Université Paris-Dauphine
MEMOIRE MASTER 2 GESTION DE PATRIMOINE ET BANQUE
PRIVEE
Présenté et soutenu par Xavier
Leite
L'impact des robo-advisors sur la gestion de
patrimoine
Je certifie sur l'honneur que le présent mémoire
est le fruit d'un travail personnel et que toute référence
directe ou indirecte aux travaux de tiers est expressément
indiquée. Je demeure seul responsable des analyses et opinions
exprimées dans ce document : l'Université Paris Dauphine n'entend
y donner aucune approbation ni improbation.
Tuteur de mémoire : Monsieur Simon Colboc Jury
prévu le : 8 septembre 2016
Année : 2015/2016
Remerciements
Je tiens à vous remercier pour la lecture de ce
mémoire.
Je souhaite avant tout remercier M. Fréderic GONAND,
directeur de l'IGP depuis peu, qui m'a permis de finir mon année
malgré la perte de mon alternance et donc de vous présenter
aujourd'hui ce mémoire.
Je tiens également tout particulièrement à
remercier M. Simon COLBOC, mon tuteur de mémoire, pour avoir fourni un
cadre directeur à ma réflexion.
Un remerciement à tous les professeurs du Master qui,
durant ces 2 années, m'ont donné le bagage théorique
nécessaire pour réaliser ce mémoire.
Enfin, je souhaite remercier toutes les personnes qui ont pu, de
près ou de loin, à un moment ou un autre, m'aider dans la
réalisation de ce mémoire.
2
Sommaire
Remerciements
Sommaire
Introduction
|
2
3
5
|
I.
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|
Un environnement en mutation propice à
l'émergence d'une innovation de rupture... ...
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8
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A.
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La nécessaire adaptation du modèle
d'investissement
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9
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1) Convaincre une génération atypique
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9
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2) Restaurer la confiance des investisseurs
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12
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3) Répondre au défi posé par l'absence de
rendement
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15
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B.
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L'ambitieuse réponse des Robo-advisors
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20
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1) Une gestion automatisée du portefeuille financier
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21
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|
2) Une gestion passive de l'investissement
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26
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3) Une démocratisation du processus de placement
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29
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II.
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|
Qui constitue une innovation de continuité pour
la gestion de patrimoine
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34
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|
A.
|
Son implication dans la planification patrimoniale est
restreinte
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34
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|
1) Un service exclusivement financier
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34
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2) L'importance du contact humain dans une relation de conseil
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36
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3) Une clientèle cible différente
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37
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B.
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Une tentative de gestion algorithmique qui reste
perfectible
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39
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|
1) La crainte d'un défaut des algorithmes
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39
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2) Un modèle mathématique plus marketing que
financier
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40
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3) Le biais de la gestion passive pure
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42
|
C. Cependant la rationalisation de la gestion
financière n'est pas négligeable pour le
conseil 45
1) Un partenaire de choix pour la gestion de patrimoine
indépendante 45
2) Le désir d'une expérience client
renouvelée n'est pas propre aux moins fortunés 47
3) Un possible élargissement de la base client 48
3
D. Le « robo + advisor » est
préférable au « robo-advisors » 50
1) L'investissement des acteurs traditionnels est un signe 50
2) Une proposition de service à la carte pour un
modèle hybride 52
Conclusion 54
Annexes 56
Annexe 1 : Comparatif des taux d'intérêt 10
ans 57
Annexe 2 : Questionnaire proposé par Yomoni
58
Annexe 3 : le renouvellement de l'expérience
client 62
Annexe 4 : analyse d'Elisabeth Kashner 65
Bibliographie 66
4
Introduction
La révolution numérique,
matérialisée par le développement de l'informatique et
d'internet, a entrainé une évolution des habitudes de
consommation. Dans son sillage, de nombreux secteurs comme le transport,
l'hôtellerie ou la grande distribution, ont connu une disruption. Ce
terme, inventé en 1992 par l'agence de communication BDDP,
désigne l'apparition sur un marché « d'une innovation de
rupture, par opposition à l'innovation incrémentale qui se
contente d'optimiser l'existant »1. L'innovation dite
disruptive n'est pas forcément technologique, elle peut tout aussi bien
porter sur l'usage d'un bien ou d'un service, sa démocratisation,
l'expérience client, etc... Le seul critère objectif qui permette
de définir le caractère disruptive ou incrémentale d'une
innovation réside dans son potentiel de remplacement des acteurs et
modes de consommation dominants sur un marché. L'innovation disruptive
à vocation à perturber un marché jusqu'à le faire
suffisamment muter pour créer un nouveau marché. A titre
d'exemple, ces dernières années, au vu du remplacement
quasi-total des téléphones portables, nous
pouvons définir le smartphone comme une innovation de rupture. Les
changements sociétaux opérés par le biais de la
révolution numérique favorisent l'émergence de telles
innovations. La manière dont nous nous organisons et la façon
dont nous interagissons aujourd'hui nécessite de mettre en place de
nouvelles approches de consommation. Nombre de sociétés n'ont pas
su aborder le virage imposé par le numérique et se sont
retrouvées évincées du marché, à l'image de
Kodak, aujourd'hui en faillite.
Durant de nombreuses années, le secteur très
institutionnel et réglementé qu'est la banque fut
épargné par ce genre d'innovation disruptive. Le secteur ne s'est
adapté que par petite touche : des innovations incrémentales. Les
banques ont bien développé l'usage du numérique, mais sans
vraiment opérer une mutation en profondeur de leur activité.
L'attitude conservatiste des clients est la principale raison de cette relative
quiétude : dans nos économies actuelles, c'est souvent
l'état de nos finances qui dicte nos possibilités et donc nos
choix. Conformément à l'adage « on sait ce que l'on perd,
mais pas ce que l'on gagne », le sentiment d'absolu
nécessité qui pèse sur l'épargne des ménages
les conduit à refuser le changement et à se référer
plutôt à des structures immuables et sécurisantes. Ils
privilégient la sécurité, même non optimal, à
une prise de risque jugée inconsidérée. La
probabilité que les ménages succombent à un changement
s'en retrouve restreinte, en conséquence de quoi la stabilité
prédomine sur ce marché.
1 « Disruption: Overturning Conventions and Shaking Up the
Marketplace » - Jean-Marie Dru - 1996
5
Cependant, la fin des années 2000 constitue un
important pas vers le changement : suite aux nombreux scandales et crises
financières qui ont lieu durant cette période, la remise en cause
d'un système financier jugé opaque commence à faire son
nid. Les institutions bancaires portent une part de responsabilité dans
ces différents événements, et la forte
médiatisation de ceux-ci contribue à forger une image
négative de ce secteur qui conduit à un désaveu
général de la population. En 2014, seuls 34% des sondés
français déclaraient ainsi « avoir confiance envers le
système bancaire en général »2.
Malgré le risque de s'aventurer au-delà des structures existantes
et sécurisantes, les individus ont entamé une réflexion
sur le réel risque encouru à tenter une solution alternative au
modèle traditionnel.
C'est dans cet environnement de relative inertie des banques
que sont apparus les « FinTech », des start-ups financière et
technologique à la fois, comme leur nom l'indique, dont la
première réflexion a été de se demander comment il
était possible, par l'utilisation du numérique, de modifier
l'expérience de consommation des services financiers par les clients.
Grâce à leur structure restreinte, leur positionnement
stratégique sur des niches, l'expérience client novatrice et leur
politique tarifaire low-cost, elles ont réussi à se constituer
des parts de marchés suffisantes pour inquiéter les leaders
traditionnels. Leur objectif est bien disruptif, elles ne créent pas
simplement un nouveau produit financier, elles créent une nouvelle
façon de le consommer et de le percevoir, en réponse aux
nouvelles attentes de consommation des clients basées sur la
simplicité, la transparence et l'efficacité. Les « FinTech
» sont raisonnables, tandis que les banques traditionnelles opèrent
sur tous les segments de services financiers possibles (prêt,
marché de capitaux, gestion d'actifs, assurance, paiement), elles se
positionnent sur un seul segment de l'activité financière. C'est
le seul moyen, pour elles, de pouvoir concurrencer efficacement les mastodontes
que représentent les institutions bancaires traditionnelles. Il est plus
aisé d'innover sur une partie restreinte du marché que sur toute
la chaîne de valeur, et les lourdeurs structurelles et
réglementaires des banques, fruit de décennies
d'évolutions, d'absorptions et de fusions, ne leur permettent pas de
suivre le mouvement imposé par les « FinTech ». Quand ces
dernières partent d'un terrain vierge pour construire un modèle,
les banques doivent d'abord raser l'immeuble qui se situe dessus. Il s'agit
donc d'une confrontation entre la souplesse et la rigidité.
La population des « FinTech » comprend des
sociétés très hétérogènes, puisque
chacune opère sur une niche particulière. Au sein de cet
ensemble, la catégorie qui nous intéresse dans ce rapport est
celle des « Robo-advisors ». Ces derniers offrent un service de
gestion de patrimoine en ligne qui fournit des conseils en investissements
financiers basés sur un algorithme. Ce modèle procure une gestion
automatisée ou semi-automatisée d'un portefeuille d'actifs avec
le moins d'intervention
2 « Relation banques et clients - Fidélité,
vous avez dit Fidélité ? » - Deloitte - Avril 2014
6
humaine possible, permettant ainsi de réduire les frais
prélevés sur les contrats. A l'intérieur de cette
catégorie, les sociétés adoptent différentes
stratégies, que ce soit en termes de politique tarifaire, de gestion
algorithmique ou encore de type de gestion. Ainsi, si certaines ont une gestion
totalement automatique, le système effectuant de lui-même les
arbitrages sur le contrat sans passer par l'avis du client, d'autres
préfèrent plutôt adopter une gestion conseillée en
émettant seulement des recommandations d'achat ou de vente.
L'idée de m'intéresser à un tel sujet
m'est venue durant une expérience professionnelle au sein d'un cabinet
de gestion de patrimoine indépendant. Malgré le professionnalisme
des gérants, la polyvalence nécessaire à l'exercice du
métier ne permet pas d'être un spécialiste de tous les
domaines abordés dans le cadre de la gestion d'un patrimoine. Il faut
donc s'entourer et se référer à un réseau de
professionnels plus qualifiés sur certains points précis. Or, la
formation du conseil en investissement financier que j'ai pu observer restait
assez sommaire, basée sur des conférences et des discussions
informelles. Cette gestion financière m'a semblé inefficiente.
L'intérêt pour les « Robo-advisors » s'est
accentué lors d'un entretien avec un autre gestionnaire de patrimoine,
dont la clientèle était exclusivement composée de traders.
Ce dernier m'a confié que les traders, spécialistes de la
finance, désiraient uniquement investir sur des fonds indiciels ! Cela
signifie que les acteurs qui font le marché ne croient pas,
eux-mêmes, au pouvoir de surperformance de la gestion active, or le
robo-advisors propose à l'heure actuelle une gestion majoritairement
passive de l'épargne. Il semblerait ainsi qu'il existe un axe
d'amélioration possible pour la gestion de patrimoine en ce qui concerne
le conseil en investissement financier.
La question à se poser est de savoir si
l'émergence des robo-advisors constitue simplement une innovation
incrémentale, qui pourrait venir bénéficier aux acteurs
existants, ou bien une innovation disruptive qui va tendre à bouleverser
le marché. Les robo-advisors sont-ils un risque ou une
opportunité pour la Gestion de Patrimoine ?
7
I. Un environnement en mutation propice à
l'émergence d'une innovation de rupture...
La pérennité d'un gestionnaire de patrimoine
passe par le renouvellement de sa clientèle dans le temps. Pour assurer
la survie de son activité, il lui est nécessaire de comprendre
les attentes de la génération future et de s'adapter en
conséquence. Aujourd'hui, la génération montante est
composée de « millenials », à savoir des individus
nés avec la technologie et l'informatique. Ces individus, de par
l'influence de leur environnement, ont développé des
comportements de consommation en rupture avec ceux de leurs ainés.
La portée et l'ampleur de ce changement constituent une
situation inédite dans l'histoire récente et ont entrainé
un bouleversement majeur de l'ensemble de l'économie mondiale ces
dernières années. Jusqu'à présent, les changements
de mentalité intergénérationnels étaient
plutôt des évolutions mineures de long-cours. Mais en l'espace de
moins de trois décennies, les comportements ont subi des mutations comme
il n'y en avait plus eu depuis la révolution industrielle du
siècle dernier. De plus, les importantes crises économiques
subies durant cette
période ont instillé le doute sur
le bien-fondé du modèle en vigueur dans les esprits et ont
ainsi accentué le phénomène de mutation de
l'économie.
Deux paramètres, l'un conjoncturel et l'autre
structurel, permettent donc l'émergence actuelle de nouvelles formes de
sociétés proposant un mode de consommation
différencié et novateur. Lors d'une période de
changements, il existe un effet de friction, un moment où les
sociétés historiques ne se sont pas encore adaptées
à l'évolution, du fait de leur lourdeur structurelle, et se
retrouvent fragilisées pendant un court laps de temps. Les
sociétés qui émergent durant cette période, partant
d'une structure nulle, ont une flexibilité accrue qui leur offre une
capacité d'adaptation bien plus forte que celle des
sociétés préexistantes. Elles profitent de cet avantage
tactique pour renouveler l'offre de marché et attirer dans leurs filets
une partie de la clientèle des acteurs traditionnels du marché.
L'image qui vient à l'esprit pour expliciter la différence entre
les deux types de société serait celle qui oppose un tank,
puissant, qui avance inexorablement et lentement, face à une
unité d'infanterie, plus fragile mais très mobile.
L'objectif de la partie à venir est d'expliquer les
raisons ainsi que les conséquences de ces changements.
8
A. La nécessaire adaptation du modèle
d'investissement
1) Convaincre une génération atypique
? Un changement des habitudes de consommations
lié à l'hyper connectivité
Ce début de millénaire est et sera marqué
par un tournant démographique : les baby-boomers nés durant les
années 1940 et 1950 commencent à atteindre un âge à
partir duquel le transfert de leur patrimoine à leurs enfants et
petits-enfants devient une question primordiale et essentielle. Ce changement
de main du patrimoine fait partie du cycle de la vie, en ce sens il a toujours
eu lieu à un moment ou un autre et pourrait paraître anodin.
Cependant la situation est quelque peu différente aujourd'hui, d'une
part parce que qu'il constitue le plus grand transfert de richesse de
l'histoire, mais surtout parce qu'il se fait au profit d'une
génération en rupture comportementale avec les
précédentes. Auparavant, les moeurs perduraient de
génération en génération, les attentes et le
comportement des derniers-nés étaient similaires à ceux de
leurs ainés, mais les évolutions technologiques qui se sont
imposées depuis lors ont considérablement fait évoluer les
mentalités et les habitudes de consommation, des plus jeunes mais
également de certains baby-boomers.
L'un des plus grands bienfaits liés à l'essor
d'internet fut la démocratisation de l'accès à
l'information. Ce mémoire est par exemple rédigé à
l'aide de connaissances puisées notamment dans des études sur les
robo-advisors, des interviews filmées, des critiques du modèle,
etc... auxquels l'accès aurait été plus difficile en
l'absence d'internet. Tandis que par le passé, la réunion
d'informations sur un sujet nécessitait une dépense de temps et
d'énergie non négligeable, aujourd'hui une simple succession de
mots-clés permet de trouver une source quasiment illimitée
d'informations sur un nombre de sujets incalculables, du plus utile au plus
insignifiant. Or la théorie de la « concurrence pure et parfaite
»3 stipule que l'une des conditions d'efficience du
marché est « la transparence de l'information » qui suppose
que tous les acteurs du marché aient une connaissance complète de
tous les facteurs significatifs de celui-ci. Ainsi, l'accès plus
difficile à l'information rendait le marché inefficient et
faisait profiter le vendeur d'une asymétrie d'information qui lui
permettait d'appliquer des prix margés.
Avec le temps, l'information accumulée et
stockée sur le réseau mondial est devenue une source de
comparaison qui a fini par s'appliquer au secteur de la consommation. Il n'est
plus question d'accepter des packages de produits et services, le consommateur
souhaite alors payer et consommer uniquement pour le service recherché.
Il contrôle toujours plus son environnement par
3Théorie de la formation du prix
élaborée au XIXe siècle par des économistes
néo-classiques (Frank Knight, Kenneth Arrow, Gérard Debreu et
Lionel W. McKenzie)
9
le biais de ses propres recherches et désire prendre
les décisions importantes après avoir effectué sa propre
analyse de la situation. Il ne souhaite pas être considéré
comme un maillon d'une chaîne mais comme un individu à part
entière et attend par conséquent un conseil spécifique et
unique adapté à son profil et à sa situation. Il constitue
ainsi de son propre chef un assortiment de produits. L'une des
conséquences de ce changement est la volatilité du client, qui
réalise une approche comparative produit. Si le produit voisin devient
plus performant dans le temps, alors l'attachement à la marque n'aura
que peu d'impact, et le consommateur s'en détournera. C'est en ce sens
que se développe depuis quelques années déjà des
services comparatifs, qui permettent de fournir un panorama de toutes les
offres présentes sur un marché, comme c'est le cas dans le voyage
aérien, les hôtels, les lieux touristiques et même dans
l'assurance, plus proche du secteur auquel nous nous intéressons. En ce
sens, les consommateurs deviennent avant tout des utilisateurs puisqu'ils
effectuent leur choix de façon autonome. Leur souhait étant
simplement d'être guidé parmi la pléthore d'offres
disponibles.
? La nécessité d'une transparence accrue
dans le secteur bancaire
Dans le secteur bancaire, cette bascule des habitudes de
consommation prend du temps à s'imposer, freinée par la
complexité du secteur. Effectivement, l'accès à
l'information est un prérequis à la comparaison. Si nous ne
comprenons pas les produits, nous serons dans l'incapacité de les
comparer. Jusqu'aux différentes crises, le secteur bancaire était
par conséquent relativement épargné, les consommateurs ne
souhaitant pas s'embarquer dans une analyse du secteur bancaire dont ils ne
pensaient pas pouvoir comprendre tous les tenants et aboutissants. L'approche
adoptée était conservatiste. Les crises ont eu un effet
catalyseur et poussés le consommateur à s'interroger sur les
produits et les services que l'on mettait à sa disposition. Ce dernier
ne veut plus simplement opter pour un service en fonction du résultat,
mais souhaite comprendre les conseils qu'il reçoit en matière
financière.
Le désir de transparence affiché par la
génération actuelle est donc en partie le reflet du manque de
confiance qu'ils portent aux institutions financières. Or la confiance
est un élément indispensable à la prospérité
du secteur. Ce désir est d'ailleurs une tendance mondiale des
consommateurs et qui affectent toutes les industries, on peut notamment
l'observer dans l'alimentaire, où chacun souhaite savoir d'où
provient les produits qui ont servi à la réalisation du plat. La
confiance est la clé de la prospérité des banques
privées, ce n'est pas un luxe, qu'on pourrait quémander
occasionnellement. En conséquence, plus de 25% des millionnaires dans le
monde auraient déplacé une partie de leurs actifs en raison d'un
manque de transparence ou une gestion des risques insuffisante.4
4 Rapport « World Wealth 2009 » de Capgemini
et Merrill Lynch
10
Les clients souhaitent une transparence totale en ce qui
concerne le prix et les caractéristiques du produit dans le but de
trouver la meilleure offre, la moins chère ou encore la plus
éthique. La transparence permet aux consommateurs de rechercher,
comparer et de passer en revue ses possibilités. L'accumulation de
connaissances sur le sujet permet au potentiel client d'avoir un pouvoir de
décision et de négociation accru auprès du banquier : s'il
est en capacité de comprendre l'offre présentée, il pourra
aisément l'évaluer.
? Le souhait d'un retour à plus de
simplicité et de pédagogie
Or, la simplicité constitue le moyen le plus efficace
pour aboutir à la transparence. Les clients préfèrent
aujourd'hui les produits et services qui sont facilement et rapidement
compréhensibles. Ils souhaitent ainsi prendre une décision simple
avec une forte probabilité de faire le bon choix,
préférant trois bonnes options à quatre-vingt-dix-neuf
options inadéquates. Dans la banque privée, cela se traduit par
un retour aux solutions de placements en produits simples mais bien
structuré, représenté notamment par les ETF, qui ne sont
rien de plus que des réplicateurs d'indices de marché. Si la
transparence est une condition nécessaire pour faire un choix
éclairé, la simplicité est la meilleure possibilité
d'y arriver.
La simplicité n'est pas à rechercher uniquement
dans le produit, mais surtout dans la procédure, l'ergonomie, le suivi
du client et l'information. Le consommateur, bien que plus exigeant et
regardant sur le produit, prend également moins de temps à faire
son choix. Ceci est une conséquence de l'abondance de biens, à
l'image d'un recruteur qui aurait une pile de CV sur son bureau : plus il y a
d'offres, plus le temps consacré à chacune d'elle diminue. Les
consommateurs ont été accoutumés à
l'intuitivité. S'ils ne comprennent pas le schéma de
consommation, ils passent à l'offre suivante. Aujourd'hui,
l'investissement financier n'échappe plus à cette
prérogative. Il est donc nécessaire que le consommateur puisse
facilement trouver un produit, ses caractéristiques, comment souscrire,
comment contacter le service client. En somme, tout ce désir de
transparence réside dans la simplicité de
compréhension.
La transparence constitue un risque pour la banque
privée, qui se voit démystifier de son rôle. L'investisseur
particulier se représente l'investissement financier comme un secteur
très complexe dans lequel le nombre de produits financiers
différents rebutent, or cette complexité peut être
perçue par les clients comme introduite par les acteurs du secteur
eux-mêmes dans le but de justifier leur intermédiation et leurs
conseils. Cette période représente donc à la fois une
opportunité majeure mais également un risque important pour les
banques privées qui doivent construire des relations
multigénérationnelles avec leurs clients et leurs familles tout
en s'adaptant aux attentes de leurs nouveaux clients. Les banques
privées traditionnelles doivent repenser la
11
nature de leur relation avec le client, afin de restaurer un
lien de fidélité. Elles doivent offrir au nouvel investisseur
plus d'autonomie, en partageant davantage l'information et les outils. Le
conseiller doit comprendre et s'adapter aux besoins et aux
préférences d'une jeune génération atypique par
l'adoption de nouveaux outils de communication et de nouveaux modes de
conseils, au risque d'une dislocation de la relation client.
2) Restaurer la confiance des investisseurs
Suite à l'éclatement de la bulle internet au
début du millénaire, l'économie mondiale était dans
une situation de relative plénitude marquée par la croissance et
l'apparition de nouvelles économies en voie de développement.
Cependant, la crise des subprimes survenue en 2008 a fait le même effet
que le vent qui s'abat sur un château de carte, il a
ébranlé l'économie mondiale et par la même occasion
la confiance dont jouissaient les institutions bancaires jusqu'à
présent.
La stabilité de l'environnement économique a
créé un sentiment de sécurité propice aux
expérimentations durant toute la période pré-crise. Ce
climat a conduit l'ensemble des acteurs du système financier à
privilégier le profit au détriment de l'évaluation des
risques. Les établissements bancaires se sont mis à prêter
sur la base de la valeur du bien acheté à crédit
plutôt que sur les revenus des candidats à l'achat, permettant
à des ménages, qui ne remplissaient pas les conditions, de
s'endetter au-delà de leurs capacités. Cette pratique fut
l'étincelle qui mit le feu au système financier mondial et
à l'économie par voie de conséquence. Seconde erreur de
jugement des banques, elles ont développé la pratique de la
titrisation, dont l'objectif affiché était de répartir le
risque de façon homogène dans l'ensemble du système
financier. Quand les prix de l'immobilier ont chuté, les banques ont
cessé de se prêter entre elles sur le marché interbancaire.
Le gel de ces échanges est la conséquence de la titrisation, qui
a eu pour effet néfaste de rendre le risque, lié aux subprimes,
opaque et donc non détectable. Tandis que les prêts risqués
peuvent être associés à l'étincelle, la titrisation
est le kérosène qui a facilité la propagation de la crise
à travers le monde.
Les banques ont donc eu plus qu'une part de
responsabilité dans les évènements survenus, elles en sont
les actrices majeures. Avec la crise de 2008, c'est une facette opaque des
institutions bancaires qui est dévoilé au grand public. La
défiance commence à naître à partir du moment
où l'on prend conscience que les banques ne font pas seulement de
l'intermédiation financière, qui est leur rôle premier,
mais qu'elles spéculent également sans vraiment s'interroger sur
la pérennité même de leur modèle. Les banques
dévoilent alors indirectement, à l'opinion publique, les
coulisses et les failles du monde bancaire.
12
Les années suivantes n'ont pas dérogé et
ont été le théâtre d'une autre crise
économique et de plusieurs scandales bancaires. Bien que la crise de la
dette européenne qui se manifeste en 2010 soit avant tout le fait d'une
gestion chaotique des finances publiques grecques et non directement imputable
aux banques, l'image des banques se retrouve encore une fois
écornée par la prestation de service à 600 millions
d'euros de Goldman Sachs qui a permis au gouvernement grec de maquiller ses
comptes et sa dette publique afin de se conformer aux exigences d'entrée
dans la Zone Euro. Le secteur de la gestion privée n'est pas en reste,
avec l'affaire SwissLeaks révélée en février 2015
concernant HSBC Private Bank ou encore l'affaire UBS AG, qui n'est rien de
moins que le numéro un mondial de la gestion de fortune, qui avait alors
mis en place un vaste système d'évasion fiscale. Plus
récemment encore, l'affaire des Panama Papers a touché certaines
banques françaises. Nous pourrions également citer l'affaire
Kerviel qui participe au climat de défiance envers les banques.
Ce surplus d'informations négatives survenu à
propos des banques en si peu de temps a conforté le portrait d'une
institution sans état d'âme, qui profite des moindres
opportunités pour s'enrichir au détriment de la stabilité
et de l'avenir économique. Les banques sont pourtant des institutions
tentaculaires très différentes les unes des autres, chacune
comprend des activités très diverses et une organisation interne
propre. Il n'est ainsi pas pertinent, après réflexion, d'associer
une banque mutualiste française comme la Caisse d'Epargne à une
banque d'investissement américaine tel que Goldman Sachs. Pourtant, dans
l'imaginaire collectif, la banque est un tout, un ensemble, un bloc : la banque
de réseau est la banque d'investissement, la banque française est
la banque américaine. Ainsi lorsqu'une banque écorne son image,
tous les participants du secteur subissent des répercussions
néfastes.
Sans se fier à une quelconque étude, les effets
des évènements évoqués plus haut sur la confiance
des ménages envers les institutions bancaires sont perceptibles. A ce
titre, l'élection présidentielle est représentative d'un
sondage grandeur nature. Lors de la campagne de 2012, l'un des slogans phares
du futur président fut « mon ennemi, c'est la finance ». Or la
partie émergée du système financier est la banque, et la
finance en soi est un concept trop abstrait, trop large, pour qu'on puisse
être son ennemi. Ainsi, pour beaucoup, cette phrase signifiait, de
façon plus directe et plus concise : « mon ennemi, c'est la banque
».
Mais il existe également des chiffres qui ne trompent
pas, ainsi, d'après un sondage Ifop effectué en 2011, 77% des
français estiment que les banques ont eu un rôle important dans le
déclenchement des différentes crises financières survenues
ces dernières années. Ils n'étaient que de 58% en mars
2009, au lendemain de l'affaire des subprimes. Dans le même sens, la
confiance envers les banques n'est que de 60% et de seulement 34% envers le
système bancaire selon le
13
sondage annuel 2014 du cabinet Deloitte sur « la relation
banques clients ». Plus inquiétant encore pour l'avenir des
professions bancaires, 71% des personnes interrogées estiment que les
leçons de la crise n'ont pas été tirées et que les
comportements bancaires n'ont pas changé. C'est
précisément ce chiffre qui laisse à penser que la
confiance des individus envers le système est brisée, or le
métier de la banque consiste essentiellement à vendre de la
confiance. Personne ne viendrait placer ses économies dans une
institution envers laquelle il n'a aucune confiance.
Ces critiques virulentes ne sont pas formulées qu'en
France puisque, comme le montrent le graphique5 suivant, on les
retrouve exprimées avec une intensité assez similaire dans de
nombreux pays :
Perception du système bancaire par l'opinion publique de
différents
pays
100%
40%
90%
80%
70%
60%
50%
30%
20%
10%
0%
88%
83%
84%
53%
92%
82%
91%
88%
58%
69%
95%
65%
67%
61%
Allemagne Etats-Unis France Italie Pays-bas Royaume-Uni Suisse
le secteur bancaire porte une très lourde
responsabilité dans le déclenchement de la crise
économique et financière
Les banquiers n'ont pas tiré les leçons de la crise
et adopté des comportements moins risqués
Lorsqu'un individu est mécontent d'un service, comme
c'est le cas pour la banque, il se met à rechercher une alternative. La
masse de ces individus constitue alors une base clientèle potentielle
pour d'autres. A titre d'exemple, un ancien cadre d'UBS Wealth
Management6 a expliqué que « si les banques
privées étrangères se sont si bien implantées en
France, c'est parce que les banques françaises offraient un service peu
adapté à ce type de clientèle. L'implantation ne fut pas
possible au Royaume-Uni, dont la demande était déjà
comblée par les acteurs nationaux ». C'est
5 « Les banques face à l'opinion publiques » -
Fondation Jean-Jaurès - 18 décembre 2012
6 Monsieur Jean-François Gramain lors d'un
cours dispensé à l'université Paris-Dauphine
14
précisément dans cet environnement de
défiance généralisée que peuvent émerger des
services plus en phase avec les attentes du client.
3) Répondre au défi posé par
l'absence de rendement
Depuis quelques années, nous faisons face à une
absence de rendement des produits financiers induite par des taux directeurs et
d'emprunt d'Etat situés à des niveaux historiquement faibles.
Pour certains observateurs, la cause de ce phénomène est à
mettre à l'actif des mesures non conventionnelles des banques centrales.
Cependant, l'analyse de l'historique des taux nous permet de confirmer que cet
état de fait n'est que la résultante de trois décennies de
baisse progressive (cf. voir annexe 1). Le pouvoir des institutions
monétaires est limité aux taux de court terme. Ce qui
définit réellement le taux long est l'anticipation des agents
économiques sur la croissance potentielle de l'économie ainsi que
l'inflation ou encore la politique économique. Les taux courts ne sont
que conjoncturels tandis que les taux longs sont structurels. Le fait que nous
constations une chute tendancielle des taux longs sur les deux dernières
décennies implique que la faiblesse actuelle des taux est, avant tout,
le symptôme d'un déséquilibre entre l'épargne et
l'investissement mondial qui a entrainé un recul du taux
d'intérêt d'équilibre (ou « taux naturel »), qui
fait coïncider épargne et investissement en situation de plein
emploi.
Dans un premier temps, ce déséquilibre s'est
expliqué par l'excès d'épargne à l'échelle
mondiale, imputé aux pays émergents et aux pays producteurs de
pétrole du Moyen-Orient, lesquels auraient, dès la fin des
années 1990, accumulé des réserves de change. Ce
phénomène serait soutenu aujourd'hui par le vieillissement de la
population : à ce titre, Mourtaza Asad-Syed, co-fondateur de Yomoni
explique que « aujourd'hui, l'Etat emprunte à taux négatifs
à 5 ans en Suisse, au Japon, en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en
Suède, aux Pays-Bas, en Belgique et en France ! Ces pays ont une
caractéristique commune : leur population âgée. Leur
âge médian est en effet de plus de 40 ans et leur âge moyen
est de 43 ans, alors qu'au sein de l'OCDE les pays anglo-saxons (Etats-Unis,
Royaume-Uni, Canada, Australie, etc.) qui ont des moyennes d'âge
inférieures à 40 ans (38 ans en moyenne) affichent toujours des
taux d'intérêts positifs. C'est assez logique. Un pays dont la
population est jeune va avoir une préférence pour
l'immédiateté, la liquidité. Les taux
d'intérêts seront alors élevés et les rares
ménages qui épargnent voient leur sacrifice fortement
récompensé. En revanche, une population plus âgée va
davantage privilégier la sécurité et ne pas se soucier de
consommation immédiate. En effet, il est légitime lorsqu'on est
dans la force de l'âge d'anticiper qu'il sera progressivement plus
difficile de subvenir à ses besoins par son labeur et de
sécuriser ses revenus futurs avec son épargne d'aujourd'hui. Ce
n'est pas tant les flux d'épargne qui sont plus importants
qu'auparavant, c'est bien leur préférence pour la
sécurité. Ce sont donc les
15
cohortes démographiques massives qui épargnent
pour leur retraite qui alimentent cette tendance, qui va donc
durer encore plusieurs années en Europe et enfoncer davantage les taux
longs »7.
La crise, en instaurant un climat pessimiste à travers
le monde, a contribué à dégrader les perspectives de
croissance à long terme. Il est abondamment prouvé qu'une
récession profonde a un impact durable sur le potentiel de croissance.
Et qui dit dégradation du potentiel de croissance dit baisse du
rendement des capitaux et donc de la volonté d'investir. Cette tendance
a accentué l'écart entre l'épargne et l'investissement.
Les politiques ultra-accommodantes d'assouplissement quantitatif misent en
place par un certains nombres de pays n'ont rien arrangé. Les rachats
opérés ainsi que la baisse des taux directeurs ont
entrainé une chute brutale des taux courts. Cette politique s'est
accompagnée d'une stratégie de communication indiquant que leurs
taux directeurs resteraient bas pendant une période prolongée. Ce
faisant, les banques centrales ont cherché à influencer les
anticipations des investisseurs en matière de taux
d'intérêt courts à terme et, donc, les taux
d'intérêt à moyen et long terme. Car comme nous le savons,
le taux long est une moyenne des taux courts anticipés, ainsi si une
variation du taux court est perçue comme durable, elle aura un impact
sur le taux long.
Comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous, la
baisse des taux d'intérêt à un impact direct sur le
rendement des fonds en euros, qui ne cesse de chuter depuis une dizaine
d'années, passant de 4,1% à 2,3% actuellement. Les
évolutions du rendement des fonds en euros sont étroitement
liées à celles des obligations. En effet, les fonds en euros ont
toujours été composés principalement d'emprunts d'Etat et
d'obligations d'entreprises privées. L'actif des assureurs correspondant
à la répartition de leur fonds en euros, est investi, en moyenne,
autour de 70 % en obligations, 20% en actions, 3% en immobilier, 5% en
trésorerie et 2% en actifs divers. Ces proportions sont quasiment
inchangées depuis une vingtaine d'années. Les assureurs
investissent donc l'épargne nouvelle sur des obligations faiblement
rentables. En conséquence, le rendement des fonds en euros diminue. Dans
un contexte de taux d'intérêt négatifs appelé
à se prolonger, il est donc inévitable que le rendement des fonds
en euros poursuive sa contraction.
7« La Longue Vue #9 - Le prix de la sécurité
» - 5 août 2016
16
Rendement8 des supports euros entre 2006
et 2015
Tous les économistes s'accordent à dire que le
fonds en euros est voué à l'extinction dans cet environnement de
taux bas. La chute de son rendement est pourtant freinée volontairement
par les assureurs dans une logique commerciale et aurait dû être
bien plus forte ces dernières années. L'objectif d'une telle
démarche et de conserver voire d'obtenir un avantage compétitif
de rendement sur leurs concurrents afin de capter un maximum d'encours tant
qu'il est encore temps. Ils puissent donc dans leur réserve technique et
vendent leurs anciennes obligations, bien plus rémunératrices et
donc valorisées, pour pouvoir rémunérer les
épargnants au-delà de leur capacité de long terme. En
agissant ainsi, ils ont une vision de court terme que le législateur
souhaite d'ailleurs endiguer. C'est en ce sens que la loi Sapin 2 en France
tente de forcer les assureurs à enlever le frein à main qui
retient le rendement des fonds en euros malgré l'inexorable pente.
L'épargne financière des ménages
français est composée majoritairement de l'assurance-vie,
à plus de 37% ! Or les encours d'assurance-vie sont investis à
84% en supports euros, ce qui ne représente pas moins de 1 300 milliard
d'euros, soit autant que l'ensemble des liquidités détenues par
les ménages français en 2015. La transition du fonds en euros
revêt donc une importance capitale dans une optique de gestion
financière.
8 Net de chargements de gestion et brut de
prélèvements sociaux
17
Principaux encours financiers nets des ménages
(encours annuels nets, en milliards d'euros)
Les acteurs du marché essayent aujourd'hui d'inverser
la tendance en pressant les épargnants à opter pour un maximum
d'unités de compte, investies sur des supports plus risqués et
donc plus rémunérateurs, qui permettent d'adoucir la chute des
rendements. Nous notons à cet effet que la proportion de placements
annuels à destination des unités de compte ne fait
qu'accroître au détriment du fonds en euros (cf. graphique
ci-dessous).
18
Flux de placements annuels à destination des
contrats d'assurance vie (flux annuels nets en milliards d'euros ; CAC 40 en
points)
Il est donc nécessaire de changer de vecteur
d'investissement financier et de prendre plus de risque pour dégager un
rendement. Nous assistons, à cet effet, à une course aux produits
alternatifs depuis un certain temps, qui n'est pas dénuée de
risques.
19
B. L'ambitieuse réponse des Robo-advisors
Le modèle classique de la gestion bancaire a
été remis en cause par les changements évoqués
précédemment, justifiant la mise en place d'un nouveau standard
sociétal basé sur l'innovation technologique. Plusieurs
sociétés ont alors vu le jour, au sein de ce nouvel environnement
économique et social, avec pour objectif de repenser les services
bancaires par le biais de la technologie. Celles-ci furent regroupées au
sein d'une catégorie hétérogène nommée
« FinTech », terme issu de la combinaison de « finance » et
de « technologie ». Parmi tous les types de sociétés
présentes au sein de cette catégorie, les membres du CFA
Institute, association mondiale des professionnels de l'investissement, ont
jugé que les robo-advisors sont ceux qui ont le potentiel de
perturbation du marché le plus important à court et moyen
terme9. De la même façon, ils estiment que son impact
sera positif pour les investisseurs aisés, que ce soit en termes de
coût, de conseil et de diversité de l'offre.
Bien qu'internet ait donné accès à
quiconque au monde de l'investissement boursier et financier autonome, la
plupart des individus ne sont pas avertis en ce qui concerne la finance et
n'ont donc pas les connaissances nécessaires à une prise de
position avisée. De fait, la démocratisation du marché est
de façade, puisque leurs options d'investissements restent
limitées à des produits souvent peu efficients en termes de
rendement. La conséquence la plus apparente sur le marché de
l'épargne français étant la prédominance du fonds
en euros, certes sécuritaire mais également de moins en moins
rémunérateur.
Pour pallier à cette méconnaissance, la
population fortunée fait appel depuis de nombreuses années
à des gestionnaires d'actifs, des banquiers privés ou encore des
conseillers indépendants qui leur offrent un conseil sur leurs
placements financiers. Cependant, en raison des conditions d'investissements
minimales exigées par ceux-ci, le conseil financier reste fermé
au grand public. Les plateformes de conseil en investissement
automatisées, plus laconiquement appelées « robo-advisors
» ont pour objectif de combler l'écart de conseil existant entre la
population fortunée et les autres. A cet effet, le robot-conseiller ne
doit pas être confondu avec un simple gadget numérique. C'est au
contraire un prestataire de conseils financiers qui a vocation à
remplacer le conseiller physique dans toute la chaîne de valeur de
l'investissement financier. Il offre un modèle de placement financier
différent et plus largement accessible, sans pour autant négliger
le service fourni.
9CFA Institute - Fintech Survey Report, avril 2016
20
Un robo-advisors est ainsi une interface d'investissement
numérique et automatique qui fournit à l'investisseur un
accès simple aux marchés financiers agrémenté d'une
expérience client ergonomique et interactive. Tout ceci à un
coût inférieur à celui des conseillers traditionnels. La
relation entre le client et le robo-advisors commence
généralement par un questionnaire court visant à
connaître la situation personnelle de l'individu, sa connaissance du
monde et des produits financiers, son attitude vis-à-vis du risque tout
autant que ses objectifs, en conformité avec ce qui est prévu par
la directive MIFID 2. L'ensemble des informations transmises permet de
classifier l'investisseur, par le biais d'un algorithme, afin de
déterminer un risque acceptable pour cet individu. Ensuite, la
plateforme génère une allocation d'actifs automatique en fonction
du profil de risque établi et de l'état des marchés
financiers. Cette étape est réalisée différemment
entre les robo-advisors, si certains adoptent le « 100% technologique
» en proposant une allocation élaborée par le biais d'un
algorithme, d'autres préfèrent conserver la méthode
traditionnelle en constituant une équipe de spécialistes des
marchés financiers qui composent les portefeuilles types selon leur
approche personnelle, les théories financières et les
modèles mathématiques connus. Les portefeuilles ainsi
constitués sont généralement composés de fonds ETF,
reflet de la gestion passive prônée par les robo-advisors.
1) Une gestion automatisée du portefeuille
financier
? Une rationalisation du processus d'investissement
basée sur la théorie moderne du portefeuille
La caractéristique particulièrement mise en
avant lors de la présentation d'un robo-advisors concerne la gestion
algorithmique du portefeuille d'investissement. Comme énoncé
ci-dessus, la plupart des robo-advisors disposent d'un algorithme qui
génère automatiquement une allocation d'actifs selon
différents critères établis en amont. Si la plupart des
robo-advisors ont un algorithme qui leur est propre, la base théorique
utilisée est toujours la même : « la théorie moderne
du portefeuille ». Développée par Harry Markowitz en 1954,
elle permet de déterminer un processus de sélection de titres
permettant d'obtenir un portefeuille efficient. L'efficience se
définissant comme la maximisation de la rentabilité d'un
portefeuille pour un risque donné ou, de la même façon, la
minimisation du risque pour une rentabilité fixe.
La base de la théorie de Markowitz repose sur la
diversification10. Le raisonnement est intuitif, si deux titres
varient de façon opposée dans le temps, alors la baisse de valeur
du premier pourra être
10« Portfolio Selection: Efficient Diversification of
Investments » Harry Markowitz - 1955
21
compensée par la hausse de valeur du second qui
survient simultanément, permettant ainsi de supprimer au moins
partiellement la perte initialement subie sur le portefeuille. La
diversification permet donc d'éliminer le risque spécifique, qui
correspond au risque inhérent à l'activité d'exploitation
et au mode de gestion d'une entreprise, indépendamment de l'influence du
marché. Si nous possédons une multitude de titres sur des
secteurs différents et avec des modes de gestion variés, alors
les risques inhérents à chaque société seront
noyés dans la masse. Grace à cet effet, le risque d'un
portefeuille diversifié est inférieur à la moyenne
pondérée des risques de chaque titre inclus dans le portefeuille,
c'est ce qu'on appelle le gain de diversification. L'avis qui résulte de
cette observation est que l'allocation d'actifs ne doit pas aboutir à la
sélection individuelle de titres mais doit au contraire reposer sur une
étude des corrélations existantes entre les différents
titres présents sur le marché : plus la corrélation est
faible ou négative entre les titres sélectionnés, plus le
gain de diversification est important et, par conséquent, plus le risque
spécifique est réduit.
L'application pratique de la théorie moderne du
portefeuille permet d'identifier les allocations efficientes au sens de
Markowitz. L'ensemble de ces allocations peut être
représenté graphiquement sous la forme d'une courbe nommée
« frontière efficiente ».
Frontière efficiente de
Markowitz
22
L'algorithme est l'outil qui va constituer la frontière
efficiente, en fonction des données qui lui seront transmises, au sein
des robo-advisors. Les réponses aux questionnaires vont permettre
à l'algorithme de déterminer le risque accepté par
l'investisseur et ainsi de situer son positionnement sur la frontière
efficiente. Bien que le modèle de Markowitz soit sujet à
certaines limites, les observations réalisées par cette
théorie ont inspiré un certain nombre de modèles
mathématiques, le plus connu étant le « CAPM
»11, qui sont aujourd'hui effectivement utilisés par les
robo-advisors, comme en atteste le discours d'un employé de Yomoni, l'un
des principaux robo-advisors français : « Nous nous basons sur un
backtest rentabilité/volatilité construit sur 70 ans sur toutes
les classes d'actifs pour développer nos modèles
mathématiques. Notre philosophie d'investissement est quantitative :
nous couvrons le maximum de zones géographiques par classes d'actifs
pour assurer une diversification à moindre coût, ce qui nous
permet de réduire les chocs systémiques (comme les crises ou les
stress de marché). »
Raffaele Zenti, co-fondateur du site AdviseOnly a ainsi fait
une recherche, synthétisée dans le graphique ci-dessous, pour
déterminer les algorithmes utilisés par les
robo-advisors12 :
Méthodologie des robo-advisors pour la
construction de portefeuilles
11Capital Asset Pricing Model - modèle
introduit par Jack Treynor, William Sharpe, John Lintner et Jan Mossin
indépendamment, en poursuivant les travaux initiaux de Harry Markowitz
sur la diversification et la théorie moderne du portefeuille
12« Roboadvisors like a Commodore VI0? Apparently,
according to this quick survey... » - Raffaele Zenti - 14 mai 2016
23
? Les avantages d'une telle gestion
Comparativement à un investisseur particulier qui n'est
pas aidé dans son allocation par un conseiller financier, le changement
est radical puisqu'il est empiriquement prouvé que nos biais
comportementaux jouent un rôle primordial dans nos décisions
d'investissement et conduisent le plus souvent à un impact
négatif sur le rendement à long terme :
- Nous avons naturellement tendance à
sous-pondérer l'importance des informations qui ne confortent pas notre
vision et à tenir compte uniquement des preuves qui confortent notre
vision des choses ;
- Notre volonté de chercher une explication à
toute chose et d'occulter le caractère aléatoire d'une variation
future nous conduit à utiliser les probabilités de façon
inadéquate ;
- Notre comportement naturel est généralement
moutonnier et conformiste, nécessitant d'aller contre sa nature pour
pouvoir se forger un jugement propre ;
- Nous possédons des barrières psychologiques,
au-dessus ou en dessous desquelles on ne souhaite pas acheter, ou vendre, en
dehors de toute rationalité ;
- Nous sommes soumis à l'effet « ticket de loterie
» qui nous conduit à favoriser une probabilité faible de
faire un gain élevé plutôt que de fortes
probabilités de faire un gain modeste, alors même que le second
ticket aurait une espérance de gain pondérée plus forte
;
- Etc...
Ainsi, l'un des biais les plus commentés et
étudiés est celui de surpondérer les
événements récents plutôt que les tendances de long
terme, ce qui pousse les épargnants à investir et à
désinvestir au plus mauvais moment. L'investisseur lambda a ainsi la
fâcheuse tendance d'acheter lorsque le marché a connu une
croissance excessive et vend lorsque le marché baisse alors que la
probabilité d'un retournement augmente. Il est possible de voir cet
effet comportemental de façon très prononcée dans le
graphique ci-dessous, dont la courbe orange représente la performance
des bourses mondiales et l'histogramme bleu les flux nets vers les fonds en
actions.
24
Corrélation entre l'évolution des indices
mondiaux et les flux nets d'investissement en fonds
actions
De plus, même si l'investisseur se sent confiant quant
aux possibilités du conseiller humain de surmonter ses biais cognitifs
naturels, les incitations financières de ce dernier ne sont pas toujours
en phase avec le bénéfice du client. Ainsi, certains conseillers
orientent leurs clients vers des produits qui se conforment à leur
propre intérêt financier. Mon expérience personnelle en
banque de détail me permet de confirmer ce fait.
Notre comportement naturel et les incitations personnelles du
conseiller nous mènent donc à un mauvais « market
timing13 ». L'utilisation d'un programme numérique
supprime cela puisque celui-ci n'est soumis à aucun biais
émotionnel, il se base sur des données objectives sans en
sous-pondérer ou surpondérer aucune. Il convient cependant d'y
énoncer une limite : le programme à l'origine de l'algorithme est
créé par l'homme, il peut donc intégrer certains biais qui
nous caractérise.
13Le Market timing vise à étudier
l'évolution d'un marché, ou d'un actif, pour déterminer
à quel moment l'investisseur doit intervenir.
25
26
2) Une gestion passive de l'investissement
Afin de faciliter la gestion automatisée par
algorithme, les robo-advisors privilégient la gestion passive à
la gestion active. Ce changement, bien que peu commenté lorsqu'on
évoque l'émergence des robo-advisors, est pourtant l'un des plus
radical. Quand les autres apports concernent une nouvelle expérience et
approche client, le passage à une gestion majoritairement passive
constitue une véritable mutation idéologique en matière
d'investissements financiers.
Les adeptes de la gestion passive estiment que le
marché est efficient, et qu'il est par conséquent futile de
vouloir effectuer une sélection de titres puisque celle-ci aboutirait
forcément à une perte de rendement. A l'opposé, les
défenseurs de la gestion active pensent que le choix
discrétionnaire de titres, sur la base d'un jugement humain personnel
élaboré par l'analyse d'études financières, de
données économiques ainsi que de statistiques, tend à
surperformer l'indice. La gestion passive adoptée par les robo-advisors
constitue ainsi une petite révolution en matière de modèle
d'investissements financiers couramment appliqués, y compris en banque
privée et de fortune. Bien que l'utilisation de la gestion passive
semble être motivée par des raisons tarifaires (le coût d'un
tracker est bien inférieur aux autres fonds) et techniques
(l'automatisation implique l'emploi de modèles simples afin d'être
exécutés par un programme informatique), son impact n'est pas
moins important sur le modèle d'investissement financier.
L'activité du gestionnaire de portefeuille actif est de
déterminer la valeur réelle d'un titre, vers laquelle la valeur
de marché tend, et de la comparer à sa valeur de marché
actuelle. La différence entre les deux valeurs va permettre au
gestionnaire d'émettre un avis sur la cession ou l'acquisition du titre.
Or comme nous l'avons énoncé dans la partie
précédente, l'homme est sujet à des biais cognitifs qui le
conduisent à prendre des décisions financières non
optimales. Les individus ont tendance à combler naturellement les vides
informationnels et donc à prendre pour acquis des données qui ne
le sont pas. Malheureusement, les professionnels de la finance sont autant
humains que leurs clients, et donc également sujet à cette
vulnérabilité aux biais cognitifs. Or la valeur réelle
d'un titre est définie comme la somme de ses flux futurs
actualisés, ces flux étant déterminés par le
gestionnaire via les informations à sa disposition. Si celui-ci
surpondère ou sous-pondère des informations, à cause des
biais cognitifs, les flux futurs qu'il détermine deviennent
erronés et ainsi la différence entre la valeur réelle et
la valeur de marché devient fausse, conduisant à sous performer
le marché à long terme.
27
Les études tendent à montrer que les
gestionnaires de fonds, bien que conscients des biais cognitifs et
déterminés à surmonter ce handicap naturel, font tout de
même des erreurs d'investissements. Le résultat de ces erreurs
étant une sous performance significative des portefeuilles de gestion
active par rapport à leur indice de référence.
L'étude14 de S&P, publié le 21 juillet 2016, est
ainsi significative :
Part des fonds actifs qui sous-performent leur indice
de référence
Source: S&P Indices Versus Active - SPIVA® Europe
Year-End 2015
Commentaire du tableau : la lecture du tableau nous permet
de confirmer ce qui a été évoqué
précédemment. On peut lire que 90% des gérants d'actifs en
moyenne couvrant les actions européennes fournissent moins de rendement
que l'indice de référence sur 10 ans. Ce taux de sous performance
tend à grimper lorsque la durée d'investissement prise en compte
augmente. Ainsi, si le gestionnaire est capable d'effectuer une
sélection de titres efficaces sur le court terme, il semble être
très difficile, voire impossible, de rééditer cette
performance dans le temps.
Le second graphique de cette étude permet d'affiner la
compréhension des facteurs qui permettent aux gestionnaires d'actifs de
créer de la valeur.
14 « SPIVA® Institutional Scorecard-How Much Do Fees
Affect the Active Versus Passive Debate? » - S&P - 21 juillet 2016
28
Pourcentage des gestionnaires actions surperformant le
Benchmark
Source: S&P Dow Jones Indices LLC, eVestment Alliance, CRSP.
Data as of Dec. 31, 2015.
Commentaire du tableau : si la plupart des classes
d'actions sous-performent lorsqu'elles sont gérées activement,
certaines permettent de générer en moyenne un alpha
positif15 à l'image des sociétés à
faible capitalisation boursière ou encore l'immobilier.
L'explication en est logique. Prenons le cas des «
international small-cap », sur ce marché, il y a une abondance de
sociétés soumises à des fortunes extrêmement
diverses. Le spectre de croissance entre les sociétés est
excessivement large : certaines ont une durée de vie restreinte quand
d'autres ont un potentiel certain. La volatilité sur ce genre de
marché est donc très importante. Ainsi, pour un professionnel
impliqué et bien informé, dénicher la perle rare, et
mettre de côté les sociétés ayant peu de potentiel,
est plus simple. Les biais cognitifs propres à l'être humain sont
toujours présents, mais compensés par la forte disparité
de qualité des titres. En conclusion, la création d'un alpha
positif est rendue plus ardu lorsque :
- Les caractéristiques des différentes
sociétés présentes dans l'indice sont homogènes -
La volatilité de l'indice est faible
15 Définition Les Echos : « L'alpha mesure sur la
surperformance d'un portefeuille, d'une action ou d'un titre par rapport
à sa performance théorique telle que donnée par le MEDAF.
C'est une mesure de la capacité d'un gestionnaire à créer
de la valeur pour ses clients en étant capable de détecter les
titres ou les actions qui rapportent plus qu'elles ne devraient compte tenu de
leur risque et ce pour une période donnée. »
Ainsi, dans le cas des « large-cap growth », la
différence de performance entre les sociétés est minime,
ce qui implique que le gestionnaire actif ne surperforme que très
rarement l'indice.
Cette surperformance moyenne des gestionnaires se retrouve
également dans le cadre de marchés baissiers : en moyenne, avant
ajustement du risque, les gestionnaires actifs ont généré
un rendement excédentaire par rapport à l'indice. Si nous
analysons la situation en ajustant le rendement du risque, on remarque une
inversion des observations : le gestionnaire actif génère un
rendement ajusté du risque plus élevé que l'indice dans le
marché haussier et inversement dans le marché
baissier16. Ceci peut être analysé comme un ajustement
trop important des gestionnaires d'actifs, conscients du biais cognitif qui les
affecte. Ils cherchent tellement à contrebalancer leur instinct qui les
incitent à sécuriser quand le marché baisse et s'exposer
lorsqu'il monte, qu'ils en viennent à prendre trop peu de risque quand
le marché est haussier et inversement.
3) Une démocratisation du processus de
placement
Encore récemment, il n'existait que deux options
d'investissement financier : le faire soi-même ou engager un conseiller.
Chacune de ces options est soumise à une contrainte, la première
nécessite d'avoir des connaissances suffisantes en matière de
marchés et de produits financiers tandis que la seconde exige d'avoir un
certain niveau d'actif à investir, hors de portée des plus jeunes
et des moins fortunés. Les robo-advisors constituent la troisième
option, ils permettent de démocratiser l'accès à la
performance des marchés financiers en la rendant accessible au plus
grand nombre, sans contrainte de connaissances ou de volume d'investissement.
Cette prouesse est rendue possible par une baisse des tarifs appliqués
sur les montants investis ainsi qu'un renouveau de l'expérience client,
basée sur la simplicité et l'ergonomie.
? Des frais plus transparents et raisonnables
Les frais de gestion annuels généralement
appliqués par les conseillers financiers se situent entre 1% et 3% des
actifs sous gestion. Les services et frais associés proposés par
les robo-advisors ne sont pas uniformes. Si certains ont des frais clairement
expliqués et transparents, d'autres ont des politiques tarifaires plus
complexes et opaques. La plupart applique un pourcentage de frais au montant
d'actifs sous gestion, à l'image des conseillers financiers, mais bien
moins élevé, de l'ordre de 0,20% à 1%. En
général, quel que soit les frais liés à l'actif
sous gestion, les robo-advisors ont
16 « Active versus passive: a study covering US mutual funds
from 1980 until 2010 » - FundQuest Advisor
29
des frais additionnels. Tous les ETF, fonds sur lesquels sont
placés les montants investis, ont un « expense ratio » qu'il
convient d'ajouter à la tarification des actifs sous gestion. D'autres
décident d'adopter une politique tarifaire novatrice en se contentant de
prélever des frais uniquement sur la performance réalisée
par le portefeuille client accompagné du paiement d'un abonnement,
indépendamment de la somme investie. Ces nouveaux modes de facturation
ont un objectif similaire à celui des actionnaires qui
rémunèrent le gérant en stock-options : faire
coïncider l'intérêt du conseiller à celui du client,
à savoir générer du rendement.
L'impact d'une telle différence de facturation sur le
rendement réel d'un investissement à long terme n'est pas
négligeable. Pour démontrer cela, nous prendrons l'exemple
suivant :
- Investissement : 100 000 €
- Durée de placement : 20 ans
- Taux de rendement annuel : 5%
- Frais de gestion du conseiller humain : 2%
- Frais de gestion du robot conseiller : 0,8%
|
|
|
Epargne nette
|
|
Epargne brute
|
Epargne nette
|
|
Epargne disponible à
échéance
|
conseiller humain
265 330 €
180 611 €
|
robo-advisor
227 695 €
Différence de gain entre le conseiller et
le robo-
advisor
47 084 €
On remarque une différence de gain de 47 084 € sur
20 ans entre le conseiller humain et le robot conseiller. Afin de combler la
différence de frais de gestion, le conseiller humain doit
générer chaque année 2 354 € de plus que le robot
conseiller.
La capacité de réduction des frais réside
dans l'utilisation d'ETF qui permet de garder les coûts à un
niveau jugé faible et ainsi rendre l'investissement plus efficace. Selon
Morningstar, les fonds actifs coûtent 1,46% en moyenne alors que les
fonds passifs plafonnent à 0,25%17. Cette différence
s'explique par la nécessité d'une expertise humaine dans le cadre
d'une gestion active, généralement matérialisée par
du stock picking, alors que les fonds passifs se contentent de répliquer
un indice, l'activité étant essentiellement technique, elle
permet une automatisation des tâches et donc une réduction des
frais de fonctionnement.
17« Vraiment les ETF sont plus rentables que les fonds ?
» - Morningstar - 30/06/2016
30
Le conseiller physique fait face à un défi, qui
est celui de générer une surperformance suffisante pour justifier
son coût. Les éléments décrits
précédemment tendent cependant à démontrer que la
gestion active, généralement pratiquée par le conseiller
physique, sous performe en moyenne la gestion passive. La différence de
tarification est précisément ce qui rend les robo-advisors
populaires et perturbateurs pour le marché traditionnel. En l'absence
d'offres alternatives, il est compliqué de remettre en cause la
tarification appliquée par le conseiller puisqu'aucun
élément ne nous permet de penser que cette tarification puisse
être réduite. La situation actuelle peut ainsi être
comparée à l'émergence de Free dans le secteur des
fournisseurs d'accès internet : jusqu'alors, la tarification
proposée dépendait de l'usage fait d'internet et le prix mensuel
pouvait ainsi grimper jusqu'à 80€. A son arrivée sur le
marché, Free met en place un abonnement fixe de 30€ par mois, quel
que soit l'utilisation du service. Cette évolution a contraint les
autres acteurs du marché à s'aligner sur sa base tarifaire, avec
en prime un déficit d'image important.
C'est pour la même raison que des banquiers
américains traditionnels comme Morgan Stanley, Bank of America ou encore
Wells Fargo développent aujourd'hui leur propre outil basé sur
l'intelligence artificielle afin de réduire leur frais de structure et
de ressource, dans le but de s'aligner sur la tarification des robo-advisors.
Effectivement, même si l'excès de tarification n'a pas de
justification en termes de rendement de portefeuille, il en a en termes de
structure sociétale. Si le secteur traditionnel applique de tels tarifs,
c'est la conséquence d'une structure tentaculaire : une diversification
importante de leur activité qui génère des contraintes
réglementaires fortes mais également une quantité d'actifs
immobilisés élevée qui nécessite des
investissements fréquents, à ceci s'ajoute un nombre
d'employés particulièrement important. Les robo-advisors ont,
à l'inverse, une structure minimaliste : un minimum de conseillers, peu
d'actifs immobilisés, une gestion efficiente et automatisée qui
rend le coût de fonctionnement très faible.
? Une expérience client
renouvelée
Jusqu'à présent, l'ensemble des
caractéristiques innovantes avancées pour justifier l'existence
de ce nouvel acteur de marché concernait l'investissement financier en
lui-même. Si la notion de placement est évidemment la plus
attendue et la plus analysée lorsque l'on choisit un conseiller en
investissements, il existe d'autres critères à prendre en
considération. L'un d'eux est ce qu'on pourrait appeler le packaging,
soit l'enveloppe première du produit. L'intérêt de
l'investissement ne réside pas seulement dans le résultat qu'il
produit, mais également dans la manière d'investir. Les
fondateurs de robo-advisors l'ont bien compris et misent, de leur propre aveu,
énormément sur l'expérience client. L'objectif est de
rendre l'investissement simple en proposant une interface ergonomique et une
procédure courte, à l'image des banques en ligne, mais avec un
service de gestion automatisée en complément. Ainsi Wealthfront,
le leader sur le marché mondial, met en avant dans sa communication la
possibilité d'ouvrir un compte client en moins de 10 minutes. Le
31
champ lexical adopté est souvent le même, la
simplicité et l'optimisation du temps, à l'image de Yomoni qui
introduit son site par « une gestion facile de votre épargne, une
utilisation simple et rapide »18. Il est vrai que la
démarche d'investissement est millimétrée et parfaitement
rôdée, la
plupart des robo-advisors du marché appliquent la
même formule : un questionnaire simple d'une dizaine de questions voire
moins accompagné d'un objectif matériel (acquisition d'un bien
immobilier, préparation à la retraite, etc...), suivi d'une
proposition d'allocation d'actifs, s'en suit une acceptation en ligne par le
client et un envoi des documents par voie postale ou par scan.
Outre la simplicité, la nouveauté mise en avant
par les robo-advisors réside dans le positionnement client en termes de
risque. Comme nous l'avons vu auparavant, la détermination du
portefeuille d'un investisseur dépend en grande partie du risque qu'il
est prêt à accepter. Ainsi, plus l'estimation est poussée,
plus le positionnement de l'investisseur sera affiné sur la grille des
risques et plus l'investissement effectué correspondra au souhait du
client. Cette situation pourrait être comparée à la
résolution d'un écran : plus la résolution est importante,
plus l'écran contient de pixels sur une surface donnée et donc
plus l'image est nette car chaque nuance de couleurs peut être
affichée d'un pixel à l'autre. De la même façon,
plus le positionnement du client est complet, plus il est possible de
créer des catégories d'investisseurs différentes disposant
d'investissements propres. Le questionnaire client que nous évoquions
dans l'introduction de cette partie tend ainsi à être le plus
complet possible. Cependant, cette précision du positionnement client
semble être davantage un argument marketing qu'une réalisation
effective à l'heure actuelle. Effectivement, les questionnaires sont
relativement basiques et peu différenciés de ce que propose tout
conseiller patrimonial (cf. voir annexe 2). Cependant, l'exploitation
grandissante des « big data » semble pouvoir être une solution
à l'équation et permettre au robo-advisors de se démarquer
encore un peu plus.
Les big data « désignent un ensemble très
volumineux de données qu'aucun outil classique de gestion de base de
données ou de gestion de l'information ne peut vraiment travailler. Ces
données sont créées par l'activité de l'homme et
proviennent de partout : messages que nous envoyons, vidéos que nous
publions, informations climatiques, signaux GPS, enregistrements
transactionnels d'achats en ligne et bien d'autres encore »19.
Cette masse gargantuesque de données, une fois exploitée,
pourrait constituer une source intarissable d'informations quant à la
connaissance du client et permettre ainsi un positionnement toujours plus
précis de l'investisseur.
Le renouvellement de l'expérience client ne
s'arrête pas à l'investissement client, le suivi assuré par
la suite est digne de celui offert en gestion de fortune, réservé
au High Net Worth et Ultra High
18 Page principale du site de Yomoni
19 Définition du site
lebigdata.fr
32
Net Worth (cf. voir annexe 3). La société
produit des reportings à échéance trimestrielle ou
semestrielle dans la plupart des cas et permet d'être
régulièrement informé de l'évolution du
portefeuille. Lorsqu'un évènement particulier a lieu sur les
marchés, une note de gestion claire et concise est adressée
à l'ensemble des clients dans un laps de temps très court. De la
même façon, les arbitrages proposés au client sont
effectués automatiquement dans le cadre de la gestion
automatisée, ou alors une proposition d'arbitrage leur est
adressée via un e-mail. L'objectif est de réduire toujours plus
le temps pris par le client à évaluer son investissement
financier tout en n'occultant aucune information importante à ses yeux.
Cette évolution répond à ce que nous avancions dans la
première partie de ce mémoire, le client effectue un nombre
d'activités grandissant, il souhaite donc réduire le délai
accordé à chacune d'elles, tout en conservant la même
qualité de service.
En somme, lorsqu'il s'agit de discuter de l'impact des
robo-advisors sur le marché, l'automatisation du processus
d'investissement est régulièrement abordée, alors que la
véritable préoccupation devrait porter sur l'automatisation de
l'ensemble de la procédure client. De plus,
l'utilisation du terme robo-advisors est un abus de
langage, l'ensemble des start-ups permettent à leurs clients d'interagir
avec un conseiller humain s'ils estiment en avoir besoin. J'ai d'ailleurs pu en
faire l'expérience avec Yomoni sur des questions d'algorithme et de
protection des données, leur réactivité fut excellente et
leur réponse précise. Il s'agit donc d'un atout
supplémentaire qui vient compléter l'offre globale de gestion
automatisée. On pourrait même renverser l'analyse et
décrire le robo-advisors simplement comme un conseiller humain
assisté en profondeur par une gestion automatisée de tâches
plus ou moins complexes, celui-ci reprenant la main lorsque la situation
nécessite une expertise humaine.
33
II. Qui constitue une innovation de continuité
pour la gestion de patrimoine
Comme défini par Clayton M. Christensen, «
l'innovation de rupture porte sur un produit ou un service qui finit par
remplacer les acteurs dominants sur un marché »20.
Ainsi, la substitution d'un modèle à un autre implique que le
service proposé par les deux soit équivalent. Pour comprendre
l'impact des robo-advisors sur le marché de la gestion de patrimoine, il
convient donc d'identifier le service sur lequel porte son innovation.
A. Son implication dans la planification patrimoniale
est
restreinte
1) Un service exclusivement financier
Le travail du gestionnaire de patrimoine se divise en deux
parties distinctes qui s'influencent mutuellement. D'une part, le conseiller a
un rôle à jouer dans la gestion d'actifs du client. Son but est de
proposer des investissements efficients, correspondant au profil du client, et
qui répondent à ses besoins patrimoniaux. La définition de
ces besoins se fait par le biais du conseil, deuxième partie du travail
du gestionnaire de patrimoine. Pour évaluer les besoins du client, il
est fait appel à la notion d'approche globale. Le conseiller va donc
évaluer l'ensemble du patrimoine possédé par le client,
mais également son statut marital, sa résidence fiscale, son
imposition et d'autres paramètres qui vont lui permettre de
définir les enjeux patrimoniaux du client bien au-delà de la
sphère uniquement financière. Le rôle du conseiller est
donc de définir une stratégie d'ensemble pour rendre un conseil
en cohérence avec la situation complète du client. Ce rôle
suppose une interaction entre les deux parties visant à mettre en
lumière les enjeux et surtout les expliciter au client qui n'en a pas
forcément conscience. C'est souvent le cas en ce qui concerne la
préparation à la transmission ou à la retraite. Peu de
gens savent qu'ils peuvent grandement optimiser le coût de leur
transmission en s'y prenant à l'avance. Ils se contentent donc de faire
un testament en toute hâte et rendent la succession compliquée,
alors qu'un conseiller pourrait leur préconiser des solutions qui
comportent notamment des investissements financiers dans des produits
adaptés, comme l'assurance-vie.
20 « The Innovator's Dilemma » - Clayton Christensen -
1997
34
Le robo-advisors n'a pas les capacités pour effectuer
un tel travail, il fait uniquement une approche besoin : le client exprime un
souhait par le biais du questionnaire client concernant un investissement
financier et le robo-advisors lui propose une solution qui se
matérialise par une allocation d'actifs. Il n'existe donc pas de notion
de conseil, à proprement parler, puisqu'il ne s'évertue pas
à motiver le besoin exprimé par le client. Cette activité
correspond à de la gestion pour compte de tiers plutôt que de la
gestion patrimoniale. A cet effet, la plupart des robo-advisors existants
dispose du statut de « société de gestion de portefeuille
» (SGP). Ceci signifie que le robo-advisors reste incapable, à
l'heure actuelle, de fournir des services équivalents à celui
d'un conseiller en gestion de patrimoine. Le conseiller exprime un conseil
global concernant la structuration du patrimoine, en vue de le constituer, de
le préserver, puis de la transmettre à la
génération future, ceci pouvant donner lieu à une
allocation d'actifs, tandis que le robo-advisors a pour unique vocation
d'effectuer une allocation d'actifs.
Or d'après Guillaume Piard, président directeur
d'Evest, « la valeur ajoutée de l'humain se situe au niveau du
conseil plutôt que de la gestion »21. Le fait de
révolutionner la gestion en imposant une méthode
automatisée n'affecte pas le conseil qui repose toujours sur la valeur
humaine. Le temps où un robot sera capable de comprendre l'ensemble des
problématiques qu'impose la gestion d'un patrimoine semble encore loin.
Le processus actuellement en cours concernant la gestion d'actifs ressemble
à celui qu'a connu l'automobile par le biais de Henry Ford. Certaines
tâches visant à la production d'un véhicule ont
commencé à être automatisé, par le biais de
machines. Le point commun à tous les processus d'automatisation est
qu'il porte sur une tâche unique. Même si la tâche est bien
plus complexe aujourd'hui concernant l'allocation d'actifs qu'elle ne
l'était hier concernant la fabrication d'une pièce de voiture,
elle reste unique. En soi, le modèle mis en place
par le robo-advisors consiste seulement à placer un
client sur une échelle de mesure allant de « peu risqué
» à « risqué » par le biais d'un questionnaire
d'une vingtaine de questions puis de proposer une allocation type en fonction
du placement sur l'échelle. Et encore, il faut savoir que beaucoup de
robo-advisors, comme Yomoni, ne constituent pas l'allocation
automatiquement, mais qu'elle dépend toujours de spécialistes
humains qui font des analyses. Quel est donc le réel apport de ces
sociétés par rapport à la gestion d'actifs traditionnels,
et nous ne parlons même pas de la gestion de patrimoine : le placement
automatique sur une échelle fait de façon encore hasardeuse (voir
antérieurement) qui permet de rationnaliser l'allocation d'actifs. Nous
pouvons avancer que le modèle actuellement mis en place par les
robo-advisors ne constitue pas une innovation de rupture,
21Conférence Fintech de CFA Society France,
« L'ère des Robo-advisors » - 12/04/2016
35
en référence à la définition faite
par Clayton M. Christensen, car il ne remplace pas le service fourni par le
conseiller en gestion de patrimoine.
2) L'importance du contact humain dans une relation de
conseil
L'avis semble être partagé par les clients qui
font confiance à leur conseiller traditionnel et souhaitent continuer
à utiliser leurs services dans 77% des cas d'après une
étude d'Accenture22. L'information la plus
intéressante dévoilée dans ce rapport est que 71% des
clients privilégient une communication en face-à-face avec leur
conseiller.
Les différents moyens d'interaction avec le
conseiller financier
Ceci permet de poser la primauté du contact humain dans
une démarche de gestion de patrimoine. Gérer un patrimoine ne se
limite pas à répondre à des questions selon un choix
prédéfini de deux ou trois réponses. Le conseiller
possède dans sa palette de compétences d'un avantage
indéniable sur le robot, la psychologie. Il est nécessaire de
comprendre le sentiment, la situation et les souhaits du client pour
l'orienter, or un questionnaire seul ne peut permettre de comprendre ce genre
de chose. Le conseiller est également présent dans les mauvais
moments pour rassurer le client, lui expliquer la situation. Le robo-advisors
le fait également lors de période trouble sur les marchés,
mais un
22« Understanding Expectations of Wealth Management in the
Digital World » - 2015
36
e-mail ne peut remplacer la psychologie humaine. Le contact et
la relation de confiance qui se noue entre un conseiller et le client ne peut
être remplacé par un avis automatisé.
3) Une clientèle cible différente
Nous avons vu que le service proposé ne correspondait
pas à celui fournit par le conseiller, la deuxième question
à se poser est donc de savoir si leur positionnement respectif est le
même concernant la clientèle ciblée. Il semble
évident que les sociétés proposant des robo-advisors
s'adressent en premier lieu, et tout naturellement, à une population
jeune influencée par l'abondance de technologies qu'ils ont connu depuis
la naissance. Cette population correspond à celle que nous avons
décrite dans la première partie. Le changement de paradigme qui a
eu lieu à ce moment-là a grandement fait évoluer les
comportements de consommation, le consommateur devenant avant tout utilisateur.
Les études adoptent le terme « millenials » pour nommer cette
population. Il convient de préciser que « millenials » renvoie
non pas à une date précise, comme la génération X
ou Y, mais simplement à un individu qui serait né après
l'émergence de la technologie informatique et aurait donc grandi
dès le plus jeune âge à ses côtés. Par
simplification, on admet généralement l'année 1980 comme
date de naissance de départ de cette population.
Selon Jon Stein, PDG et fondateur de Betterment, « il n'y
a jamais eu un moment dans l'histoire humaine où les jeunes ont connu
autant de changements technologiques. Les choses changent si vite depuis
quelques décennies qu'ils ont provoqué une fracture entre les
millennials et les générations précédentes. Les
millennials aiment la technologie, les gens pensent donc qu'ils doivent
être les clients idéaux pour investir dans un service
complètement automatisé et facile d'utilisation. Cela a du sens,
parce que l'investissement automatisé est nouveau, et les millennials
tendent à être les premiers adoptants d'une nouvelle technologie
»23. Les informations transmises quant à la typologie
client des robo-advisors tendent à démontrer la plus grande
appétence pour l'innovation des millennials, comparativement aux autres
générations : 2/3 de la clientèle de Betterment est
née après 1980 et l'âge moyen est de 35 ans. Le PDG de
Wealthfront, Adam Nash, va dans le même sens en affirmant que 60% de sa
clientèle a moins de 35 ans et 90% moins de 50 ans24.
23« Robo-advisors Aren't Just for Millennials » -
www.betterment.com
24« Wealthfront's leader on investment fees, millennials,
and the competition » -
www.fortune.com - 6 août
2015
37
Au sein de la population « millenials », toutes les
fortunes sont ciblées, d'où un minimum à investir
très faible, de l'ordre de 1 000 € à 5 000 €. La
stratégie de ces robo-advisors est d'offrir leur service à
l'ensemble de la société, sans établir de
hiérarchie entre les clients. Cependant, une catégorie en
particulier est recherchée pour son potentiel financier important
à l'avenir et l'absence de concurrence des acteurs traditionnels du
marché : les High Earning Not Rich Yet (HENRY's). Selon une étude
de TD Ameritrade25, les individus de la population millennials
disposant de plus de 500 K€ à investir (HNW) sont d'ores et
déjà en relation avec un conseiller dans 65% des cas. A
contrario, seulement 33% des clients qui seront potentiellement fortunés
(Potential HNW) sont accompagnés par des conseillers dans leurs
investissements financiers. Ces Potential HNW sont ceux qui disposent de moins
de 500 K€ à investir mais d'un revenu annuel supérieur
à 150 K€. Cette description des Potential HNW correspond à
nos fameux HENRY's. L'étude parait optimiste pour les robo-advisors
puisque cette population estime qu'un investissement intelligent est le
deuxième facteur le plus important pour atteindre la richesse, ce qui
signifie leur ouverture au conseil financier. De plus, 63% des HENRY's
affirment ne pas vouloir faire appel au conseiller historique de la famille.
A l'inverse, le conseil en gestion de patrimoine s'adresse
à une clientèle fortunée. La plupart des banques
privées exigent un minimum de 150 000 € d'avoirs financiers pour
offrir leurs services26. En dessous de cette marque, les marges
faiblissent jusqu'à un point où les recettes engendrées
par le client ne sont pas suffisantes pour couvrir les dépenses
générées. Le service proposé à vocation
à répondre à des problématiques dépassant le
simple cadre de l'allocation d'actifs, les procédures misent en place
dans cette optique sont génératrices de dépenses beaucoup
plus importantes que celles d'un robo-advisors. De plus, le client qui
possède un patrimoine restreint n'aurait aucun intérêt
à être accompagné, les frais qu'il devrait acquitter
étant bien supérieurs aux gains.
Cependant, il convient de préciser qu'aux Etats-Unis,
l'ensemble de la population ayant moins de 35 ans ne détient que 1% de
la richesse totale du pays, tandis que les plus de 65 ans possèdent
approximativement 42% de cette richesse. Les HENRY's restent donc une
population marginale pour le secteur de l'investissement financier. C'est pour
cette raison que les principaux robo-advisors mondiaux tentent aujourd'hui de
charmer les catégories de populations plus âgées, à
l'instar d'un des articles de Betterment qui énonce « que vous ayez
21 ou 91 ans, vous méritez de bénéficier des meilleurs
services disponibles et les pratiques d'investissements les plus intelligentes
»27. De fait, les discours tenus par les PDG de ces
sociétés laissent penser que le
25« Gen Y Investor Insights: Millennial Millionaires in the
Making » Janvier 2015 26Les « banques privées
» sont-elles faites pour vous ? - Le Figaro - 29/06/2012 27 «
Robo-advisors Aren't Just for Millennials » - Betterment
38
ciblage initial de la jeune population est surtout une
manière de s'implanter dans le décor en profitant de
l'appétit de cette génération pour la nouveauté.
B. Une tentative de gestion algorithmique qui reste
perfectible
1) La crainte d'un défaut des algorithmes
Bien que la gestion automatisée ou conseillée
que propose le robo-advisors semble nouvelle aux yeux d'un client qui n'a pas
accès à un conseiller en gestion de patrimoine, ce type de
gestion fait déjà partie de la panoplie de services reçus
par les clients plus fortunés. L'appellation d'une telle gestion est
« sous mandat ». La gestion sous mandat permet à un
professionnel de la finance d'effectuer librement les arbitrages sur le
portefeuille géré en fonction d'un mandat qui précise
l'orientation de gestion, la connaissance du titulaire du compte en ce qui
concerne les marchés financiers ainsi que le niveau de sa
rémunération. Cette gestion est donc l'exact reflet de la gestion
automatisée proposée par un robo-advisors. La seule
différence est qu'elle est dans un cas gérée par un
algorithme, et dans l'autre cas par des professionnels de la finance.
L'objectif est alors de comparer la gestion physique à la gestion
algorithmique pour savoir ce qui est le plus performant dans le temps.
A cet effet, il convient de rappeler que la plateforme de
conseil en investissements automatisés est avant tout une
société de gestion, sa principale raison d'être
étant de fournir un conseil permettant de générer du
rendement. La pérennité de ce modèle repose donc sur sa
capacité à présenter de bons tracks-records28
à l'avenir. Or selon les membres du CFA Institute29, la
crainte la plus vive concernant les robo-advisors est celle d'un défaut
des algorithmes de gestion financière.
Jusqu'à présent, la croissance des robo-advisors
a coïncidé avec une période de hausse sur les marchés
financiers alors que les acteurs du placement financier sont avant tout
jugés pour leur performance en cas de baisse du marché. La raison
est que le ressenti humain face à une baisse est beaucoup plus fort que
face à une hausse, en adéquation avec l'expression «
à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Qu'un
organisme fasse +12% alors que le marché fait +7% ne changera pas
foncièrement notre satisfaction, alors qu'un organisme qui ne perd que
5% dans un marché qui en perd 10% nous rend particulièrement
heureux. Nous pourrions ainsi évoquer la société Carmignac
Gestion qui doit sa notoriété à la gestion prudente
qu'elle a mise en place lors de la crise des subprimes sur son fonds Carmignac
Patrimoine, ce qui lui a permis d'afficher une performance de 0% quand les
indices boursiers mondiaux perdaient entre 30% et 40%. Or nous avons
déjà évoqué
28Historique des performances d'investissement d'un
gestionnaire de capitaux 29CFA Institute - Fintech Survey Report
Avril 2016
39
40
dans la première partie la meilleure capacité de
la gestion active à surperformer le marché en phase
baissière, ce qui constituera dans le temps un point négatif pour
les robo-advisors qui adoptent une gestion passive. Un marché baissier
représenterait un test crucial qui permettrait de savoir si leur
méthode d'investissement est bonne ou non dans une optique
d'investissement à long terme.
2) Un modèle mathématique plus marketing
que financier
Malgré l'absence de données empiriques, un
certain nombre de spécialistes des marchés financiers sont
d'ores-et-déjà sceptiques quant à la capacité d'un
robo-advisors de surmonter le prochain « bear market »30.
Plusieurs analyses ont ainsi été effectuées sur les
algorithmes utilisés par les plateformes de conseil en investissements
automatisés. Il en résulte que 60% des algorithmes
identifiés par Raffaele Zenti, co-fondateur d'Advise Only, reposent sur
la théorie moderne du portefeuille (voir graphique page 26). Cette
observation l'a conduit à faire une remarque acerbe sur le modèle
des robo-advisors : « dans la rue, vous tombez sur un magasin
spécialisé dans le high-tech, avec des fenêtres lumineuses
et brillantes. Vous entrez dans le magasin. A l'intérieur, la mise en
place est impressionnante, tout brille et sent agréablement bon. Le
vendeur joliment habillé parle doucement et met en avant sa
dernière nouveauté, le nec plus ultra du high-tech. Vous vous
approchez, vous souhaitez voir cette incroyable technologie et... surprise,
c'est un vieux Commodore ! La réalité est qu'il essaye de vous
vendre de la technologie dépassée comme quelque chose de
fantastique et précieux. Eh bien, au fond, aujourd'hui la plupart des
robo advisors font
exactement la même chose : ils ont mis en place une
interface utilisateur avec des couleurs vives qui enveloppent un moteur
financier naïf et obsolète »31. D'un point de vue
plus neutre, Elisabeth Kashner, directrice de recherche sur les ETF pour
FactSet, a choisi de mener une étude focalisée sur un nombre
restreint de robo-advisors afin d'en disséquer l'algorithme32
: quatre des six sociétés étudiées33
utilisent un modèle de moyenne-variance conventionnelle, application
mathématique de la théorie moderne du portefeuille.
30Marché dans lequel le cours des titres
baisse
31« Roboadvisors like a Commodore VI0? Apparently, according
to this quick survey... » - 14/05/2016 -
Raffaele Zenti
32« Ghosts In The Robo Advisor Machine » -
www.etf.com - 19 août 2014
33Wealthfront, Betterment, Covestor, Wise Banyan,
Invessence et FutureAdvisor
Techniques de construction de portefeuilles mises en
place par certains robo-advisors
américains
Or, même si cette théorie a permis de donner un
cadre directeur au processus de réalisation d'un portefeuille
d'investissement par la découverte de grands principes qui ont ouvert la
voie à la construction de modèles mathématiques, elle a
été introduite dans les années 1950. Ainsi, pour beaucoup
d'analystes, cette théorie, bien qu'intitulé « moderne
», est obsolète et il ne doit donc pas en être fait une
application naïve. L'évolution de la connaissance suit toujours le
même schéma : les découvertes des uns constituent la base
de recherche des suivants qui utilisent les données déjà
mis à jour pour améliorer notre connaissance. Ainsi, la «
théorie moderne du portefeuille » fut une belle base mais qui est
aujourd'hui supplantée par bien d'autres théories plus complexes
et fournies.
De fait, l'optimisation par la méthode de la
moyenne-variance peut conduire à des portefeuilles fortement
asymétriques dus à l'utilisation de rendements historiques des
classes d'actifs dans le modèle34. Effectivement,
l'estimation du portefeuille optimal est rendue possible grâce à
l'utilisation d'une frontière efficiente qui minimise le risque pour un
rendement attendu. Sauf que cette frontière est construite
mathématiquement par l'utilisation de données historiques, or
nous savons que les performances passées ne préjugent pas des
performances à venir. Ainsi, chacun peut estimer les rendements
espérés en fonction de ses espérances personnelles et
construire une
34« Too much Modern Portfolio Theory in the Fintech arena
» - Raffaele Zenti - 16 octobre 2015
41
frontière efficiente différente. Pour chaque
niveau de risque, il y a une multitude de rendements espérés. Ces
variations du rendement espéré engendrent un fort impact sur
l'allocation d'actifs. Si vous changez l'espérance, vous obtenez un
portefeuille avec des poids pour chaque actif totalement différent.
Comme personne ne connait avec exactitude le rendement futur, toute utilisation
du modèle de la théorie moderne du portefeuille se traduit par la
construction d'un portefeuille aléatoire. En conséquence, ce
portefeuille pourra avoir un bon ou un mauvais rendement, toujours est-il que
la raison de cette performance n'aurait pu être déterminée
à l'avance. L'idée à retenir est que la finance n'est pas
mécanique, qu'elle ne fonctionne pas entièrement selon des lois
déterminées, elle est plus complexe et fortement
dépendante de facteurs sociaux et psychologiques.
L'utilisation de la « théorie moderne du
portefeuille » semble être surtout une idée marketing qui
permet de mettre en avant le prix Nobel35 obtenu par Markowitz, gage
de confiance pour les clients. D'un point de vue technique, cela ressemble plus
à un retour vers le passé qu'à une véritable
innovation.
3) Le biais de la gestion passive
De plus, les fonds passifs choisis comme vecteur
d'investissement par les robo-advisors présentent une autre limite au
modèle d'investissement : les indices sont pondérés selon
la capitalisation, c'est-à-dire que ces indices, ainsi que les fonds
passifs qui les imitent, répartissent leurs avoirs en fonction de la
capitalisation boursière de chaque compagnie. Cette répartition
entraine un biais technique : lorsque la valeur d'un titre augmente, la
capitalisation boursière de la société sous-jacente
augmente mécaniquement et son poids dans l'indice devient plus
important, ce qui implique une acquisition de nouveaux titres de la
société par le fonds afin de maintenir la pondération
selon la capitalisation. Il semble évident que le « market timing
» d'une telle démarche est peu judicieux, puisque les fonds passifs
tendent à surpondérer les titres les plus chers tandis qu'ils
sous-pondèrent les titres bon marché.
L'une des alternatives envisageables serait de recourir
à une gestion hybride située idéologiquement entre la
gestion active et la gestion passive : l'Enchanced Indexing, aussi
appelée stratégie Smart Bêta. Cette approche repose sur la
méthode quantitative, c'est-à-dire un investissement qui suit un
modèle économétrique définit par chaque
société de gestion en fonction des directives des gestionnaires,
et donc de leur sensibilité, ainsi que des données qui ont
été introduites dans le modèle. Ces fonds tendent à
répliquer un indice, mais en ne pondérant pas la valeur de chaque
titre composant l'indice par sa capitalisation boursière. Selon Hortense
Bioy, directrice de la recherche sur les fonds passifs européen de
Morningstar, « le portefeuille qui en
35Prix Nobel d'économie obtenu en 1990
42
résulte combine à la fois des
caractéristiques recherchées par les gérants de gestion
active, comme par exemple des actions affichant un faible PER ou un bon
momentum, et les attributs mécaniques et prévisibles des
trackers. Leur degré de complexité varie grandement, allant d'une
simple approche d'équipondération à une approche de
pondération basée sur les rendements, en passant par des
stratégies multifactorielles bien plus élaborées
»36. Il convient cependant de préciser que, bien que se
rapprochant de la gestion passive, la stratégie Smart Bêta
constitue de la gestion active puisque les critères à prendre en
compte pour définir le poids de chaque titre dans le fonds sont
définis par une recherche des facteurs déterminants du rendement
dans chaque secteur économique. Le coût du fonds sera donc plus
élevé qu'un tracker mais moins qu'un fonds actif pur. Cette
méthode permet d'éviter les errements, subjectivités et
erreurs auxquels peuvent conduire la gestion active et qualitative pure tout en
adoptant ses côtés avantageux, à savoir la recherche d'un
sentiment et une réflexion sur l'optimisation potentielle du couple
rendement/risque tout en profitant de la gestion indicielle.
Les propositions d'investissements formulées par les
robo-advisors intègrent tout de même une part de la philosophie de
ses créateurs humains, comme le démontre le graphique
ci-dessous37 : 5 robo-advisors suggèrent pour un même
client des allocations qui diffèrent légèrement, mais avec
une tendance de fond uniforme qui correspond à l'utilisation commune de
la « théorie moderne du portefeuille » :
Propositions d'investissements pour un même
client fait par 5 robo-advisors différents
36« A mi-chemin entre gestion active et gestion passive
» -
www.Morningstar.fr - 19
septembre 2011 37« Five Robo Advisers, Five Very Different Portfolios
» - Wall Street Journal - 24 avril 2015
43
Même si chaque robo-advisors prend des paris et des
voies différentes, l'étude faite par Elisabeth Kashner tend
à démontrer que les robo-advisors continuent dans l'ensemble
à adopter des techniques relativement simplistes (cf. annexe 4).
La pérennité des robo-advisors résidera
donc dans leur capacité à améliorer leur algorithme pour
intégrer des méthodes plus complexes mais aussi plus proches de
la réalité, l'utilisation croissante des stratégies «
smart bêta » semble être une solution viable à cet
effet.
44
C. Cependant la rationalisation de la gestion
financière n'est pas négligeable pour le conseil
1) Un partenaire de choix pour la gestion de patrimoine
indépendante
? Une gestion financière parfois
sommaire
Même si, comme nous l'avons vu auparavant, le
robo-advisors ne peut remplacer le conseiller en gestion de patrimoine, il est
en capacité d'améliorer son travail et son activité.
Effectivement, si le service fourni n'est pas totalement celui du conseiller,
il en est tout de même une partie. Sur cette partie du métier, le
robo-advisors peut avoir son rôle à jouer dans les années
à venir. Cela est d'autant plus vrai pour les conseillers
indépendants, généralement relativement modestes, qui
représentent la catégorie la plus concurrencée par les
robo-advisors. La raison en est simple, ces conseillers sont
éloignés des clients haut de gamme par les banques privées
dont les structures et les investissements sont plus à même de
répondre aux besoins des clients les plus fortunés. Fort de ce
paramètre, depuis des décennies, les indépendants du
secteur se sont attribués la clientèle située en dessous
en termes de richesse, parfois boudé par les banques privées,
mais qui a tout de même besoin d'une gestion patrimoniale malgré
qu'elle soit moins complexe que celle des grandes fortunes. De fait, ces
indépendants se retrouvent en confrontation plus directe avec le
robo-advisors qui recherche la même catégorie de client.
De mon expérience personnelle, la gestion d'actifs des
conseillers indépendants est parfois sommaire. La grande polyvalence
requise par le métier implique un manque de perfection dans certains
domaines. Au sein des grandes banques privées, les conseillers sont
ainsi entourés de spécialistes qui formulent des recommandations
et créent des produits maisons, voire même des produits
spécifiques pour un client. L'indépendant ne dispose pas de cette
structure et doit donc composer avec ses connaissances, son entourage
professionnel, des formations et un suivi quotidien de l'actualité
économique et financière. La méthode fonctionne car il est
acquis qu'un client suivi patrimonialement par un conseiller surperforme un
individu qui gère seul ses placements. Cependant, il n'est pas offensant
de dire que cette méthode reste largement perfectible. Nous pourrions
ainsi penser que le robo-advisors puisse être le spécialiste qui
formule des recommandations pour le conseiller, qui les transmet ensuite
à ses clients. On retomberait ainsi dans la même
hiérarchisation clientèle qu'auparavant, avec une banque
privée positionnée sur le haut de gamme avec une structure
d'allocation d'actifs internes optimisée, et des conseillers
45
indépendants positionnés sur la gamme
inférieure avec une structure externe d'allocation d'actifs. Depuis
toujours, les conseillers fonctionnent en s'entourant de spécialistes
extérieurs, notamment d'avocats, de fiscalistes, de comptables. Alors
pourquoi pas un robo-advisors ? Cette position est d'ailleurs mise en avant par
certains robo-advisors français, comme l'exprime Léonard de
Tilly, co-fondateur de FundShop, le robo-advisors « est un
véritable outil d'aide à la vente qui crée le lien entre
le CGPI et son client car l'interface est très pédagogique
»38. Ainsi, les robo-advisors se posent plutôt en
concurrent des outils supports du conseiller en gestion du patrimoine comme
Quantalys ou le site Morningstar. Cette aide permettrait de
bénéficier de plus de temps pour prodiguer un véritable
conseil patrimonial et dissocier véritablement l'allocation du
conseil.
? Une nécessaire réglementation de ces
nouveaux acteurs de marché
Certains robo-advisors acquièrent le statut de «
conseiller en investissements financiers » (CIF),
généralement utilisé par les gestionnaires de patrimoine.
Ce statut réglementé par l'AMF stipule que « la
caractéristique principale de l'exercice de conseiller en
investissements financiers réside dans son caractère habituel et
s'inscrit comme une prestation de conseil stricto sensu. L'activité de
conseil consiste à fournir des recommandations personnalisées
à un tiers qui se présente comme adaptées à cet
investisseur, ou fondées sur l'examen de sa situation propre ».
L'adoption d'un tel statut juridique par les robo-advisors laisse sceptique,
puisqu'elle pourrait laisser penser que l'offre proposée est similaire
à l'approche patrimoniale globale prônée par les
gestionnaires de patrimoine. L'objectif d'une telle approche est de
découvrir la situation du client dans sa totalité, et de faire
des recommandations qui répondent à l'ensemble des
problématiques soulevées par le client ou le conseiller lors de
cette découverte. Il y a donc une interaction entre le conseiller et son
client visant à mettre en lumière des objectifs dont le client
n'aurait pas forcément conscience. C'est souvent le cas en ce qui
concerne la transmission patrimoniale, les clients encore dans la force de
l'âge ne jugent pas opportun d'aborder ce sujet aussi tôt alors que
la préparation de la transmission nécessite du temps. Il est par
exemple conseillé d'investir sur des contrats d'assurance-vie avant 70
ans afin de profiter du régime fiscal avantageux au moment de la
succession. Le robo-advisors ne propose qu'une approche besoin qui consiste
uniquement à prendre en considération le besoin
énoncé par le client, par le biais du questionnaire, et à
proposer un produit, en l'occurrence une allocation de portefeuille, qui y
répond. La différence entre les deux approches est que la seconde
ne s'évertue pas à motiver le besoin exprimé du client et
ne l'incite donc pas à construire une vision d'ensemble. C'est
d'ailleurs pour cette raison que Benoist Lombard, président de la
Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine et fondateur de Witam
Multi Family Office, s'élève contre les
38Lors d'un discours prononcé à la
conférence Patrimonia 2015
46
robo-advisors en estimant que ces derniers ne respectent pas
les procédures, visant à fournir un conseil éclairé
au client, imposées par le statut de CIF39.
2) Le désir d'une expérience client
renouvelée n'est pas propre
aux moins fortunés
Pour la banque privée, cette évolution n'est pas
non plus sans impact, même si celle-ci reste plus indirecte. Elle permet
aux acteurs du marché, habitués à de vieilles habitudes,
de prendre conscience de l'évolution des mentalités. La banque
privée a un avantage non négligeable sur beaucoup d'autres
secteurs, comme elle est positionnée sur une clientèle
généralement âgée et que les nouveaux modes de
pensées et d'actions sont tout d'abord véhiculés par la
jeunesse, son délai d'adaptation est rallongé. Ils ont le temps
de voir venir et d'anticiper les améliorations à apporter en se
référant sur ce qui a été fait sur d'autres
secteurs. Ainsi, l'ère du numérique ne date pas d'aujourd'hui, il
est en marche depuis le début des années 2000 et il existe de
nombreux secteurs qui ont déjà muté. Mais jusqu'à
présent, influencé par une clientèle qui n'était
pas concernée, la banque privée n'a pas subi les
conséquences et effets d'un manque d'adaptation. A l'heure actuelle, la
pression du numérique se fait de plus en plus sentir dans le secteur
puisque la génération émergente des banques
privées, à savoir celle située entre 40 ans et 60 ans, a
une demande pour le numérique qui n'est que marginale pour les
générations plus anciennes. Cette pression ne va aller qu'en
s'accentuant au fur et à mesure du remplacement démographique. En
instaurant un concurrent numérique juste à leurs pieds, sur un
secteur commun, les banques privées se retrouvent contraint
d'accélérer leur mue.
En soi, le robo-advisors ne les concurrence pas, mais il
montre aux yeux des clients qu'il existe une possibilité d'interface
plus ergonomique, des coûts plus transparents et des souscriptions plus
simples. Or le client fortuné souhaite un service à la pointe et
ne comprend pas l'adoption si lente d'un service de notre temps. Les
résultats apportés par le sondage d'Accenture40 vont
dans ce sens, 76% des clients de sociétés de Wealth Management
interrogés pensent que l'implantation d'une technologie numérique
dans la relation n'affecterait pas négativement la qualité du
service fourni. Plus encore, 38% affirment qu'il est important que leur
institution fournisse la meilleure technologie numérique possible. De
plus, le rapport suggère que les motivations principales des clients les
plus fortunés (High Net Worth) lorsqu'ils changent de conseiller sont de
réduire les frais, d'obtenir un accès plus simple à leurs
comptes, de pouvoir accéder plus facilement à leur conseiller
mais également de leur permettre d'avoir plus d'informations sur les
investissements disponibles et
39Décideurs Magazine - « Les statuts des
« robo-advisors » devraient être très rapidement
aménagés » - 15/03/2016
40« Generation D in Europe » - Accenture - 2015
47
de pouvoir comparer les performances en temps réel. Ces
données révèlent un appétit certain des
investisseurs, même très fortunés et relativement bien
suivis, pour la gestion numérique et la transparence des frais. Fournir
des ressources informatiques supplémentaires pour le client, selon une
approche simple et épurée, pourrait contribuer à conserver
la confiance des clients. Si les banques privées prennent le pli du
numérique, leur avantage de spécialisation leur permettra de
repousser au loin le risque du modèle en ligne qui pèse sur
elles.
La mise en place d'un service rationalisé, autant que
peut se faire, et une évolution des pratiques de gestion doivent donc
être une priorité pour les acteurs de la banque privée. A
cet effet, Deborah Fox, fondatrice du Fox Financial Planning Network, a
utilisé le terme de « robo shield » pour définir une
stratégie d'amélioration de l'utilisation de la technologie afin
d'être plus efficace et de fournir une expérience client plus
numérique41. Le lien rationnel fait entre le bouclier
anti-robot et la mise en place d'un service plus technologique est qu'il permet
de contrer le seul apport du robo-advisors en capacité de perturber le
secteur. C'est ce que recommande notamment Clayton M. Christensen quand il
aborde la question de la défense à adopter contre une innovation
disruptive, il faut court-circuiter l'acquisition de parts de marché du
nouvel entrant en se dotant des mêmes capacités. Les banques
privées devront donc saisir l'opportunité et s'adapter à
l'évolution de leur clientèle, se faisant elles pourront attirer
toutes les jeunes générations qui constituent leur futur vivier
de clients. Le fait qu'elles ne soient pas en concurrence directe avec les
robo-advisors leur assure encore une certaine marge de manoeuvre, qui leur
permettra d'aborder ce changement de façon prudente et
réfléchie.
3) Un possible élargissement de la base
client
A l'heure actuelle, le coût d'acquisition d'un client en
banque privée est relativement élevé compte tenu des
services fournis. Comme nous l'avons vu auparavant, ces dépenses
engendrent des conditions d'accès aux services, en termes d'avoirs
financiers, importants et accessibles seulement aux plus fortunés. Or la
rationalisation du processus de conseil en investissements diminue le
coût d'acquisition du client, à l'image du changement
apporté par Henry Ford dans l'automobile et qui a permis de
démocratiser son usage au début du siècle dernier.
L'occasion est donc intéressante pour les banques privées qui
pourraient élargir leur base client en mettant à disposition une
plateforme de gestion financière automatisée. Par ce biais, ils
pourraient envisager d'offrir un service « secondaire » ou «
entrée de gamme » à des clients qui ne remplissent pas les
critères actuels pour accéder aux services plus traditionnels.
L'objectif n'est pas que la banque privée ou les conseillers
41« How Financial Advisors Can Adjust to Robo-advisors
» - 5/11/2014
48
en gestion de patrimoine empiètent sur la
clientèle de la banque de réseau, mais de repérer et
capter le plus tôt possible la clientèle à fort potentiel
de fortune.
Cette méthode pourrait donc devenir une porte
d'entrée pour les « Henry's », actuellement peu
concernés par l'offre de banque privée. La rationalisation du
processus aurait pour conséquence de rendre rentable ce client
dès l'entrée en relation malgré leur manque d'actifs
à ce moment-là. La conséquence d'une telle démarche
serait l'élargissement de la base client et une augmentation des
bénéfices du conseiller et de la banque privée. Une fois
que l'individu à potentiel « entrée de gamme » fait
partie de la clientèle, il revient aux conseillers de favoriser sa
montée en gamme en proposant parcimonieusement des services
complémentaires à l'investissement financier qui correspondent
aux besoins réels du client.
Les banques de détail adoptent cette stratégie
depuis quelques années en vue de préparer l'avenir : elles
proposent des produits attractifs à une clientèle de plus en plus
jeune dans le but de capter les enfants et adolescents, voire même les
nouveaux-nés, l'objectif étant de commencer dès
aujourd'hui à constituer la clientèle de demain et
pérenniser l'avenir de la société. La banque privée
et les conseillers en gestion de patrimoine adopteraient ainsi le même
modèle, non pas en se basant sur l'âge précoce des
individus comme la banque de détail, mais la précocité de
leur fortune. Leur image de marque s'en retrouverait bonifiée
puisqu'elle pourrait mettre en avant un suivi du client sur quasiment toute la
durée de la vie adulte et donc renforcer l'idée selon laquelle
nous avons besoin d'un conseiller patrimonial à tout instant de sa vie.
Le robo-advisors doit ainsi être vu comme un sparring-partner par les
acteurs traditionnels du marché. Ces derniers peuvent profiter des
avantages qu'il procure pour améliorer leurs services et leur
rentabilité.
49
D. Le « robo + advisor » est
préférable au « robo-advisors »
1) L'investissement des acteurs traditionnels est un
signe
L'intégration d'une plateforme de conseil en
investissements automatisés au sein de la structure plus classique du
« wealth management » et de la gestion de patrimoine est une
démarche aujourd'hui adoptée par beaucoup d'acteurs traditionnels
du marché. Ce constat indique, comme décrit auparavant, que les
robo-advisors, bien que limités sur certains points, ont tout de
même un intérêt pour le marché que les acteurs
traditionnels ont perçu. L'intégration d'un tel service peut se
faire de trois manières :
? Nouer un partenariat avec un robo-advisors
Le partenariat permet de répondre rapidement aux
tendances du marché puisque sa mise en place nécessite un
investissement financier et des changements organisationnels limités. Ce
n'est qu'un bloc de plus qui vient s'intégrer à la structure
tentaculaire des banques privées et des sociétés de
gestion de patrimoine. De plus, il faut voir le partenariat sous l'angle de la
souplesse, ceux qui mettent en place ce genre de solution souhaitent dans un
premier temps éprouver et tester le modèle sans s'engager
complètement dans cette voie. Il faut donc voir cette solution comme un
premier pas avant l'intégration complète par le biais d'une
acquisition, en cas de retour positif. Cependant, le partenariat comporte des
inconvénients, les deux structures étant dépendantes l'une
de l'autre, si les objectifs de chacune ne sont pas en phase, cela peut aboutir
à une solution non efficiente.
L'exemple le plus parlant est celui de Betterment et Fidelity,
le partenariat débuté en 2014 permettait aux conseillers de
Fidelity d'avoir accès aux outils en ligne de Betterment dans l'optique
d'aider leurs clients à définir leurs objectifs financiers et
établir un portefeuille composé d'ETF. Dès novembre 2015,
le partenariat entre les deux géants est rompu, Fidelity souhaitant
lancer son propre robo-advisors. Il y a de nombreux autres cas comme le
partenariat noué très récemment, le 16 mai 2016, entre UBS
Americas et SigFig ou encore BNY Mellon qui a conclu un partenariat avec
Personal Capital pour son service « Private Banking », soit la
gestion haut de gamme.
50
? Développer une plateforme maison
Cette solution est plus catégorique, elle
nécessite des investissements importants ainsi qu'une refonte de
l'organisation de la société sur certains secteurs. L'offre n'est
pas disponible immédiatement pour le consommateur qui devra patienter le
temps de créer le service ainsi que l'algorithme maison, le
robo-advisors de Fidelity a ainsi pris 9 mois avant d'être
définitivement lancé. Ce délai d'attente comporte un
risque, celui de perdre des parts de marché face à des
sociétés qui auront été plus réactives pour
mettre à disposition un robo-advisors. A contrario, elle a l'avantage de
transmettre une image novatrice de la société, qui évolue
dans le bon sens en se dotant d'une technologie à la pointe et qui
cherche à concurrencer les offres rivales en proposant mieux et non pas
en les mangeant par le seul avantage de son poids (rachat). De plus, elle
permet d'adapter son offre de robo-advisors à sa guise et en fonction de
la clientèle type de la société. Il n'y a pas non plus de
friction entre deux entités puisque tout est internalisé.
La société ayant le mieux réussi cette
évolution jusqu'à présent est Charles Schwab, qui a
lancé son service maison « Schwab Intelligent Portfolios »
dès le 9 mars 2015. Elle a été l'une des premières
à se lancer sur ce créneau, et elle constitue aujourd'hui l'une
des forces vives du secteur, au côté de Betterment et Wealthfront.
Il y a également Vanguard qui s'est lancé le 5 mai 2015 avec
« Vanguard Financial Advisor Services », un robo-advisors haut de
gamme puisque le ticket d'entrée est de 50 000 $ mais avec des frais
réduits.
? Acquérir un robo-advisors existant
La solution la plus radicale est d'acquérir un
robo-advisors. Il y a deux avantages à effectuer une telle
démarche, tout d'abord on se dote d'un nouvel argument commercial
permettant d'agrandir sa base client, et en plus on élimine un
concurrent potentiel. Le rachat reste une opération complexe, il faut
identifier la bonne société à acquérir parmi la
pléthore d'offres qui existe actuellement sur ce marché. Comme
nous l'avons exprimé auparavant, le terme « robo-advisors »
regroupe des sociétés très
hétérogènes. Il faut donc identifier la clientèle
du robo-advisors, les possibilités de croissance, les capacités
technologiques, et surtout la manière de l'intégrer à leur
structure organisationnelle.
C'est la solution qui a été
privilégiée par BlackRock, le géant de la gestion
d'actifs, qui a acquis FutureAdvisor en août 2015 pour près de 200
M$ dans le but de vendre les services de la plateforme à des banques et
institutions financières. Goldman Sachs a pris le même chemin en
acquérant Honest Dollar en mars 2016.
51
La plupart des exemples concerne aujourd'hui les Etats-Unis
puisque c'est sur cette zone géographique que le marché des
robo-advisors est le plus mature, mais la tendance est la même en France
: Suravenir a conclu un partenariat avec Yomoni, Generali avec Advize, Spirica
avec FundShop. Les acquisitions et les solutions maison restent encore rares,
mais elles devraient se développer à l'avenir.
2) Une proposition de service à la carte pour un
modèle hybride
Les moyens d'intégrer les robo-advisors à la
structure existante ont été abordés mais la question des
modalités du service offert à la clientèle reste en
suspens. Comme cela a été décrit auparavant, le
robo-advisors ne permet pas de répondre à toutes les situations
et à tous les besoins. Il se cantonne à une activité
purement financière, et plus précisément d'investissements
financiers. En contrepartie de cette restriction de service, le coût est
bien plus faible que celui pratiqué par un gestionnaire de patrimoine
grâce à l'utilisation d'une gestion passive. Ainsi, il semble peu
probable de voir un remplacement des conseillers physiques sur le segment de la
clientèle la plus fortunée, qui profite déjà d'une
assistance conséquente concernant l'investissement financier, en plus
d'autres services annexes. Le modèle du futur est plutôt hybride,
en somme un robo+advisor plutôt qu'un robo-advisors.
A l'heure actuelle, il existe une segmentation des clients
entre plusieurs catégories : la gestion de patrimoine, la banque
privée, la gestion de fortune et le family office. Chacune de ces
actuelles catégories proposent un service adapté à un
client en fonction de la valeur de son patrimoine ou de ses actifs à
investir. Or, il semblerait que cette segmentation par la richesse soit
désuète aujourd'hui, pour comprendre cela il faut repenser aux
changements de comportement de consommation qu'ont opéré les
clients durant les dernières décennies. De nos jours, mêmes
les plus riches souhaitent pouvoir piocher, dans les offres existantes,
uniquement les services intéressants pour eux. Le fait qu'ils soient
fortunés n'empêche pas qu'ils souhaitent devenir utilisateur
plutôt que simple consommateur. A ce sujet, l'attrait de la population
High Net Worth pour les robo-advisors, comme nous l'avons montré
précédemment, est révélateur de ce souhait. La
gestion de patrimoine ne propose pas encore de service « à la carte
» mais plutôt un package de service qui diffère en fonction
de la catégorie dans laquelle est placé le client : par exemple
le client de gestion de fortune aura un reporting trimestriel alors que le
client en banque privée n'en aura pas. Même l'offre
d'entrée de gamme comporte un certain nombre de services dont n'a pas
forcément besoin un client à plus faible patrimoine ou ayant une
situation non complexe.
52
Il faudrait ainsi créer un service « à la
carte » : finalement, au lieu d'avoir une segmentation client
effectuée par la société, elle se ferait naturellement par
les clients eux-mêmes. Suite à un premier entretien avec un
conseiller, qui aurait pour objectif de définir les besoins et les
capacités du prospect selon une approche patrimoniale globale, le client
pourrait choisir un certain nombre de services « à la carte »
en fonction de sa capacité à payer pour un conseil et de la
complexité de sa situation et de son patrimoine. Comme nous l'avons
exposé durant ce sujet, les clients fortunés ont des
problématiques en moyenne plus complexes du fait de la diversité
de leur patrimoine et des sommes en jeu, de plus ils ont une capacité
à payer plus forte. La population moins fortunée pourrait
bénéficier d'un service plus basique, à un coût plus
faible et qui se baserait au maximum sur l'utilisation du robo-advisors. La
banque privée et la gestion de patrimoine pourrait ainsi faire rentrer
dans leur giron bien plus de clients, ces derniers étant attirés
par le caractère premium et exclusif de ces structures. Elles
capteraient une clientèle à fort potentiel, que ce soit des
HENRY's, qui ont de fortes chances de développer un patrimoine
conséquent à l'avenir, ou des descendants de clients actuels qui
ont vocation à hériter dans le futur. En conclusion, tout
naturellement, une segmentation s'effectuerait entre les clients, les plus
riches utilisant un maximum de services de leur propre chef et plaçant
l'utilisation du robo-advisors en arrière-plan tandis que les moins
riches profiteraient de la gestion automatisée du robo-advisors à
moindre frais. Par la même occasion, ce service « à la carte
» comblerait les exigences de l'ensemble de la clientèle en
fournissant une plus grande flexibilité de l'offre, mais surtout une
plus grande transparence que ce soit en termes de prix ou de plus-value
apportée par le conseiller sur chaque service fourni.
42
42« 10 Disruptive trends in wealth management » -
Deloitte - 2015
53
Conclusion
Le « robo-advisors » est avant tout une plateforme
de conseil en investissements financiers, par conséquent le service
qu'il propose aux clients reste limité à une partie seulement du
travail du gestionnaire de patrimoine. Ce dernier effectue une approche
patrimoniale globale qui lui permet de définir une stratégie
d'ensemble prenant en considération toutes les caractéristiques
du patrimoine du client. Pour aborder le métier du gestionnaire de
patrimoine, il convient de dissocier le conseil et la gestion, cette
dernière n'étant que le résultat matériel du
conseil qui a permis d'établir les besoins et attentes du client. Le
conseil du robo-advisors se limite à déterminer une allocation
d'actifs optimale en considérant un questionnaire rempli par le client.
Ainsi, l'habituel rendez-vous qui constitue le point de départ de la
relation entre le gestionnaire de patrimoine et le client se retrouve
transformer en un simple QCM. Il semble logique de penser que
l'appréciation d'une situation se fasse plus efficacement lorsqu'elle se
fait par un dialogue humain plutôt que par des cases à cocher. En
ce sens, le robo-advisors ne peut être disruptif pour le marché de
la gestion de patrimoine.
Toujours est-il que le robo-advisors tel que nous le
connaissons aujourd'hui est une première tentative, une version 1.0. Or
comme Schumpeter le met en avant dans sa théorie43 des cycles
économiques, les innovations apparaissent groupées, il utilise
d'ailleurs le terme de « grappe d'innovation ». Selon lui, ces
grappes se forment par une innovation disruptive majeure qui est suivi par une
multitude d'innovations incrémentales qui viennent perfectionner
l'innovation initiale jusqu'à transformer le marché. Ce processus
de « destruction créatrice » s'explique par la diminution des
résistances sociales et psychologiques que provoque l'innovation
initiale sur un marché et qui permet à d'autres de profiter de la
faille créée pour s'engouffrer. Dans sa théorie,
Schumpeter prévoit également que la « grappe d'innovation
», d'abord limitée à un secteur, va ensuite se propager dans
le reste de l'économie. Cette théorie économique est
très intéressante dans notre cas, effectivement même si le
robo-advisors ne constitue pas aujourd'hui une innovation disruptive pour la
gestion de patrimoine, il est en passe de le devenir en ce qui concerne le
secteur de la gestion financière exclusivement. De la même
façon, le robo-advisors, tout comme le reste de la « FinTech
», a fait exploser les barrières sociales et psychologiques que
nous avions abordées dans l'introduction. Nous sommes confrontés
à une démocratisation de la « FinTech » qui rentre
petit à petit dans le quotidien de toute la population. Le premier point
du processus de « création destructrice » est donc rempli. La
question est maintenant de savoir si la « grappe d'innovation » va
suivre : si des innovations incrémentales s'ajoutent au robo-advisors
pour palier à ses limites
43« Le cycle des affaires » - Joseph Alois Schumpeter -
1939
54
initiales, que ce soit en termes de fonctionnement de
structure, ou de marché ciblé, il pourrait devenir un concurrent
crédible pour la gestion de patrimoine.
Dans un tel contexte, l'objectif des acteurs traditionnels
n'est pas de casser dans l'oeuf ce mouvement de fond, qui semble immuable, mais
de réussir à s'approprier ce changement en
intégrant les robo-advisors aux structures
existantes. Les acteurs du marché seraient alors en capacité de
remplir eux-mêmes la deuxième phase du processus de Schumpeter :
ils pourraient mettre en place des améliorations incrémentales du
robo-advisors de base afin de le rendre plus efficient. De cette façon,
ils contrôleraient l'évolution de son modèle pour qu'il
aille dans un sens bénéfique pour les gestionnaires de patrimoine
en place. La finalité du robo-advisors semble plutôt être
son intégration à un modèle hybride novateur. Ce
modèle permettrait aux clients de choisir des services de gestion de
patrimoine « à la carte », en fonction de leurs objectifs, de
leurs moyens et de la complexité de la situation patrimoniale. Ces
différents critères seraient toujours déterminés
par le biais d'un entretien avec un conseiller qui effectuerait une approche
patrimoniale globale. Ce modèle répondrait aux nouvelles attentes
de consommation en permettant au client de devenir plus utilisateur que
consommateur, en lui offrant plus de transparence sur les coûts et la
plus-value apportée par le conseiller sur chaque type de service fourni.
Le robo-advisors constituerait alors un des nombreux services proposés,
à un coût relativement faible, destiné à une
population à potentiel qui n'a aujourd'hui pas accès à la
gestion de patrimoine. Au fur et à mesure que la richesse d'un client
augmentera, il basculera tout naturellement vers une gestion plus humaine et
moins automatisée, en concordance avec la complexification de ses
problématiques patrimoniales.
55
Annexes
56
Annexe 1 : Comparatif des taux d'intérêt
10 ans
OCDE (2016), Taux d'intérêt à long terme
(indicateur). doi: 10.1787/4e01728c-fr
57
Annexe 2 : Questionnaire proposé par Yomoni
58
·
59
Renseignez vos objectifs Durée de votre
p.acement
10 ans
Montant visé
65000€
111 Je vise un montant précis
Définissez vos versements
Versement de départ
20 000C
Versements mensuels
100 €
Définissez votre niveau de risque
a
Plus de risques pour plus de gains potentiels
60
61
Annexe 3 : le renouvellement de l'expérience
client
62
63
64
65
Annexe 4 : analyse d'Elisabeth Kashner
Wealthfront modifies historic asset-class returns with current
market implied expected returns (Flack-Litterman) as well as with the in-house
views of Chief Investment Officer Burton Malkiels team. In addition,
Wealthfront sets minimum and maximum weights for each asset type. The resulting
portfolio has an unmistakable Malkiel flavor to it, with an emerging market
allocation that reflects his interest in China.
Betterment uses Black-Litterman currently implied market expected
returns, but deliberately includes small-cap and value as separate asset
classes, adding a classic Fama-French factor tilt. It doesn't
constrain the portfolio weights, but they do account for downside risk.
Betterments portfolios wind up quite similar to the global market, at least on
the equities side.
Covestor deliberately veers away from its optimizer to hedge its
portfolios against inflation and to adjust for downside risk. Its wide
constraints allow heavy weights to emerging markets.
Wise Banyan constrains its portfolio weights 'tighter than
most,'2 back toward market-cap weights, according to Herbert Moore,
co-founder and chief investment officer. This might explain why its portfolios
allocate generously to U.S. equities, and away from the rest of the global
equity market.
Invessence includes the largest number of asset types, adding
granularity to the fix ed-income side. It bases asset-class returns
expectations on up to 8o years of historical ETF or index returns, but uses
only nine years of volatility history.
Invessence employs gold as an inflation hedge. It also constrains
all asset weights except for U.S. equity. Sure enough, the U.S. dominates its
equity allocation.
FutureAdvisor doesn't optimize. Instead, its builds its portfolio
in sleeves, creating a glide path much as the target-date mutual funds do. It
builds in astrategic'° allocation to REITs as an inflation hedge, adding
Fama-French type tilts. There not kidding. The firms portfolios emphasize
small- and midcap stocks, and financials (RUTS), with highest-in-class dividend
yields and lowest price/book ratios.
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avez dit fidélité ? » Deloitte, avril 2014
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