La cour pénale internationale et les juridictions internes des états( Télécharger le fichier original )par Serges NDEDOUM Université de Dschang - Master 2014 |
Paragraphe2- L'intervention du Conseil de Sécurité des Nations UniesIl convient de savoir à quel titre intervient le Conseil de Sécurité(A) et quels types de mesures il pourrait mettre en oeuvre en réaction à la violation de l'obligation de coopérer (B). A- La Cour et le Conseil de sécurité : Une plus grande probabilité de sanctions effectivesD'emblée, contrairement aux tribunaux pénaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, la CPI n'est pas un organe créé par le Conseil de Sécurité. Il n'existe donc aucun lien quelconque de subordination de la première au second. En outre, ces deux organes ont des finalités différentes. La CPI, organe judiciaire a pour ambition de lutter contre l'impunité par la poursuite des auteurs de crimes internationaux, tandis que le Conseil de Sécurité organe politique se voit confier le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Cependant, la compétence rationae materiae de la Cour couvre des crimes qui surviennent, dans l'immense majorité des cas, dans des situations de conflits armés. En outre, ces crimes sont généralement commis dans des cas de menace ou de rupture de la paix et de la sécurité internationales, domaine de prédilection du Conseil de Sécurité. La Cour devra donc s'intéresser à des situations qui relèvent principalement du Conseil de sécurité. Il va sans dire que, de ce point de vu, les deux institutions vont oeuvrer sur les mêmes terrains. Les objectifs de justice de l'une et de paix et sécurité de l'autre seront donc amenés à se concilier pour un meilleur résultat. N'est-il pas vrai que la paix passe par la justice ? Il est donc tout à fait normal que les États aient voulu accorder au Conseil de sécurité un rôle dans l'activité de la Cour, sans pour autant lui conférer une main mise sur celle-ci. De plus, il n'est pas inutile de souligner que les États dans leur ensemble sont membres de l'ONU, qui elle-même est liée à la Cour par un accord de coopération en vue de mieux collaborer et coordonner leurs actions respectives. Il apparaît donc que les États membres de l'ONU ont en cette qualité une obligation de coopérer avec la Cour même s'ils ne sont pas parties à la Convention de Rome de 1998. Cette idée se justifie au regard des dispositions de la Charte des Nations Unies. En effet, selon la Charte « les membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle (...) ». En l'absence de dispositions spécifiques dans l'accord de coopération, il n'est pas contradictoire de dire que la collaboration avec la CPI, peut s'inscrire aussi dans les actions de l'Organisation au titre de ses innombrables missions. Cette obligation de coopérer avec la Cour pour les membres de l'ONU ne devrait toutefois être reconnue qu'en cas de résolution expresse des organes de décision des NU dans ce sens, précisément du Conseil de Sécurité. Ce pourrait être le cas lorsque la saisine émane de ce dernier agissant sur la base du chapitre VII de la Charte. Ceci s'explique par le fait que l'accord ne lie pas les États pris individuellement, mais l'ONU avec une personnalité distincte de celle de ses membres. La probabilité pour l'AEP de sanctionner les États qui ne coopèrent pas étant minime, il est important que le Conseil de sécurité puisse se montrer plus rigoureux. D'emblée, les États membres des Nations Unies ont une obligation en vertu de l'article 25 de la Charte de l'ONU d' « accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de Sécurité (...) ». De plus, la décision par le Conseil de saisir la Cour est prise en vertu du chapitre VII, ce qui lui donne encore plus d'autorité à l'égard des États195(*). De surcroît, les cas de recours au Conseil de sécurité sont limités aux situations qui ont été déférées par lui. Le Statut veille en effet à limiter les interventions du Conseil aux cas qui entre dans sa compétence en matière de sanction196(*). Il n'intervient donc pour une éventuelle sanction que lorsqu'il est à l'origine de la saisine de la Cour. Faire intervenir le Conseil de Sécurité peut être une hypothèse qui présente plus de contraintes pour les États. Depuis la fin de la guerre froide, cet organe est devenu plus efficace dans son action et a acquis plus de dynamisme dans ses actions de maintien de la paix. En témoignent les nombreuses décisions et interventions dans les multiples conflits qui sont nés ou perdurent encore. Il apparaît en effet que les décisions du Conseil de Sécurité, notamment les sanctions à l'encontre d'États violant les règles internationales ont été dans leurs majorités effectives, et ont été entourées d'une autorité indéniable, même si leur efficacité n'a pas toujours été avérée. De la première crise du Golf aux conflits en Afrique, en passant par la création des tribunaux ad hoc, les États ont reconnu dans les décisions du conseil de sécurité des obligations dont il fallait veiller au respect197(*). Certes, le caractère éminemment politique et le mode de fonctionnement interne de cet organe jettent un léger discrédit sur ces actions. Cette réalité n'enlève rien au fait que le Conseil reste encore le seul organe disposant de moyens de sanction effectifs contre les pays de la Communauté Internationale. Au regard de la situation actuelle des enquêtes de la Cour où seulement une affaire sur les cinq est à l'initiative du Conseil, les cas où il pourra intervenir sont très peu nombreux. En conséquence, les situations de non coopération d'États qui viendront à être éventuellement sanctionnées risquent fort d'être limitées. * 195 V. le commentaire de l'article 25 de la Charte. Cf., COT (J.P.), PELLET( A.) et FORTEAU (M.), La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, Paris, Economica, 3è éd., Vol.1, p. 909. * 196 C'est-à-dire les cas qui entrent dans le champ du Chapitre VII de la Charte. * 197 Il convient d'ajouter aussi que la CPI n'est pas la première juridiction internationale à faire référence au Conseil de Sécurité. Ainsi, en vertu de la Charte (art. 94), un État peut recourir au Conseil pour obtenir de la partie adverse l'exécution de la décision rendue par la Cour internationale de justice à son encontre. Les circonstances sont certes différentes (La CIJ en un organe des NU, et c'est un État qui demande l'intervention du Conseil pour l'exécution d'un arrêt), mais ces deux situations se recoupent en ce sens que le Conseil est sollicité pour permettre le fonctionnement efficace d'une juridiction auquel l'application effective des décisions participe grandement. |
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