4.1. 4. Perceptions des changements climatiques
L'analyse de la dynamique du couvert végétal
mentionnée dans le discours des personnes enquêtées, c'est
également fait en cherchant à savoir si les populations locales
appréhendent à leur niveau l'état du climat. Cette
perception de l'évolution ou non, ou des modifications au niveau du
climat, est aussi étudiée à travers les discours des
populations relatifs aux risques climatiques et à leurs
différentes manifestations.
Il ressort des discours des personnes interrogées que
depuis plusieurs années, la ville de Ngaoundéré est
sujette à une modification du climat et à une forte
érosion des terres cultivables et pistes rurales.
Ngaoundéré se trouve être une zone où coexistent
plusieurs problèmes environnementaux dont les principaux pour les
populations sont la perte de la biodiversité et le changement
climatique, accroissant alors la vulnérabilité des populations.
Les risques climatiques que l'étude a identifiés à travers
la collecte des données à partir des observations et des
entretiens sont :
Dynamique et perception de la biodiversité
dans la ville de Ngaoundéré 105
+ Chaleur excessive
+ Pluies tardives et très fortes
+ Vents violents
+ Mauvaise répartition dans l'espace et dans le temps des
pluies.
+ Sécheresse
> Pluies tardives et très fortes
Les différentes manifestations des risques
identifiés ci-dessus et leur ampleur sont le mode par lequel les
populations perçoivent les changements climatiques dans la zone
d'étude
A Ngaoundéré, la saison pluvieuse commence
habituellement au mois d'avril. Mais, d'après les propos des populations
(agriculteurs), on assiste à un prolongement de la saison sèche
qui provoque donc un retard dans le démarrage de la saison des pluies.
Selon eux, cette dernière ne commence qu'à la fin du mois de juin
et même en juillet parfois, entrainant ainsi des troubles de production
agricole. Les propos d'un producteur interrogé à ce sujet,
illustre cet aspect.
« Les pluies ne vont plus jusqu'en Décembre
comme avant. Elles s'arrêtent déjà en Octobre. Donc on ne
fait plus les cultures à cycle long. On récolte vite avant la fin
des pluies. Mais ces pluies sont trop fortes »
Il ressort de ces propos que la saison pluvieuse est non
seulement tardive pour le démarrage mais elle se raccourcit de plus en
plus, elles provoquent un retard dans le démarrage des opérations
culturales.
« On a cru que les pluies avaient déjà
commencé, elles ne s'installent plus vite et perturbent les cultures. On
ne sait même plus quand ça commence réellement. Nous sommes
obligés d'attendre un peu et on fait des semis tardifs. Mais la pluie
s'arrête vite encore et entraîne un développement
végétatif incomplet des cultures »
Dynamique et perception de la biodiversité
dans la ville de Ngaoundéré 106
On peut dire que la frontière entre les saisons n'est
plus étanche. En effet, la saison des pluies ne s'installe plus au
moment propice et de plus elle connait une fin précoce ; empêchant
de ce fait la plupart des cultures de boucler leur cycle
végétatif.
? Chaleur excessive
Les chaleurs excessives sont un risque qui se manifeste par
une trop forte élévation des moyennes thermiques aussi bien
journalières, hebdomadaires que mensuelles et par un allongement de la
saison sèche. Harmattan, vent sec qui marque cette saison, devient moins
prononcé et s'étale moins dans le temps. La ville de
Ngaoundéré enregistre de plus en plus de fortes valeurs
thermiques pendant la saison sèche. Ces fortes températures,
selon les propos de certains acteurs interrogés ne sont pas pareilles
aux autres il ya de cela quelques années.
« La saison sèche ici à
Ngaoundéré est déjà comparable à celle de
Maroua ou Garoua, on n'arrive même pas à respirer, ce n'est pas du
tout supportable, or avant à Ngaoundéré aux mois de
Décembres et Janvier il faisait franchement froid au point on ne pouvait
dormir la nuit sas couverture, mais actuellement il fait de plus en plus chaud
»
Les résultats des entretiens effectués
auprès des populations dans la ville de Ngaoundéré, nous
ont permis d'identifer la dégradation de la biodiversité
perçue à travers le recul du couvert végétal et le
changement climatique perçu à travers la modification des
paramètres climatiques (pluie, température, vent), comme
étant les changements environnementaux les plus importants aux yeux des
populations. Mais il ressort que deux les changements perçus par les
populations mettent en tête de liste les changements climatiques, comme
étant le plus important qui touche le plus grand nombre de personnes,
quelque soit le secteur d'activité, tandis la dégradation de la
biodiversité est beaucoup plus mentionnées par les acteurs dont
l'activité dépend étroitement des ressources naturelles
(exploitant des produits forestiers ligneux et fauniques,)
Ainsi, les entretiens nous ont permis d'observer, au sein de
notre échantillon, des membres de la communauté aux aguets,
attentifs à leur environnement et dépositaires d'une
mémoire précieuse concernant les changements y étant
intervenus. La qualité de ce savoir
Dynamique et perception de la biodiversité
dans la ville de Ngaoundéré 107
local apparait d'autant plus appréciable que les «
vérités » personnelles qui ressortent des discours sont
souvent corroborées par les données scientifiques. Nos
résultats nous confortent dans l'utilisation du savoir local comme
source d'information sur les changements environnementaux, lorsque les
informations fournies par les répondants se recoupent clairement. Ceci
trouve une application intéressante dans les situations où aucune
étude scientifique n'a été réalisée sur un
sujet donné. Cette appréciation du savoir local nous permet ainsi
d'accepter avec confiance les informations qui nous ont été
fournies sur l'envasement de la baie, par exemple, phénomène qui
n'a fait l'objet d'aucune étude quantitative au site de notre
étude
En termes de gestion, ces recoupements entre savoir local et
séries chronologiques quantifiées pourraient se traduire en
motifs d'action et favoriser la mobilisation de la communauté pour la
prise en charge de la qualité environnementale et la mise en place de
stratégies d'adaptation et d'atténuation aux changements
environnementaux. Ceci va dans le sens des réflexions de Kimmerer (2000)
et Teka et Vogt (2010) pour qui le savoir local est plus qu'une simple source
d'information, mais représente aussi un lien nécessaire entre les
interventions humaines et la préservation des
écosystèmes.
Tableau 21. Récapitulatif des
données collectées pour la recherche
Obje ctifs
|
Hypothèses
|
Variables
|
Indicateurs ou données à collecter
|
O1
|
Les populations
|
Variable dépendante:
|
Sécheresse pendant saison
|
|
perçoivent
diversement les
|
Perception et changement -Climat
|
pluvieuse, chaleurs excessives, répartition spatiale et
|
|
changements en fonction de leurs
|
-Faune -Flore
|
temporelle des espèces, mauvaise récoltes des
dégâts
|
|
caractéristiques socio culturelles et
économiques
|
-Fertilité des sols -Erosion
|
de cultures, perte de sol fertile
|
O2
|
La perte de la biodiv
|
Variable dépendante :
|
Diminution des espèces
|
|
sité entraine une réducti n considérable des
ressources naturelles
|
Ressources naturelles
|
biologiques (arbres, animaux et oiseaux) difficulté
d'accès aux ressources (éloignement)
|
Dynamique et perception de la biodiversité
dans la ville de Ngaoundéré 108
O3
|
L'accessibilité aux res source (bois de chauf
|
Variable dépendante : Niveau de
vulnérabilité
|
Disponibilité des ressources, distance faite pour avoir
la
|
|
e et viande de brouss)
|
socioéconomique des
|
ressource, coût d'achat, coût
|
|
pour les populations détermine leur niveau de
vulnérabilité socio-économique
|
populations.
|
de transport, coût de L'exploitation
|
O4
|
Les stratégies locales
|
Variable dépendante :
|
Différents systèmes de cultures
|
|
d'adaptation développées pour faire face à
la vulnérabilité des populations aux changements
|
stratégies d'adaptation
|
modification des périodes et techniques culturales
modification des habitudes alimentaires, usage du gaz domestique et des foyers
améliorés pour limiter l'exploitation du bois.
|
Soure : enquêtes de terrain
Les savoirs locaux varient d'un individu à l'autre, en
fonction des caractéristiques socio-économiques : la tranche
d'age et le secteur d'activité. Les indicateurs des changements
développés dans le discours des populations, sont entre autres,
le changement climatique, le recul du couvert végétal, la
disparition de la faune, et la rareté des ressources de première
nécessité. Face à cette situation, des mesures et des
stratégies locales d'adaptation sont entreprises, en vue d'une gestion
durable des ressources biologiques.
|