étant donné qu'il
est généralement mal perçu d'avoir un tel discours au sein
des services techniques.
Depuis quelques années, la baisse des finances
publiques contraint de manière importante la gestion des
collectivités, notamment concernant celle des espaces verts. En effet,
la capacité à faire est de plus en plus limitée, notamment
pour l'entretien des espaces verts. D'un autre côté, cet entretien
reste relativement coûteux, en raison de la main d'oeuvre
nécessaire, mais aussi des moyens techniques. Il y a donc une
nécessité de trouver un équilibre entre
intérêt écologique/esthétique et coût de
réalisation/entretien.
Concernant la mise en place potentielle d'un coefficient de
biotope, il subsiste un certain nombre d'interrogations. Avant toute chose, on
pourrait se demander si le nom de « coefficient de biotope » est
adapté concernant les objectifs qui sont majoritairement liés
à la gestion de l'eau. Cela rend également compte de la
difficulté qui existe à intégrer tous les enjeux en un
outil synthétique. De plus, il n'existe pas encore de retours
d'expériences solides sur la mise en place d'un tel dispositif. Il est
donc très difficile de savoir sur quel exemple s'appuyer pour ensuite
construire sa propre réflexion. En effet, la quasi-totalité des
communes interrogées dans le cadre de ce travail viennent à peine
de mettre en place leur nouvelle réglementation et il leur est donc
encore impossible de tirer des conclusions. Seule Paris, qui a instauré
son coefficient de végétalisation en 2006, dispose de quelques
éléments de réflexions supplémentaires. La
révision de leur PLU étant engagée actuellement, la
règle à vocation d'être améliorée. Le
problème principal reste malgré tout l'encadrement de la
réglementation, son suivi et sa vérification une fois
l'aménagement réalisé.
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En effet, il est impossible de contrôler le projet
réalisé par rapport aux plans initiaux, comme vérifier les
épaisseurs de terre par exemple. Hormis cette difficulté, des
améliorations sont cependant souhaitées, à la fois sur
l'aspect quantitatif, en augmentant les surfaces
végétalisées, mais également sur le plan
qualitatif, en renforçant la qualité des aménagements,
notamment sur les substrats utilisés pour les toitures
végétalisées. Ces derniers sont souvent trop peu
épais pour avoir une réelle incidence sur la gestion des eaux
pluviales, avec un substrat de mauvaise qualité, éloigné
des caractéristiques d'un sol naturel. Une réflexion est
également en cours à Paris pour mieux choisir les espèces
végétales et optimiser la configuration des toitures
végétalisées, afin de garantir un accès facile pour
leur entretien. De plus, certaines contraintes supplémentaires, comme
les mesures thermiques, nécessitent la mise en place de ventilation
et/ou de climatisation, qui se font généralement au
détriment des terrasses végétalisées.
Lorsqu'on s'intéresse à l'élaboration
d'une nouvelle règle, il faut savoir sur quelle base elle s'appuie.
Même si la plupart des communes utilisent généralement leur
zonage PLU pour établir leur coefficient de biotope, cette solution
n'apparait pas forcément comme la meilleure, car elle ne prend pas en
compte tous les aspects (sensibilité des sols vis-à-vis de
l'infiltration, sensibilité vis-à-vis de l'ICU). Cependant, on
peut comprendre que cette solution soit généralement
privilégiée, en raison du gain de temps mais aussi et surtout de
l'aspect économique, de par les études qui peuvent parfois
être nécessaires (comme sur l'infiltrabilité des sols). On
peut aussi se poser la question des coefficients de pondération. Il est
très difficile de déterminer la « valeur écologique
» globale de chaque type de surface ou de chaque type d'espace vert. Les
exemples choisis montrent d'ailleurs assez bien que les coefficients
diffèrent selon les exemples, même pour une surface identique. De
ce fait, on pourrait se demander s'il ne serait pas plus judicieux d'attribuer
une « note » pour chaque surface et pour chaque thématique :
gestion des eaux pluviales, ICU, biodiversité, etc. Même si le but
est d'arriver à une règle plus globale, prenant en compte le
maximum d'enjeux et d'objectifs, il sera difficile d'être efficace sur
chacun d'entre eux. Les valeurs écologiques servent donc avant tout
d'estimer « l'efficacité environnementale » de la surface.
Des interrogations se posent aussi sur la définition de
l'espace de pleine terre. En effet, il n'existe pas réellement de
définition stricte sur cette notion, qui est pourtant au centre de la
démarche, puisque l'idéal serait d'avoir un maximum de cette
surface. L'étude des différents PLU des villes ne permet pas de
faire ressortir une définition unique. De même que
l'épaisseur retenue pour définir un espace de pleine terre peut
varier d'une commune à l'autre (de 60 cm à 1 m de profondeur).
À Rennes par exemple, le règlement ne définit aucune
valeur limite pour considérer un espace de pleine terre,
précisant qu'il s'agit seulement d'un espace perméable devant
recevoir des plantations, tout en excluant toutefois les espaces de
stationnement. Dans une certaine logique, on devrait considérer qu'un
espace de pleine terre est qualifié comme tel lorsqu'il n'y a rien
d'autre en dessous que le sol.
Il existe encore sur le territoire français une vraie
« rupture végétale » entre l'espace public et l'espace
privé, d'où l'intérêt d'accentuer les
réflexions sur ce point. Il risque cependant d'être difficile de
faire vraiment évoluer les choses sur cet aspect, car il y a une vraie
culture française de ce qu'on pourrait appeler un « cloisonnement
». A cela s'ajoute les problématiques liées à
l'évolution des îlots et à leur reconversion.
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La question se pose notamment sur les limites
séparatives et les haies végétales, qui ont souvent
tendance à être remplacées par des claustras fermés,
qui ne permettent plus la transparence des parcelles. Si les prochaines
réglementations visent à instaurer davantage de haies
végétales, la question sensible de l'entretien se posera,
essentiellement pour les personnes âgées en incapacité
d'entretenir leurs clôtures.
Il arrive aussi que les règles préalablement
écrites soient transgressées. C'est notamment le cas au niveau
des chantiers, où bien souvent toute la végétation
présente sur la parcelle est rasée pour le nouvel
aménagement. Hors, la végétation remarquable, notamment
les grands arbres bien développés, font normalement l'objet d'une
protection lors d'un nouvel aménagement. Autre problème, les
aménagements sur dalle, qui sont parfois trop peu
végétalisés et qui ne correspondent pas forcément
aux plans initiaux. Ces aspects sont surtout permis par la difficulté de
contrôle qui existe entre la validation du permis de construire et les
travaux. Si on veut réduire ces risques, la collectivité doit se
donner les moyens, ce qui implique des coûts supplémentaires de
fonctionnement et des moyens humains plus importants.
Concernant le guide sur l'imperméabilisation, il faudra
veiller à éliminer tout risque d'inondation en cas de non
infiltration naturelle des eaux (surtout si les réglementations sont
très restrictives). Un raccordement au réseau en cas de trop
plein devra être nécessairement prévu pour éviter ce
genre de situations. De même qu'il faudra s'assurer de l'entretien des
ouvrages techniques en matière de gestion des eaux pluviales, par
exemple les puits d'infiltration, qui peuvent être soumis à des
risques de colmatage. Cette vérification devrait être à la
charge de l'aménageur et examinée lors de l'établissement
des plans du projet.
On pourrait également imaginer des règles
différentes en fonction du type de réseau d'assainissement
(séparatif ou unitaire), même si pour le moment, le réseau
unitaire reste très largement majoritaire au niveau de la ville de
Rennes.
Le débat reste également très ouvert sur
la liberté octroyée aux aménageurs dans la conception des
projets, notamment si on retient une hypothèse de règle avec une
OAP. En effet, ces derniers ont généralement tendance à
réaliser leur projet en fonction du coût et pourraient alors
mettre de côté l'aspect « environnemental »
recherché. Il faudra donc veiller au cadre instauré par la
collectivité si le choix est laissé au prestataire.
Concernant les groupes de travail qui ont été
mis en place, il pourrait être intéressant de rajouter un
climatologue, afin de développer les principes et objectifs sur cette
thématique et d'obtenir plus de précisions sur la disposition de
la végétation au sein des parcelles par exemple. De même,
que l'aspect pédologique, qui est surtout traité au travers de
l'aspect végétation. Hors, il se trouve que c'est une
problématique assez importante, surtout en ville où les sols sont
souvent de mauvaise qualité (remblais, compaction).
Il semble aussi que les parcelles du centre-ville très
imperméabilisées doivent faire l'objet d'une attention toute
particulière. Celles-ci devront probablement être traitées
spécifiquement par rapport à des secteurs moins denses.
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Il arrive aussi que certaines parcelles ne puissent pas
réduire leur imperméabilisation, à moins de prendre de
l'espace sur l'espace public ou de faire des toitures, qui ne sont pas toujours
réalisables.
Enfin, afin d'éviter le côté trop
réglementaire, on pourrait penser à un système de bonus,
afin d'inciter les aménageurs à faire plus que ce qui est
imposé par les réglementations. Par exemple, une réduction
de l'impôt foncier si la preuve est donnée que les installations
techniques (toitures végétalisées, noues) fonctionnement
correctement, ce qui n'est pas toujours le cas.
Les questions soulevées dans cette partie
démontrent la complexité du sujet à appréhender les
thématiques dans leur globalité. Ceci est d'autant plus vrai
compte tenu des liens étroits qui existent entre climat,
végétation, eau et sol. Bien qu'il existe encore beaucoup
d'interrogations sur la méthodologie à employer pour les futures
réglementations, on constate globalement un réel
intérêt de repenser l'existant et de retourner à des choses
finalement plus simples et plus « naturelles »
(végétation moins contrôlée, cycle « naturel
» de l'eau).
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