La cour pénale internationale et les juridictions internes des états( Télécharger le fichier original )par Serges NDEDOUM Université de Dschang - Master 2014 |
INTRODUCTION GÉNÉRALE« La Cour est un gage d'espoir pour les générations futures qu'elle devrait protéger contre les crimes épouvantables dont leurs ancêtres ont été victimes »1(*). C'est en ces termes que M. Kofi ANNAN, alors Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies (ONU), saluait l'avènement de la Cour Pénale Internationale (CPI) après l'adoption de son statut aux termes de la conférence diplomatique qui s'est tenue du 15 juin au 17 juillet 1998. Le monde a connu en effet des atrocités entre le XVème et le XXème siècle. Et l'an 1474 marque l'année du tout premier procès international de l'histoire2(*). Il s'agissait du procès de Peter Von HAGENSBACH3(*), Grand Bailli4(*) d'Alsace5(*), serviteur de Charles le Téméraire, jugé pour ce que l'on appelle aujourd'hui crimes de guerre. Les souverains des cités voisines l'ont déclaré coupable. Ce procès a sans doute servi à légitimer le tribunal de Nuremberg. Ainsi les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale compareront le comportement de Von Hagenbach à celui des Nazis au milieu du XXème siècle6(*). Le XXème siècle apparait ainsi dans l'histoire comme un siècle qui a donné une place très importante au Droit Pénal International. Les crimes commis par les Nazis en Europe et les Japonais en Extrême-Orient ont conduit les alliés, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, à la création du Tribunal Militaire International de Nuremberg par l'accord de Londres du 08 août 1945 et le Tribunal de Tokyo7(*) par une déclaration du Commandement suprême des Forces alliées le 19 janvier 1946. Nuremberg et Tokyo étaient des juridictions des vainqueurs. Le déroulement des procès et les jugements rendus ont paru aux yeux de certains comme une parodie de justice. La récurrence des conflits, caractéristique essentielle du XXème siècle connu d'ailleurs comme le siècle le plus meurtrier de l'histoire de l'humanité8(*), a accéléré la prise de conscience. Ce qui a conduit au développement du droit pénal international. Dans cette logique, Winston CHURCHILL présageait déjà une répression de ces atrocités, car dans une déclaration faite devant la Chambre des communes du Royaume Uni de Grande-Bretagne le 25 octobre 1941, il affirma que : « ces exécutions d'innocents, faites de sang-froid ne pourront que retomber sur les sauvages qui les ordonnent et sur les exécutants (...) »9(*). Au-delà d'une indignation devant la barbarie humaine, cette phrase de l'ancien Premier Ministre britannique résonne comme un véritable appel à la fin de l'impunité des auteurs et complices des crimes les plus graves, touchant à l'ensemble de la Communauté Internationale. Elle conserve toute son actualité en ce XXIème siècle où les conflits armés affectent encore dans bien de pays. C'est dans cette dynamique que l'idée d'un tribunal pénal international a évolué, non sans difficulté jusqu'à l'avènement de la Cour pénale internationale par la signature du traité de Rome en 1998. En effet, depuis 1945, la justice pénale internationale a évolué. L'on est passé de tribunaux ad hoc10(*) (juridictions hybrides et ponctuelles) créés par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, à une Cour pénale internationale (juridiction permanente). Historiquement, la première proposition de création d'une Cour pénale internationale a été présentée par Gustave MOYNIER en 1872. Mais l'Institut de droit international de cette époque l'a repoussée en 1885, la jugeant trop hâtive. Les véritables tentatives en vue de créer une instance pénale internationale remontent à la fin de la Première Guerre Mondiale11(*). Après cette guerre, les idées convergent vers l'établissement d'une juridiction composée de juges appartenant à plusieurs pays. Seulement, il s'agit des nations victorieuses de la guerre cherchant à « punir les ennemis qui, pendant la guerre, se sont rendus coupables des violations des principes du droit des gens tel qu'il résulte des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique12(*) ». Le Traité de paix de Versailles voit le jour et constitue, à l'égard des Puissances Alliées, l'instrument de mise en accusation de l'ex-Empereur d'Allemagne Guillaume II pour offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des Traités13(*). Il prévoit la constitution du Tribunal spécial qui jugera l'accusé dans les garanties du droit de la défense. Malheureusement, ce tribunal ne verra pas le jour, le principal mis en cause ayant bénéficié du droit d'asile14(*). Les efforts en vue de créer une instance pénale internationale sont restés ainsi vains jusqu'après la Seconde Guerre. C'est le 08 août 1945, date à laquelle est conclu l'Accord de Londres concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe auquel est joint le Statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg, qui marque la création de la première juridiction pénale internationale. Peu de temps après, le Tribunal Militaire International de Tokyo « pour le juste et prompt châtiment des grands criminels de guerre de l'Extrême-Orient » voit le jour. Ces tribunaux militaires internationaux furent ainsi les premières concrétisations des idées de la création d'une juridiction criminelle internationale. Seulement, il y a eu des contestations sur le caractère véritablement international de ces tribunaux. D'aucuns les considéraient comme des juridictions appartenant aux États vainqueurs de la Seconde Guerre. Malgré tout, ils ont ouvert une brèche après la Guerre aux Associations de Juristes et Experts pour insister sur l'importance de l'établissement d'une véritable juridiction pénale internationale. De ce fait, la Commission du Droit International s'est vu attribuer la mission prioritaire d'examiner ou du moins d'entreprendre à nouveau15(*) l'élaboration d'un projet de Statut d'une juridiction pénale internationale en 1992 sur recommandation de l'Assemblée Générale. Ce qui a été fait en 1994. Ce projet servira de document de base, de référence lors de la conférence des plénipotentiaires tenue à Rome aux mois de juin et de juillet 1998 à l'issue de laquelle le Traité de Rome est adopté instituant une Cour Pénale Internationale permanente. Mais avant et en l'absence d'une juridiction pénale permanente, le Conseil de Sécurité avait créé deux Tribunaux ad hoc, pour juger les auteurs des grands massacres perpétués en ex-Yougoslavie à partir de 1991 et au Rwanda en 1994. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) est mis sur pied en 1993 par les résolutions 808 et 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il est chargé de poursuivre les responsables des crimes les plus graves perpétrés sur ce territoire depuis le 1er janvier 199116(*). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) quant à lui fut créé en 1994 par la résolution 955 du Conseil de Sécurité. Il est compétent pour juger les responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire rwandais et des États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Plus tard, d'autres juridictions pénales internationales qualifiées de mixtes verront le jour. Il s'agira ainsi du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL), créé le 16 janvier 2002 en vue de juger les crimes commis durant la guerre civile de Sierra Leone depuis 1996 ; le Tribunal Spéciale des Nations unies pour le Liban créé le 14 février 2005 par la résolution 1757 du Conseil de Sécurité. Tous ces Tribunaux sont temporaires et ont des compétences limitées et parfaitement définies. Ils sont appelés à disparaître un jour, notamment après l'achèvement de leur mission. C'est pour cette raison que la Communauté Internationale trouva la nécessité de créer une juridiction internationale pénale permanente : la Cour Pénale Internationale. La Cour Pénale Internationale est une juridiction permanente chargée de juger les personnes et non les États. Ces derniers relèvent de la compétence de la Cour internationale de justice. La Cour est créée par le Traité de Rome signé le 17 juillet 1998. Elle a été officiellement instaurée le 1er juillet 2002, date de son entrée en vigueur. Elle est compétente pour connaitre des infractions internationales commises après l'entrée en vigueur du Statut. Les infractions dont cette juridiction est appelée à connaître sont des infractions qui portent atteinte à l'ordre public international que l'on qualifie d'infractions internationales. Au plan international, le problème de l'ordre public prend de l'ampleur, les États devant s'entendre pour la commune protection de l'ordre public international. « L'ordre public traduit les exigences fondamentales de la vie d'une société ». La société internationale est formée d'États souverains. Et de cette union d'États, découle le concept d'ordre public international que Claude LOMBOIS décline comme « l'ensemble des règles impératives dont dépend le maintien de la coexistence organisée des États souverains »17(*). Une infraction internationale se distingue des autres types d'infractions qu'on peut qualifier « d'infractions nationales ». Les auteurs s'accordent tous sur l'élément spécifique des infractions internationales qui est en réalité l'élément d'extranéité. Cet élément est le point de catégorisation des infractions internationales comme l'on peut le percevoir dans la définition que Claude LOMBOIS donne au droit pénal international : « branche spéciale du droit pénal qui fixe les modalités particulières de son application aux situations présentant un élément d'extranéité ». Mais au final qu'est-ce vraiment une infraction internationale ? D'après Stefani GLASER, une infraction internationale est « un fait contraire au droit international et, de plus, tellement nuisible aux intérêts protégés par ce droit qu'il s'établit dans les rapports entre États une règle lui attribuant un caractère criminel, c'est-à-dire exigeant ou justifiant, qu'on le réprime pénalement »18(*). En clair, il se dégage une double définition de l'infraction internationale à la fois négative et positive. De manière négative, une infraction internationale n'est pas une infraction de droit interne. L'infraction de droit interne est une violation de loi, d'un ordre qui porte atteinte à l'ordre social d'un État donné. Du point de vue positif, une infraction serait internationale si elle entretient des points de contact avec plusieurs ordres juridiques. C'est une infraction qui comporte un élément d'extranéité, tel par exemple la différence de nationalité entre le mis en cause et la victime ou l'extraterritorialité de l'infraction. Elle est également celle qui porte atteinte à l'ordre répressif international peu importe si elle a ou non des points de contact avec des ordres juridiques différents. On fait généralement allusion dans ce cas aux infractions qui constituent des « atteintes graves au droit humanitaire »19(*) et/ou troublent la paix mondiale, la morale internationale. Dans son champ d'application, le droit international renferme deux catégories d'infractions internationales, à savoir les infractions internationales par le seul mode d'incrimination et les « infractions internationales par nature » ou « infraction internationales matérielles » ; les premières sont une catégorie d'infractions relevant du droit commun des États. Ces derniers sont compétents pour les réprimer d'après leur propre législation interne et traités sans égard au problème de concours de compétence avec des législations étrangères. Seulement, lorsqu'un élément constitutif desdites infractions est commis sur un autre territoire, se pose alors le problème de la législation nationale compétente. La solution est aujourd'hui aisée à établir à travers la reconnaissance par les lois des États des différents titres de compétences. La compétence territoriale20(*) est celle d'après laquelle chaque État réprime les infractions commises sur son territoire sans égard à la nationalité de l'auteur ni à l'intérêt protégé. Le principe de la réalité donne compétence à la loi d'un État pour des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux dudit État commises même à l'étranger par les étrangers. Le principe de la personnalité confère la compétence à la loi d'un État pour les infractions commises à l'étranger par ses nationaux ou contre ces derniers. Le principe de compétence universelle permet à la loi d'un pays de réprimer les infractions commises n'importe où dans le monde quel qu'en soit l'auteur21(*). La mise en oeuvre de ces différents titres de compétence empêcherait tout auteur d'infraction d'échapper aux sanctions. Déjà même, le droit international s'est donné l'obligation d'intervenir dans le champ de la répression des infractions internationales par le seul mode d'incrimination. Celles-ci sont aujourd'hui parfaitement reconnues et définies par grand nombre de textes et conventions internationaux22(*) qui font obligation aux États-parties de les intégrer dans leur législation nationale et d'en fixer les peines applicables. Certains auteurs distinguent dans la catégorie des infractions internationales par le seul mode d'incrimination selon que la répression vise la protection des personnes ou la sauvegarde de la sécurité des biens et des transactions23(*). De cette distinction, il résulte que les infractions du genre torture, trafic des esclaves, trafic des personnes, travail forcé font partie du premier volet de cette catégorie à savoir la protection des personnes, alors que la seconde englobe entre autres, la fabrication et le trafic de la fausse monnaie, trafic de stupéfiants, la corruption et le blanchiment des produits du crime, etc. Quelle qu'en soit la catégorie, les auteurs de ces infractions ne seront pas à l'abri des sanctions. Les procédés internationaux d'entraide judiciaire favorisent le renforcement de la répression desdites infractions par des juridictions pénales des États. Pour cette raison, elles ne retiendront pas notre attention tout au long de ce travail. L'analyse sera uniquement centrée sur les « infractions internationales par nature » car elles relèvent de la compétence de la CPI. Et bien plus elles font partie des crimes les plus graves qui secouent la planète. L'actualité en droit international moderne actuel fait l'objet d'opinions discordantes relatives à l'entente sur leur répression commune. En ce moment même, les voix sont entendues un peu de partout dans le monde pour dénoncer les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et contre la paix. Il est certes vrai que les «débats relatifs à la répression pénale restent des débats internes traduisant la suprématie de la souveraineté pénale nationale. Le droit international, aussi surprenant que cela puisse paraître, ignore, en tant que tel, la peine. Les sanctions pénales relèvent de la seule compétence nationale »24(*). Mais il existe une catégorie d'infractions internationales qui portent atteinte au droit international humanitaire telles que les crimes contre l'humanité dont le droit international pénal prévoit des sanctions y relatives et une autorité habilitée à les prononcer sans toutefois renier la souveraineté et la compétence des États. Les infractions internationales par nature ou matérielles sont à première vue des crimes de droit commun. Seulement, leur particularité et leur extrême gravité ont permis de donner une autre coloration à cette catégorie de crimes. Ce qui oblige la Communauté Internationale à renvoyer éventuellement les auteurs desdites infractions devant les juridictions pénales internationales, plus précisément la Cour pénale internationale. Il s'agit du génocide25(*), des crimes contre l'humanité26(*), des crimes de guerre27(*) et du crime d'agression28(*). Dans le souci de lutter contre la criminalité dans le monde et de ne pas laisser certains crimes impunis, ces nouvelles juridictions entretiennent des relations avec les juridictions nationales. Dans le cadre de ce travail, l'on se limitera à l'étude de la Cour Pénale Internationale car son statut prévoit qu'elle est une cour permanente et sa création est subordonnée à la présence des États. Aussi, serait-il judicieux de rappeler ici que la relation CPI et juridictions nationales s'inscrit dans le cadre d'une coopération judiciaire que l'on désigne généralement sous le nom d'entraide répressive internationale. Il y a en effet, deux sortes d'entraide répressive, l'horizontale et la verticale. La première, à savoir l'entraide répressive horizontale, peut être définie comme étant « l'ensemble des moyens par lequel un État prête le concours de sa force publique ou de ses institutions judiciaires à l'instruction, au jugement ou à la répression d'une infraction par un autre État »29(*). Cette forme d'entraide n'intéresse que les relations entre États. Par contre, la seconde qui est l'entraide répressive verticale, s'intéresse aux relations juridictions internationales et internes, telle la relation entre la CPI et les juridictions nationales. Seule l'entraide verticale sera prise en compte ici, car elle relève de la coopération entre la CPI et les juridictions nationales. Cette coopération fait elle-même partie du vaste ensemble qu'est le droit pénal international que nous définirons dans un sens large comme étant la « branche du droit criminel qui règle l'ensemble des problèmes pénaux qui se posent sur le plan international. »30(*). Le droit pénal international englobe non seulement le droit pénal substantiel, mais aussi la procédure. Pour revenir à l'entraide répressive internationale sus-évoquée, retenons qu'en plus de la forme principale qui est l'extradition31(*), il en existe d'autres telles que la reconnaissance et l'exécution des sentences pénales étrangères, la collaboration policière internationale32(*), la collaboration judiciaire. Le sujet Cour Pénale Internationale et les juridictions internes des États, est un moyen ici de creuser davantage les rapports qui peuvent exister entre ces deux ordres de juridictions. Pour une meilleure compréhension de ce sujet, la définition de la notion de juridictions des États s'avère nécessaire. L'expression juridictions internes des États renvoie encore aux juridictions nationales. Selon le Lexique des termes juridiques de Valérie LADEGAILLERIE, une juridiction est synonyme de tribunal dans un sens purement procédural. Autrement une juridiction est un tribunal pris en tant que service public de l'État ayant pour but de juger les différends qui lui sont déférés. En droit positif camerounais, l'appellation juridiction s'étend aux juridictions arbitrales et aux juridictions spéciales telles que la haute cour de justice, le tribunal criminel spécial. Les juridictions spéciales s'opposant aux juridictions de droit commun qui peuvent s'entendre comme étant, une juridiction qui a compétence générale pour statuer sur tous types de litiges, dans toutes matières, sauf lorsqu'aucune compétence spéciale n'est expressément attribuée à une autre juridiction. En matière pénale, on a le tribunal de police, le tribunal correctionnel et le tribunal criminel comme juridiction de droit commun au premier degré. La juridiction d'un tribunal est aussi l'étendue territoriale de sa compétence. L'étude des juridictions internes des États ne portera que sur les juridictions nationales pénales des États membres au Statut de Rome, compétentes pour connaitre des infractions qualifiées de crime au sens des législations tant nationales qu'internationales. Au jour d'aujourd'hui, le Statut de Rome qui institue la Cour compte 121 pays33(*). En ce qui concerne celles des États non parties, nous y mènerons une analyse, non pas parce qu'elles ne font pas partie du Statut mais seulement du fait qu'elles appartiennent à la Communauté Internationale. Au regard de l'exposé fait plus haut qui avait pour but de définir et de comprendre le sujet, il se pose un problème ; celui de la nature des rapports qui existent entre la CPI et les juridictions nationales. De ce problème, se dégage une question, celle de savoir quel rapport la CPI entretient-elle avec les juridictions internes des États ? Il existe deux intérêts à analyser cette problématique, à savoir les intérêts d'ordre politique et juridique. Sur le plan politique, l'on sait au préalable que la volonté de la Communauté Internationale, la contribution des gouvernements du monde concourent au maintien de la paix. Cette étude permettra de mieux comprendre les rapports de forces entre les États et la Communauté Internationale. Sur le plan juridique, il existe des dispositions répressives tant au niveau des États qui ont intégré les infractions internationales dans leur législation qu'au niveau de la CPI, ce qui réduit beaucoup les risques d'impunité. Aussi, pouvons-nous dire que sur ce plan, la coopération judiciaire peut constituer un indice intéressant permettant de juger le degré d'engagement aussi bien de la Cour que des États membres dans le processus de répression des crimes et réparation des dommages subis au vu de la sensibilité de ce domaine. L'étude de ce sujet permettra sans doute, d'édifier l'ensemble de la Communauté Internationale sur les questions de coopération entre la Cour et les juridictions nationales. Pour mener à bien ce travail, deux méthodes se révèlent essentiellement capitales. Il s'agit notamment des méthodes exégétique et casuistique. La première permettra de s'appesantir particulièrement sur l'étude des différents textes relatifs au droit pénal international et aux droits de l'Homme. La méthode exégétique est tributaire de la nature même du sujet qui nous impose une lecture minutieuse des divers corpus sur la procédure pénale internationale sous l'angle de la coopération judiciaire. Cette méthode exégétique sera complétée par la seconde à savoir la casuistique, qui commandera de prendre appui sur la jurisprudence afin d'apprécier l'efficacité de cette coopération. En revenant sur la problématique posée ci-dessus, l'on peut se référer au Statut de Rome et les autres textes subséquents pour se rendre compte de ce que les rapports qui existent entre la CPI et les juridictions nationales ont une nature double. La première nature relève d'un rapport de complémentarité en matière de compétence. La seconde quant à elle, concerne les rapports d'entraide répressive verticale en matière de poursuites. Ainsi, pour mieux rendre compte de la relation CPI et juridictions nationales, il sera envisagé dans la première partie de ce travail, la complémentarité en matière de compétence et dans une seconde, la collaboration en matière de poursuites. Première partie : La complémentarité de compétence entre la Cour et les juridictions nationales Seconde partie : La collaboration entre la Cour et les juridictions nationales en matière de poursuites * 1 Propos de l'ex-Secrétaire Général des Nations Unies au sujet de l'avènement de la Cour pénale internationale cités dans le journal le Monde du 04 août 1998. * 2 Gordon, Gregory S, the trial of Peter Von Hagenbach : Reconcilling history, historiography, and international criminal law, February 16, 2012. Available at SSRN: http//ssrn.com/abstract=2006370 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2006370, p.3. * 3 ou Pierre de HAGENBACH ou Pierre d' ARCHAMBAULT. * 4 Au Moyen Age, dans la France du Nord, cette expression désigne un officier remplissant les fonctions judiciaires, militaires et financières au nom du Roi. Elle désigne également le titre que portaient certains magistrats, en Italie, en Suisse, en Allemagne. (V. Le Dictionnaire Universel francophone) * 5 Région historique de France. Au IVèmes, les Alamans s'en emparent. Après le traité de Verdum en 843, la région revient à l`Allemagne en 870. Dès le XIIèmes., elle connait une prospérité économique, puis culturelle. La guerre de Trente Ans la dévaste et elle est réunie à la France en 1648. En 1871, elle devient allemande, entre 1919 et 1940 elle devient française, puis allemande, et enfin française en 1945. * 6 Gordon, op cit, p.10. * 7 Le Tribunal Militaire International pour l'Extrême-Orient a été créé le 19 janvier 1946 par la proclamation spéciale du général américain Marc Arthur, Commandant suprême des puissances alliées. Mais des considérations politiques ont empêché la mise en accusation de l'empereur du Japon HIRO-HITO comme criminel de guerre (décision motivée par la nécessité de préserver son image, du moment où il avait accepté sans condition la capitulation du Japon. En revanche, pour des raisons quasi personnelles liées à la guerre aux Philippines, le général Marc Arthur ordonna le procès du général japonais Tomoyuki Yamashita, tenu pour responsable et condamné pour les actes de ses subordonnés dont il n'avait pourtant pas eu connaissance. * 8 TINE (A.), La Cour pénale internationale, l'Afrique face au défi de l'impunité, Dakar, Ed. Raddho, P13. * 9 SZUREK (S.), La formation du droit international pénal, Ascensio (H.), DECAUX (E.) et PELLET (A.) (dir), Droit international pénal, Paris, Ed. Pedone, 2000, P.7. * 10 Un Tribunal Pénal International ad hoc est un tribunal qui dispose d'une compétence limitée à une situation de crise spécifique. Le conseil de sécurité de l'ONU en a créé deux. Un pour l' ex-Yougoslavie en 1993 et l'autre pour le Rwanda en 1994. Voir en ce sens MAHOUVE (M.), in les juridictions pénales internationales, Juridis périodique n° 59, juillet-août-septembre 2004, p.13. * 11 La Rosa (A-M.), Juridictions pénales internationales : La procédure et la preuve, PUF, mars 2003, p.11. * 12 La Rosa (A-M.), ibid. p.12. * 13 Voir l'art. 227 du Traité de paix de Versailles. * 14 Les Pays-Bas ont refusé d'extrader Guillaume II de HOHENZOLLERN, ex-Empereur d'Allemagne et principal responsable de la guerre. Ils ont soutenu que l'infraction était de nature politique et ne figurait pas dans la loi néerlandaise. * 15 Ce projet est amorcé depuis le 08 août 1948 mais abandonné. La Commission est à nouveau requise alors qu'elle est en ce temps (1992) commise pour élaborer un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. * 16 Il s'agit des crimes relatifs à l'épuration ethnique et les viols érigés comme armes de guerre en ex-Yougoslavie perpétrés entre 1991-1993. * 17 LOMBOIS (C.), Droit pénal international, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1979, n°415, p.13. * 18 GLASER (S.), Introduction à l'étude du droit international pénal. P.11. cité par TAKAFO Léon, La répression des infractions internationales matérielles, Mémoire de Master II, Université de Dschang, 2011, p.3. * 19 KEUBOU (Ph.), Les crimes contre l'humanité en droit camerounais, Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, édition spéciale « droit de l'homme », t4, 2000, p.77 et Ss. * 20 Art. 7 al.1 du CPC : « La loi pénale de République s'applique à tous les commis sur son territoire ». * 21 Art. 11 du CPC : « La loi de la République s'applique à la piraterie, au trafic de personnes, à la traite des esclaves, au trafic des stupéfiants commis même en dehors du territoire de la République ». * 22 V. Convention de l'ONU du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; Convention du 25 septembre 1926 sur la traite des esclaves et celle du 07 septembre 1956 relative à l'abolition de l'esclavage. * 23 KEUBOU (Ph.), Le droit pénal Camerounais et la criminalité internationale, Thèse de doctorat/ PhD, en cotutelle entre l'Université de Dschang et l'Université de Poitiers, octobre 2012, p.38. * 24 BAUCHOT (B.), Sanctions pénales nationales et droit international, Thèse de Doctorat, Université de Lille, décembre 2007, p.11. * 25 Art.6 du Statut de Rome. * 26 Art.7 du Statut de Rome. * 27 Art.8 du Statut de Rome. * 28 La Cour exerce sa compétence au regard de ce dernier crime depuis la définition du crime d'agression dégagée d'après l'al.2 l'art.5 du Statut, par la conférence de révision du Statut tenue à Kampala en 2010. * 29 LOMBOIS (C.), Droit pénal international, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1979, n°415, p.537 * 30 -Huet (A.) Koering Joulin (R.), Droit pénal international, 3ème édition, Paris, PUF 2005, n°1, p.1. * 31 « Mécanisme juridique par lequel un État (l'État requis), sur le territoire duquel se trouve un individu, remet ce dernier à un autre État (l'État requérant) afin qu'il le juge (extradition à fin de jugement) ou lui fasse exécuter sa peine (extradition à fin d'exécution). Voir Huet A., op.cit, n°255, p.397 * 32 Voir en ce sens Dongmo Tiodon (P.P), La coopération policière dans la zone CEMAC, Thèse de Master, Université de Dschang, 2012. * 33 Parmi ces 121 pays on compte 31 pays membres du groupe des États d'Afrique ; 19 sont des États d'Asie et du Pacifique ; 18 sont des États d'Europe Orientale ; 28 sont des États d'Amérique Latine et des Caraïbes et 25 sont membres du groupe des États d'Europe Occidentale et autres états. |
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