Université de Reims Champagne-Ardenne
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U.F.R de Lettres et de Sciences Humaines. École
Supérieure du Professorat et de l'Éducation.
La formation des enseignants et les enjeux de
l'enseignement de l'histoire de 1880 à 1905 et leurs
héritages.
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Mémoire
de fin de Master 2 MEEF Histoire-Géographie
présenté par Sophie VAN-WAESBERGE
sous la direction de Mme Delphine DIAZ et Mme
Frédérique MONNIER.
Session 1.
Année universitaire : 2015 / 2016.
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS : 3
Introduction 4
I- Des écoles normales aux écoles
supérieures du professorat et de l'éducation : l'évolution
de
la formation des enseignants du premier et du second
degrés 10
1) La mission première des maîtres de la III
ème République : former des citoyens patriotes :
10
a- Le cadre : L'école, lieu républicain,
microcosme de la société. 10
b- La préparation à la formation des futurs
citoyens à travers l'enseignement de l'histoire. 14
c- La suppression progressive des cours religieux au profit
des cours de morale : Un moyen pour
former des citoyens patriotes sous la
IIIème République. 20
2) La formation des enseignants du primaire de 1880 à
1905 : le cas de l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne : 27
a- Les conditions de recrutement : Des
élèves-maîtresses devant être de « bonne morale
». 29
b- Le contenu des cours et le cadre de la formation :
32
c- Les enjeux civiques des conférences
pédagogiques : 36
3) L'héritage des Écoles Normales de la III
ème République: le cas des ESPE : 40
a- Une demande civique et politique : Préparer les
futurs enseignants à faire de leurs élèves des
citoyens-responsables 41
b- La formation historique des enseignants du premier et du
second degré au sein des ESPE : 46
c- La formation didactique et civique dispensée aux
futurs enseignants du premier et du second degré
au sein des ESPE : 48
3
II-les finalités et les outils de l'enseignement
de l'histoire en France dans le premier et second
degrés depuis la III ème
République : 51
1) La place de l'enseignement de l'histoire dans les
programmes scolaires depuis la III ème
République : 51
a- La place de l'histoire dans les programmes scolaires sous
la IIIème République. 53
b- La place de l'histoire dans les programmes scolaires des
années 2000 57
c- La place de l'histoire dans les nouveaux programmes
scolaires 62
2) La formation des futurs-citoyens grâce à
l'usage des manuels scolaires : 64
a- La formation des citoyens patriotes grâce aux
manuels scolaires à la fin du XIXème siècle
64
b- La contribution des manuels scolaires actuels à la
formation civique des élèves de l'école
primaire : l'exemple de l'enseignement de la
IIIème République 71
3) La formation actuelle des futurs citoyens à
travers l'enseignement de l'école de la III ème
République : 76
a- Présentation du corpus de manuels des
années 2000 76
b- Jules Ferry, au coeur de l'étude de la
IIIème République dans le second degré
82
c- Les limites de l'école de la
IIIème République passées sous silence dans les
manuels scolaires. 86
CONCLUSION : 89
ANNEXES & TABLE DES ILLUSTRATIONS 92
BIBLIOGRAPHIE 96
4
REMERCIEMENTS :
J'adresse mes remerciements à l'ensemble de personnes
m'ayant apporté aide et soutien pour la réalisation de ce
mémoire de MEEF et pour le bon déroulé de ma seconde
année de Master.
Tout d'abord, je tiens à manifester toute ma gratitude
envers mes directrices de mémoire, Madame Delphine DIAZ et Madame
Frédérique MONNIER. Je les remercie pour le temps qu'elles m'ont
accordé tout au long de l'année. Je les remercie de m'avoir
guidé et soutenu à la fois dans mes recherches et la
rédaction de mon mémoire, mais également de m'avoir
soutenue dans ma pratique professionnelle.
Je tiens également à remercier Madame Catherine
MIOT et Monsieur Jérémie DUBOIS pour leurs cours de didactique et
de méthode de réalisation d'un mémoire MEEF.
Je remercie aussi le personnel des Archives
Départementales de la Marne installées à
Châlons-en-Champagne, ainsi que le personnel de la Bibliothèque
Universitaire Robert de Sorbon et le personnel de la Bibliothèque de
l'ESPE pour m'avoir permis d'accéder à de nombreuses sources et
ressources ainsi que pour leur aide apportée au cours de mes
recherches.
Enfin, je tiens à remercier famille et amis pour leur
soutien apporté tout au long de cette
année.
5
INTRODUCTION.
Selon Paul BERT, Ministre de l'Instruction Publique entre 1881
et 1882, l'école républicaine a une double vocation. Elle doit
d'une part « modeler un homme éduqué et raisonné
» et d'autre part « fonder le citoyen afin qu'il agisse et combatte
pour supporter toutes les épreuves de la patrie »1.
Ces mots ayant été prononcés il y a plus
d'un siècle trouvent encore un sens aujourd'hui. En effet, les
enseignants du premier comme du second degrés sont quotidiennement
confrontés à cette problématique. Face à un public
de plus en plus difficile, il est devenu délicat d'assurer la mission
éducative du métier d'enseignant. Pourtant, l'intitulé du
Ministère auquel les enseignants sont rattachés rappelle
l'importance de cette mission. Le passage du Ministère de l'Instruction
Publique au Ministère de l'Éducation Nationale en 1932 montre
bien que la mission première des enseignants est désormais
d'éduquer les élèves, et notamment de les éduquer
à la citoyenneté avec pour objectif de former de futurs citoyens
responsables. L'instruction n'est donc plus la mission première de
l'enseignant. Le savoir disciplinaire est relégué au second rang
au profit de l'éducation.
L'éducation à la citoyenneté
débute dès l'école primaire, c'est-à-dire
dès l'âge de six ans. Elle se poursuit et se développe
ensuite dans l'enseignement secondaire. La formation des citoyens est
assurée par l'ensemble du corps enseignant. Elle se traduit par
l'apprentissage de notions associées à la citoyenneté
telles que le respect, le savoir-vivre, le vivre ensemble, la
responsabilité, la vie en collectivité... L'ensemble des
enseignants doit également apprendre aux élèves à
développer leur sens critique, à se forger une opinion, à
défendre et argumenter ses idées. L'enseignant
d'histoire-géographie occupe aujourd'hui encore une place centrale dans
la formation des futurs citoyens puisque la transmission de l'Enseignement
Moral et Civique (EMC) instauré en 2016 lui est confiée. Lors de
ces cours, les enseignants doivent apprendre aux élèves quel est
le fonctionnement de la société et le fonctionnement de la
démocratie française. Cela se traduit par l'explication du
fonctionnement de nos institutions, par l'apprentissage du rôle du
citoyen. L'Enseignement Moral et Civique vient compléter les cours
d'histoire dans lesquels les élèves découvrent comment les
Français sont-ils parvenus à acquérir leurs
libertés, leurs droits et leurs devoirs. Face aux difficultés
auxquelles sont confrontés les Français ces derniers mois, il est
devenu indispensable de faire réfléchir les élèves
sur les libertés et leurs limites.
Aujourd'hui, l'enseignant est lui-même formé au
sein des ESPE (École Supérieure du
1 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de
l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015,
6
Professorat et de l'Enseignement). Cette formation doit lui
permettre d'appréhender au mieux sa mission d'éducateur et de
formateur de citoyens. À l'époque de Paul BERT,
c'est-à-dire sous la IIIème République, cette
formation est assurée par les Écoles Normales. Celles-ci ont
ouvert tardivement en France par rapport aux pays voisins. Dès le
XVIIIème siècle les philosophes des Lumières
réclament la gratuité à l'accès à
l'éducation ainsi que la laïcisation de l'école. Ils
considèrent que l'éducation permettrait de faire de l'Homme un
être éclairé. Frédéric II, roi de Prusse
entre 1740 et 1746, proche de Voltaire, a mis en place en 1771 le
Ministère de l'Instruction Publique en Prusse. Il a fait de
l'école primaire une école obligatoire mais non gratuite. Il a
également créé des Écoles Normales afin qu'y soient
formés les futurs enseignants et que des méthodes leur soient
prodiguées pour assurer la formation citoyenne de leurs
élèves. La France accuse donc du retard en matière
d'éducation publique par rapport à ses voisins.
Après la Révolution Française, la
volonté de développer l'accès à l'éducation
se renforce. La Constitution de 1791, constitution qui n'a jamais
été appliquée réclame la mise en place d'un
enseignement commun, public et gratuit pour tous. Le 20 et 21 avril 1792, le
marquis de CONDORCET présente son rapport sur l'instruction à
l'Assemblée. Il demande que soit créé un enseignement
laïc, gratuit mais non obligatoire. Il prévoie qu'il soit
divisé en cinq cycles : le primaire (de 9 à 13 ans), le
secondaire (de 13 à 16 ans), les instituts (de 16 à 21 ans), le
lycée (à partir de 21 ans), et enfin l'enseignement
académique avec une sélection des élèves au
mérite. Ce projet n'a jamais été appliqué.
Cependant, ces plans témoignent de la volonté de
développer l'accès à l'éducation au peuple
français. Une volonté d'améliorer la formation des
maîtres apparaît elle aussi. Le décret du 8 Brumaire an II
(30 octobre 1794) oblige l'entretien d'une École Normale de
garçons pour chaque ville de plus de 20 000 habitants. Des hommes
âgés d'au moins 21 ans viennent suivre des cours à Paris
pendant quatre mois. De retour en province, ces maîtres sont ensuite
autorisés à ouvrir à leur tour des Écoles Normales
régionales. Toutefois, dès 1795 l'École Normale de Paris
ferme ses portes. Ses cours sont jugés beaucoup trop théoriques.
Aucune école n'a été créée en province.
Sous le Premier Empire, les lycées sont
créés par Napoléon Ier. Ce-dernier
décide également d'instaurer une formation des maîtres
contrôlée par l'État. En 1810, la première
École Normale d'instituteurs ouvre à Strasbourg. Jusque sous la
Restauration, l'école de Strasbourg reste l'unique École Normale
en France. Dans les années 1820 quelques Écoles Normales de
garçons sont créées, par exemple en Moselle. Sous la
Restauration le recrutement dans les Écoles Normales est confié
à des structures locales. En 1833, le Ministre de l'Instruction Publique
François GUIZOT rédige deux textes de lois majeurs pour
développer et encadrer l'accès à l'éducation. Tout
d'abord, par la loi du 28 juin 1833 il accroît la liberté de
l'enseignement primaire. Il demande à ce que chaque commune
7
de plus de 500 habitants assure l'entretien d'une école
primaire pour garçons. L'article 11 de cette même loi oblige
chaque département à entretenir une École Normale de
garçons seul ou avec l'aide de départements voisins. Le cas de la
scolarisation des filles n'est pas abordé dans cette loi. Il a fallu
attendre la loi PELET adoptée le 23 juillet 1886 pour qu'il soit
demandé à chaque département d'entretenir une École
Normale d'institutrices. Ainsi, en apparence la formation des maîtres et
maîtresses s'améliore sous la Monarchie de Juillet. Toutefois, la
scolarisation des filles en primaire et dans l'enseignement secondaire accuse
un retard par rapport à la scolarisation des garçons.
Sous la IIème République et le Second
Empire, l'enseignement primaire s'ouvre progressivement aux filles. La loi
FALLOUX adoptée le 15 mai 1850 demande à toute commune de plus de
800 habitants d'entretenir une école primaire pour les filles. Treize
ans séparent donc la loi GUIZOT valable pour les garçons et la
loi FALLOUX valable pour les filles. En 1867, sous le Second Empire, la loi
Victor DURUY encourage l'enseignement primaire féminin. Elle demande aux
communes de faire des impositions spéciales pour permettre aux familles
à faibles revenus de scolariser leurs enfants. La fréquentation
de l'école primaire par les garçons et par les filles progresse.
Ainsi, à la veille de l'adoption des lois scolaires de Jules FERRY de
1881 et 1882, la plupart des enfants français fréquentent
l'école primaire. Cependant, nombreux sont ceux qui ne
fréquentent pas l'école de manière
régulière. En milieu rural notamment, les élèves
fréquentent l'école en dehors des périodes de travaux dans
les champs. De même, la fréquentation de l'école par les
filles demeure inférieure à la fréquentation des
garçons. Face à l'augmentation de la fréquentation des
écoles primaires, il est devenu urgent d'améliorer et de
développer la formation des instituteurs et institutrices de
l'école primaire. En 1863, soit vingt-sept ans après la loi PELET
seuls onze départements sont pourvus d'École Normale de filles.
À l'arrivée au Ministère de Jules FERRY en 1879, onze
départements ne possèdent pas d'École Normale
d'instituteurs et soixante-sept départements ne possèdent pas
d'École Normale d'institutrices. Face à ce retard, le Ministre
oblige tous les départements à ouvrir une école pour
filles et une école pour garçons dans un délais de quatre
ans. L'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne ouvre
ses portes l'année suivante.
Notre sujet débute en 1880 avec l'ouverture de
l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne et
s'achève en 1905 avec la loi de Séparation de l'Église et
de l'État. La création de l'École de
Châlons-sur-Marne intervient un an après la loi FERRY qui
renouvelle l'obligation d'ouverture d'une école pour former les
instituteurs et d'une école pour former les institutrices dans chaque
département. La période retenue pour notre mémoire nous
permet de mesurer l'amélioration de la formation des maîtres ainsi
que l'ouverture de l'accès à l'éducation pour le peuple
français. Elle
8
nous permet également de mesurer l'évolution des
enjeux de l'enseignement de l'histoire et des valeurs républicaines
à l'école primaire. Parmi ces valeurs, celle de la
laïcité occupe une place grandissante au sein des écoles et
dans la société de la fin du XIXème
siècle. La loi du 9 décembre 1905 entérine la
laïcité en France.
L'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne ouvre le 4 octobre 1880. Cette école qui a
peiné à ouvrir est un exemple révélateur de
l'histoire de la scolarisation des filles en France. Dès 1838 une
École Normale de garçons est créée dans la Marne
alors qu'il a fallu attendre 1880 pour qu'un équivalent apparaisse pour
les filles. Cet exemple a également été choisi pour
comprendre comment les institutrices de l'école primaire étaient
formés à la fin du XIXème siècle. En
effet, l'étude des archives départementales de l'École
Normale d'institutrices montre comment le contenu des cours enseignés au
sein de ses écoles est minutieusement choisi. Chaque discipline doit
contribuer à la formation de « guides républicains ».
L'enseignement de la morale, de l'instruction civique et de l'histoire occupe
une place centrale dans les programmes des écoles primaires et
également dans ceux des Écoles Normales. Ils contribuent à
développer le sentiment patriote et l'amour de la patrie chez les
enseignants et chez les élèves.
Pour étudier le fonctionnement type d'une École
Normale de la fin du XIXème siècle, j'ai fait le choix
de m'intéresser au cas de l'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne. L'étude de cet exemple local s'est faite
à partir des archives de l'école conservées aux archives
départementales de la Marne de Châlons-en-Champagne. Au total,
onze cartons d'archives traitent de l'École Normale pour la
période qui nous intéresse, 1880 - 1905. Parmi ces cartons, j'ai
fait le choix de me concentrer sur sept cartons qui traitent de
l'administration de l'École, du contenu des cours, des dossiers des
élèves et des conférences pédagogiques. L'essentiel
de ces archives se compose d'échanges écrits entre les
directrices de l'École Normale et les inspecteurs académiques.
Dans leurs courriers ils abordent surtout des questions administratives (devis
pour les travaux de l'école, absences des professeurs ou des
élèves-maîtresses...). Ces archives comportent
également des
circulaires ministérielles envoyées à la
Directrice de l'école. Ces découvertes m'ont permis d'orienter
mon sujet d'étude vers les enjeux de la formation des
élèves-maîtresses de l'École Normale et les missions
des enseignants de l'école primaire à la fin du
XIXème siècle. Pour exploiter ces archives, je me suis
rendue durant quatre jours aux archives. J'y ai effectué le travail de
dépouillement : prise de notes rapides de chaque source (date, auteur,
destinateur, présentation du thème abordé) et prise de
photographies des sources. Ensuite, en octobre et novembre j'ai
procédé à l'analyse plus précise des sources pour
en dégager une problématique plus générale. Les
deux mois
9
suivants ont été consacrés au choix des
archives utilisées dans le mémoire et à leur analyse fine.
Celle-ci s'est opérée avec l'aide de manuels pour replacer ce cas
précis à plus petite échelle. En février, j'ai
débuté la rédaction de la première partie plus
orientée sur la dimension scientifique. Le mois suivant a
été consacré à l'adaptation pédagogique de
mon sujet. L'objectif étant de comprendre quels sont les
héritages des Écoles Normales et de l'école
républicaine de Jules FERRY, et comment la IIIème
République est-elle aujourd'hui encore utilisée par les
enseignants du premier et second degrés pour assurer la formation
civique des élèves. Pour ce faire, j'ai analysé les
programmes d'histoire de la IIIème République, ceux
des années 2000 et ainsi que les futurs programmes appliqués
dès la rentrée prochaine. J'ai également travaillé
à partir de manuels scolaires afin de comprendre comment ces ouvrages
sont-ils utilisés comme des outils pour la formation civique des
élèves.
En effet, depuis plusieurs années, le Ministère
de l'Éducation Nationale ne cesse de rappeler aux enseignants qu'ils
doivent avant tout former leurs élèves à devenir de futurs
citoyens responsables ayant connaissance des valeurs républicaines. Le
contexte actuel nous rappelle l'importance de notre mission. Face à un
public de plus en plus difficile, connaissant peu voire pas les valeurs
républicaines, il est de plus en plus compliqué de former des
futurs-citoyens responsables en France. L'école de la
IIIème République est aujourd'hui
présentée comme un idéal. Son étude occupe une
place importante dans le cadre de la formation civique des élèves
assurée par les enseignants du premier et du second degrés.
Tout au long de ce mémoire, il s'agira de comprendre en
quoi le rôle de l'enseignant du premier degré, puis du second
degré est-il d'assurer la formation civique des élèves
depuis la IIIème République.
Pour ce faire, nous nous intéresserons dans un premier
temps à l'évolution de la formation des enseignants depuis la
IIIème République. L'exemple de l'École Normale
de Châlons-sur-Marne nous permettra de comprendre comment les
institutrices étaient-elles formées sous la
IIIème République et comment les enseignants
assuraient-ils ensuite la mission de formation civique auprès des
élèves. L'analyse du fonctionnement de l'École Normale de
la Marne nous permettra de comprendre quel est l'héritage de ces
infrastructures dans la formation actuelle des enseignants du premier et du
second degrés.
Dans un second temps, nous étudierons les enjeux de
l'enseignement de l'histoire depuis la IIIème
République ainsi que les outils mis à la disposition des
enseignants pour former des citoyens responsables. Nous verrons comment les
programmes, les manuels scolaires ainsi que l'étude de la
IIIème République et de l'école de Jules FERRY
constituent-ils un outil de transmission des valeurs
10
républicaines.
11
PREMIÈRE PARTIE :
DES ÉCOLES NORMALES AUX ESPE :
L'ÉVOLUTION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DU PREMIER ET DU
SECOND DEGRÉS.
12
I- DES ÉCOLES NORMALES AUX ÉCOLES
SUPÉRIEURES DU PROFESSORAT ET DE L'ÉDUCATION : L'ÉVOLUTION
DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉS.
1) La mission première des maîtres de la III
ème République : former des citoyens patriotes :
Sous la IIIème République, la
fonction première des instituteurs et institutrices de France
était de former des citoyens patriotes. Cet apprentissage
débutait dès leur entrée dans le système scolaire,
c'est-à-dire dès l'école primaire soit à
l'âge de 6 ans. Après la défaite de 1870 face à la
Prusse, l'accès à l'éducation pour tous et l'image de
l'école comme moyen d'apprentissage de la vie civique s'imposent. Selon
Paul BERT, fondateur de l'école républicaine laïque :
« c'est l'infériorité de notre
éducation nationale qui nous a conduit au revers. Même dans les
conflits modernes c'est l'intelligence qui reste maîtresse
»2.
Selon lui, l'école républicaine a une double
vocation. Elle doit d'une part « modeler un homme éduqué et
raisonneur » et d'autre part « fonder le citoyen afin qu'il agisse et
combatte pour supporter toutes les épreuves de la patrie ». Les
instituteurs et institutrices ont donc pour mission de former des citoyens
patriotes. Pour ce faire, différents outils sont mis à leur
disposition. Ils profitent du cadre de l'école perçue comme un
lieu républicain et un microcosme de la société. Les
programmes, et notamment ceux d'histoire et d'instruction morale leur
permettent également de transmettre des valeurs républicaines.
a- Le cadre : L'école, lieu républicain,
microcosme de la société.
L'école des années Ferry est un lieu
républicain par excellence. L'école primaire est une
représentation à plus grande échelle de la
société de la fin du XIXème siècle. Elle
peut être définie comme un microcosme de la société
visant à former de futurs citoyens patriotes. Le cadre lui-même de
l'école, c'est-à-dire le bâtiment et les salles accueillant
les élèves participent au formatage des futurs citoyens. En
effet, les écoles primaires communales sont très souvent
construites à proximité
2 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de
l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015, chapitre 3.
13
des mairies voire même partagent un bâtiment
commun. Cette proximité a pour vocation de rappeler le caractère
républicain de l'école des années 1880-1890. Elle permet
aux élèves de se familiariser à la fréquentation
des lieux républicains. L'école et la mairie sont indissociables.
L'école constitue le lieu d'apprentissage de la vie civique, et la
mairie constitue le lieu d'exercice de la citoyenneté. M.T LAURIN
relève cette imbrication dans un article publié en 1918 3:
« Cette mairie, centre modeste d'une vie civique encore
rudimentaire, a naturellement pour voisine cette école où
commence l'éducation des citoyens de demain ».
L'école permet donc aux élèves de se
familiariser avec ce bâtiment républicain et leur permet
d'apprendre les rouages de la vie politique. Une fois devenus majeurs,
spontanément, les Français se rendent de nouveau dans ces lieux
pour assurer leurs devoirs de citoyens comme le souligne M.T LAURIN :
« L'homme fait, sacré souverain de la cité,
franchit le même seuil que dix ou vingt ans plus tôt, lorsqu'il
faisait son apprentissage intellectuel et moral »4.
Par ailleurs, en zone rurale les maîtresses et
maîtres assurent fréquemment des fonctions de secrétaires
de mairie en dehors de leurs heures de classe. Cette double fonction leur
garantit un suivi de leurs élèves. Lorsque les citoyens se
rendent en mairie pour exercer leur droit de vote, les instituteurs retrouvent
des Français à qui ils ont inculqué quelques années
plus tôt les valeurs républicaines.
Au sein même de l'école, plusieurs
éléments de décors rappellent le caractère
républicain du lieu. Tout d'abord, sur le fronton de l'école est
gravée en majuscules la devise : « Liberté,
égalité, fraternité ». Mentionnée dans la
Constitution Républicaine de 1848, cette devise avait été
délaissée par le Second Empire. Elle est remise en valeur et
enracinée sous la IIIème République. La gravure
des trois valeurs républicaines est souvent accompagnée d'un
drapeau tricolore, symbole révolutionnaire créé en 1794.
Ces deux symboles permettent aux élèves de prendre connaissance
du caractère républicain et des missions de l'école
primaire dès leur entrée dans le bâtiment.
L'école
3 LAURIN, M.T, « La mairie-école et l'instituteur
secrétaire de mairie », Revue de l'enseignement primaire et
primaire supérieur, 1918, p 34-35
4 LAURIN, M.T, « La mairie-école et l'instituteur
secrétaire de mairie », Revue de l'enseignement primaire et
primaire supérieur, 1918, p 34-35
14
instaurée par Jules FERRY se veut être une
école équitable, dans laquelle garçons et filles, enfants
d'ouvriers, de paysans, ou de riches industriels soient égaux. Par
l'enseignement de la morale et de la civique, elle doit permettre aux futurs
citoyens d'apprendre à profiter de leurs libertés tout en
respectant celles des autres. Au sein de l'école doit également
se développer un esprit de solidarité et de fraternité
entre les élèves. D'autres symboles tels que le buste de la
Marianne sont également présents dans les écoles primaires
de la fin du XIXème siècle. Généralement
ce buste se situe dans le préau de l'école et parfois-même
dans les salles de classe. La Marianne symbolise la liberté et la
république.
L'édifice n'est pas le seul élément de
l'école utilisé pour la formation des futurs citoyens. En effet,
les tenues portées par les élèves, les maîtresses et
les maîtres permettent elles aussi d'affirmer certaines valeurs
républicaines telle que l'égalité et la
laïcité. Tous les élèves portent la blouse, qu'il
s'agisse de filles et de garçons. Cette blouse est grise ou noire. Le
port de la blouse s'inscrit dans la démarche de laïcisation de la
l'école républicaine entamée en 1882 et achevée en
1905. Tous les élèves peuvent dissimuler les insignes religieuses
sous leur uniforme. Les signes religieux ne sont donc pas interdits sous la
IIIème République, mais ils sont
généralement dissimulés sous la blouse. L'uniforme a une
autre fonction, celle d'égalité. En effet, en obligeant tous les
élèves à porter un vêtement similaire, on gomme
ainsi toutes les différences de richesses pouvant exister entre les
écoliers. Tous les élèves deviennent ainsi égaux.
Les élèves ne sont pas les seuls à porter l'uniforme. Les
maîtresses et maîtres portent eux aussi un uniforme noir. Dans son
ouvrage publié en 19135, Charles PEGUY les surnomme les
« hussards noirs de la République » de part leur
vêtement. Dans sa description de ses propres maîtres
d'écoles, Charles PEGUY insiste sur l'uniforme qu'ils portent :
« Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des
hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés et
sérieux et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine
omnipotence ».
Le terme de hussard fait référence aux hussards
hongrois vêtus de noir, reconnus pour leur efficacité et leur
dévouement. L'uniforme civique porté par les institutrices et
instituteurs vise lui aussi à gommer les différences de richesses
et les croyances religieuses. Charles PEGUY prend soin d'énumérer
les éléments composant l'uniforme des maîtres : « le
long pantalon noir », « le gilet noir », « la redingote
noire » et « la caquette plate, noire ». Chaque
élément composant la tenue de l'enseignant est associé
à la couleur noire. Ce costume très sobre de couleur
austère inspire la
5 PEGUY, Charles, L'Argent, 1913.
15
sévérité.
Enfin, la IIIème République
prône la valeur d'égalité. L'école se doit donc
d'appliquer cette valeur, et notamment l'égalité entre les filles
et les garçons. À partir de la fin du XIXème
siècle, débute une timide volonté d'égalité
des genres au sein de la société française. Au niveau de
l'enseignement également, des progrès sont
réalisés. Des réformes en faveur des Femmes sont
adoptées. En mars 1850, la loi FALLOUX oblige toute commune de plus de
huit cents habitants à entretenir une école primaire de filles.
Mais, c'est surtout la loi du 28 mars 1881 établie par Jules FERRY qui
ouvre véritablement l'accès à l'éducation aux
filles. En effet, cette loi rend l'école obligatoire pour tout enfant
âgé de six à treize ans, sans distinction de genre. Les
filles, de plus en plus nombreuses à fréquenter l'école
avant l'adoption de ces lois sont désormais toutes tenues de suivre un
enseignement entre six et treize ans. Elles fréquentent donc
l'école primaire dès 1882 et apprennent elles aussi les valeurs
républicaines aux côtés de leur institutrice.
L'apprentissage de la morale et de la civique peut surprendre compte tenu du
fait que les Femmes ne possèdent pas encore le droit de vote à
cette époque. Les finalités de l'enseignement de ces
thématiques est donc autre. Il s'agit de soustraire les femmes à
l'influence de l'Église et d'éveiller leur sentiment patriotique
et leur esprit critique. Le gouvernement a fait le choix d'enseigner les
valeurs républicaines aux filles dans l'objectif qu'elles transmettent,
à leur tour, ces valeurs à leurs enfants. La loi GOBLET du 30
octobre 1886 renforce l'égalité filles-garçons en
instaurant la mixité dans les écoles des communes de moins de
cinq cents habitants.
Ainsi, le cadre même de l'école
républicaine et les réformes adoptées entre 1880 et 1905
permettent de formater les élèves. Ils aident les institutrices
et instituteurs à préparer leurs élèves à
devenir de futurs citoyens patriotes. Ils permettent à eux-seuls de
sensibiliser les élèves aux valeurs républicaines de
laïcité, de liberté, d'égalité, et de
fraternité.
16
b- La préparation à la formation des
futurs citoyens à travers l'enseignement de l'histoire .
Outre le cadre dans lequel évoluent les
élèves, les institutrices et instituteurs ont recours à
l'enseignement de l'histoire pour préparer leurs élèves
à devenir de futurs citoyens patriotes. Le 15 juillet 1891, lors de son
discours d'inauguration d'une école à
Nouvion-en-Thiérarchie, Ernest LAVISSE, historien français de la
seconde moitié du XIXème siècle, énonce
clairement le rôle des maîtres d'école primaire :
« Il leur dira qu'à l'enseignement historique incombe
le devoir glorieux de faire aimer et de faire comprendre la patrie ».
L'enseignement de l'histoire au sein des écoles
primaires est récent. Cela s'explique par le fait que l'histoire soit
mal perçue jusqu'au début du XIXème
siècle. Les représentants des régimes politiques
passés redoutent l'enseignement de l'histoire aux enfants issus des
classes populaires. En effet, ils considèrent que l'ouverture d'esprit
suscitée par l'histoire pourrait entraîner des soulèvements
de la part du peuple et donc constituer un danger potentiel. Les
révolutionnaires ont accordé une place importante à
l'éducation du peuple. Et pourtant, eux aussi ont renoncé
à l'introduction de l'histoire dans leurs projets de programmes
scolaires. Nous pouvons remarquer que cette discipline n'est pas
mentionnée dans le projet sur l'organisation générale de
l'instruction publique proposé par le marquis de CONDORCET à
l'Assemblée en 1792. Il a fallu attendre 1833 pour que François
GUIZOT, alors Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux Arts,
intègre l'histoire dans les programmes des écoles primaires.
Toutefois, cette introduction de l'histoire ne concerne que les écoles
primaires supérieures, écoles réservées à
l'élite sociale. Ce n'est qu'en 1867 que Victor DURUY introduit
l'histoire à l'école élémentaire en justifiant son
choix par le fait que l'enseignement de l'histoire permette de distinguer le
bien du mal à travers des exemples historiques. Il permet
également de montrer la grandeur de la France et de mettre en valeur les
progrès qu'elle a réalisé. Jules FERRY intègre
l'enseignement de l'histoire dans les programmes d'école primaire du 27
juillet 1882 pour les enfants âgés de six à treize ans.
Lorsque l'histoire apparaît dans les programmes scolaires, il est
nécessaire d'établir les enjeux et finalités de
l'enseignement de cette récente discipline. Pour Jules FERRY, le but de
l'enseignement de l'histoire à l'école primaire est «
d'inscrire le futur citoyen dans la démocratie, dans la patrie et dans
une identité nationale ». Cette mission revient donc aux
instituteurs et institutrices d'école primaire.
17
Afin de connaître les attendus du Ministère de
l'Instruction Nationale et des Beaux-Arts, les maîtresses et
maîtres doivent se référer à la partie «
éducation intellectuelle » du programme scolaire du 27 juillet
1882. Concernant la démarche à suivre, il est
précisé que :
« L'idéal de l'école primaire n'est pas
d'enseigner beaucoup, mais de bien enseigner. L'enfant qui en sort sait peu,
mais sait bien ; l'instruction qu'il a reçue est restreinte, mais elle
n'est pas superficielle »6.
Cela signifie que l'accent est mis sur l'éducation et
non l'accumulation des connaissances. Celles-ci sont donc volontairement
réduites. Maîtresses et maîtres doivent donc
sélectionner les exemples historiques les plus pertinents pour former
leurs élèves à la citoyenneté. Ils ne doivent pas
abuser des dates. Ils doivent sélectionner les dates faisant
référence à des événements qui montrent la
grandeur de la France. Les dates finement choisies ont pour vocation
d'être des bornes chronologiques qui permettent aux élèves
de se repérer dans le temps. Ernest LAVISSE a lui-même
souligné la difficulté de la chronologie pour des enfants :
« Ils n'ont aucune idée ni de l'âge, ni des
transformations de l'humanité. Si l'on n'y prend pas garde, ils mettront
tous les faits sur le même plan »7.
L'utilisation de la chronologie par l'enseignant permet donc
de hiérarchiser les idées. Toutefois, une utilisation trop
importante de dates dans un cours d'histoire pourrait porter préjudice
dans le sens où elle désintéresserait les
élèves. Ce désintérêt entraînerait une
incapacité à l'appropriation de l'histoire et de l'amour pour la
partie.
En terme de démarche à suivre, l'enseignant doit
partir de ce que savent déjà les élèves,
c'est-à-dire partir d'éléments concrets. Il doit guider
les élèves du monde connu vers un monde inconnu et les aider
à mieux l'appréhender. Le programme de 1882 mentionne cet attendu
:
6 Programmes du 27 juillet 1882 :
http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf
7 KAHN, Pierre, L'école républicaine et la
question des savoirs. Enquête au coeur du Dictionnaire de
pédagogie de Ferdinand Buisson, Paris, CNRS Éditions,
2015.
18
« L'instituteur met les enfants en présence de
réalités concrètes, puis peu à peu il les exerce
à en dégager l'idée abstraite, à comparer, à
généraliser, à raisonner sans le recours d'exemples
matériels ».
Ainsi, les institutrices et instituteurs doivent
réutiliser les connaissances historiques des élèves et
leur donner un sens. Cette méthode permet de valoriser le savoir
historique des élèves. Il leur est également
recommandé de faire des passerelles entre le présent et le
passé pour faciliter la compréhension d'événements
historiques, ou pour comprendre quelles seraient les conséquences d'un
événement en cours. Selon LAVISSE, les liens passé
présent ont pour objectif de transporter les élèves dans
le temps. Ils ont également pour vocation d'éveiller la
curiosité historique des élèves et donner du sens au
cours.
Les maîtresses et maîtres doivent également
faire appel à leurs propres émotions et à celles de leurs
élèves pour les sensibiliser à l'histoire de leur pays.
Ils doivent laisser apparaître leurs émotions comme le mentionne
Brigitte DANCEL dans son ouvrage :
« Le maître laisse voir son émotion,
s'apitoyant sur les malheurs de la France et se réjouissant de ses
succès et de ses grandeurs »8.
Il doit donc travailler sur les sentiments de joie et de
tristesse avec ses élèves. En laissant transparaître ses
émotions, l'objectif de l'enseignant est de sensibiliser les
élèves. Le travail sur la sensibilité permet de
transmettre son intérêt pour l'histoire de son pays.
L'institutrice et l'instituteur apparaissent alors comme des guides, voire
comme des témoins du passé auxquels les élèves
peuvent s'identifier.
Le processus d'identification est quotidiennement
utilisé par les maîtresses et maîtres dans les cours
d'histoire. Pour faire de leurs élèves des futurs citoyens
patriotes, les enseignants de la IIIème République
estiment que les enfants doivent connaître les personnages qui ont fait
la grandeur de la France. Pour ce faire, ils choisissent pour leurs
études des personnages emblématiques. Ils les décrivent
précisément en insistant sur leur caractère, leurs
qualités et leurs vertus. En les décrivant de manière
précise, l'objectif est de permettre aux élèves de
s'identifier à eux, par un trait de caractère commun par exemple.
De la même manière, dans la mesure du possible, les
maîtresses et maîtres choisissent des personnages locaux pour
renforcer cette appropriation. En insistant sur les grandeurs d'un personnage,
ils invitent leurs élèves à la rêverie et à
l'imagination. Les élèves
8 Brigitte DANCEL, Enseigner l'histoire à
l'école de la IIIème République.
19
deviennent donc admiratifs de ces personnages. Ils prennent
également rapidement conscience d'être leurs « descendants
» et de leur devoir de s'inscrire dans cette lignée. Cette
méthode permet en outre de créer un sentiment de communion de la
nation autour de son passé glorieux. Le Maréchal de Turenne, par
exemple, est étudié en cours élémentaire. Né
à Sedan, ce personnage constitue une figure locale pour les habitants du
Nord-Est de la France. Lors de son étude, l'accent est mis sur ses
compétences militaires et sur ses victoires.
Pour former les élèves à la
citoyenneté grâce à la transmission de l'amour pour la
patrie, les maîtresses et maîtres s'aident des programmes
scolaires. Pour notre période étudiée, les programmes
d'histoire en vigueur sont ceux du 27 juillet 1882 établis sous le
mandat de Jules FERRY comme Ministre de l'Instruction Publique et des beaux
Arts, et ceux du 3 janvier 1894 sous le mandat d'Eugène SPULLER. Les
nouveaux programmes établis en 1894 n'enregistrent pas de changements
notoires si ce n'est l'étude de la guerre de Cent Ans
déplacée au cours élémentaire au lieu d'être
réalisée au cours moyen. Ce changement libère du temps en
cours moyen et permet à l'enseignant d'étudier plus en profondeur
l'époque contemporaine. Le découpage des programmes d'histoire
suit le découpage tripartite en des niveaux : élémentaire
pour les enfants âgés de six à neuf ans, moyen pour les
enfants âgés de neuf à onze ans, et supérieur pour
les enfants de plus de onze ans. Pour chaque niveau, une heure d'enseignement
d'histoire, géographie et de civique confondues est prévu chaque
semaine. La répartition hebdomadaire s'organise de la manière
suivante : deux heures d'histoire, deux heures de géographie et une
heure d'instruction civique.
En observant le contenu de ces programmes, nous remarquons que
l'accent est mis sur l'Histoire de France. En cours élémentaire,
maîtresses et maîtres doivent enseigner l'histoire de France
jusqu'au commencement de la guerre de Cent Ans. Comme le public est
relativement jeune, ils travaillent essentiellement à partir de
récits ou d'iconographies. En cours moyen, les institutrices et
instituteurs doivent dispenser un cours élémentaire d'Histoire de
France en insistant sur les faits essentiels depuis la guerre de Cent Ans.
Ainsi, si en cours élémentaire le travail se concentre sur les
personnages, en cours moyen, il se concentre davantage sur les
événements. L'objectif est de faire comprendre quel rôle
ont joué les personnages précédemment
étudiés dans l'événement abordé en cours.
Enfin, en cours supérieur, les maîtresses et maîtres doivent
sensiblement élargir leur espace d'étude historique. En effet,
dans le cycle doivent être traités « l'Antiquité,
l'Égypte, les Juifs, la Grèce et Rome ». Toutefois, ces
thèmes doivent être brièvement abordés et doivent
être en lien avec l'histoire de France. Le programme du cours
supérieur se concentre une nouvelle fois sur l'histoire nationale
contemporaine. Les institutrices et institutrices doivent réutiliser
les
20
connaissances établies en cours
élémentaire et cours moyen. L'objectif est ici de sensibiliser
les élèves aux causes et conséquences des
événements phares de l'Histoire de France. À l'issue de sa
scolarité, chaque élève doit donc être à
même de comprendre le monde qui l'entoure, le fonctionnement de la
démocratie, et sa place en tant que futur citoyen au sein de la
République.
Pour mettre en application les programmes scolaires et former
au mieux ses élèves à la citoyenneté,
l'institutrice et l'instituteur ont recours à différents outils.
Ils peuvent utiliser le manuel d'histoire acheté par leur école
dans le cadre d'une leçon dite « écrite ». Il faut
entendre par « leçon écrite » une leçon qui
utilise le manuel. Elle se distingue de la leçon orale qui se fait
exclusivement grâce aux connaissances des élèves et de
l'enseignant. Celle-ci prend la force d'un cours dialogué
qualifié d' «entretien » par Ernest LAVISSE. L'enseignant doit
faire en sorte que les élèves apprécient leurs manuels
scolaires pour qu'ils aient ensuite envie de s'intéresser aux livres de
manière générale. Il s'appuie également sur les
tableaux d'histoire de France, et sur les cartes placardées sur les murs
de la salle de classe. Il peut s'agir de supports achetés par
l'école ou bien de documents créés par le personnel
enseignant lui-même. Généralement les institutrices et
instituteurs notent sur le tableau noir le thème de la leçon du
jour ainsi que le sommaire du chapitre. Très peu
d'éléments sont notés au tableau, toujours dans le soucis
de réalisation d'un cours clair et concis. Le tableau noir est
réservé à l'enseignant. Aucun élève ne vient
y noter des éléments lors des leçons d'histoire. Le
début de la séance commence par un contrôle oral de la
leçon passée. Cette vérification des apprentissages se
fait sous la forme de questions posées à un ou des
élèves.
En terme de pédagogie, la IIIème
République tente de rompre avec les traditions lassalliennes qui
consistaient notamment à demander aux élèves les plus
avancés d'aider ceux qui avaient le plus de difficultés.
Toutefois, nous pouvons remarquer que dans la pratique cette technique est
encore répandue à la fin du XIXème
siècle. Cette pédagogie offre la possibilité aux
élèves d'apprendre la solidarité au sein de la classe de
manière à ce qu'ils l'appliquent ensuite dans leur vie
personnelle. La réactivation des connaissances peut également
prendre la forme de récitation de la trace écrite du cours
d'histoire passé. L'objectif de ces répétitions est de
permettre aux élèves de s'approprier les valeurs
évoquées lors des cours d'histoire. Ensuite, débute la
leçon du jour. L'institutrice et l'instituteur énoncent le
thème du jour ainsi que le sommaire. Ils partent des connaissances
historiques des élèves afin qu'ils se sentent davantage
impliqués et qu'ils s'approprient le cours. La leçon se termine
généralement par la prise en note de la trace écrite du
cours d'histoire. Elle est relativement brève puisqu'elle se limite
à trois à six lignes pour une heure de cours. Une nouvelle fois,
l'objectif pour l'enseignant n'est pas que les élèves accumulent
des savoirs, mais que les élèves
ressentent et s'approprient l'histoire de leur pays. Parfois,
l'enseignant organise une « promenade scolaire », c'est-à-dire
une sortie scolaire dans un lieu historique emblématique local. Enfin,
dans l'objectif de faire travailler la mémoire des élèves
et de leur permettre de s'approprier davantage les thèmes
étudiés en cours, l'enseignant propose un devoir d'histoire
à raison d'un par semaine. Ceux-ci peuvent prendre différentes
formes telles que : retracer la leçon orale en entier ou en partie,
raconter un fait historique, établir une biographie, juger le
gouvernement d'un ancien ministre ou ancien souverain tel que Louis XIV...
Ainsi, tout au long de sa scolarité en école
primaire sous la IIIème République, un
élève suit des cours d'histoire. Dispensés par les
institutrices et instituteurs, ces cours ont pour vocation de former des futurs
citoyens patriotes comme le souligne le discours tenu par Ernest LAVISSE
à Nouvion-en-Thiérarchie en 1891 :
«S'il ne devient pas un citoyen pénétré
de ses devoirs et un soldat qui aime son drapeau, l'instituteur aura perdu son
temps »9.
21
9 HERY, Évelyne, Un siècle de leçons
d'histoire. L'histoire enseignée au lycée, 1870, 1970,
Rennes, PUR, 2015.
22
c- La suppression progressive des cours religieux au
profit des cours de morale : Un moyen pour former des citoyens patriotes sous
la III ème République .
L'un des enjeux du développement de la formation des
maîtres et maîtresses assuré par le gouvernement
républicain est de soustraire le personnel enseignant de l'influence de
l'Église. Pour ce faire, différentes lois et circulaires sont
adoptées entre 1880 et 1905 afin de transférer le monopole de
l'enseignement de l'Église aux mains de l'État. La suppression
progressive des cours d'enseignement religieux dans les Écoles Normales
et dans les écoles primaires s'opère au profit de la
laïcisation du personnel enseignant et du développement de
l'enseignement de la morale.
Ce processus de laïcisation des institutions
républicaines débute par la loi du 27 février
188010 proposée par Jules FERRY, alors Ministre de
l'Instruction Publique et des Beaux-Arts. Cette proposition de loi
approuvée par le Sénat et la Chambre des Députés
prévoit la laïcisation du Conseil Supérieur de l'Instruction
Publique. Ce Conseil compte parmi ses membres, six maîtres primaires
élus au scrutin de liste pour une durée de quatre ans. Il a
notamment pour vocation d'établir les programmes scolaires, les
modalités d'examens, ou d'entrée dans les Écoles Normales,
de décider l'ouverture de nouvelles Écoles Normales primaires, de
choisir les listes d'ouvrages devant être présents dans les
bibliothèques pédagogiques des Écoles Normales. Ainsi, cet
exemple montre que le processus de laïcisation du personnel
dépendant du Ministère de l'Instruction Publique débute
par la laïcisation de ses dirigeants.
Deux ans après l'adoption de cette loi, le Sénat
et la Chambre des députés adoptent la loi sur l'instauration de
l'école républicaine laïque et obligatoire proposée
par Jules FERRY. Cette loi s'insère dans le cadre des grandes mesures
scolaires suggérées par le Ministre de l'Instruction Publique et
des Beaux-Arts dans l'optique d'entièrement refonder l'école
primaire. La loi du 16 juin 188111 a établi la
gratuité de l'enseignement primaire destiné aux
élèves âgés de six à treize ans.
L'instauration de la gratuité permet ensuite de rendre obligatoire
l'enseignement primaire. L'obligation de suivre cet enseignement est
couplée d'une obligation de laïcisation des écoles
10 Loi du 27 février 1880:
http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/fev1880.pdf
11 Loi du 16 juin 1881 :
http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/juin1881.pdf
23
primaires mentionnée dans la loi du 28 mars
188212 proposée par Jules FERRY et adoptée par le
Sénat et la Chambre des Députés. La laïcité et
l'enseignement de l'instruction morale et civique sont au coeur de cette loi
comme en témoigne l'article premier qui aborde le contenu de
l'enseignement primaire en mentionnant en premier « l'instruction morale
et civique ». L'instruction morale et religieuse instaurée par
FALLOUX13 disparaît donc des programmes de l'école
primaire au profit de l'instruction morale et civique comme le mentionne
l'article 3. L'article 2, quant à lui, indique que :
« Les écoles primaires publiques vaqueront un jour
par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire
donner, s'ils le désirent, à leurs enfants, l'instruction
religieuse, en dehors des édifices scolaires ».
Cet article marque donc la rupture entre les
congrégations religieuses dans lesquelles la mission principale des
maîtres et maîtresses était de transmettre une
idéologie religieuse, et les écoles primaires
républicaines dans lesquelles les maîtres et maîtresses ont
pour principal objectif d'instruire leurs élèves aux valeurs
morales et civiques. L'enseignement de l'instruction religieuse revient donc
non plus aux enseignants mais aux parents des élèves.
L'application de cette réforme est rapide. Dès
la promulgation de la loi, des programmes précis d'instruction morale et
civique sont établis et des manuels sont rédigés de
manière à ce que l'enseignement de cette discipline nouvelle soit
effectif dès la rentrée de septembre 1882. Pour répondre
à cette demande et afin de faciliter la tâche des maîtresses
et maîtres, soixante-cinq manuels d'instruction morale et civique sont
édités au cours de l'année 1882. Les programmes concernant
cet enseignement sont promulgués le 27 juillet 188214. Pour
la première fois, l'élaboration des programmes scolaires revient
entièrement à la charge de l'État et le contenu concerne
l'ensemble des Français âgés de six à treize ans.
L'objectif de ces nouveaux programmes est de construire une unité
nationale autour de valeurs républicaines. Cet enjeu permet de
comprendre l'importance accordée à l'instruction morale et
civique assurée par les maîtres et maîtresses de
l'école primaire. L'article 1 mentionne que l'enseignement primaire se
divise en trois cours : l'élémentaire pour les enfants
âgés de six à neuf ans, le moyen pour les enfants
âgés de neuf à onze ans et le supérieur pour les
élèves de onze à treize ans. Les disciplines sont quant
à elles
12 Loi du 28 mars 1882 :
http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/mars1882.pdf
13 Loi FALLOUX du 15 mars 1850 : Instauration de l'instruction
morale et civique.
14 Programmes du 27 juillet 1882 :
http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf
24
réparties en trois champs : l'éducation
physique, l'éducation intellectuelle et l'éducation morale.
Chacun de ces champs d'enseignement est dispensé à chaque niveau,
élémentaire, moyen et supérieur. Cela signifie donc que
dès leur entrée à l'école primaire
élémentaire, les Français âgés de six ans
suivent des cours d'instruction morale et civique. La répartition des
disciplines dans cette organisation tripartite témoigne de l'importance
accordée à l'instruction civique et morale. Cette discipline fait
l'objet d'une partie entière du programme tandis que la partie
intitulée « éducation intellectuelle » regroupe
différentes disciplines que sont : la lecture, l'écriture, la
langue française, l'histoire, la géographie, l'instruction
civique, l'économie, le calcul, la géométrie, le dessin,
les sciences physiques et naturelles, l'agriculture et le chant.
Dans le programme d'instruction civique de 1882 le rôle
de l'instituteur et de l'institutrice dans cet enseignement est clairement
établi. Il est mentionné que :
« L'instituteur et l'institutrice sont chargés de
cette partie de l'éducation comme représentant de la
société : la société laïque et
démocratique a en effet l'intérêt le plus direct à
ce que tous ses membres soient initiés de bonne heure et par des
leçons ineffaçables de leur dignité et à un
sentiment non moins profond de leur devoir et de leur responsabilités
personnelle ».
Cet extrait montre bien que l'intérêt de
l'instruction morale dès le plus jeune est de rendre «
ineffaçables » les notions transmises par les maîtres et
maîtresses aux élèves. L'objectif est de rendre naturelles
ces valeurs chez les Français. L'extrait montre également que ces
préoccupations concernent l'ensemble des enfants âgés de
six à treize ans, c'est-à-dire les garçons et les filles.
Tous doivent partager des valeurs communes apprises à l'école
primaire républicaine. Il est également précisé que
les maîtres et maîtresses ne doivent pas juger les croyances
religieuses de leurs élèves :
« Il peut remplir cette mission sans avoir à faire
personnellement, ni adhésion, ni opposition à aucune des diverses
croyances confessionnelles auxquelles ses élèves associent et
mêlent les principes généraux de la morale ».
25
La distinction entre l'instruction morale et religieuse et
l'instruction morale laïque est clairement mentionnée dans les
programmes lorsqu'il est indiqué que :
« L'instituteur ne se substitue ni au prêtre, ni au
père de famille ; il joint ses efforts aux leurs pour faire de chaque
enfant un honnête homme ».
L'honnêteté est une notion importante qui
apparaît à plusieurs reprises dans les programmes scolaires.
Maîtres et maîtresses doivent donc former des citoyens
honnêtes. Ils se doivent donc de l'être eux-mêmes.
L'instruction morale et civique dispensée par les maîtres et
maîtresses dans les écoles primaires doit également
permettre de créer un esprit de corps chez les élèves. Cet
objectif transparaît à travers cet extrait du programme de 1882 :
« Il doit insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes ».
L'enseignant doit faire comprendre aux élèves que les droits,
devoirs, et la citoyenneté permettent de créer un esprit de
corps.
Après avoir énoncé l'objet de
l'enseignement de la morale, le programme propose aux maîtres et
maîtresses une méthode à suivre. En réalité,
cette méthode à suivre par les élèves ressemble
davantage à des conseils prodigués aux maîtresses et
maîtres. Dans cette méthode, il est précisé que
l'objectif de l'instruction morale n'est pas tant de faire apprendre par coeur
des notions et définitions de valeurs républicaines, mais de les
faire ressentir par les élèves comme le montre la citation
suivante :
« On demande à l'instituteur non pas d'orner la
mémoire de l'enfant, mais de toucher son coeur, de lui faire ressentir,
par une expérience directe, la majesté de la loi morale
».
Les institutrices et instituteurs doivent donc transmettre la
morale en travaillant sur les émotions des élèves. Pour ce
faire, ils doivent avoir recours à des exemples précis et
minutieusement sélectionnés. Ces exemples doivent être
parlants et concrets pour leur jeune public. Le programme scolaire de 1882
explique en outre la posture que doivent tenir les institutrices et
instituteurs. Ces-derniers y sont présentés comme des guides,
comme des modèles à suivre de la part des élèves.
De par leur statut, maîtresses et maîtres se doivent donc
d'être d'une moralité irréprochable et doivent
eux-mêmes être convaincus de leur rôle comme le montre
l'extrait suivant :
26
« Pour que l'élève se pénètre
de ce respect de la loi morale qui est à lui seul toute une
éducation, il faut premièrement que par son caractère, sa
conduite, par son langage, il soit lui-même le plus persuasif des
exemples. Dans cet ordre d'enseignement, ce qui ne vient pas du coeur ne va pas
au coeur »15.
L'instruction morale ne peut donc être
réalisée que par des personnes reconnues de bonne moralité
et conscientes de constituer un exemple à suivre. Ceci explique donc
pourquoi les Écoles Normales accordent autant d'importance à la
morale de leurs élèves-maîtresses et
élèves-maîtres puisqu'elles ont pour vocation de
déceler les personnes habilitées à remplir cette mission.
Le rôle des institutrices et instituteurs de l'école primaire est
donc de faire aimer la morale à leurs élèves. Le
caractère laïc de l'école de la IIIème
République nécessite un respect de la part des enseignants envers
les croyances de leurs élèves. Ils ne doivent donc pas rejeter un
élève à cause de ses croyances religieuses, mais ils
doivent au contraire les tolérer et les respecter.
Concernant le contenu même de l'instruction morale, les
institutrices et instituteurs doivent respecter le programme scolaire
établi par la loi du 28 juillet 1882. Les recommandations faites aux
maîtres et maîtresses sont organisées suivant le
découpage tripartite de l'école primaire : les objectifs à
atteindre au cours élémentaire, au cours moyen et au cours
supérieur. Pour les élèves de cours
élémentaire, soit des élèves âgés de
six à neuf ans, cet « enseignement par le coeur » doit
s'appuyer sur des « exercices pratiques tendant à mettre la morale
en action dans la classe même ». La salle de classe constitue donc
un lieu d'apprentissage et d'exercice de la morale. Elle est en quelque sorte
une représentation de la société de la fin du
XIXème siècle dans laquelle ces élèves
exerceront leur citoyenneté. Il est d'ailleurs intéressant de
relever le fait que le programme parle de « donner l'exemple dans le
gouvernement de la classe d'un scrupuleux esprit d'équité ».
Le terme de gouvernement n'est pas sans rappeler une dimension dimension
politique. Il montre que l'institutrice et l'instituteur représentent
l'État au sein de leur salle de classe. Ces guides doivent
également utiliser l'instruction morale de manière à
responsabiliser les élèves. Pour cela, dès le cours
élémentaire les maîtres doivent donner des
responsabilités aux élèves telles que :
« Faire souvent les élèves juges de leur
propre conduite, et les amener à découvrir par eux-mêmes
leurs erreurs ou leurs torts »16.
15 Circulaire de 1883, programme d'enseignement moral et civique
:
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Morale/62/6/morale_Jules_Ferry_190626.pdf
16 Programmes de 1882.
27
Les enseignants doivent également dès le cours
élémentaire les élever « au sentiment d'admiration
». Même si le terme de république n'est pas mentionné,
nous pouvons en déduire que l'objectif de cet enseignement est de
d'amener les élèves à admirer leur régime politique
politique, la République, et son gouvernement.
Après avoir éveillé la morale chez les
élèves du cours élémentaire, les institutrices et
instituteurs approfondissent ce travail grâce à des exemples
concrets et en variant les échelles en cours moyen. L'accent est mis sur
les notions de devoirs, obéissance et respect. Tout d'abord, les
maîtres et maîtresses doivent à partir d'exemples concrets
faire réfléchir les élèves sur leurs devoirs envers
eux-mêmes, envers leurs aînés et envers leurs frères
et soeurs. Ils mènent donc une réflexion à
l'échelle de la famille. Dans un second temps, la réflexion
s'opère à l'échelle de l'école. L'étude
porte sur les devoirs des élèves envers l'institutrice ou
l'instituteur ainsi que leurs devoirs envers leurs camarades. Maîtresses
et maîtres conduisent les élèves à une
réflexion sur les devoirs envers la patrie et envers la
société. Cette démarche et cette réflexion faites
à différentes échelles montre bien que l'enseignant doit
partir du quotidien des élèves, de leur environnement pour les
amener à réfléchir sur leur future place de citoyen au
sein de la société.
Enfin, dans le cours supérieur, l'objectif est
d'approfondir les réflexions entamées en cours
élémentaire et en cours moyen. Pour cela, l'institutrice et
l'instituteur doivent réutiliser le schéma intégrant
différentes échelles de réflexion : la famille, la
société et la patrie. La partie concernant la famille comporte
peu de précisions. Il est simplement mentionné que doivent
être étudiés les « devoirs des parents et des enfants
». Pour ce qui concerne la société, l'enseignant doit
susciter la réflexion des élèves à propos de la
liberté, de la justice, de la solidarité et de la
fraternité. Nous retrouvons ici des valeurs républicaines. Enfin,
concernant la patrie, maîtresses et maîtres doivent amener les
élèves à réfléchir sur le vote, les droits,
les devoirs, les différentes libertés. Ainsi, à l'issue de
leur scolarité obligatoire, c'est-à-dire à treize ans,
chaque Français et chaque Française doit connaître les
rouages de la République Française, doit aimer sa Patrie et
être paré pour devenir un citoyen patriote et responsable.
L'institutrice et l'instituteur assurent tout au long de la scolarité
des élèves le rôle de guide et d'exemple à suivre
concernant la morale. Ils doivent pour cela transmettre l'amour de la Patrie et
de la République à leurs élèves.
Pour que le personnel enseignant puisse travailler la morale
et la laïcité avec les élèves, le processus de
laïcisation des enseignants et plus largement de l'État se poursuit
sous la IIIème
République. Après avoir laïcisé les
programmes scolaires avec la loi du 28 mars 1882, le gouvernement
républicain décide de laïciser les enseignants.
L'école étant devenue républicaine et laïque, il est
devenu nécessaire de posséder un personnel laïc de
manière à transmettre ces valeurs. La loi GOBLET,
Président du Conseil des Ministre Français entre 1886 et 1887,
adoptée par le Sénat et la Chambre des Députés le
30 octobre 1886 décrète que :
« Dans les écoles publiques de tout ordre,
l'enseignement est exclusivement confié à un personnel
laïque »17.
L'article 18 précise qu' « aucune nomination
nouvelle, soit d'instituteur, soit d'institutrice congréganistes, ne
sera faite dans les départements où fonctionnera depuis quatre
ans une école Normale ». Ce délais s'explique par le fait
que la formation des élèves-maîtresses et
élèves-maîtres au sein des Écoles Normales dure
trois ans. Cela permet donc au minimum à deux promotions
d'élèves-maîtresses et élèves-maîtres
laïcs d'assurer les cours dans les écoles primaires. La
laïcisation de l'école républicaine comme instrument de
l'État est entérinée grâce à la loi de
séparation définitive de l'Église et de l'État du 9
décembre 1905. Les élèves préparés à
la laïcité par les instituteurs et institutrices lors des cours de
morale peuvent donc pleinement s'intégrer dans la société
nouvellement laïque.
28
17 Loi du 30 octobre 1886 :
http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/oct1886.pdf
29
2) La formation des enseignants du primaire de 1880
à 1905 : le cas de l'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne :
La mission première des institutrices et instituteurs
de la fin du XIXème siècle est de sensibiliser leurs
élèves aux valeurs républicaines et à l'histoire de
leur pays de manière à en faire de futurs citoyens patriotes.
Sous la IIIème République, les membres du gouvernement
considèrent que pour élever l'enseignement du peuple, il faut
d'abord améliorer la formation des maîtresses et maîtres.
Jusqu'à présent délaissée par l'État, la
formation des instituteurs et institutrices dans les Écoles Normales
devient une priorité. Au cours des trois années de formation, les
formateurs veillent à la bonne morale des
élèves-maîtres. L'objectif est de recruter et former des
personnes portant en elles l'amour de leur patrie de manière à ce
qu'elles transmettent ensuite cet intérêt à leurs
élèves. Des critères de recrutement au contenu des cours,
en passant par les conférences pédagogiques, tout vise à
préparer les élèves-maîtresses et
élèves-maîtres à leurs futures missions civiques.
Le processus de scolarisation des filles s'entame
réellement en 1836 La scolarisation des filles s'opère à
deux niveaux, celui de l'école primaire et celui des Écoles
Normales. Afin d'ouvrir l'enseignement primaire aux filles, il est d'abord
nécessaire de former des institutrices. La loi GUIZOT de 1833 oblige
chaque département à entretenir une École Normale pour
garçons et délaisse les filles. Il faut attendre 1836 pour que
l'accès aux Écoles Normales pour les filles soit facilité.
En effet, la loi PELET du 23 juillet 1836 oblige chaque département
à entretenir une École Normale de filles. Suite à cette
loi, le nombre de candidates aux Écoles Normales augmente. De plus en
plus de filles issues de familles d'agriculteurs ou d'ouvriers se portent
candidates, comme en témoignent les procès verbaux dressés
par l'École Normale de Châlons-sur-Marne à partir de 1881.
La plupart sont issues de villages situés dans un rayon de cent
kilomètres autour de l'École Normale. Après avoir ouvert
l'accès au métier d'enseignant aux filles, le gouvernement leur
ouvre l'accès à l'école primaire. La loi FALLOUX
adoptée le 15 mars 1850 demande l'ouverture d'une école primaire
pour filles dans chaque commune de plus de huit cents habitants. La loi DURUY
du 10 avril 1867 encourage l'enseignement primaire féminin. Elle demande
aux communes de proposer des impositions réduites aux familles à
faibles revenus qui scolarisent leurs enfants. Peu à peu, le nombre
d'enfants fréquentant les écoles primaires augmente. À la
veille des lois scolaires de FERRY, une majorité des enfants
français fréquentent déjà l'école primaire.
Toutefois, les progrès de massification de l'école primaire sont
plus présents chez les garçons que les filles. La loi du 28
30
mars 1882 rend l'école obligatoire pour tout enfant
âgé de six à treize ans, filles et garçons. La
mixité dans les classes étant peu répandue et face
à la massification de l'accès à l'école primaire
pour les filles il a été nécessaire de former davantage
d'institutrices. Afin d'accélérer le processus d'ouverture des
Écoles Normales pour filles, la loi Jules FERRY du 9 août 1879
rend obligatoire l'ouverture d'une École Normale de filles dans chaque
département dans un délais de quatre ans. C'est ainsi que
l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne voit le
jour.
L'exemple de l'École Normale des institutrices de
Châlons-sur-Marne ouverte le 4 octobre 1880 va être utilisé
tout au long de ce développement pour nous permettre de comprendre
comment les élèves-maîtresses sont préparées
à former leurs élèves et à transmettre leur amour
pour la France. Mon choix s'est porté sur cette École Normale
afin de privilégier un exemple local. La difficile ouverture de
l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne est
également révélatrice des contradictions de
l'époque. Projets et réalité s'opposent. Dès 1808,
sous le Premier Empire, un décret est adopté afin d'instaurer une
formation des enseignants contrôlée par l'État. Si la
première École Normale d'instituteurs ouvre en 1810 à
Strasbourg, elle demeure la seule infrastructure de formation des maîtres
jusque sous la Monarchie de Juillet. Face à ce retard, en 1833, le
Ministre de l'Instruction Publique François GUIZOT oblige chaque
département à entretenir une École Normale d'instituteurs.
Il étend cette mesure aux Écoles Normales d'institutrices.
Toutefois, cette nouvelle mesure ne suffit pas à développer un
système de formation efficace. En 1879, lors de l'arrivée au
Ministère de Jules FERRY, soixante-sept départements sont encore
dépourvus d'École Normale de filles. La formation des
maîtres, et notamment, la formation des institutrices peine donc à
se mettre en place. Si la Marne possède une École Normale de
garçons depuis 1838, elle ne possède toujours pas
d'équivalent pour les filles à cette date. Face à
l'augmentation de la fréquentation des écoles primaires, et
à l'aube des grandes lois scolaires l'amélioration de la
formation des instituteurs et institutrices devient une
nécessité. C'est pourquoi en 1879 Jules FERRY oblige chaque
département actuellement dépourvus d'École Normale de
filles ou de garçons d'ouvrir une infrastructure dans un délais
de quatre ans. L'École Normale d'institutrices de la Marne ouvre ses
portes l'année suivante.
31
a- Les conditions de recrutement : Des
élèves-maîtresses devant être de
« bonne morale ».
Les candidates aux Écoles Normales doivent être
habilitées à enseigner pour être recrutées. Pour ce
faire, des règles strictes sont mises en place pour le recrutement des
élèves-maîtresses, et ce notamment comme en
témoignent les archives de l'École Normale des institutrices de
Châlons-sur-Marne. Tout d'abord, depuis 1816, tout aspirant au
métier d'enseignant doit fournir un « certificat de bonne vie et de
bonnes moeurs ». Ce certificat est délivré par le maire de
la commune dans laquelle habite l'aspirante à l'École Normale.
Pour qu'il soit accordé, la personne doit justifier une durée
minimale de trois ans de résidence dans ladite commune. Elle doit
également répondre aux critères de « bonne vie et de
bonnes moeurs ». Les fréquentations, le parcours scolaire et
l'engagement de cette personne dans sa commune sont pris en compte. Le
règlement des Écoles Normales du 2 juillet 1866 instaure un
nouveau certificat à fournir pour entrer en École Normale,
à savoir le certificat de moralité. Celui-ci est
délivré par les chefs des établissements scolaires
précédemment fréquenté par les candidates. Cette
procédure est maintenue sous la IIIème
République. Enfin, à partir de 1886, le Certificat d'Aptitude
Pédagogique doit être obtenu par l'ensemble des
élèves-maîtres et élèves-maîtresses
pour qu'ils soient titularisés.
Sous la IIIème République,
l'enquête visant à vérifier la bonne vie et les bonnes
moeurs des candidats aux Écoles Normales est confiée aux
inspecteurs académiques. Ils font part de leurs résultats lors de
la réunion de commission de surveillance. Ces réunions se
tiennent de manière régulière à l'École
Normale de Châlons-sur-Marne. Elles se tiennent en présence de la
directrice de l'École Normale, Madame GRANET, puis Madame BROCARD pour
notre période, et de l'inspecteur académique, Monsieur MAUCOURT.
L'inspection des dossiers des aspirantes a lieu en juillet, soit trois mois
avant la rentrée scolaire. Le 15 juillet 1881, par exemple, la
commission de surveillance se réunit pour établir la liste des
aspirantes à l'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne pour l'année scolaire 1881-1882. Cette
séance se tient en présence de la directrice, de l'inspecteur
académique, de Monsieur MARSON et de Monsieur PELICIER (ordonnateur des
dépenses). La commission procède à l'examen de l'ensemble
de ces dossiers pour établir la liste des futures
élèves-maîtresses.
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32
Illustration 1: Liste des aspirantes pour l'année
1881-1882. 1T1840.
Un premier examen a été réalisé
par les inspecteurs primaires afin de vérifier les conditions morales de
ces aspirantes. Chaque dossier est donc accompagné du
procès-verbal individuel de l'enquête faite par les inspecteurs
académiques. Il est parfois arrivé que des aspirantes ne
répondent pas aux critères de bonne conduite et ne puissent donc
pas intégrer l'École Normale. Nous pouvons ici mentionner le cas
de Marguerite CHARLIER, aspirante à l'École Normale de
Châlons-sur-Marne pour l'année scolaire 1882-1883. Cette jeune
fille âgée de quinze ans n'a pas été retenue. Le
motif fourni est celui de non respect des règles de bonne conduite.
Aucun détail n'est fourni pour justifier le choix fait par la commission
de surveillance le 13 juillet 1882.
Outre le fait de devoir fournir certains certificats attestant
leur bonne moralité, les aspirantes à l'École Normale de
Châlons-sur-Marne sont recrutées à un âge
stratégique. Les aspirantes à
33
l'École Normale ont entre quinze et seize ans. Cela
signifie donc qu'elle ont quitté l'école primaire moins de trois
ans avant leur recrutement. Elles ont donc encore en mémoire le
fonctionnement de l'enseignement et notamment les finalités de
l'enseignement de l'histoire et de la morale. Les aspirantes doivent
posséder le certificat d'études, certificat perçu comme
une récompense républicaine. Le fait de célébrer
celles et ceux qui réussissent cet examen de fin d'études
primaires permet de célébrer l'école et la
République qui lui a donné une place importante. Les aspirantes
ont donc obtenu ce certificat il y a deux ans en moyenne. L'âge minimal
d'entrée à l'École Normale est de seize ans. Il est
abaissé à quinze ans en 1888 face à une crise des
vocations. En recrutant des élèves-maîtresses si jeunes,
l'objectif est de recruter les meilleures élèves et ainsi
éviter qu'elles ne choisissent une autre orientation à la sortie
de l'école primaire. Cela permet également de recruter des jeunes
filles célibataires, sans vie de famille. Ces aspirantes peuvent donc se
consacrer entièrement à leur formation puis à leur
métier. La commission de surveillance de l'École Normale de
Châlons-sur-Marne vérifie si les aspirantes possèdent bien
l'âge minimal requis lorsqu'elle procède à l'examen des
dossiers. Lors de la commission du 15 juillet 1881, l'une des aspirantes
âgée de 14 ans seulement est automatiquement ajournée
puisqu'elle ne possède pas l'âge minimal requis18.
Enfin, pour intégrer l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne, les aspirantes doivent
réussir un concours. L'examen des dossiers vise à recruter des
élèves-maîtresses de « bonnes moeurs ».
L'obtention du concours vise à recruter des élèves de bon
niveau. Rappelons que les membres du gouvernement de la
IIIème République considèrent que pour
élever l'enseignement du peuple, il faut élever le niveau des
élèves-maîtresses. Afin de sélectionner les
meilleures élèves, l'École Normale de
Châlons-sur-Marne fait passer deux séries d'épreuves
à ses aspirantes. La première série vise à
établir la liste des élèves admissibles. Pour être
admissibles, les élèves doivent réussir une dictée
de vingt minutes, répondre aux questions qui suivent la dictée,
réussir l'épreuve d'écriture, réussir l'exercice de
composition française s'appuyant sur l'enseignement de la morale,
réussir l'épreuve d'arithmétique et enfin réussir
la composition de dessin. La seconde série d'épreuves permet de
choisir les élèves admises. Elle comporte des interrogations,
notamment sur l'histoire de la France, des résumés de
leçons, un examen de chant, et des exercices de gymnastique. Chaque
épreuve est notée de 0 à 20. Un classement est
établi à l'issue des épreuves. Les élèves
sont classées selon leur mérite.
18 Archives départementales, 1 T 1841, 15 juillet 1881.
34
b- Le contenu des cours et le cadre de la formation :
Le cadre de la formation des instituteurs et des institutrices,
c'est-à-dire les Écoles Normales, ainsi que le contenu des cours
qui y sont enseignés contribuent eux aussi à l'apprentissage des
valeurs devant ensuite être transmises aux élèves
d'école primaire.
Le contexte d'ouverture de l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne qui intervient au moment où
de nombreuses Écoles Normales sont créées témoigne
de la massification de l'accès à l'école entamée
à la fin du XIXème siècle.
L'égalité est une des valeurs clés de la
IIIème République, valeur que les instituteurs et
institutrices doivent transmettre à leurs élèves. Une fois
arrivés au pouvoir en 1879, les Républicains ont fait en sorte
que l'école, lieu d'apprentissage des valeurs républicaines,
devienne à son tour une institution plus juste. Pour ce faire, les
membres du gouvernement se sont, en apparence, attachés à
développer l'égalité hommes, femmes face à
l'accès à l'éducation. En réalité, en
éduquant les filles, ils souhaitent qu'elles transmettent les valeurs
républicaines apprises à l'école à leurs futurs
enfants. Le discours prononcé par l'historien Pierre PONCIN lors de
l'inauguration du cours pour filles d'Abbeville le 15 décembre 1880
illustre cette idée :
« L'absence d'enseignement secondaire pour les femmes
entretient l'anarchie intellectuelle de la nation. La plupart des femmes sont
restées étrangères aux idées, aux sentiments de la
France républicaine et moderne. C'est l'institutrice française,
c'est la mère française qui formeront pour l'avenir une robuste
génération de citoyens et de soldats »19.
À cette époque encore, la femme est
perçue comme une génitrice, et plus particulièrement comme
une génitrice de futurs citoyens et soldats comme le souligne la
citation de René GOBLET :
« Père républicains, vous avez un devoir
à remplir ; c'est de donner une éducation solide, virile,
à vos filles ; faire des hommes, donner des citoyens à la patrie,
voilà la grande fonction de la femme, et, en
19 Archives départementales de la Somme 1T70, discours de
Pierre FONCIN à l'inauguration du cours pour jeunes filles d'Abbeville,
15 décembre 1880.
35
même temps, sa grande responsabilité
»20.
L'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne, comme toutes les Écoles Normales de la
IIIème République est encadrée par
l'État. Comme le mentionne le décret du 29 juillet
188121, l'École Normale primaire est placée sous la
tutelle du recteur d'académie et dirigée par une directrice,
Madame GRANET, puis Madame BROCARD, choisies par le Ministère de
l'Instruction Publique. En plus de choisir la directrice de l'École
Normale, l'État intervient pour financer le traitement du personnel de
l'École : professeures, économe, secrétaire, directrice...
L'État fournit également des subventions pour l'achat de livres
placés dans la bibliothèque pédagogique. Le
département de la Marne et la ville de Châlons-sur-Marne prennent
en charge l'entretien du bâtiment, les éventuels travaux, ainsi
que l'achat du matériel utilisé en classe, à l'internat ou
au réfectoire. L'État intervient donc pleinement dans la gestion
financière et matérielle de l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne. Désormais,
l'éducation est uniquement encadrée par l'État et non plus
encadrée par l'Église et l'État conjointement.
Concernant son architecture, l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne, comme la plupart des Écoles
Normales est construite sur deux étages. La normalisation des
bâtiments contribue elle aussi à l'enracinement du
caractère républicain du lieu. L'École Normale
d'institutrices possède une cour de récréation, un jardin.
Le bâtiment est en forme de H. L'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne, à l'image de l'ensemble des Écoles
Normales possède un internat. Jules FERRY a rendu la
fréquentation de l'internat obligatoire pour les
élèves-maîtres et élèves-maîtresses en
formation. Ce procédé permet au personnel de l'École
Normale, c'est-à-dire aux agents de l'État de contrôler en
permanence les futurs maîtres et maîtresses. Cet encadrement
continu permet aux élèves-maîtresses de s'imprégner
du caractère républicain du lieu. Conformément au
décret du 29 juillet 1881, « l'internat est gratuit ». Les
sorties des élèves-maîtresses sont très
encadrées. Les documents d'archives de l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne montrent que les permissions se
limitent aux vacances scolaires et aux jours fériés. Le reste de
l'année scolaire, les élèves-maîtresses restent au
sein des locaux de l'École. Elles sont autorisées à y
sortir uniquement lors des sorties pédagogiques ou lors des promenades
hebdomadaires. Toutefois, les jeunes filles ne sont pas livrées à
elles-mêmes lors de ces sorties.
20 René GOBLET, Le Progrès de la Somme du
30 août 1881.
21 Décret du 29 juillet 1881 : « La
réorganisation républicaine des Écoles Normales primaires
».
36
Elles sont systématiquement contrôlées par
des professeurs ou membres de la direction. Les promenades sont elles aussi
encadrées par le décret du 29 juillet 1881 qui précise que
:
« Tous les jeudis et tous les dimanches ainsi que les jours
de fêtes, les élèves-maîtres sont conduits en
promenade »22.
Les visites des personnes extérieures sont
autorisées uniquement au parloir et en présence d'une
maîtresse.
Outre le cadre très strict, le port de l'uniforme est
de rigueur au sein des Écoles Normales d'institutrices. Chaque
élève-maîtresse doit porter une tenue très
austère composée d'une robe noire en laine ou cachemire, une jupe
noire, un corsage uni, et en manteau de drap noir. Cette tenue n'est pas sans
rappeler l'habit religieux. Cet uniforme montre que les
élèves-maîtresses appartiennent à un ordre, non pas
religieux, mais laïc et républicain. Hugues LETHIERRY qualifie les
Écoles Normales d'institutrices de « couvents laïcs
»23. Cette expression s'explique par le port d'un uniforme
noir, très austère et par la vie des
élèves-maîtresses en un espace clos, surveillé et
coupé du reste de la société. L'uniforme doit
également être porté lors des promenades hebdomadaires
comme le stipule le décret du 29 juillet 1881 : « Tous les
élèves ont un costume d'uniforme pour les sorties et les
promenades. ». Il s'agit là de montrer à l'ensemble de la
société que les élèves-maîtres et
élèves-maîtresses respectent les traditions
républicaines. L'économe et la directrice de l'École
Normale ont pour mission d'inspecter chaque matin les tenues des
élèves-maîtresses. Le trousseau est à la charge de
la famille.
Les journées des élèves-maîtresses
de l'École Normale de Châlons-sur-Marne sont chargées.
D'après les documents d'archives, le lever des
élèves-maîtresses a lieu dès cinq heures du matin.
S'en suivent deux heures d'étude pendant lesquelles les
élèves-maîtresses peuvent travailler leurs cours. À
sept heures, les élèves-maîtresses se réunissent au
sein du réfectoire pour prendre leur petit déjeuner. S'en suivent
ensuite les tâches d'entretien de l'École Normale assurées
par les élèves. De huit heures à seize ans ont lieu les
cours entrecoupés par des récréations et par la pause du
déjeuner. Les cours du matin sont réservés à
l'enseignement des matières fondamentales telles que les sciences, le
français, les mathématiques, la morale et l'histoire. Entre seize
et dix-sept heures, les
22 Archives départementales de la Marne, 1 T 1841, 29
juillet 1881.
23 LETHIERRY, Hugues, Feu les écoles Normales (et les
IUFM), Paris, L'Harmattan, 1994.
37
élèves se retrouvent généralement
pour leur cours de gymnastique. S'en suivent ensuite quatre heures
d'étude entrecoupées par le souper. Le coucher est prévu
à 21 heures pour l'ensemble des membres de l'École Normale. Ce
rythme laisse peu de temps libre, et peu d'opportunité de déroger
au cadre. L'objectif est de contraindre les
élèves-maîtresses à s'habituer à respecter un
cadre bien défini. Ce rythme est défini par la loi du 3
août 1881.
Le contenu des cours dispensés en Écoles
Normales est également encadré par la loi du 3 août 1881.
Cet arrêté prévoie vingt-neuf heures hebdomadaires pour les
élèves-maîtresses de première année,
vingt-sept heures pour les élèves de seconde année et
vingt-six heures pour les élèves de troisième
année. La première discipline mentionnée dans les
programmes de 1881 est l'instruction morale et civique. Cela montre
l'importance accordée à cette discipline dans la formation des
élèves-maîtresses. Une heure d'instruction morale et
civique est prévue par semaine pour les filles, contre deux heures pour
les garçons. Une heure est consacrée à la
pédagogie, une heure à la géographie et une heure aux
sciences naturelles. L'arithmétique, l'écriture et les travaux de
couture font l'objet de trois heures de cours hebdomadaires. Le chant, la
musique et la gymnastique occupent chacune les élèves durant deux
heures par semaine. Le dessin fait l'objet de quatre heures par semaine. La
littérature française donne lieu à six heures de cours
hebdomadaires. Dans ce programme, l'histoire occupe une place importante.
Quatre heures hebdomadaires sont consacrées à l'enseignement de
cette discipline. À l'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne, les cours de dessin, de musique, de gymnastique et
d'arithmétique sont assurés par les maîtres de
l'École Normale d'instituteurs. Le faible nombre d'heures accordé
à ces disciplines ne leur permet pas de travailler dans un unique
établissement.
Cette répartition horaire suscite une
incohérence, à savoir le faible nombre d'heures consacré
à la pédagogie alors même que la mission principale des
enseignants est d'éduquer les élèves et de former des
futurs citoyens. Cela s'explique par le fait que les membres du gouvernement
considèrent à cette époque que la familiarisation valeurs
républicaines s'opère au quotidien à travers
l'apprentissage de l'histoire de France et à travers la vie en internat
dans un espace républicain notamment. La dimension pédagogique de
la formation des élèves-maîtresses de l'École
Normale de Châlons-sur-Marne est assurée par les
conférences pédagogiques mensuelles.
38
c- Les enjeux civiques des conférences
pédagogiques :
Pour apprendre aux futurs maîtres et maîtresses
à enseigner et à transmettre les valeurs républicaines
ainsi qu'à former des futurs citoyens, les Écoles Normales
départementales organisent mensuellement des conférences
pédagogiques auxquelles participent le personnel de l'École
Normale ainsi que ses élèves. Des instituteurs et institutrices
déjà en poste peuvent également assister à ces
conférences.
Chaque École Normale a pour obligation d'organiser des
conférences pédagogiques pour son personnel et ses
élèves-maîtresses. Une conférence est
organisée chaque mois entre le mois de novembre et le mois de juin. Les
conférences n'ont pas lieu en juillet car cette période est
réservée aux examens de passage. De la même manière,
aucune conférence n'est organisée en août et septembre,
période de vacances. Le cycle des conférences reprend seulement
au mois de novembre, soit un mois après la rentrée scolaire.
D'ordinaire la première conférence de l'année scolaire
prend la forme d'une réunion de présentation des
thématiques qui seront abordées tout au long de l'année.
Le choix des thématiques revient aux directeurs et directrices des
Écoles Normales. Bien souvent, ils proposent des thèmes proches
de ceux abordés dans les autres Écoles Normales de manière
à ce qu'il y est une certaine cohérence dans la formation des
différents instituteurs et institutrices. Ces conférences
permettent d'offrir une dimension didactique et pédagogique à la
formation des futurs instituteurs et institutrices. En effet, comme nous
l'avons souligné précédemment, la pédagogie semble
en marge dans les contenus des programmes des Écoles Normales.
L'objectif de ces conférences pédagogiques
organisées dans toute la France est d'homogénéiser et de
renforcer l'identité de l'instruction publique. Elles permettent de
créer un esprit de corps. Le fait que chaque
élève-maître, et chaque maître et maîtresse en
poste puisse assister aux conférences pédagogiques leur permet de
se retrouver et d'échanger sur les finalités de leur
enseignement. Le 30 juin 1829, le Conseil royal de l'instruction publique a
voté un arrêté offrant la possibilité à tout
instituteur d'école primaire protestante d'assister : « à
des conférences ayant pour but le perfectionnement des méthodes
d'enseignement primaire ». Le terme de conférences
pédagogiques apparaît en 1837, sous la Monarchie de Juillet et
sous le Ministère de François GUIZOT. À cette
époque, elles sont assurées par les inspecteurs primaires. Elles
sont l'occasion pour les maîtresses et maîtres de nouer des liens
avec leur hiérarchie autour de valeurs communes. L'arrêté
du 10 février 1837 prévoie une conférence une fois par
mois dans le semestre
39
d'hiver et deux fois par mois dans le semestre
d'été. Toutefois, dès les premières
conférences des problèmes sont dénoncés. Le manque
d'organisation est reproché. Le coût des conférences fait
également l'objet de critiques et a contribué à leur
suppression. C'est pourquoi elles sont peu à peu
délaissées, puis abandonnées sous la Seconde
République. Elles sont rétablies par l'arrêté du 5
juin 1880 proposé par Jules FERRY. Cette réhabilitation a
nécessité une réorganisation complète des
conférences pédagogiques afin d'affiner leurs finalités et
de les rendre plus efficaces. Selon Jules FERRY, les conférences
pédagogiques doivent permettre aux instituteurs et institutrices de :
« discuter en commun les questions de méthode, les
procédés et les livres ».
Jules FERRY mentionne dans cet arrêté qu'il
conçoit la conférence pédagogique comme :
« une comparaison des expériences individuelles,
une critique des procédés en usage, une mise en valeur de ceux
qui comportent une part d'originalité »24.
Ces conférences doivent donc être un lieu
d'échanges dans lesquels les maîtres et maîtresses, et les
élèves-maîtres, élèves-maîtresses sont
pleinement acteurs. Ils ne doivent pas se contenter d'assister à la
conférence, mais doivent s'y impliquer. Ils prennent la parole pour
échanger leurs expériences, leurs points de vue, leurs
méthodes et notamment les manières utilisées pour former
des futurs citoyens.
Ces conférences mensuelles sont également
l'occasion de nouer des relations de fraternité entre instituteurs et
institutrices. Le gouvernement républicain intervient dans les
conférences pédagogiques car il souhaite créer une culture
commune avec des valeurs et des idéaux communs à l'ensemble du
corps enseignant.
Un cahier tenu par l'École Normale d'institutrices de
Châlons-sur-Marne regroupant les procès verbaux et comptes-rendus
des conférences pédagogiques ayant eu lieu à
l'École Normale entre 1881 et 1893 nous permet de prendre connaissance
du contenu de celles-ci. Par exemple, le 18 février 188925
les élèves-maîtresses ainsi que les enseignantes, les
maîtresses-adjointes, les membres de la direction sont réunis pour
assister à une conférence pédagogique qui a pour
thème :
24 Arrêté du 5 juin 1880.
25 Carton 1T1866, Conférences pédagogiques, photo
6079, annexes.
40
«Un pédagogue contemporain a dit : «
L'instituteur a deux sujets à étudier : les élèves
et lui-même, deux buts à poursuivre : leur éducation et la
sienne ». Quelles conclusions pratiques peut-on tirer de cette
pensée ?». Cette conférence se déroule sous la
présidence de Madame BONNET, directrice de l'École Normale
d'institutrices à cette date. Les interventions sont
réalisées par Madame la Directrice ainsi que par
différents membres du personnel dont Madame BROCARD professeur, Madame
BIDAULT, professeur, Madame MARCHAND, professeur, ainsi que l'économe et
la secrétaire de l'École Normale. À l'issue de chaque
conférence, la secrétaire dresse une analyse du rapport ainsi
qu'un procès-verbal résumant le contenu de la séance. Le
procès-verbal reprend le plan de la séance et note les
éléments d'analyse apportés par les participants. La
première partie de la conférence du 18 février 1889 porte
sur : « la nécessité de connaître l'enfant pour le
diriger ». Dans cette partie, les intervenants conseillent aux
élèves-maîtresses de prendre le temps de «
connaître les aptitudes intellectuelles et morales de
l'élève ». Cette citation montre bien, une nouvelle fois,
l'importance accordée à la morale des élèves.
Celle-ci est en effet au coeur de leur formation de futurs citoyens.
La seconde partie de la conférence porte sur la «
nécessité pour l'instituteur de se connaître lui-même
». Les intervenants abordent ici l'importance du comportement et de la
posture à adopter en tant qu'enseignante. Ils rappellent qu'en premier
lieu l'élève-maîtresse doit : « s'interroger pour
savoir si elle a les qualités essentielles de l'éducatrice
». Il leur est également conseillé de procéder
régulièrement à « leur examen de conscience »,
c'est-à-dire à vérifier s'ils sont eux-mêmes de
bonne morale et s'ils constituent bien un bon exemple à suivre pour
leurs élèves. Rappelons que le maître et la maîtresse
doivent quotidiennement être des modèles civiques et moraux pour
les élèves qu'ils forment.
La troisième partie de cette conférence
s'intitule « l'éducation de l'élève est le but de
l'école ». Cette formulation rappelle bien que l'école a un
rôle éducatif et qu'il ne s'agit pas de former des élites,
mais qu'il s'agit de former des citoyens responsables et éduqués.
Il est également rappelé au cours de cette conférence que,
bien souvent, les parents voient en l'école un lieu d'instruction. Or,
la priorité de l'école et de l'institutrice est en premier lieu
d'éduquer, de former les futurs citoyens et seulement ensuite
d'instruire les élèves. Il est rappelé que : «
l'institutrice doit veiller au développement moral de ses
élèves ». La quatrième partie est consacrée
à « la nécessité pour le maître de se
perfectionner ». Au cours de cette partie, il est rappelé aux
institutrices qu'elles doivent elles aussi travailler à leur
éducation personnelle. L'enseignement de la morale contribue à ce
perfectionnement individuel comme le souligne un intervenant de la
conférence du 18 février
41
1889 : « L'enseignement moral profite autant à
celui qui le donne qu'à ceux qui le reçoivent ». Le double
intérêt de l'enseignement de la morale est ici mis en valeur.
La conférence du 20 mars 1890 soulève la
problématique de l'enseignement en milieu rural. En effet, en milieu
rural, les effectifs réduits des élèves entraînent
le regroupement de différents niveaux de classes en un groupe. Ces
rassemblements nécessitent l'utilisation de nouvelles pédagogies
pour assurer l'enseignement et l'éducation des élèves. Les
intervenants rappellent les avantages et les inconvénients des classes
à plusieurs niveaux. Ils mentionnent que cette méthode peut
être utilisée notamment pour les cours de « morale,
d'histoire, de géographie, de leçons de choses ». Cette
méthode pédagogique, issue de la tradition lassallienne permet
notamment de développer certaines valeurs chez les élèves
telles que la solidarité ou la fraternité. En effet, les
élèves plus âgés vont ainsi venir en aide aux
élèves les plus jeunes. Ils vont ainsi leur apporter leurs
connaissances et leurs savoir-vivre. Dans les cours d'enseignement moral, les
élèves apprennent notamment ce qu'est la fraternité, la
solidarité. L'institutrice doit partir d'un cas concret, qui est
familier aux élèves pour leur inculquer cette notion. Elle doit
ensuite leur apprendre à appliquer cette valeur dans leur vie
quotidienne. L'enseignement à plusieurs niveaux dans une même
classe constitue un cas concret pour les élèves pour appliquer
cette valeur qu'est la fraternité. Cette méthode est donc
bénéfique aux élèves les plus jeunes mais
également aux élèves les plus âgés.
L'enseignement dans des classes à plusieurs niveaux permet aux plus
âgés de réactiver leurs connaissances. Cela leur permet de
mieux s'approprier les connaissances et valeurs évoquées en
classe.
42
3) L'héritage des Écoles Normales de la III
ème République: le cas des ESPE :
Aujourd'hui supprimées, il subsiste néanmoins un
héritage des Écoles Normales visible dans la formation actuelle
des enseignants du premier et du second degrés. Dès 1888, les
Écoles Normales rencontrent quelques difficultés. Après
avoir peiné à se mettre en place, les Écoles Normales ont
connu un essor au début des années 1880. Le nombre d'aspirants et
d'aspirantes est passé de 28 000 à 56 000 pour l'ensemble du
territoire français entre 1880 et 1882. Quelques années plus
tard, le nombre d'aspirants stagne. Cette crise du recrutement s'explique par
la faiblesse du salaire des enseignants, et notamment des maîtres
stagiaires qui ne perçoivent que 800 Francs par mois. Cette crise
s'explique également par l'obligation d'avoir le brevet
élémentaire pour espérer intégrer une École
Normale. Pour remédier à ce problème, le
député Alfred MASSE propose de réorganiser les
Écoles Normales qu'il juge trop nombreuses par rapport au nombre de
candidats actuels. Afin de limiter les dépenses, le député
réclame une suppression des Écoles Normales. Il propose que la
formation des enseignants reviennent aux lycées. Le Ministère de
l'Instruction Publique adopte une série de réformes au cours de
l'année 1905. Cette réforme se traduit par une
réorganisation du cursus. Désormais, les deux premières
années de formation des enseignants du premier degrés sont
consacrées à la préparation du brevet supérieur. La
troisième année est quant à elle orientée vers la
didactique et comporte deux mois de pratique sur le terrain. Peu à peu,
la formation des élèves-maîtres et
élèves-maîtresses se professionnalise.
Après avoir connu une série de réformes,
les Écoles Normales sont supprimées par le décret du 10
juillet 1989. Elles sont remplacées par les IUFM, Instituts
Universitaires de Formation des Maîtres. À la différence
des Écoles Normales primaires, les IUFM assuraient la formation des
enseignants du premier et du second degrés. Ces IUFM sont à leur
tour supprimés en 2012 et remplacés par les Écoles
Supérieurs du Professorat et de l'Éducation instaurées par
la loi du 8 juillet 2013. Les ESPE forment actuellement les enseignants du
premier et du second degré en deux années. La première
année est consacrée à la préparation du concours,
CRPE pour le premier degré, et CAPES pour le second degré. La
seconde année se divise entre le stage et la formation didactique. Tout
comme les Écoles Normales, les ESPE doivent répondre à une
commande ministérielle et adapter le contenu de la formation des
maîtres aux exigences du gouvernement. En observant les
référentiels de compétences des enseignants de ces
dernières années, le contenu de la formation des enseignants
ainsi que le contenu des concours du premier et du second degrés, nous
pouvons relever quelques points communs entre les Écoles Normales et les
ESPE.
43
a- Une demande civique et politique : Préparer
les futurs enseignants à faire de leurs élèves des
citoyens-responsables.
À l'époque de Jules FERRY, l'accès
à la culture (théâtres, livres...) était encore
limité à une élite. L'école permettait d'offrir une
culture commune à l'ensemble de la population. Les enseignants
formés dans les Écoles Normales avaient donc pour vocation de
former des futurs citoyens patriotes et d'instruire le peuple, comme en
témoigne l'intitulé du Ministère de l'Instruction
Publique. Peu à peu, la culture devient accessible à l'ensemble
de la population. Aujourd'hui, la majorité de la population
française peut avoir accès à la culture grâce aux
bibliothèques, aux musées, aux médias, à
Internet... L'école ne possède donc plus le monopole
d'instruction du peuple. Les finalités de l'enseignement et le
rôle de l'enseignant ont donc évolué depuis la mise en
place de l'école républicaine. Les commandes institutionnelles et
notamment les référentiels de compétences des enseignants
du premier et du second degrés s'adaptent à l'évolution de
la société.
Afin de prendre conscience du fait que les finalités de
l'enseignement et le rôle des instituteurs dépendent pleinement
d'une commande institutionnelle, nous allons analyser l'évolution des
référentiels de compétences professionnelles des
métiers de l'enseignement de 1997 à 2013. Les
référentiels de compétences de 1997, 2010 et 2013
correspondent aux trois derniers référentiels en vigueur. Chacun
est produit par le Ministre de l'Éducation Nationale, par le
secrétaire général et par le directeur
général de l'enseignement secondaire.
La circulaire n°97-123 du 23 mai 1997 est adoptée
sous le premier mandat de Jacques CHRIRAC, sous le gouvernement JUPPE.
François BAYROU, Ministre de mars 1993 à juin 1997, était
alors à la tête du Ministère de l'Éducation
Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Après
avoir réformé les programmes du collège en vigueur depuis
198126, François BAYROU a redéfini le rôle de
l'enseignant. Cette circulaire s'attache à définir les missions
des professeurs exerçant en collège, lycée d'enseignement
général et technologique, et en lycée professionnel. Il
est intéressant de souligner le fait que l'enseignement du premier
degré et celui du second degré soient encore distincts dans cette
circulaire. Établie en fin d'année scolaire, cette circulaire est
transmise aux recteurs et aux directeurs des Instituts de Formation
Universitaire des
26 Arrêté du 10 janvier 1997, refondation des
programmes scolaires :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=A9B4DAC8E28412EF97E29313898E4FC5.tpdila19v_2?
cidTexte=JORFTEXT000000745912&dateTexte=20160405
44
Maîtres. Ainsi, les enseignants du second degré
à la fois titulaires, stagiaires ou en formation ont
l'opportunité de prendre connaissance de ces mesures.
Il est intéressant de souligner que dans cette
circulaire l'enseignant est encore défini comme étant avant tout
un instructeur et non un éducateur :
« Il se réfère à la mission du
professeur, qui est d'instruire les jeunes qui lui sont confiés, de
contribuer à leur éducation et de leur assurer une formation en
vue de leur insertion sociale et professionnelle »27.
Les expressions « contribuer à leur
éducation » et « assurer une formation en vue de leur
insertion sociale » font référence à
l'éducation à la citoyenneté. À travers cette
circulaire, le Ministre de l'Éducation Nationale François BAYROU
place cet enjeu en second rang. Selon lui, les enseignants du second
degré doivent avant tout transmettre des connaissances. Toutefois, au
sein de la transmission des connaissances, le Ministre accorde une place
importante à la transmission de connaissances historiques, de valeurs
civiques et républicaines.
Dès l'introduction de cette circulaire il est
mentionné que :
« Le professeur exerçant en collège, en
lycée d'enseignement général et technologique ou en
lycée professionnel participe au service d'éducation qui
s'attache à transmettre les valeurs de la République, notamment
l'idéal laïque qui exclut toute discrimination de sexe, de culture
ou de religion ».
Le rôle de l'enseignant du second degré
présenté ici diffère quelque peu de celui de l'enseignant
du premier degré de l'époque Ferry. En effet, ce-dernier devait
sensibiliser les élèves aux valeurs républicaines et non
pas se contenter de transmettre des valeurs comme il transmettrait de simples
connaissances. Après avoir inculqué les valeurs
républicaines à ses élèves, l'enseignant du second
degré doit, selon la circulaire de 1997 :
« Aider les élèves à
développer leur esprit critique, à construire leur autonomie et
à faire comprendre aux élèves le sens et la portée
des valeurs qui sont à la base de nos institutions ».
27 Circulaire n°97-123 du 23 mai 1997 :
https://www.reseau-canope.fr/savoirscdi/metier/le-professeur-documentaliste-textes-reglementaires/acces-chronologique-aux-textes-reglementaires/1990-1999/circulaire-n-97-123-du-23-mai-1997.html
45
La formation à la citoyenneté s'opère en
deux phases : la transmission des valeurs (l'apprentissage) et la
compréhension des valeurs (l'assimilation).
Il a fallu attendre 2010 pour qu'une nouvelle circulaire
définissant le rôle des enseignants soit promulguée. La
circulaire du 12 mai 201028 est adoptée sous le mandat de
Nicolas SARKOZY et sous le gouvernement FILLON. À cette date, Luc CHATEL
était Ministre de l'Éducation Nationale et porte-parole du
gouvernement. Cette circulaire est établie par le Ministre de
l'Éducation Nationale, sa délégation, le secrétaire
général, Pierre-Yves DUWOYE et le directeur de l'enseignement
scolaire, Jean-Michel BLANQUER. Cette circulaire établit une liste de
dix compétences devant être maîtrisées par les futurs
et actuels professeurs du premier, du second degrés, ainsi que par les
documentalistes et conseillers d'éducation. La première des
compétences est : « agir en fonctionnaire de l'État et de
façon éthique et responsable ». Le devoir premier de tout
enseignant est d'être de bonne éthique, et de bonne
moralité. Cela n'est pas sans nous rappeler l'importance accordée
à la moralité des élèves-maîtres et
élèves-maîtresses fréquentant les Écoles
Normales de la IIIème République. Il est
mentionné dans cette circulaire de 2010 que « tout professeur
contribue à la formation sociale et civique des élèves
». Le rôle de formateur civique de l'enseignant sous-entendu dans la
circulaire de 1997 est ici clairement identifié. Il est également
mentionné que le professeur se doit d'être un exemple
éthique pour ses élèves : «L'éthique et la
responsabilité du professeur fondent son exemplarité et son
autorité dans la classe et dans l'établissement ».
L'enseignant défini comme étant un guide, un exemple à
suivre pour ses élèves rappelle le rôle de l'enseignant
primaire sous la IIIème République.
Les compétences civiques mentionnées dans le
référentiel de compétences de 2010 devant être
maîtrisées par les enseignants se déclinent sous trois
formes : les connaissances, les capacités et les attitudes. Tout
d'abord, les enseignants du premier et du second degrés ainsi que les
conseillers principaux d'éducation doivent connaître : « les
valeurs de la République et les textes qui la fondent : liberté,
égalité, fraternité, laïcité, refus de toutes
les discriminations, mixité, égalité entre les hommes et
les femmes » ainsi que : « les institutions qui définissent et
mettent en oeuvre la politique éducative de la nation », et «
la politique éducative de la France, les grands traits de son histoire
et ses enjeux actuels ». Outre le fait de devoir connaître les
valeurs républicaines, les enseignants doivent être capables de
« faire comprendre et partager les valeurs de la République »
ainsi que de « prendre en compte la dimension civique de son enseignement
». Ainsi, les enseignants doivent non plus se contenter de transmettre ses
valeurs au même titre qu'ils
28 Arrêté du 12 mai 2010, Référentiel
des compétences des enseignants :
http://www.education.gouv.fr/cid52614/menh1012598a.html
46
transmettent des connaissances, mais ils doivent les partager.
Cette approche des valeurs républicaines rappelle celle utilisée
par les instituteurs et institutrices de l'école primaire de la fin du
XIXème siècle. Les enseignants doivent
également avoir une connaissance de l'histoire de l'enseignement en
France afin de comparer les finalités de l'enseignement d'autrefois et
les finalités de l'enseignement aujourd'hui. Nous pouvons supposer que
l'école républicaine de Jules Ferry constitue un exemple, un
idéal.
Enfin, si nous observons l'ordre d'énumération
des compétences devant être maîtrisées par les futurs
enseignants et par les enseignants en poste, nous pouvons remarquer que la
maîtrise de la discipline n'apparaît qu'en troisième
position. L'éthique et la moralité sont quant à elles de
nouveau mises en valeur telles qu'elles l'étaient dans les Écoles
Normales de la IIIème République. Il est
également intéressant de remarquer que le
référentiel de compétences de 2010 s'applique aux
enseignants du premier, du second degré ainsi qu'aux conseillers
principaux d'éducation. Cela signifie donc que la formation civique des
élèves est désormais l'oeuvre de tout membre de
l'Éducation Nationale et qu'elle n'est plus réservée
uniquement aux enseignants. De même, ce référentiel nous
montre que le parcours civique des élèves assuré par les
enseignants du premier degré à l'école primaire se
poursuit grâce aux enseignants du second degré au collège
et au lycée. Peu à peu se met donc en place une progression dans
la formation du citoyen.
Un nouveau référentiel de compétences
professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation est
établi par Vincent PEILLON, Ministre de l'Éducation Nationale de
2012 à 2014, Frédéric GUIN, secrétaire
général, et Jean-Paul DELAHAYE, directeur général
de l'enseignement scolaire. Ce référentiel est adopté le
1er juillet 201329 sous la présidence de François
HOLLANDE et le gouvernement AYRAULT. Ce renouvellement du
référentiel de compétences des enseignants du premier et
du second degrés s'inscrit plus largement dans la refondation de
l'école de la République entamée en 2013. Pour le
gouvernement, cette refondation de l'école républicaine ne peut
s'opérer que grâce à une amélioration de la
formation des enseignants et grâce à une réaffirmation de
leurs missions. Dans ce référentiel de compétences de
2013, le champ lexical de la république est omniprésent : «
nation », « exercice de la citoyenneté », «
citoyenneté pleine et entière », « valeurs de la
république », « liberté », «
égalité », « fraternité »... Parmi les
quatorze compétences mentionnées dans cette circulaire, celle qui
s'intitule « faire partager les valeurs de la République »
occupe la première place. Cela montre bien l'importance accordée
par le gouvernement à cette mission assurée par les enseignants.
Pour refonder l'école républicaine, il est
29 Arrêté du 1er juillet 2013 :
Référentiel des compétences professionnelles des
métiers du professorat et de l'éducation :
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=73066
47
nécessaire que les enseignants connaissent ses valeurs,
qu'ils y soient sensibilisés au cours de leur formation afin de les
partager avec leurs élèves. Le référentiel de 2013
rassemble les principes des référentiels de 2010 et 1997
puisqu'il est demandé aux enseignants d'une part de « transmettre
» et d'autre part de « faire partager les principes de la vie
démocratique ainsi que les valeurs de la République ».
L'enseignant ne doit donc ni se contenter de transmettre les valeurs, ni se
contenter de sensibiliser les élèves à ces valeurs. Mais
il doit combiner ces deux enjeux. Ainsi, les missions des enseignants
définies dans cette dernière circulaire et aujourd'hui encore en
vigueur sont proches de celles définies sous la IIIème
République. En effet, les futurs enseignants sont sensibilisés
aux valeurs républicaines tout au long de leur formation de
manière à être capables, quelques années plus tard,
de sensibiliser à leur tour leurs élèves. Selon le
référentiel de 2013, l'enseignant est également celui qui
doit :
« Aider les élèves à développer
leur esprit critique, à distinguer les savoirs des opinions ou des
croyances, à savoir argumenter et à respecter les pensée
des autres ».
L'enseignant doit donc progressivement amener les
élèves à réfléchir sur les valeurs
républicaines, à être capables de juger si les valeurs
républicaines sont respectées ou non dans notre
société actuelle.
Ainsi, en observant les trois derniers
référentiels de compétences devant être
appliqués par les professeurs stagiaires et par les professeurs
titulaires du premier et du second degrés, nous pouvons remarquer que
peu à peu, la mission de formation des citoyens est devenue la
priorité. Si en 1997, les enseignants devaient uniquement transmettre
les valeurs républicaines à leurs élèves, ils
doivent aujourd'hui les transmettre et les partager. Cette mission
d'éducateur à la citoyenneté rappelle celle des
instituteurs et institutrices de l'école primaire de la
IIIème République. Ce besoin de réaffirmation
des valeurs républicaines de la part du corps enseignant s'explique par
le contexte actuel et par le fait que les valeurs républicaines soient
de plus en plus méconnues de la part des élèves. Les
enseignants retrouvent donc pleinement leur rôle de transmetteur et
d'éducateur aux valeurs républicaines, comme en témoigne
le référentiel de compétences en vigueur.
48
b- La formation historique des enseignants du premier
et du second degré au sein des ESPE :
Après avoir observé l'héritage des
Écoles Normales à travers les référentiels de
compétences, observons la formation actuellement dispensée aux
étudiants qui préparent le CRPE (Concours de Recrutement du
Professorat des Écoles) ou le CAPES (Certificat d'Aptitude au
Professorat de l'Enseignement du Second Degré). Une formation historique
est aujourd'hui encore dispensée aux étudiants du premier et du
second degrés. Elle leur permet de prendre connaissance de l'histoire de
l'institution scolaire française et de l'histoire des valeurs
républicaines, valeurs qu'ils partageront ensuite avec leurs
élèves. Ces dernières années, nous avons pu
observer une réaffirmation de l'histoire de l'institution scolaire dans
la formation des enseignants ainsi qu'une réaffirmation de l'histoire de
la IIIème République dans la formation des futurs
enseignants d'histoire-géographie. L'école de Jules FERRY est
présentée aux futurs enseignants comme étant la
première pierre à l'édifice de l'école
républicaine et comme étant un modèle à suivre.
L'importance aujourd'hui accordée à l'histoire rappelle la place
occupée par l'histoire dans la formation des
élèves-maîtres et élèves-maîtresses
fréquentant les Écoles Normales.
Nous avons vu précédemment que sous la
IIIème République, les
élèves-maîtresses et élèves-maîtres
suivaient des cours d'histoire, d'instruction civique et morale lors de leur
formation dans les Écoles Normales. Nous avons également
remarqué que ces disciplines font l'objet d'une épreuve lors du
concours d'entrée dans les Écoles Normales.
L'histoire occupe aujourd'hui encore une place importante dans
le CRPE. L'organisation des épreuves du CRPE est encadrée par
l'arrêté du 27 avril 201330. Les futurs enseignants du
premier degré passent deux épreuves écrites
d'admissibilité : l'une de français et l'autre de
mathématiques. Lorsque les candidats sont admissibles, ils doivent
ensuite passer deux épreuves orales. La première épreuve
orale est une mise en situation professionnelle dans un domaine au choix du
candidat. Parmi les sept thèmes au choix figure l'histoire, la
géographie, et l'enseignement moral et civique. L'objectif de cette
épreuve est d'évaluer les compétences didactiques,
pédagogiques et scientifiques des futurs enseignants du premier
degré. Il est demandé aux élèves de choisir leur
thématique lors de leur inscription au CRPE. Ils doivent préparer
un dossier de dix pages sur la thématique de leur
30 Arrêté du 27 avril 2013, organisation des
épreuves du CRPE :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=4B5FAD37E266AEDD8F261CB05505F4F6.tpdjo15v_1?
cidTexte=JORFTEXT000027361520&categorieLien=id
49
choix afin de le présenter au jury lors de
l'épreuve orale d'admission. Les thèmes pouvant être
choisis sont soit un thème du programme, par exemple : Enseigner «
La République s'enracine en France », soit une mission de
l'enseignant, par exemple : « Transmettre et partager les valeurs de la
République ». Pour cette épreuve, le jury accorde vingt
points au dossier et quarante points à la prestation orale. Les
candidats présentent leur dossier pendant vingt minutes et
répondent ensuite aux questions du jury pendant quarante minutes. Le
jury juge les candidats sur la maîtrise historiographique, la
maîtrise scientifique, la maîtrise didactique de la question.
L'entretien est l'occasion pour le jury de vérifier la maîtrise
des compétences du référentiel métier et notamment
la maîtrise des valeurs républicaines.
L'histoire des valeurs républicaines et de la
IIIème République est quant à elle au coeur du
CAPES d'histoire-géographie depuis septembre 2014. En effet, parmi les
trois questions d'histoire proposées au CAPES et les quatre questions
proposées à l'agrégation, l'une s'intitule : «
Citoyenneté, République, et démocratie en France
(1789-1899) ». La lettre de cadrage relative à cette question a
été publiée le 6 mai 201431. Elle indique
explicitement que l'éducation, l'histoire culturelle et sociale font
partie de la question. En effet, cette question a pour vocation d' «
analyser les mutations sociales et culturelles, l'éducation, la
croissance des mondes ouvriers, la presse, l'iconographie... ». Cette
étude met l'accent sur ce que François FURET nomme Le
siècle de l'avènement républicain. L'école de
Jules FERRY est étudiée comme l'un des moyens utilisés
pour enraciner la république naissante. Cette question du CAPES permet
aux étudiants de comprendre que l'école était
utilisée pour façonner l'esprit des jeunes Français et
éveiller en eux un sentiment patriote. Les symboles républicains
étaient omniprésents dans les écoles primaires de la fin
du XIXème siècle. Ils permettaient aux
élèves de s'imprégner de ces valeurs. Le contenu des cours
et notamment des cours d'histoire, de géographie et d'instruction
civique et morale était lui aussi mûrement réfléchi.
Il devait permettre de réveiller l'amour de la Patrie chez les
élèves. Cette question du CAPES permet également aux
futurs enseignants d'histoire-géographie de découvrir que les
instituteurs et institutrices de la IIIème République
étaient eux aussi formés aux idées républicaines au
sein des Écoles Normales. Leur surnom de hussards noirs de la
République se suffit à lui-même pour comprendre le
rôle et la mission des instituteurs de la fin du XIXème
siècle. Enfin, cette question permet de s'interroger sur la place des
Femmes dans la société de la fin du XIXème
siècle et sur leur rôle joué dans la République.
31 Lettre de cadrage, question d'histoire contemporaine (CAPES et
agrégation sessions 2015-2016) :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/agregation_externe/83/6/p2015_agreg_ext_histoire_2_318836.pdf
50
c- La formation didactique et civique dispensée
aux futurs enseignants du premier et du second degré au sein des ESPE :
Outre le fait de recevoir une formation historique, les
étudiants préparant le CRPE ou le CAPES reçoivent
également une formation didactique et civique. Cette formation autrefois
dispensée au sein des Écoles Normales, puis des Instituts de
Formation est aujourd'hui dispensée dans les Écoles
Supérieures du Professorat et de l'Éducation. Il est d'abord
nécessaire de former les enseignants d'un point de vue civique, pour
qu'ils puissent ensuite à leur tour former leurs élèves
à devenir des citoyens responsables.
La formation civique et didactique est dispensée
à l'ensemble des étudiants préparant un concours
d'enseignement. Elle s'inscrit dans le tronc commun. L'historienne et
didacticienne Annie BRUTER définit la didactique comme étant :
« L'étude des pratiques enseignantes d'aujourd'hui
pour analyser leur fonctionnement (ou leur non-fonctionnement) et
expérimente des pratiques nouvelles qu'elle espère plus
adaptée »32.
Les apports didactiques et pédagogiques sont
ajoutés en 1990 à la formation initiale des étudiants qui
préparent le concours. Les cours de didactique ont pour vocation de nous
apprendre comment transformer nos connaissances universitaires en savoirs
transmissibles à nos élèves. Il s'agit notamment de
comprendre comment nos savoirs scientifiques portant sur les valeurs
républicaines peuvent-ils nous être utiles pour ensuite
transmettre et faire partager ces valeurs à nos élèves.
Ces cours doivent nous permettre de découvrir de nouvelles
méthodes pédagogiques pouvant être utilisées en
classe pour la formation civique. Dans ces cours de tronc commun, l'accent est
mis sur l'une des valeurs républicaines, à savoir la
laïcité. Bien que la loi de séparation de l'Église et
de l'État ait été votée il y a plus de 110 ans, la
laïcité et la laïcité à l'école
continuent de faire débat. Les enseignants d'aujourd'hui doivent donc
être préparés pour affronter les difficultés
auxquelles ils seront confrontés lorsqu'ils tenteront de remplir leur
mission de partage des valeurs.
32 BUTER, Annie, « Didactique de l'histoire et histoire des
disciplines : deux approches complémentaires », Didactique et
histoire, des synergies complexes, Rennes, PUR, 2016.
51
Outre le fait de suivre des cours de didactique, tous les
étudiants de Master MEEF 2 ont passé au moins une épreuve
de concours dans laquelle leur maîtrise des valeurs républicaines
a été évaluée. Pour le jury, il est
nécessaire de vérifier que les futurs enseignants du premier et
du second degrés seront aptes à transmettre et faire partager les
valeurs de la République à leurs élèves. Suite aux
attentats de janvier 2015, la Ministre de l'Éducation Nationale, de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, Najat VALLAUD-BELKACEM a
adressé une lettre aux présidents de jury dans laquelle elle leur
demande de systématiquement vérifier la maîtrise des
valeurs républicaines chez les candidats, quelque soit le concours
passé :
« Je vous demande de veiller à ce que dans ce
cadre, les thématiques de la laïcité et de la
citoyenneté trouvent toute leur place. Je sais compter sur vous pour que
l'École soit en mesure, par la formation et le recrutement de nos futurs
enseignants, de valider la mission première que lui fixe la Nation,
à savoir de transmettre et de faire partager aux élèves
les valeurs et principes de la République »33.
Chaque jury a ainsi pu procéder à la
vérification de la maîtrise des valeurs de la République
auprès des candidats au CRPE lors du second oral d'admission, et
auprès des candidats au CAPES lors de l'oral d'admission d'analyse de
situation professionnelle. Instaurée en 2014, cette épreuve
remplace l'épreuve sur dossier (ESD), qui, elle-même
succédait à l'épreuve : « Agir en fonctionnaire
d'État ». Les valeurs républicaines sont au coeur de ces
épreuves orales. Pour le CAPES d'histoire, par exemple, la question :
« Enseigner la laïcité au collège » a
été posée lors des sessions 2014 et 2015.
Ainsi, la formation des enseignants a évolué
depuis la IIIème République. Autrefois, la formation
des instituteurs et institutrices de l'école primaire s'opérait
dans les Écoles Normales. L'accent était mis sur les
connaissances et notamment sur la maîtrise de l'Histoire de la France
afin que le personnel enseignant puisse ensuite assurer la formation civique de
leurs élèves. Aujourd'hui, la formation des enseignants du
premier et du second degrés s'opère dans les ESPE.
Ces-dernières années, le soucis de transmission des valeurs de la
République s'est renforcé. Il a entraîné une
réorganisation de la formation des maîtres dans laquelle la part
de formation historique, didactique et civique tend à s'accroître.
Une fois reçus au concours, les enseignants disposent de
différents outils afin de les aider à transmettre et faire
partager les valeurs républicaines.
33 Lettre de Najat VALLAUD-BELKACEM adressée aux
présidents de jury de CAPES et CRPE, 27 janvier 2015 :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2015/72/5/lettre_presidents_jurys_389725.pdf
52
SECONDE PARTIE :
LES FINALITÉS ET LES OUTILS DE
L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE EN FRANCE DANS LE PREMIER ET SECOND DEGRÉS
DEPUIS LA IIIÈME RÉPUBLIQUE
53
II- LES FINALITÉS ET LES OUTILS DE
L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE EN FRANCE DANS LE
PREMIER ET SECOND DEGRÉS DEPUIS LA IIIÈME
RÉPUBLIQUE :
Après s'être intéressés à
l'évolution de la formation des enseignants depuis la
IIIème République et après avoir vu que la
mission première des enseignants est aujourd'hui de transmettre et
partager les valeurs républicaines, nous allons désormais nous
intéresser aux moyens mis à la disposition des enseignants pour
remplir cette mission. Pour les aider à réaliser cette mission,
les enseignants du premier et second degrés ont à leur
disposition des programmes scolaires, ainsi que des manuels dans lesquels il
est intéressant d'analyser la place accordée à l'histoire
depuis l'époque de Jules FERRY, et notamment la place accordée
à l'école de la IIIème République. Cette
thématique constitue, aujourd'hui encore, l'un des principaux moyens
utilisés par les enseignants pour faire découvrir aux
élèves l'idéal républicain et pour les sensibiliser
à ses valeurs.
1) La place de l'enseignement de l'histoire dans les
programmes scolaires depuis la III ème République :
Les programmes scolaires sont des textes officiels qui
regroupent l'ensemble des compétences, et connaissances devant
être enseignées par les professeurs et devant être
maîtrisées par les élèves à la fin de leur
scolarisation. Ces compétences sont classées par discipline et
par année scolaire. Toutefois, à partir de la rentrée
2016, des programmes organisés non plus par année scolaire, mais
par cycle scolaire seront appliqués.
Le rôle de l'enseignant, les finalités de
l'enseignement et son contenu dépendent d'une commande institutionnelle,
comme nous l'avons vu pour les référentiels de compétences
notamment. Les programmes scolaires ne dérogent pas à cette
règle. Depuis leur instauration, l'élaboration des programmes
scolaires, quelque soit la discipline, relève du Ministère de
l'Instruction Publique, devenu Ministère de l'Éducation Nationale
en 1932.
Le premier programme scolaire national d'histoire est
établi sous la Restauration, lorsque ROYER-COLLARD était
Président de la Commission de l'Instruction Publique. Auparavant, le
contenu des cours d'histoire n'était pas encadré. Rappelons que
l'histoire a été pendant longtemps une discipline rejetée,
car considérée comme dangereuse. L'histoire permet une ouverture
d'esprit et un développement de l'esprit critique de la part du peuple,
chose qui a longtemps inquiété les dirigeants français. Au
XVIIème siècle, quelques cours d'histoire
étaient prodigués dans les
54
établissements parisiens comme le collège
Louis-Le-Grand. L'histoire était, à cette époque,
réservée à une élite. Il s'agissait davantage d'une
histoire sainte. Sous le Premier Empire, l'enseignement de l'histoire se limite
à la mythologie, à l'histoire ancienne et à l'histoire de
France, histoire axée sur l'histoire sainte. Il a donc fallu attendre la
Restauration pour qu'un système national de l'enseignement de l'histoire
se mette en place. Toutefois, cet enseignement de l'histoire était
réservé au second degré. Sous la Restauration, deux heures
sont réservées chaque semaine à l'enseignement de
l'histoire dans le secondaire. Le champ d'étude s'élargit lui
aussi, tout en accordant le monopole à l'histoire ancienne et histoire
sainte. Sous la Monarchie de Juillet, François GUIZOT introduit
l'enseignement de l'histoire dans les programmes du primaire supérieur.
Ses programmes de 1833 prévoient deux heures d'histoire hebdomadaires
pour les plus petites classes contre quatre heures pour les plus hautes. Selon
lui, il est important de développer l'enseignement de l'histoire afin
modérer le peuple :
« Chez un peuple curieux de son histoire, on est presque
assuré de trouver un jugement plus sain et plus équitable,
même sur ses affaires présentes, ses conditions de progrès
et ses chances d'avenir ».
L'histoire est donc utilisée à cette
époque pour développer le jugement, l'esprit des
élites.
L' histoire nationale, omniprésente sous la
IIIème République, fait son apparition dans les
programmes scolaires du IInd Empire. L'histoire nationale est, selon
Suzanne CITRON, une histoire qui permet de rassembler la Nation autour d'une
histoire, et de valeurs communes. Sous le IInd Empire, l'histoire
est présentée dans les programmes comme devant être une
histoire politique et économique. En réalité, il en
ressort une histoire qui se réduit à une accumulation de faits et
de dates, méthode qui ne suscite pas la curiosité des
élèves. Le nombre d'heures d'histoire dans le secondaire est
réduit à deux heures hebdomadaires. Le Ministre Victor DURUY
introduit l'histoire contemporaine dans ses programmes en 1866. Cette historie
contemporaine portant sur le Second Empire jusqu'en 1863 est
étudiée en classe de Terminale.
Après la défaite de 1870 face à la
Prusse, l'enseignement de l'histoire de la France à l'école
primaire et dans le secondaire s'impose. Rappelons que selon Paul BERT,
« C'est l'infériorité de notre
éducation nationale qui nous a conduit au revers. Même dans les
conflits modernes c'est l'intelligence qui reste
55
maîtresse »34.
Pour remédier à ce problème, les membres
du gouvernement républicain choisissent d'attribuer une place plus
importante à l'histoire dans les programmes scolaires. L'histoire, qui
était jusqu'à présent une histoire sainte, devient une
histoire laïque et patriotique. Cette modification des finalités de
l'enseignement de l'histoire entraîne une refondation des programmes
scolaires au début des années 1880. L'histoire devient une
discipline à part entière.
a- La place de l'histoire dans les programmes scolaires
sous la III ème République.
Sous la IIIème République,
l'élaboration des programmes scolaires est supervisée par le
Ministre de l'Instruction Publique. Après avoir réformé le
système scolaire français et rendu la scolarisation obligatoire
pour les enfants de six à treize ans, Jules FERRY a
réformé l'ensemble des programmes scolaires par
l'arrêté du 27 juillet 188235. L'article 16 de cet
arrêté fixe le nombre d'heures hebdomadaires consacrées
à chaque discipline. Trente heures d'enseignement sont prévues
dans l'emploi du temps des élèves de primaire, du cours
élémentaire au cours supérieur. Rappelons que les
élèves travaillent cinq jours par semaine. Le jeudi est
chômé pour permettre aux parents d'assurer l'instruction
religieuse à leurs enfants. L'article 14-2 précise que : «
l'enseignement de l'histoire et de la géographie comportera une heure de
leçons tous les jours ».
Grâce à cette répartition horaire, cinq
heures sont consacrées à l'histoire-géographie chaque
semaine. L'article 16 de l'arrêté du 27 juillet nous permet
d'établir une grille du volume horaire pour chaque discipline à
l'époque de Jules FERRY.
Discipline
|
|
Volume horaire hebdomadaire
|
Français
|
|
10 h
|
Enseignement scientifique
|
|
5 h
|
Histoire-géographie
|
|
5 h
|
Instruction civique et morale
|
|
5 h
|
Travaux manuels
|
|
2 h
|
Chant
|
|
1 h
|
Dessin
|
|
1 h
|
Gymnastique
|
|
1 h
|
|
TOTAL
|
30 h
|
34 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de
l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015,
35 Arrêté du 27 juillet 1882 : Programmes scolaires
de Jules FERRY :
http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf
56
Ainsi, en observant le nombre d'heures consacré
à chaque discipline, nous pouvons remarquer que
l'histoire-géographie ainsi que l'instruction civique et morale occupe
une place importante dans l'emploi du temps des élèves de
l'école primaire. À l'époque, 1/3 du volume horaire
était consacré à ces trois disciplines. Le programme de
1882 préconise aux enseignants de consacrer 3 heures hebdomadaires
à l'histoire, soit 10 % du volume horaire, et 2 heures hebdomadaires
à la géographie. Par comparaison, aujourd'hui, les
élèves de cycle 2 et cycle 3 (élèves de primaire)
ont vingt-deux heures de cours hebdomadaires dont trois heures
réservées à l'histoire-géographie et EMC
réunis. Aujourd'hui, 4% du volume horaire hebdomadaire est
consacré à l'enseignement de l'histoire.
Après s'être interrogés sur la place de
l'histoire parmi les disciplines enseignées à l'école
primaire de la fin du XIXème siècle,
intéressons-nous aux formes que prend l'histoire. Rappelons, que les
programmes scolaires établis par Jules FERRY en 1882 répartissent
les différentes disciplines en trois catégories :
l'éducation physique et la préparation à
l'éducation professionnelle, l'éducation intellectuelle et
l'éducation morale. Dans ces programmes, l'histoire, tout comme la
géographie, le français, le dessin, le chant et les sciences,
appartiennent à la catégorie « éducation
intellectuelle ». Les programmes de 1882 se divisent en trois parties :
l'objet de l'éducation intellectuelle, la méthode, et le contenu
du programme. D'après la commande institutionnelle, l'éducation
intellectuelle doit :
« Donner un nombre limité de connaissances. Mais ces
connaissances sont choisies de telle sorte, que non seulement elles assurent
à l'enfant tout le savoir pratique dont il aura besoin dans la vie, mais
encore elles agissent sur ses facultés, forment son esprit, le
cultivent, l'étendent et constituent vraiment une éducation
»36.
Les programmes scolaires de 1882 demandent donc aux
instituteurs et institutrices du premier degré de ne pas réaliser
des cours d'histoire qui seraient une accumulation de thématiques,
événements et personnages. Au contraire, les programmes
d'histoire de Jules FERRY recommandent aux enseignants de procéder
à une sélection des éléments étudiés
en cours. D'après Didier CARIOU37, maître de
conférences en sciences de l'éducation, l'enseignant d'histoire
doit
36 Programmes scolaires de 1882 :
http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf
37 CARIOU, Didier, Ecrire l'histoire scolaire. Quand les
élèves écrivent en classe pour apprendre l'histoire.
Rennes, PUR, 2012.
57
sélectionner ses informations afin de leur donner du
sens. Selon lui, lorsque nous étudions l'histoire, il ne s'agit pas
d'étudier l'histoire dans ses moindres détails, mais il s'agit
d'étudier les événements, les personnages marquants et
révélateurs de leur époque. La sélection
d'informations permet de mieux questionner l'histoire. Les programmes
établis par Jules FERRY permettent cette interrogation de l'histoire
puisqu'ils se basent sur une sélection des informations
étudiées en classe.
Par ailleurs, d'après le programme de 1882, l'histoire
doit « former les esprits ». Cette expression est très
révélatrice du caractère que prend l'histoire dans les
programmes et dans les salles de classes sous la IIIème
République. Dans son ouvrage publié en 200738,
l'historienne Laurence de COCK relève la fonction de formation de
l'esprit critique permise par l'enseignement de l'histoire.
En réalité, les travaux de recherches
menés sur l'école de Jules FERRY montrent que la « formation
des esprits » se décline sous trois formes. Tout d'abord,
l'enseignement de l'histoire a pour vocation, depuis Jules FERRY, de contribuer
à la formation de l'esprit critique des futurs citoyens. À cette
époque, lorsque le Ministre de l'Instruction Publique parle d'esprit
critique de la patrie, il sous-entend que l'école doit permettre au
peuple de se méfier des opposants politiques. Rappelons le contexte dans
lequel les programmes de Jules FERRY sont publiés en 1882. À
cette date, le souvenir de la défaite militaire de la France face
à la Prusse en 1870 est encore très présent.
L'école de Jules FERRY s'est construite sur ce souvenir et a
été notamment créée pour apprendre au peuple
français à se méfier de leurs ennemis de 1870. Rappelons
également que la IIIème République
connaît des débuts difficiles dans les années 1870. Elle
devient véritablement républicaine à partir le 30 janvier
1879 lorsque Jules GREVY, premier Président de la République
républicain, est élu. L'école de Jules FERRY, et plus
particulièrement l'enseignement de l'histoire, doit permettre aux futurs
citoyens de se méfier des opposants au régime. De plus, la
IIIème République nouvellement installée a
besoin d'un outil pour s'affirmer. C'est ainsi que l'école primaire
républicaine devient un moyen d'ancrage de la IIIème
République.
Par ailleurs, l'enseignement de l'histoire au sein des
écoles républicaines a pour vocation de former des soldats. Nous
pouvons le remarquer au sein des programmes de 1882. En effet, dans ces
programmes, nous pouvons remarquer que les « exercices militaires »
sont mentionnés au même titre que l'histoire, le français
ou encore les sciences. Lors de ces exercices militaires, les
élèves garçons apprennent à former des pelotons,
apprennent des marches militaires, le mécanisme des
38 DE COCK, Laurence, Mémoires et histoire à
l'école de la République, Paris, Armand Colin, 2007.
armes... Toutefois, cette formation de futurs soldats ne se
cantonne pas uniquement à ces exercices militaires. Elle
transparaît également dans le programme d'histoire. Elle passe
notamment par l'enseignement d'une « histoire militaire » et d'une
« histoire-bataille ». En effet, au sein des programmes de 1882,
l'accent est mis sur les grandes batailles historiques menées par la
France, sur les personnages historiques guerriers tels que Jeanne d'Arc
étudiée au cours moyen.
Enfin, les programmes scolaires établis par Jules FERRY
en 1882 montrent que l'histoire doit permettre de former des citoyens
patriotes. Cette ambition se traduit par l'enseignement d'une histoire
qualifiée de « roman national »39. Dans son ouvrage
publié en 1987, Suzanne CITRON souligne le fait que l'histoire scolaire
doit servir le politique et notamment sous la IIIème
République. Comme le décrète Ernest LAVISSE, l'histoire
doit « s'apprendre par le coeur ». Pour ce faire, le programme de
1882 recommande aux instituteurs et institutrices de l'école primaire de
s'appuyer sur :
« le récit des plus grands personnages et les faits
principaux de l'histoire nationale »40.
Le Ministère demande donc aux enseignants de travailler
à partir de héros français, souvent masculins. Ces
personnages sont choisis pour leur dévouement pour la France et leurs
actions en faveur de leur patrie. Les défauts de ces héros sont
passés sont silence. L'objectif de cette méthode d'enseignement
est une identification des élèves à ce personnage
héroïque. À l'inverse, les enseignants peuvent choisir des
exemples de personnages considérés comme ennemis de la France
pour, cette fois-ci, mettre en valeur leurs failles.
58
39 CITRON, Suzanne, Le mythe national, L'histoire de France
revisitée, Paris, 1987.
40 Programmes scolaires de 1882 :
http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_primaire1882.pdf
59
b- La place de l'histoire dans les programmes scolaires
des années 2000.
Si à la fin du XIXème siècle
l'histoire était au coeur des programmes scolaires, sa place a quelque
peu évolué depuis. Pour mieux comprendre cette évolution,
intéressons-nous aux grilles horaires des élèves de cycle
2 et cycle 3 (primaire), et de cycle 4.
Aujourd'hui, le Bulletin Officiel du 10 février
200241 fixe les horaires et les contenus des programmes pour les
écoles primaires. Aujourd'hui, les élèves inscrits
à l'école primaire ont quatre jours et demi d'école,
contre cinq à la fin du XIXème siècle. Les
élèves de cycle 2 et 3 suivent actuellement vingt-six heures de
cours par semaine contre trente heures à l'époque de Jules FERRY.
Le B.O nous offre des grilles horaires pour chaque discipline, ce qui nous
permet ensuite de juger la place accordée à l'enseignement de
l'histoire.

Illustration 2: Horaires en cycle 3 (BO du
10/02/2002).
41 Bulletin Officiel du 10 février 2002 :
http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_2002.pdf
60
Nous pouvons remarquer que désormais trois heures
hebdomadaires sont consacrées à l'enseignement de
l'histoire-géographie et EMC, contre cinq à l'époque de
Jules FERRY. À la fin du XIXème siècle, 30% du
volume horaire était exclusivement consacré à
l'histoire-géographie, et à l'instruction morale et civique. 10 %
du volume horaire total était consacré à l'histoire. Nous
avons vu précédemment qu'en réalité l'histoire
était bien plus présente puisque les exercices de
rédaction, de mathématiques comportaient souvent une dimension
historique. Aujourd'hui, en primaire, seuls 12 % du volume horaire total sont
consacrés à l'enseignement des trois disciplines confondues. La
part de l'enseignement de l'histoire à l'école primaire a donc
considérablement diminué en l'espace d'un siècle.
Concernant l'enjeu de l'enseignement de l'histoire à
l'école primaire, les programmes stipulent que :
« L'histoire et la géographie aident
l'élève à construire une première intelligence du
temps historique et de la diversité des espaces transformés par
l'activité humaine. Elles lui donnent les références
culturelles nécessaires pour que le monde des hommes commence à
prendre du sens pour lui. . L'histoire et la géographie fournissent
enfin un appui solide à l'éducation civique par les savoirs
qu'elles apportent et la méthode critique qu'elles développent.
»42.
L'enseignement de l'histoire et de la géographie doit
donc permettre de construire une culture commune à l'ensemble des
élèves. Il doit leur offrir l'opportunité de mieux
appréhender et mieux comprendre le monde qui les entoure. L'apport de
l'histoire et de la géographie à l'éducation est
clairement identifié. Ici, il est sous-entendu que l'apprentissage de
l'histoire et de la construction des valeurs permet de mieux comprendre le sens
qu'elles ont aujourd'hui.
Dans ce même programme, il est précisé que
l'enseignement de l'histoire et de la géographie doit offrir une place
importante à l'exemple de la France, mais que les instituteurs et
institutrices doivent également travailler ces thématiques
à l'échelle européenne et mondiale. Ces variations
d'échelles étaient absentes sous la IIIème
République. L'histoire et la géographie étaient
centrées sur la France. Ces confrontations d'exemples contribuent au
développement de l'esprit de critique de l'élève.
42 Bulletin Officiel du 10 février 2002 :
http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes_2002.pdf
61
Au sein du cycle 3 (CM 1, CM2, 6ème), les enseignants
doivent travailler la IIIème République et la question
de l'école de Jules FERRY avec leurs élèves. Il leur est
demandé de faire comprendre à leurs élèves comment,
ce régime politique né dans un contexte tourmenté et ayant
connu des difficultés à ses débuts parvient-il à
s'installer durablement. L'école de Jules FERRY est un exemple devant
être traité pour témoigner du développement de
l'instruction et des libertés. Cette thématique fait
également l'objet d'une étude plus approfondie en classe de
Quatrième puis en classe de Première.
Actuellement, les élèves de Quatrième
suivent vingt-six heures de cours réparties sur quatre jours et demi,
soit autant que les élèves de primaire. Parmi ces vingt six
heures hebdomadaires, trois heures sont consacrées à
l'enseignement de l'histoire, de la géographie et de l'EMC confondus. La
part de ces trois matières représente 11 % des heures
d'enseignement comme en témoigne la grille horaire ci-dessous.

Illustration 3: Répartition horaire au
collège.
Le programme d'histoire de l'année de Quatrième
est axé sur les changements de la société entre le
XVIIIème et le XXème siècle, ainsi
que sur l'histoire nationale. En Quatrième, l'enseignant doit consacrer
50% du temps dédié à l'histoire, soit environ 20 h,
à l'étude du thème 2. Cette thématique porte sur le
XIXème siècle. Dans cette partie, l'étude des
évolutions politiques de la France entre 1815 et 1914 fait l'objet d'une
analyse détaillée.

62
Illustration 4: La place de la IIIème
République dans les programmes de 4ème (BO du 26/08/2008)
Au sein de ce chapitre, il nous est demandé
d'étudier les différents régimes politiques qui se
succèdent entre 1815 et 1848, mais aussi d'étudier les
révolutions de 1830 et 1848, la Commune de 1871, les moments les plus
marquants de la IIIème République comme les lois
scolaires, l'affaire Dreyfus ou la séparation entre l'Église et
l'État.
À l'issue de ce chapitre, les élèves
devront être capables de situer dans le temps les régimes
politiques qui se sont succédés entre 1815 et 1914. Il devront
être capables de situer dans le temps l'abolition de l'esclavage et le
suffrage universel. Concernant notre mémoire, les élèves
devront être capables de raconter des moments significatifs de la
IIIème République tels que la mise en place de
l'école gratuite laïque et obligatoire par Jules FERRY. Il nous est
également demandé de choisir un personnage représentatif
de la IIIème République et de l'utiliser tout au long
de notre chapitre. Jules FERRY serait un bon exemple pour ce chapitre.
Le thème de l'école républicaine
s'insérant dans un chapitre qui traite une large période
historique, 1880-1905, il est nécessaire d'avoir recours à la
périodisation. CARRIOU dénonçait le fait que l'histoire
soit trop chronologique et pas assez périodisée. Dans ce chapitre
qui couvre une très large période historique (près d'un
siècle) marquée par des événements importants, nous
ne pouvons pas faire une histoire chronologique et noyer les
élèves dans une quantité trop importante de dates. Il est
nécessaire de périodiser. Nous devons d'emblée
définir une période pour notre thème de la mise en place
de l'école républicaine, période qui s'étendrait de
1880 à 1905.
63
Enfin, cette même étude de l'école du
XIXème pourrait s'insérer dans les programmes d'EMC du
cycle 3, dans le programme d'histoire de Première Littéraire et
Première Économique et Sociale. Dans l'actuel programme
d'Enseignement Moral et Civique, une thématique est consacrée
à « L'accès à l'éducation » dans le cycle
3 (primaire - Sixième). Il serait possible d'envisager une étude
de l'accès à l'éducation en France entre 1880 et 2015. Par
ailleurs, cette étude de l'école républicaine pourrait
également s'insérer dans le thème « Les
Français et la République » en classe de Première.
L'enseignant doit consacrer quinze à seize heures à
l'étude des IIIème, IVème et
Vème Républiques et aux évolutions politiques durant ces
périodes.
64
c- La place de l'histoire dans les nouveaux programmes
scolaires.
Le 22 janvier 2015, soit quelques jours après les
attentats qui ont Paris, Najat VALLAUD-BELKACEM a tenu une conférence de
presse pour présenter son plan de refondation de l'école
républicaine. Lors de son discours, la Ministre de l'Éducation
Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche y a
exposé les onze mesures qui seront appliquées dès la
rentrée 201643 dans le cadre de la grande mobilisation de
l'École pour les valeurs de la République. Parmi ces mesures
celle de « renforcer la transmission des valeurs de la République
» figure à la première place. Toutefois, le terme de «
transmission » peut être discuté puisque l'importance n'est
pas tant la transmission, mais plutôt le partage et la sensibilisation
à ces valeurs. La troisième mesure de ce programme annonce la
création d'un nouveau parcours éducatif allant de l'école
élémentaire à la terminale intitulé : parcours du
citoyen. La mission de l'enseignant qui consiste à assurer la formation
civique de leurs élèves afin d'en faire de futurs citoyens
responsables est ici clairement mentionnée. Ainsi, la revalorisation des
valeurs républicaines et de la mission civique assurée par les
enseignants du premier et du second degrés est devenue l'un des
principaux objectifs du Ministère de l'Éducation Nationale depuis
janvier 2015. Cette ambition s'est accompagnée du projet de
réforme du collège et d'une refondation des programmes des cycles
2, 3 et 4.
L'analyse de ces nouveaux programmes nous permet de prendre
connaissance de la place qui sera accordée à l'enseignement de
l'histoire dès la rentrée 2016 dans un contexte de revalorisation
des valeurs républicaines. Tout d'abord, si nous observons la grille
horaire prévue pour le cycle 4 (5ème, 4ème et
3ème), nous pouvons remarquer que le nombre d'heures consacrées
à l'histoire-géographie et EMC reste inchangé : 3 heures
hebdomadaires en 5ème, 4ème et 3 heures 30 en 3ème contre
3 heures uniquement consacrées à l'histoire à
l'école primaire à la fin du XIXème
siècle. Le nombre d'heures n'est donc pas revalorisé.
Concernant les enjeux et les finalités de
l'enseignement de l'histoire, les attendus apparaissent clairement dans les
nouveaux programmes. La priorité est la formation de la personne et du
citoyen comme en témoigne cet extrait de programme :
43 Discours de la grande mobilisation pour l'École pour
les valeurs de la République, 22 janvier 2015 :
http://www.education.gouv.fr/cid85665/presentation-grande-mobilisation-pour-ecole-pour-les-valeurs-republique.html
« Une attention particulière est portée aux
liens à construire avec l'enseignement moral et civique, auquel
l'enseignement de l'histoire et de la géographie au cycle 4 est
étroitement lié, dans la perspective de la maîtrise par les
élèves en fin de cycle des objectifs fixés par le domaine
3 du socle commun, « La formation de la personne et du citoyen
»44.
L'étude de la IIIème
République et de l'école de Jules FERRY reste au programme de la
classe de Quatrième. Toutefois, nous pouvons relever un changement
notable dans le découpage des chapitres dans les nouveaux programmes de
cycle 4. Pour la première fois, un chapitre complet est
dédié à l'étude de la IIIème
République. Ce chapitre s'insérera lui-même dans le
thème « Société, culture et politique dans la France
du XIXème siècle ». Le Bulletin Officiel
précise le contenu de ce chapitre :
« Après les événements de 1870 et
1871, l'enjeu est de réaliser l'unité nationale autour de la
République : l'école, la municipalité, la caserne
deviennent des lieux où se construit une culture républicaine
progressiste et laïque ».
Nous pouvons ici remarquer que l'école est le premier
élément énuméré. Ces nouveaux programmes,
tout en soulignant le lien entre l'école et la république
insisteront davantage sur le lieu en lui-même et le fonctionnement de
cette infrastructure. Comme c'est déjà le cas actuellement avec
l'enseignement de la laïcité, l'objectif de cette étude est
de réaliser l'unité de la Nation. Enfin, en observant l'ensemble
de ces programmes nous pouvons constater que le récit et la chronologie
semblent être remis en valeur.
65
44 Programmes de 2016, cycle 4 :
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/programme4nov.pdf
66
2) La formation des futurs-citoyens grâce à
l'usage des manuels scolaires :
a- La formation des citoyens patriotes grâce aux
manuels scolaires à la fin du XIX ème siècle.
Pour les aider à former de futurs citoyens, les
instituteurs et institutrices de la IIIème République
possèdent différents moyens à leur disposition. Les
manuels scolaires constituent leur principal outil. Deux manuels scolaires
majeurs sont utilisés dans le premier degré sous la
IIIème République. Le premier est Le Tour de la
France par deux enfants rédigé par Augustine FOUILLE et
publié sous le pseudonyme G. Bruno en 187745. Le second est
l'ouvrage de l'historien Ernest LAVISSE, Histoire de France
publié en 1901 et surnommé « le petit Lavisse
»46. Ces deux ouvrages phares ont été
utilisés par les écoliers français jusque dans les
années 1950. Ils ont constitué un outil important permettant aux
instituteurs et institutrices de réaliser leur mission. Leur analyse
nous permet de comprendre comment les manuels scolaires étaient
utilisés à cette époque pour enraciner la
république, diffuser ses valeurs, former des citoyens patriotes, former
des soldats, forger l'esprit critique des élèves et
éveiller le sentiment patriotique.
Le Tour de la France par deux enfants est un ouvrage
qui permet d'assurer l'enseignement de différentes disciplines que sont
: le français, les sciences, l'histoire, la géographie, la morale
et la civique. Ce manuel a connu un succès fulgurant. Chaque
année près de 200 000 exemplaires étaient vendus aux
écoles primaires. En 1914, près de 3 millions d'exemplaires ont
été vendus. Le succès de ce manuel s'explique notamment
par le fait qu'il réponde aux attentes dictées par le
Ministère de l'Instruction Publique dans les programmes de 1882. En
effet, ce manuel scolaire est construit à partir de récits, de
dialogues. Il fait également apparaître des personnages
héroïques français.Ces héros sont
présentés par les deux personnages de l'ouvrage, André et
Julien VOLDEN. Ces deux garçons sont âgés de sept et
quatorze ans. Leur âge est stratégique puisqu'il permet aux
élèves de s'identifier à eux.
Dès la préface, l'auteur montre que son ouvrage
répond à la commande institutionnelle puisqu'il permet de
contribuer à la formation des citoyens en leur apportant des
connaissances et en développant leur esprit patriotique :
45 BRUNO, G. Le Tour de la France par deux enfants,
Paris, Éditions Belin, 1877.
46 LAVISSE, Ernest, Histoire de France, Paris, Armand
Colin, 1901.
« On se plaint continuellement que nos enfants ne
connaissent pas assez leur pays : s'ils le connaissent mieux, dit-on avec
raison, ils l'aimeraient encore davantage et pourraient mieux le servir. Mais
nos maîtres savent combien il est difficile de donner à l'enfant
une idée nette de la patrie, ou même simplement de son territoire
et de ses ressources. La patrie ne représente pour l'écolier
qu'une chose abstraite. Pour frapper son esprit, il faut lui rendre la patrie
visible et vivante ».
La dernière phrase résume bien l'enjeu de
l'histoire et de ce manuel, à savoir « rendre la patrie visible et
vivante ». Afin de la rendre visible, Le Tour de la France par deux
enfants comporte de nombreuses gravures. Ces illustrations permettent de
personnifier la Nation, la patrie et les valeurs républicaines. Pour
rendre la patrie plus vivante et ainsi l'histoire plus attrayante pour les
élèves, différents procédés sont
utilisés. Tout d'abord, les récits permettent aux
élèves de s'imaginer et de visualiser les personnages ou
événements narrés. Ensuite, Julien et André, les
jeunes narrateurs, sont présents de manière à ce que les
élèves s'identifient à eux.
En parcourant ce manuel nous pouvons remarquer que les bonnes
actions des personnages historiques sont mises en valeur. Nous pouvons le
percevoir à travers l'exemple du maréchal
Turenne47.
67
47 Extrait du Tour de la France par deux enfants :
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/sites/default/files/254_Ecole3degR.pdf

68
Illustration 5: Exemple d'une étude de personnage dans
Le Tour de la France par deux enfants.
Cet exemple est particulièrement
révélateur du rôle patriotique accordé aux manuels
scolaires publiés à la fin du XIXème
siècle. En effet, il est précisé que ce personnage est
né en France, à Sedan. Ensuite, ce récit ne cesse de faire
l'éloge du personnage en utilisant un champ lexical très laudatif
: « il s'illustra », « en trois mois seulement », «
admirable campagne », « son chef d'oeuvre », «
modèle de bonté », « ce grand Turenne ». Nous
pouvons également remarquer que le narrateur insiste sur les victoires
militaires de Turenne et notamment sur la défense de l'Alsace. Le
souvenir de la défaite de Sedan du 1er septembre 1870 est encore
présent dans toutes les mémoires. Ce récit vise à
rappeler aux enfants que l'Alsace appartient à la France et que leur
rôle sera de récupérer et défendre ce territoire.
Lorsque le narrateur évoque le « désintéressement
» de Turenne, il souhaite faire comprendre aux enfants qu'ils doivent
suivre son exemple et se battre uniquement pour défendre leur pays. Le
dévouement de ce personnage est mis en avant par l'expression : «
Il épargnait le sang de ses soldats ». La comparaison avec la
bataille de Sedan de 1870 est clairement établie : « Quel malheur
que ce grand Turenne n'ait pas commandé à la bataille de Sedan.
Bien sûr, une nouvelle fois il aurait sauvé l'Alsace». Le
devoir de défense du territoire français est clairement
mentionné.
Le Tour de la France par deux enfants est donc un
manuel scolaire très utilisé par les
instituteurs et institutrices de primaire de la fin du
XIXème siècle. Ce manuel, tout comme le « Petit
Lavisse » est mis à profit des enseignants pour leur faciliter la
tâche de formation de citoyens patriotes.
Le « Petit Lavisse » publié en 1901 constitue
le second ouvrage majeur utilisé pour l'enseignement de l'histoire.
Ernest LAVISSE est un historien. Issu d'une famille modeste, cet historien doit
sa promotion à une bourse reçue sous le Second Empire, bourse qui
lui a ensuite permis de faire des études supérieures.
L'école a donc été son ascenseur social. LAVISSE est
persuadé que l'école et l'éducation constituent le
meilleur moyen de formation des futurs citoyens. Selon lui, cette formation
passe par l'enseignement de l'histoire à l'école primaire
notamment. Il souhaite que l'histoire montre des modèles et des symboles
aux élèves. Grâce à son manuel scolaire, Ernest
LAVISSE souhaite montrer l'unité de la patrie. Cette unité se
construit grâce au passé et grâce à l'histoire. Comme
pour Le Tour de la France par deux enfants, le « Petit Lavisse
» comporte de nombreuses gravures. Celles-ci permettent notamment de
personnifier la république et ses valeurs. En somme, son ouvrage
constitue un réel évangile républicain, ce qui lui a valu
le surnom d'« instituteur national »48 attribué par
Pierre NORA.
L'analyse de l'ouvrage nous permet de comprendre en quoi ce
manuel scolaire était-il un outil utilisé par les instituteurs et
institutrices pour former les esprits républicains. La couverture
même de l'ouvrage49 participe à cette formation.
69
48 NORA, Pierre, Les lieux de mémoire, Paris,
Gallimard, 1997.
49 LAVISSE, Ernest, Histoire de France, ouvrage
numérisé par Gallica :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k648847/f8.item.langFR.zoom

70
Illustration 6: Couverture de l'Histoire de France,
Ernest LAVISSE.
Un décor constitué de produits du terroir
présent sur la couverture du manuel permet de planter le décor.
Cet ouvrage porte exclusivement sur le territoire français. La citation
d'Ernest LAVISSE témoigne de sa conception de l'enseignement de
l'histoire :
« Enfant, tu vois sur la couverture de ce livre les
fleurs et les fruits de la France. Dans ce livre, tu apprendras l'histoire de
la France parce que la nature l'a faite belle, et parce que son histoire l'a
faite grande ».
Pour Ernest LAVISSE, les élèves, futurs
citoyens, se doivent d'aimer l'histoire de leur pays. L'expression : « la
nature l'a faite belle » montre que l'auteur va insister sur la grandeur
et les victoires de la France et qu'il va passer sous silence ses failles et
limites. L'esprit de revanche suite à la défaite de 1870 face
à la Prusse est omniprésent dans son manuel scolaire comme en
témoigne cet extrait :
71
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
72
Illustration 7: Extrait de l'Histoire de France d'Ernest
LAVISSE, chapitre: "De Napoléon à aujourd'hui",
numérisation de Gallica.
Cette leçon d'histoire enseignée à des
élèves de cours élémentaire âgés de
six à neuf ans montre comment les manuels scolaires sont-ils
utilisés pour développer le sentiment patriotique des futurs
citoyens. Tout d'abord, l'accent est mis sur la grandeur de la France, sur le
courage de son peuple et de ses soldats. L'épisode de 1870 est ici
résumé sous le titre de : « La belle défense de Paris
en 1870 ». La France est présentée comme courageuse. Les
Français sont tous unis pour assurer leur devoir de défense de
leur pays comme en témoigne l'extrait suivant : « Le bombardement
ne fit pas peur aux Parisiens. Ils étaient tous soldats et montaient la
garde sur les remparts ». Cette leçon appelle donc à
l'unité de la patrie et participe pleinement à la formation des
soldats et citoyens patriotes de la fin du XIXème
siècle.
73
Cette image de la France grande et courageuse contraste avec
l'image de l'Allemagne décrite comme étant lâche et
barbare. En une phrase, les Allemands sont rendus coupables des
difficultés de ravitaillement rencontrées par les Parisiens lors
de cette guerre : « Les Allemands empêchèrent les vivres
d'entrer ». L'image de l'Armée allemande est noircie par l'auteur :
« Les Allemands, furieux de voir que la ville ne se rendait pas assez
vite, la bombardèrent ». Le sentiment de barbarie de la part du
peuple allemand est renforcé par le fait qu'ils s'attaquent à des
femmes et des enfants. La gravure donne à voir la violence des combats
en mettant en scène les conséquences de l'attaque allemande.
Ainsi, ce manuel scolaire suscite ainsi un esprit de revanche de la part des
élèves, futurs citoyens. Il les appelle à faire leur
devoir de défense de leur pays en cas de nouvelle attaque : « Si la
France est attaquée, tous feront leur devoir ».
74
b- La contribution des manuels scolaires actuels
à la formation civique des élèves de l'école
primaire : l'exemple de l'enseignement de la III ème République.
Aujourd'hui encore, les manuels scolaires, et notamment ceux
d'histoire sont utilisés par les enseignants du premier degré
pour assurer leur rôle de transmission et de partage des valeurs
républicaines. Ils constituent une banque de données regroupant
des documents de différentes natures, ainsi que des exercices et
leçons mis à disposition des élèves.
Nous allons analyser deux manuels scolaires d'histoire du
cycle 3 (CM1 - CM2 - 6ème) afin de comprendre comment la
IIIème République et la question de l'école de
Jules FERRY sont étudiées aujourd'hui dans le premier
degré. Ces deux manuels sont conformes aux programmes scolaires en
vigueur (programmes publiés en 2008).
Pour procéder à l'analyse des manuels scolaires,
j'ai établi une grille de lecture dans laquelle
figurent différents critères que sont :
- Titre du manuel, édition, année de
publication.
- Titre du chapitre dans lequel la IIIème
République est évoquée.
- Démarche adoptée pour l'étude de la
IIIème République : étude, exercices,
leçon,
documents...
- Problématique de la séquence et de la
séance.
- Thèmes de la IIIème République
abordés (politique, social, culturel, civique, militaire).
- Notions évoquées dans le chapitre en lien avec
l'école de Jules FERRY.
- Place de la IIIème République et de
l'école républicaine dans le manuel étudié.
Manuel, niveau,
|
Titre du chapitre
|
Démarche (étude,
|
Thèmes de la III ème
|
Problématique
|
Notions,
|
Nombre de pages
|
édition, année
|
|
reportage, fiche
|
République
|
|
vocabulaire.
|
consacré au thème
|
|
d'activité, leçon)
|
abordés (social,
|
|
(% dans le
|
|
politique...)
|
manuel).
|
Histoire, cycle 3, Magnard, 2010.
|
« La vie politique en France de 1815 à 1875
».
|
- Frise
chronologique.
- Documents variés (photographies, caricatures).
- Leçon.
-0 document sur l'école.
|
- Politique. - Social.
- Militaire.
|
Pas de
problématique.
|
- République.
- Commune de Paris.
- Liberté de la presse.
- Liberté syndicale. - Partis politiques. -
Associations.
|
6 pages.
3%
|
« La République s'enracine en France ».
|
- Documents variés (gravures, textes, photographies,
partitions).
- Leçon.
- 3 documents sur l'école (photographie de Jules FERRY,
photographie d'une salle de classe, sujet de rédaction, billet de
satisfaction).
|
- Politique. - Social.
- Civique.
|
Pas de
problématique.
|
- République.
- Fête nationale.
- Marianne.
- Devise.
- Hymne national.
- Laïcité.
- Nation.
- École
républicaine.
- Patrie.
-Symboles
républicains.
|
6 pages.
3%
|
- Militaire. - Politique. - Social. - Civique.
- « Qu'est-ce qui marque les débuts de la
IIIème République ? ».
Histoire-
géographie, CM2, Belin, 2012.
« La Révolution Française et le
XIXème siècle ».
- Leçon : « Les débuts de la
IIIème République ».
- Dossier : « Les grandes lois républicaines »
dont 3 documents sur l'école (2 photographies + 1 leçon).
- Pouvoir exécutif. - Pouvoir législatif. -
Symboles républicains.
6 pages.
3%.
- École publique. - Laïcité.
- Démocratisation. - Libertés.
77
Cette grille d'analyse nous permet de voir que l'étude
de la IIIème République occupe une part faible dans
les manuels d'histoire-géographie de CM2. Environ 3% des pages de ces
deux manuels sont consacrées à l'étude de la
IIIème République. Parmi les six pages
consacrées à la IIIème République, une
seule page est dédiée à l'école de Jules FERRY.
La IIIème République apparaît
dans deux chapitres : « La vie politique de la France de 1815 à
1875 » et « La République s'enracine en France ». Dans le
premier chapitre, l'école républicaine n'est pas
évoquée. L'accent est mis sur la difficile naissance de la
IIIème République et sur l'affirmation des
libertés à cette époque. La République est ici
étudiée d'un point de vue politique. Le thème militaire
est également abordé à travers l'étude de la guerre
de 1870. Celle-ci est évoquée pour faire comprendre aux
élèves que ce régime politique est établi dans un
contexte particulier. Dans ce chapitre, la principale valeur
républicaine étudiée est la liberté.
Le second chapitre, « La République s'enracine
» est quand à lui exclusivement consacré à la
IIIème République. Dans ce chapitre, l'objectif des
instituteurs et institutrices de CM2 est de faire comprendre à leurs
élèves, comment ce régime politique né dans la
tourmente et ayant connu de nombreuses difficultés à ses
débuts, parvient-il à s'enraciner. Pour ce faire, les valeurs,
symboles républicains ainsi que l'école de Jules FERRY sont
présentés comme étant des outils d'enracinement du
régime. Le drapeau français, le 14 Juillet, la Marseillaise, la
Marianne et la devise sont au coeur de ce chapitre. Outre le fait de travailler
sur les valeurs républicaines, les élèves étudient
également les représentations de la République. Ces
valeurs sont présentées comme un moyen d'unir la nation. La mise
en place de l'école de Jules FERRY est quand à elle
présentée comme un moyen utilisé par les
républicains pour permettre aux enfants de la fin du
XIXème siècle d'éviter le travail aux champs et
à l'usine. Il est également rappelé que :
« Les Républicains veulent que l'école
publique forme des hommes fidèles à la République et
à la patrie. Tous les enfants doivent être instruits pour devenir
des citoyens capables de décider librement ».
Le rôle civique de l'école de FERRY est donc mis
en valeur. La laïcité est également au coeur de cette
étude. Il est expliqué aux élèves que
l'école devient laïque, c'est-à-dire que le
catéchisme religieux est remplacé par l'instruction civique et
morale.
78
Les deux manuels étudiés sont construits de la
même manière. Chacun comporte une leçon sur l'enracinement
de la République et l'école de Jules FERRY, ainsi que des
documents traitant de l'école. Aucun dossier ne porte exclusivement sur
ce thème. Nous pouvons remarquer que les documents insérés
sont principalement des iconographies : cinq photographies au total contre un
extrait de texte. Rappelons que les élèves de CM2 ont dix ans
environ. Pour les captiver, il est nécessaire d'utiliser davantage des
documents iconographiques. Ils sont plus concrets pour eux et leur permettent
de visualiser l'école de la fin du XIXème
siècle.
Dans ces deux manuels figure notamment une gravure de Jules
FERRY accompagnée de ses dates de naissance et de mort. Il est
regrettable que cette illustration ne soit pas accompagnée d'une courte
biographie du personnage.
Chaque manuel comporte une photographie d'une classe à
l'intérieur de l'école pour l'une, et à l'extérieur
pour l'autre. Ces photographies permettent de travailler différentes
thématiques : le bâtiment scolaire (la mairie-école), les
hussards noirs, le port de l'uniforme, le tableau noir et la leçon de
morale, la mixité, la laïcité et la salle de classe à
la fin du XIXème siècle. Les questions relatives
à ces documents sont les suivantes : « Observe bien comment sont
vêtus les élèves et ce qu'ils sont en train de faire
», « Observe les élèves de cette classe. Que
remarques-tu ? Explique la phrase inscrite sur le tableau ».
Le manuel Belin comporte une gravure qui représente un
hussard noir qui chasse une représentation de Jésus-Christ hors
de l'école. Ce document permet d'aborder le thème des hussards
noirs, de la devise française inscrite sur le fronton du bâtiment,
le thème des uniformes ainsi que la laïcité. La question
posée aux élèves est la suivante : « Selon toi, qui
est symboliquement chassé de l'école ? ». Cette question
semble être difficile pour des élèves de CM2. Elle serait
plus adaptée pour des élèves de Quatrième.
Toutefois, cette question nous montre qu'actuellement nous travaillons beaucoup
sur les représentations des valeurs républicaines.
Ensuite, le manuel comporte une photographie d'un billet de
satisfaction distribué à l'école primaire en 1900. Une
nouvelle fois, il s'agit d'un document iconographique qui permet de travailler
sur les représentations des valeurs républicaines. Ce billet de
satisfaction représente une allégorie de la République
à travers la figure de l'institutrice. Sont également
mentionnées les citations suivantes : « De l'instruction naît
la grandeur des Nations », « République Française
», « Liberté, égalité, fraternité ».
Ce billet de satisfaction donne à voir l'intérieur d'une salle de
classe.
Enfin, le manuel Magnard comporte un extrait de sujet de
rédaction proposé aux élèves de l'école
primaire à la fin du XIXème siècle. Ce document
permet aux élèves de comprendre qu'à l'époque
l'enseignement des valeurs républicaines est transdisciplinaire.
79
3) La formation actuelle des futurs citoyens à
travers l'enseignement de l'école de la III ème
République :
Afin de comprendre l'impact et l'héritage de
l'école républicaine, notre étude s'achève avec une
analyse de la formation actuellement dispensée aux élèves
afin de forger des citoyens responsables. Les manuels scolaires, mêmes
s'ils sont moins utilisés qu'à l'époque de Jules Ferry,
demeurent un des principaux outils utilisés par les enseignants afin de
transmettre et faire partager les valeurs républicaines.
La construction et le contenu des manuels scolaires ont
beaucoup évolué depuis l'époque de Jules FERRY. À
cette époque, et ce durant de nombreuses années
l'élaboration des manuels scolaires était réservée
aux historiens et scientifiques. Jusque dans les années 1970, les
manuels scolaires étaient encyclopédistes. Les manuels
étaient une accumulation de documents et de connaissances et laissaient
peu de place à la didactique. Peu à peu, les maquettes des
manuels scolaires sont redessinées. Le nombre de documents diminue au
profit du caractère didactique. Cela s'explique par la modification du
comité d'écriture des manuels scolaires. De plus en plus
d'inspecteurs, et de professeurs agrégés ou certifiés
participent à l'élaboration des manuels. Ainsi, de nombreux
schémas, cartes mentales, points de méthode et exercices de
révisions sont ajoutés aux manuels scolaires. Ces-derniers
prennent aujourd'hui la forme de guides qui permettent d'accompagner les
élèves tout au long de leur scolarité. Ils sont
aujourd'hui beaucoup plus « attrayants » avec des titres,
mots-clés, encarts de vocabulaire... mis en valeur par des couleurs. La
nature des documents, aujourd'hui davantage iconographiques rompt avec les
anciens manuels essentiellement composés de textes.
a- Présentation du corpus de manuels des
années 2000.
Pour comprendre comment l'exemple de la
IIIème République et de l'école de Jules FERRY
sont encore utilisés aujourd'hui par les enseignants du premier et du
second degré pour contribuer à la formation civique de leurs
élèves, nous allons analyser un corpus de manuels scolaires
datant des années 2000. Ce corpus se compose volontairement d'ouvrages
édités à différentes dates et utilisés
à différents niveaux afin de comprendre leur évolution.
Deux manuels scolaires de 4ème appliquant les anciens programmes (1998),
quatre manuels de 4ème appliquant les actuels programmes ainsi qu'un
manuel de Première ont été analysés sous la forme
d'un tableau.
Manuel, niveau,
|
Titre du chapitre
|
Démarche (étude
|
Thèmes de la
|
Problématique
|
Notions,
|
Nombre de pages
|
édition, année
|
|
de cas, reportage,
|
IIIème République
|
|
vocabulaire.
|
consacré au thème
|
|
fiche d'activité,
|
abordés (social,
|
|
(% dans le
|
leçon)
|
politique...)
|
manuel).
|
|
|
|
Histoire- géographie, 4ème, Magnard, 2006
(anciens programmes).
|
« La France de
1815 à 1914 ».
|
- Leçon : « La troisième République
(1871-1914).
- Étude : « L'école de la République
» (3 documents : 2 photographies d'écoles, une photographie de
Jules FERRY, un extrait de cahier d'écolier, un extrait de la lettre aux
instituteurs, un portrait des hussards noirs de PEGUY ).
|
- Politique. - Social.
- Civique.
|
- « Comment la République finit- elle par s'imposer ?
».
|
- Laïcité.
- École républicaine. - Séparation de
l'Église et de l'État. - Symboles républicains. - Lois
scolaires. - Hussards noirs.
|
15 pages.
4%
|
« La France de
1815 à 1914 ».
- Politique. - Social.
- Civique.
Histoire-géographie, 4ème, Nathan, 2006
(anciens programmes).
- Leçon : « 18701879 : Les débuts difficiles
de la IIIème République.
- Leçon : « 18791914 : La République
s'enracine ».
- Étude (double-page) : « L'oeuvre de la
République de 1879 à 1914 : 1 extrait des lois de Ferry, une
photographie d'une salle de classe, un extrait de manuel scolaire, un extrait
de la loi de 1905, une caricature sur le service militaire, une photographie
sur la difficile application de la loi de 1905.
« Dans quelles conditions la IIIème
République
s'installe t-elle ? ».
- Comment la République surmonte t-elle les crises
auxquelles elle est confrontée ?
- « Quelles sont les grandes réformes menées
par la IIIème République ? ».
- Laïcité.
- Anticlérical.
- École
républicaine.
- Séparation de
l'Église et de l'État.
- Patrie.
- Symboles
républicains.
20 pages.
6 %.
- Allégorie.
- Marianne.
- Hymne national.
- Service militaire.
- Lois scolaires.
- Hussards noirs.
- Dossier : « Les symboles de la République
».

« L'évolution politique de la France de 1815 à
1914 ».
Histoire-géographie, 4ème, Magnard, 2011
(programmes en vigueur).
- Leçon : « 18711914 : la naissance et l'enracinement
de la IIIème
République ».
- « Quels régimes politiques se succèdent en
France entre 1815 et 1870 et comment la République
s'impose t-elle ? ».
- Laïcité.
- Séparation de l'Église et de l'État. -
Lois scolaires. - École républicaine.
20 pages.
5 %.
- Leçon : « L'oeuvre de la IIIème
République » : 2 documents sur l'école (extrait des lois
scolaires, photographie d'une salle de classe).
- Militaire. - Politique. - Social. - Civique.
- « Quelles sont les
grandes réformes de la IIIème
République ? ».
Histoire-géographie, 4ème, Hâtier,
2011 (programmes en vigueur).
« L'évolution politique de la France de 1815 à
1914 ».
- Leçon : « La République s'enracine
(18711914).
- Étude : « Jules FERRY, un père de la
République » (1 portrait de FERRY, une biographie de Ferry,
présentation des lois scolaires, discours de Ferry, extrait de la loi de
1882, une photographie d'une mairie-école).
6%
22 pages.
- Grandes lois scolaires. - Laïcité. -
Libertés. - Hymne national.
- Symboles républicains.
- Séparation des Églises et de l'État.
- « Comment passe t-on de l'instabilité des
régimes politiques à l'installation durable de la
République ?».
- Militaire. - Politique. - Social. - Civique.
- « Comment la République parvient-elle à
s'installer durablement ? ».
- « Comment
FERRY consolide t-il la République ? ».
Histoire- géographie, 4ème, Hachette, 2011
(programmes en vigueur).
|
« L'évolution politique de la France de 1815 à
1914 ».
|
- Leçon : « L'enracinement de la
IIIème République ».
- Étude : « L'action d'un homme
|
|
- « Pourquoi la vie politique au XIXème
siècle est-elle marquée par une succession de régimes
politiques ? ».
|
- Lois scolaires.
- Hussards.
- Laïcité.
- Libertés.
- Séparation de
l'Église et de l'État.
- Valeurs
|
|
|
|
politique : Jules
|
- Militaire.
|
|
républicaines.
|
21 pages.
|
|
|
FERRY, l'école et la
|
- Politique.
|
|
|
6%.
|
|
|
République »
|
- Social.
|
- « Pourquoi Jules
|
|
|
|
|
(biographie de Ferry, discours de P. Robiquet sur les hussards,
extraits des lois de 1882, photographie d'une classe, lithographie du
défilé des élèves)
|
- Civique.
|
Ferry est-il considéré comme un des pères de
la république ? ».
|
|
|
Histoire-
|
« L'évolution
|
- Leçon : « La IIIème
|
|
- « Comment les
|
- Libertés.
|
|
géographie, 4ème, Bordas, 2011
|
politique de la France de 1815 à
|
République de 1870 à 1914 ».
|
|
régimes politiques se succèdent-ils et
|
- Laïcité.
- Séparation des
|
|
(programmes en
|
1914 ».
|
|
|
comment la
|
Églises et de l'État.
|
|
vigueur).
|
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- Étude : « Jules
|
|
République
|
- Lois scolaires.
|
|
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Ferry : un des pères de la IIIème
Rép » : caricature de Ferry, illustration de Ferry, extrait de loi
scolaire, article sur
|
- Militaire. - Politique. - Social.
- Civique.
|
s'installe t-elle ? ».
- « Comment Jules Ferry contribue t-il à enraciner la
République ? ».
|
|
26 pages.
6 %.
|
|
|
Ferry et photographie d'un monument à la gloire de
Ferry.
|
|
|
|
|
- « Comment la République s'est-elle enracinée
à la fin du XIXème siècle ? ».
- « Comment les Français sont-ils devenus
républicains ? ».
- « En quoi la laïcité assure t-elle la
cohésion de la société depuis 1881 ? ».
- « Comment et pourquoi la République est-elle
devenue laïque ?
Histoire, 1ère, Hatier, 2015 (programmes
actuels).
|
« La République : trois républiques ».
|
« La République et les évolutions de
la société française ».
|
- Leçon :
« L'enracinement de la culture républicaine
(18801900) » : 1 document sur l'école : extrait d'un manuel
scolaire.
- Leçon : « La République, les religions et la
laïcité » (1 document sur l'école : discours de F.
Buisson sur la formation des citoyens).
- Étude : « L'école, enjeu de la
laïcité » (circulaire aux instituteurs de 1883, article de
1882 sur la réaction des catholiques, caricature).
- Dossier : « Le regard des historiens sur la
laïcité ».
|
- Sociale. - Civique.
|
- Sociale.
|
- Valeurs
républicaines. - Laïcité.
|
- Laïcité. - Anticléricalisme. - Valeurs
républicaines.
|
26 pages.
7% .
|
39 pages.
15 %.
|
85
b- Jules Ferry, au coeur de l'étude de la III
ème République dans le second degré .
Après avoir procédé à une grille
de lecture des différents manuels scolaires de 4ème et de
Première qui traitent de l'école de la IIIème
République, nous allons procéder à une analyse critique de
ces ouvrages.
Rappelons qu'une étude sur l'école du
XIXème pourrait s'insérer dans le programme d'histoire
de Quatrième ainsi que dans le programme de Première
Littéraire et Première Économique et Sociale. Dans
l'actuel programme d'Enseignement Moral et Civique, une thématique est
consacrée à « L'accès à l'éducation
» dans le cycle 3 (primaire - Sixième). Il serait possible
d'envisager une étude de l'accès à l'éducation en
France entre 1880 et 2015 en classe de Sixième. L'école
républicaine est également étudiée en classe de
Quatrième dans le cadre du chapitre sur : « L'évolution
politique de la France de 1815 à 1914 ». Enfin, cette étude
de l'école républicaine s'insère dans le thème
« Les Français et la République » en classe de
Première. L'enseignant doit consacrer quinze à seize heures
à l'étude des IIIème, IVème
et Vème Républiques et aux évolutions
politiques durant ces périodes.
Tout d'abord, dans l'ensemble des manuels scolaires
étudiés (manuels conformes aux programmes du collège de
1995, et 2008 ; programmes du lycée de 2012 ), la question de
l'école du XIXème siècle ne fait pas l'objet
d'un chapitre particulier. Cette thématique s'insère à
chaque fois dans le chapitre sur « La France de 1815 à 1914 »
(Programme de 1995) devenu « Les évolutions politiques de la France
de 1815 à 1914 » (Programme de 2008). Il intéressant de
relever le fait que la manière de traiter cette thématique, bien
que présente en filigrane dans les programmes, a subi quelques
modifications ces dernières années. Comparons l'étude de
la question dans les différents manuels scolaires.
Dans les manuels d'histoire de 2006, « l'école de
la République » fait l'objet d'une double page, et d'une
étude. L'accent est mis sur l'école comme oeuvre de la
IIIème République. L'étude est relativement
détaillée. Ces études présentent de manière
brève la figure de Jules FERRY. Généralement les manuels
offrent un portrait succinct de Jules FERRY ainsi que des extraits des lois
scolaires. Les études sur l'école républicaine regroupent
essentiellement des documents qui traitent du fonctionnement de l'école
au XIXème siècle. Elles proposent des photographies
d'écoles,
86
d'intérieurs de classes, de cahiers
d'élèves, mais également des descriptions des hussards
noirs. Les questions qui accompagnent ces études amènent les
élèves à réfléchir sur le déroulement
d'une journée type d'un enfant du XIXème
siècle, sur le contenu des cours à la fin du
XIXème siècle, sur l'architecture du bâtiment
scolaire et sur la figure de l'instituteur. Les capacités
mobilisées par les élèves à travers ce travail sont
celles de la description, et de la recherche d'informations dans les documents.
Très peu de tâches complexes sont proposées hormis
l'exercice de rédaction (« Rédigez un paragraphe
argumenté d'une quinzaine de lignes sur l'école de la
République en vous aidant du plan suivant : I - Les objectifs de
l'école républicaine. II- Les moyens mis en oeuvre »).
Dans les manuels scolaires de 2011, l'école
républicaine ne fait plus systématiquement l'objet d'une
étude complète, d'une double-page complète. Cette
thématique est davantage imbriquée au chapitre, et à sa
dimension politique. Il intéressant de souligner l'évolution de
l'intitulé du chapitre appelé « La France de 1815 à
1914 » en 2006 et devenu « Les évolutions politiques de la
France de 1815 à 1914 » en 2011. En 2006, l'école
républicaine est donc étudiée comme étant un aspect
de la France de cette époque alors que depuis 2011, l'école
républicaine est étudiée comme étant un outil
utilisé par les Républicains pour enraciner leur régime
politique. Dans les manuels de 2011, l'école et la société
sont donc reléguées au second rang au profit de la
République et de la dimension politique. Dans les manuels de 2011, la
thématique de l'école républicaine est
systématiquement associée à celle de Jules FERRY,
Père de la République. Les problématiques proposées
sont les suivantes : « Comment Jules FERRY contribue t-il à
enraciner la République ? », « Comment Jules FERRY consolide
t-il la République ? », et « Pourquoi Jules FERRY est-il
considéré comme un Père de République ».
L'école n'est plus qu'un simple moyen d'enraciner la
IIIème république. Concernant la construction des
études sur l'école républicaine, nous pouvons remarquer
que dans les manuels de 2011 la biographie de Jules FERRY occupe une place
centrale. Cela s'explique par l'un des attendus du programme qui stipule que
l'enseignant doit
construire son chapitre autour de l'action d'un homme
politique. Les autres documents, minoritaires, sont des photographies des
bâtiments ou de l'intérieur des salles de classes. Les exercices
des manuels scolaires de 2011 amènent les élèves à
se poser les questions suivantes : qui est Jules FERRY ? Quelle est son oeuvre
politique ? Comment l'école de FERRY permet-elle de renforcer la
IIIème République ? Les compétences
travaillées par les élèves sont plus nombreuses que dans
les précédents programmes. Dorénavant, les
élèves peuvent travaillent la description, l'analyse de
documents, la recherche d'information dans les documents, la situation dans le
temps, ainsi que le « travail croisé » à partir de
différents documents.
87
Ainsi, après avoir procédé à une
analyse des manuels scolaires de 2006 et 2011, nous pouvons désormais
proposer une réflexion critique de la manière dont cette question
est aujourd'hui traitée.
Concernant les programmes et manuels, la part de
l'étude de l'école républicaine a diminué dans le
programme de 2008. L'idée d'associer la politique aux changements de
société et changements culturels est intéressante.
Cependant, avec cet angle d'attaque notre sujet perd de l'importance. Le fait
de choisir un personnage politique comme fil directeur pour l'ensemble du
chapitre est lui aussi intéressant. Cette démarche nous permet
avec un même personnage d'étudier différents aspects du
chapitre. Laurence de COCK relève dans l'un de ses articles50
le retour de figures emblématiques, et de volonté de faire un
roman national dans les programmes. Ainsi, la figure de Jules FERRY , en tant
que père de la République est proposée à
différentes reprises dans les manuels scolaires.
Les manuels scolaires proposent assez peu de liens
passé-présent dans leurs études comme le dénoncent
l'historienne Laurence de COCK et Sylvain DOUSSOT51. Pour
remédier à ce problème, il serait envisageable d'imaginer
une activité en fin de séance qui consisterait en une
rédaction d'un paragraphe comparant l'école d'aujourd'hui et
l'école des années 1880 (bâtiment, salle de classe,
professeur, contenu des cours). Les liens entre passé et présent
permettent aux élèves de mieux comprendre. Ils les rassurent
également puisqu'ils ont un outil de comparaison qu'ils
maîtrisent, à savoir leur quotidien. Ces liens permettent surtout
de donner de l'intérêt à l'enseignement aux yeux des
élèves. Ils comprennent alors pourquoi nous étudions
aujourd'hui des événements qui datent de centaines voire milliers
d'années. Cela leur permet de mieux comprendre les héritages de
ces bouleversements culturels et politiques. Ainsi, nous pourrions donc
reprocher aux manuels de proposer des études de l'école
républicaine qui soient trop figées dans le temps et pas assez
connectées au quotidien.
Par ailleurs, nous pouvons remarquer que les manuels scolaires
de 2011 n'insèrent plus d'archives tels que des photographies de cahiers
d'élèves. Le didacticien François AUDIGIER,
50 DE COCK, Laurence, « L'histoire scolaire, une
matière indisciplinée », Annales. Histoire,
Sciences Sociales 2015/1 (70e année), p. 179-189
51 DOUSSOT, Stéphane, « Pour une progression des
programmes qui associe savoirs et méthodes historiques »,
Contribution aux travaux des groupes d'élaboration des projets de
programmes , C3 et C4.
http://www.education.gouv.fr/csp/
88
célèbre pour sa théorie des « 4 R
» regrette que les enseignants d'histoire privilégient aujourd'hui
les résultats à la démarche, et qu'ils travaillent plus
à partir de documents qu'à partir de sources52. Afin
de palier à ce problème et de susciter l'intérêt de
la part des élèves, il serait envisageable d'insérer
à leur travail une source écrite par Jules FERRY en personne.
Cela leur permettrait de travailler à partir de sources, de leur montrer
un aspect du travail des historiens. Bien entendu, s'agissant de
collégiens, les questions portant sur cette source devront être
simples et guidées.
52 LENOIR, Yves, L'histoire, la géographie et
l'éducation civique : quelle discipline ? Regards sur
l'expérience française, Québec, Presses de
l'Université de Laval, 2004.
89
c- Les limites de l'école de la III ème
République passées sous silence dans les manuels scolaires .
Après avoir analysé différents manuels
scolaires, utilisés sous la IIIème République
dans les écoles primaires, ainsi que des manuels d'histoire
utilisés aujourd'hui dans le premier et second degrés, un
élément surprend. Les limites de l'école
républicaine, celles de la IIIème République
ainsi que celles de ses « héros » comme Jules FERRY sont
passées sous silence. Suzanne CITRON est une des rares historiennes
à avoir relevé les faiblesses de la IIIème
République53.
Historiens, ministres, enseignants, tous s'entendent sur le
fait que l'enseignement de l'histoire doit contribuer à l'éveil
de l'esprit critique des élèves. Or, en réalité,
lorsque nous observons les manuels scolaires qui traitent de la
IIIème République, nous pouvons remarquer que tous
offrent une vision idéalisée de cette époque. Il y a donc
une contradiction entre les objectifs dictés par les programmes
scolaires et la réalité des manuels scolaires.
Tout d'abord, nous avons constaté que Jules FERRY est
choisi comme fil conducteur pour l'étude de la IIIème
République. Il y est présenté comme un militant
républicain dont son oeuvre scolaire a contribué à
l'enracinement du régime politique. Nous pouvons souligner le fait que
bien trop souvent, les manuels scolaires offrent une vision biaisée de
Jules FERRY puisque seule la dimension du fondateur de l'école
républicaine y est présentée. L'intérêt de
Jules FERRY pour les colonies est généralement passé sous
silence. Afin d'offrir un portrait complet de Jules FERRY, il serait donc
judicieux d'utiliser ce personnage comme fil directeur du chapitre sur les
évolutions politiques de la France de 1815 à 1914 et de
l'utiliser de nouveau dans le chapitre sur les colonies. Cela permettrait donc
de présenter d'une part le républicain soucieux de l'instruction
de son peuple, et d'autre part de présenter l'homme partisan de la
colonisation.
Outre le fait de passer son silence l'implication de Jules
FERRY dans l'exploitation des colonies, les manuels scolaires actuels ainsi que
ceux produits à la fin du XIXème siècle passent
sous silence les failles de l'école elle-même. En effet, aucun
ouvrage scolaire n'évoque les châtiments corporels subis par les
élèves à cette époque. Si une loi est
adoptée en 1887 pour interdire les châtiments corporels à
l'école, de nombreux témoignages et archives prouvent que
ces-derniers ont
53 CITRON, Suzanne, L'histoire des hommes, Paris, Syros,
2000.
90
persisté durant des années. L'ouvrage de Jules
VALLES, L'Enfant54, publié en 1881 est le premier
à dénoncer les châtiments corporels infligés aux
élèves à l'école primaire. Jérôme
KROP, maître de conférences à l'Université de Rennes
a travaillé sur les châtiments corporels infligés aux
élèves des écoles primaires de la Seine entre 1880 et
191455. Jérôme KROP a analysé les dossiers des
instituteurs et institutrices ayant enseigné dans les écoles
primaires de la Seine durant cette période. Il a constaté que
plus de 10% des instituteurs ont fait l'objet d'au moins une plainte de parents
dénonçant les actes de violence commis en classe. Les violences
semblent être davantage commises par des instituteurs. 11,5 % des
dossiers d'instituteurs étudiés comportent au moins une plainte
pour des violences contre 2,5 % pour les dossiers des institutrices. Les
plaintes font état de gifles, coups, violences commises avec un objet
(cahier par exemple) ou avec une férule. L'usage de la férule,
instrument doté d'une lamelle de cuir divisée en deux est encore
très répandu dans les écoles primaires à la fin du
XIXème siècle et au début du
XXème siècle.
Par ailleurs, en observant les manuels scolaires, nous pouvons
remarquer qu'ils passent sous silence le fait que seule l'école primaire
était accessible aux enfants du peuple. Il est important de rappeler
qu'à cette époque le système scolaire se fait à
deux vitesses. D'une part, nous avons l'école primaire gratuite et
obligatoire pour les enfants âgés de six à treize ans.
D'autre part, nous trouvons les écoles primaires supérieures
chargées de l'enseignement secondaire accessible uniquement aux
titulaires du certificat d'études. Les écoles primaires
supérieures étaient payantes. Seuls les notables et bourgeois
avaient donc la possibilité de les intégrer. L'école
primaire de Jules FERRY est donc un ascenseur social discutable où
l'égalité des chances n'est pas toujours respectée.
Enfin, les manuels scolaires n'abordent pas la difficile
scolarisation des filles dans le secondaire. L'histoire du genre et la question
de la mixité à l'école sont passées sous silence
dans les manuels scolaires. Pourtant, ils permettraient d'interroger la valeur
républicaine d'égalité et permettrait d'amener les
élèves à réfléchir sur les limites des
grandes lois scolaires de la fin du XIXème siècle.
Dès la fin du XVIIIème siècle, des hommes comme
CONDORCET réclament une égalité des genres concernant
l'accès à l'éducation. Il affirmait l'idée qu'on ne
pouvait pas prôner l'égalité politique de tous et maintenir
l'inégalité des institutions comme l'école. La loi de
Jules FERRY qui rend l'école obligatoire pour les garçons et pour
les filles âgés de six à treize ans
54 VALLES, Jules, L'Enfant, Paris, Livre de Poche,
1972.
55 KROP, Jérôme, « Punitions corporelles et
actes de brutalité dans les écoles primaires publiques du
département de la Seine (1880-1914) », Histoire de
l'éducation, 118, 2008, 109-132.
gomme en apparence les inégalités du genre au
sein de l'école. En réalité, cette loi n'est qu'une
étape dans le processus de scolarisation des filles comme le souligne
l'historienne Françoise LELIEVRE dans son ouvrage56. Si elles
ont en effet accès à l'éducation primaire à partir
de 1882, peu de filles ont accès à l'enseignement secondaire.
Elles sont souvent cantonnées au rôle de mère par leur
famille. Lorsqu'une famille aux revenus moyens a l'opportunité d'offrir
des études secondaires à l'un de ces enfants, celle-ci
privilégie les garçons. Outre le fait que la famille ferme
l'accès à l'éducation aux filles, l'institution
elle-même limite leur opportunité de faire des études. En
effet, il a fallu attendre 1880 et la loi Camille Sée pour que soit
créé l'enseignement secondaire laïque pour les filles.
Enfin, la thématique de l'école
républicaine peut être considérée comme étant
une question socialement vive d'après la définition
proposée par CHEVALLARD en 1997. Selon lui, une question est socialement
vive lorsqu'elle prend une forme scolaire et fait l'objet de débats
relatifs aux savoirs savants de référence dans la sphère
scientifique, mais aussi dans la sphère médiatique et sociale.
Les questions socialement vives sont des questions que se pose une
société. Dans le cadre de notre étude, la
société actuelle se demande s'il ne serait pas judicieux de
revenir à une école qui ressemblerait à l'école de
la IIIème République. Cette école et ses
finalités demeurent, aujourd'hui encore, un idéal.
91
56 LELIEVRE, Françoise, Histoire de la scolarisation
des filles, Paris, Nathan, 1991.
92
CONCLUSION :
Ainsi, ce mémoire rédigé dans le cadre de
la validation du Master des Métiers de l'Enseignement, de
l'Éducation et de la Formation visait à comprendre quel est le
rôle de l'enseignant français dans la formation civique des
élèves depuis la IIIème République.
L'histoire de l'éducation, et plus particulièrement de la
création de l'école républicaine de Jules FERRY qui
intervient dans un contexte particulier nous permet de comprendre comment les
enseignants sont formés pour assurer cette mission.
L'étude de l'histoire des Écoles Normales nous a
permis de voir que la formation des enseignants est récente. Si les
philosophes des Lumières réclamaient la mise en place d'une
réelle formation pour les enseignants du primaire dès le
XVIIIème siècle, il a fallu attendre 1808 pour que le
décret de création des Écoles Normales d'instituteurs soit
promulgué. Malgré cela, les Écoles Normales peinent
à se mettre en place et les institutrices en sont exclues. Il a fallu
attendre 1833 et la loi Guizot pour qu'une loi oblige chaque département
à entretenir une École Normale de garçons. À partir
de 1836 cette mesure est étendue aux Écoles Normale
d'institutrices. Malgré ces obligations, la mise en place de ces
infrastructures s'avère difficile. Nombreux sont les départements
qui ne respectent pas cette loi. C'est le cas notamment pour la Marne qui
possède une École Normale de garçons depuis 1838 et qui ne
possède toujours pas d'école pour les institutrices. Ainsi, en
1979, soit plus de quarante ans après les lois GUIZOT, on recense encore
huit départements dépourvus d'Écoles Normales
d'instituteurs et soixante-sept départements dépourvus
d'Écoles Normales d'institutrices. À son arrivée au
Ministère de l'Instruction Publique en 1879, Jules FERRY rend
obligatoire l'ouverture d'une École Normale de garçons et d'une
École Normale de filles dans chaque département dans un
délais de quatre ans. C'est dans ce contexte que naît
l'École Normale d'institutrices de la Marne implantée à
Châlons-sur-Marne.
L'étude des archives de l'École Normale
d'institutrices de Châlons-sur-Marne nous a permis de mieux comprendre
comment l'État s'est servi de la formation des enseignants comme moyen
d'enracinement de la IIIème République. L'exemple de
l'École Normale de la Marne montre comment ces infrastructures
permettaient de forger des enseignants patriotes. Le contenu des cours, de
l'histoire à l'instruction morale et civique en passant par les
conférences pédagogiques était choisi pour éveiller
le sentiment patriote et républicain des futurs enseignants. Cette
formation leur permet ensuite d'assurer la formation civique de leurs
élèves.
93
La IIIème République naît en
1870 dans un contexte de guerre et connaît des débuts difficiles.
Ses dirigeants sont donc à la recherche de moyens qui leur permettraient
d'asseoir leur régime politique. La formation des enseignants et plus
largement l'école devient rapidement un outil d'affirmation de la
République. Pour ce faire, une série de lois scolaires est
adoptée entre 1880 et 1905. Jules FERRY rend l'école primaire
obligatoire pour tous les enfants âgés de six à treize ans.
Cette obligation ne pouvait s'opérer que grâce à la
gratuité. Ces mesures s'expliquent par le fait que les membres du
gouvernement considèrent que le manque d'instruction et
d'éducation est à l'origine de la défaite de Sedan face
à l'Armée allemande. De plus, les Républicains souhaitent
affaiblir l'emprise de l'Église sur la société. Les cours
d'instruction civique et morale permettent d'instaurer un catéchisme
républicain qui se substitue au catéchisme religieux. Le
processus de laïcisation de la société s'opère
à partir de 1881 et s'achève en 1905, à la fin de notre
étude, avec la séparation de l'Église et de
l'État.
L'enseignement de l'histoire occupait une place centrale dans
les programmes scolaires de la fin du XIXème siècle.
Il avait pour objectif de former des citoyens patriotes sous la
IIIème République. Les valeurs républicaines
étaient au coeur des leçons d'histoire. La principale valeur
enseignée était la liberté, héritage des
Lumières. La liberté, et notamment la liberté de
pensée, liberté de culte, liberté d'expression sont
présentées comme des moyens d'échapper à l'emprise
de l'Église. Dans les manuels scolaires d'histoire de cette
époque, la France est présentée comme grande, courageuse
et indétrônable. Les instituteurs et institutrices avaient pour
mission de transmettre ces idées, et de sensibiliser leurs
élèves aux valeurs républicaines. Ils ne devaient pas se
contenter de transmettre des connaissances sur la France, mais ils devaient
avant tout faire aimer la France.
L'analyse de la formation des institutrices au sein de
l'École Normale de Châlons-sur-Marne, des finalités et
enjeux de l'enseignement de l'histoire sous la IIIème
République ainsi que des moyens pédagogiques mis à la
disposition du personnel enseignant nous amène à
réfléchir sur nos pratiques sociales, culturelles et
professionnelles. Généralement présentée comme un
idéal, l'école de l'époque de Jules FERRY possède
également des failles souvent passées sous silence. Les
recherches aux archives départementales montrent notamment les
faiblesses de la formation didactique prodiguée aux
élèves-maîtresses. En effet, peu de cours leur sont
donnés pour faire face aux problèmes de gestion des
élèves, pour préparer les cours... Cette étude nous
amène également à nous interroger sur la place de
l'histoire dans les programmes depuis la IIIème
République. Nous avons vu que les Républicains contemporains de
Jules FERRY accordaient une place importante à
94
l'histoire, et que depuis plusieurs années, sa place au
sein des programmes ne cesse de diminuer. Cela va en contraction avec la
volonté de renouer avec l'attachement républicain et les valeurs
républicaines prônée par le Ministère de
l'Éducation Nationale.
Ce mémoire m'a également permis de
réfléchir sur mes pratiques professionnelles en tant que
professeure d'histoire-géographie. Tout d'abord, il m'a permis de mieux
comprendre comprendre l'évolution des enjeux et finalités de
l'enseignement de l'histoire. Sous la IIIème
République, l'enseignement des valeurs républicaines et de
l'histoire servait à renforcer l'amour de la patrie, le
dévouement du peuple et également l'esprit de revanche.
Aujourd'hui, l'enseignement des valeurs républicaines passe
essentiellement par l'apprentissage de la laïcité. Les valeurs sont
enseignées pour souder la Nation, pour contribuer à la formation
civique des élèves et surtout pour développer leur esprit
critique.
Ensuite, ce mémoire m'a également permis de
réfléchir sur les méthodes pédagogiques
utilisées par les les enseignants d'histoire pour assurer leurs cours et
susciter l'intérêt de leurs élèves. Les travaux
menés par des didacticiens m'ont donné de nouvelles idées
pour le déroulé de mes cours. Je retiendrai notamment
l'idée d' Alexandre BERTHON-DUMURGIER et de ses « ateliers
d'apprentis ». Il conçoit les séances de cours comme des
ateliers dans lesquels les élèves jouent le rôle
d'apprentis et participent pleinement à la construction de leurs
apprentissages. Cette technique permet de rendre les élèves
pleinement acteurs et permet ainsi de pallier à leur passivité et
désintéressement ponctuels. Ce mémoire m'a
également permis de m'interroger sur la construction des programmes et
manuels scolaires. Tout au long de mes recherches, j'ai eu accès
à des documents extraits de manuels scolaires et à des sources
qui pourront m'être utiles dans la construction de mes prochaines
séquences. Certains documents iconographiques m'ont permis de me rendre
compte qu'il était parfois plus simple d'enseigner certaines valeurs
abstraites pour les élèves, comme la laïcité, en
ayant recours à des images.
Enfin, ce mémoire m'a permis de prendre goût au
travail mené à partir de sources trouvées dans les
archives. Ce mémoire, venant clore mon cursus scolaire, m'a offert la
possibilité de vivre, l'espace de quelques mois, le travail
d'enquêteur mené par les historiens. Il me donne envie de
continuer les investigations à titre personnel et professionnel au sein
des archives. J'envisage à l'avenir de consulter davantage les archives
et d'utiliser certaines sources en classe afin de rendre certaines
études plus concrètes pour les élèves.
95
ANNEXES & TABLE DES ILLUSTRATIONS.
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96
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97

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98
TABLE DES ILLUSTRATIONS :
Illustration de couverture : Jean GEOFFROY, En classe, le
travail des petits, 1889.
http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/henri-jules-jean-geoffroy_en-classe-le-travail-des-petits
Illustration 1: Liste des aspirantes pour l'année
1881-1882. 1T1840 31
Illustration 2: Horaires en cycle 3 (BO du 10/02/2002) 58
Illustration 3: Répartition horaire au collège
60
Illustration 4: La place de la IIIème
République dans les programmes de 4ème (BO du 26/08/2008) 61
Illustration 5: Exemple d'une étude de personnage dans
Le Tour de la France par deux enfants 67
Illustration 6: Couverture de l'Histoire de France,
Ernest LAVISSE 69
Illustration 7: Extrait de l'Histoire de France d'Ernest
LAVISSE, chapitre: "De Napoléon à
aujourd'hui", numérisation de Gallica. 71
99
BIBLIOGRAPHIE :
· Sources :
* Sources primaires :
- Archives départementales de la Marne, 1 T 1840.
- Archives départementales de la Marne, 1 T 1841. -
Archives départementales de la Marne, 1 T 1842. - Archives
départementales de la Marne, 1 T 1843.
- Archives départementales de la Marne, 1 T 1861. -
Archives départementales de la Marne, 1 T 1862 - Archives
départementales de la Marne, 1 T 1866.
- BRUNO, G. Le Tour de la France par deux enfants,
Paris, Éditions Belin, 1877.
- LAVISSE, Ernest, Histoire de France, ouvrage
numérisé par Gallica :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k648847/f8.item.langFR.zoom
- VALLES, Jules, L'Enfant, Paris, Livre de Poche,
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