DEUXIÈME PARTIE-CONSÉQUENCES ET
RECOURS
CHAPITRE III- ALLO LA POLICE CONSÉQUENCES SUR LE
SYSTÈME PÉNAL
HAÏTIEN
54
SECTION 1- VIOLATION DU PRINCIPE DE LA PRÉSOMPTION
D'INNOCENCE ET DU DROIT À LA DÉFENSE
Nous venons de le montrer dans le chapitre
précédent que la situation difficile de fonctionnement de la PNH,
le souci d'exposer les efforts réalisés, le processus
d'américanisation du système pénal haïtien et la
compréhension des rapports interinstitutionnels constituent les causes
majeures de l'émission allo la police. Il revient pour le moment
d'analyser les conséquences de cette pratique. Dans nos approches, nous
allons regarder ces impacts sur deux angles. D'une part, la violation du
principe de la présomption d'innocence et du droit à la
défense. D'autre part, l'influence négative que cela provoque sur
le travail des différents acteurs qui entrent en action quand une
infraction de nature criminelle est commise. A ce titre, il conviendra de
considérer les officiers de la police judiciaire, aussi bien que le
comportement du tribunal appelé à entendre l'affaire. En effet la
violation la plus flagrante constitue celle du principe de la
présomption d'innocence. Pour la prouver, il importe d'abord de
connaitre ce que c'est le principe de la présomption d'innocence.
Ensuite, qu'est ce que cela implique d'être présumé
innocent au regard de la législation pénale haïtienne. Pour
enfin déterminer l'évidence de sa violation par l'émission
allô la police.
2.3.1.1.- Sous-section I- La violation du principe de
la présomption d'innocence par l'émission allo la
police
L'une des conséquences immédiates que provoque
la publication hâtive de l'image et de l'identité des personnes
interpellées, c'est de faire passer un suspect pour coupable.
Démarche qui incrimine de façon prématurée le
suspect sans que celui-ci n'ait été préalablement
présenté devant son juge naturel, comme le veut la loi. Car, la
présentation de ce dernier dans les medias influencera l'opinion
publique, plus enclin à croire en sa culpabilité que de lui
donner le bénéfice du doute. Or, à ce stade, doit-on se le
rappeler, le suspect est protégé contre tout ce qui aurait l'air
d'une peine. Etant donné son statut, toute action d'une institution
quelconque ou d'un individu à son encontre ne sera
considérée comme rien d'autre qu'un préjudice porté
à l'égard de ce dernier. Ceci étant dit, il convient de
faire appel à la notion de responsabilité. Mais avant d'entrer
dans ce débat, il faudra tout de même préciser la notion de
présomption d'innocence dans ce présent contexte. Que veut dire
exactement être présumé innocent d'une infraction
reprochée à un suspect ? Qu'implique ce statut ? Qu'advient-t-il
au regard de la législation
75- Wando SAINT-VILLIER, Magistrat
Président de l'Association professionnelle des magistrats Juge au
Tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquet.
55
haïtienne ? Les réponses à ces questions
nous permettront de mieux appréhender la dimension du problème
traité afin d'y adapter nos propositions.
2.3.1.1.1. Présentation du principe de la
présomption d'innocence
Le principe de la présomption d'innocence signifie que
toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit
être vue au départ comme innocente tant qu'elle n'a pas
été reconnue coupable par un tribunal. À ce titre, il est
interdit de parler d'une personne soupçonnée d'avoir commis un
meurtre en l'appelant « le meurtrier » avant qu'il ait
été jugé coupable. De la garde à vue (pendant
l'enquête) au verdict (lors du procès) la personne
interpellée est considérée comme innocente, commente Wando
SAINT VILLIER75. Le premier paragraphe de l'article 11 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) a initié la
protection de la personne interpellée en stipulant que : Toute
personne accusée d'un acte délictueux est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès public où
toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront
été assurées.
Dans la Convention Américaine des Droits de l'Homme de
1969, plus précisément l'article 8 qui traite des Garanties
judiciaires reconnues aux personnes soupçonnées d'avoir commis
une infraction, le deuxième (2) alinéa renchérit :
Toute personne accusée d'un délit est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie. Pendant l'instance, elle a droit, en pleine
égalité, au moins aux garanties suivantes :
a. Droit de l'accusé d'être assisté
gratuitement d'un traducteur ou d'un interprète s'il ne comprend pas ou
ne parle pas la langue employée à l'audience ou au tribunal
, ·
b. notification préalable et
détaillée à l'accusé des charges portées
contre lui , ·
c. octroi à l'accusé du temps et des moyens
nécessaires pour préparer sa défense , ·
d. droit pour l'accusé de se défendre
lui-même ou d'être assisté d'un défenseur de son
choix et de communiquer avec celui-ci librement et sans témoin
, ·
e. droit d'être assisté d'un
défenseur procuré par l'Etat rémunéré ou non
selon la législation interne, si l'accusé ne se défend pas
lui-même ou ne nomme pas un défenseur dans le délai
prévu par la loi, ce droit ne peut faire l'objet d'aucune renonciation
, ·
76- Jean SALOMON, Droit des
Gens, Tome I, 19ème édition, Presses
Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 2003, p.226.
56
f. droit pour la défense d'interroger les
témoins comparaissant à l'audience et d'obtenir la comparution,
comme témoins ou experts, d'autres personnes qui peuvent faire la
lumière sur les faits de la cause , ·
g. droit pour l'accusé de ne pas être
obligé à témoigner contre lui-même ou à se
déclarer coupable , ·
h. droit d'interjeter appel du jugement devant un
tribunal supérieur.
En effet, ces deux articles issus de deux instruments
juridiques différents et acceptés par la législation
nationale nous amène à considérer l'intérêt
partagé des nations du monde moderne de conférer une certaine
protection aux suspects. Néanmoins, certains traités ou
conventions bénéficient d'une application directe dans l'ordre
juridique interne des États parties, alors que d'autres
nécessitent de l'appui d'un autre texte juridique de nature à
préciser son application dans un contexte bien précis, une
procédure de réception plus complexe.
Ainsi, l'étude du rapport entre le droit international
et le droit interne a été longtemps dominée par une
querelle doctrinale entre les dualistes et les monistes76. Pour les
premiers, droit international et droit interne sont deux ordres juridiques
distincts, totalement séparés l'un de l'autre. Pour être
valable en droit interne, une règle de droit international doit
être transformée en droit interne par la procédure de
Réception. Pour les seconds, le droit international et le droit
interne forment un seul système juridique (Chron. Caflish, RSDIE, 1998,
p.636). Par conséquent, une disposition juridique internationale n'aura
besoin de l'aide d'aucune loi pour son application dans l'ordre juridique
interne.
Dans le cas d'Haïti, nous pensons que le courant qui
prédomine est la doctrine moniste, car l'article 276 de la constitution
élimine tout conflit éventuel. Cette considération nous
amène à étudier la situation des articles 11, de la DUDH
et 8 de la CADH consacrant une protection au suspect afin d'évaluer leur
degré d'application dans l'ordre juridique interne.
2.3.1.1.2. Le principe de la présomption
d'innocence au regard de la législation haïtienne
Comprendre la présomption d'innocence au regard de la
législation haïtienne, nous renvoie directement à
l'étude de la réception et l'application des instruments
juridiques internationaux signés et ratifiés par Haïti par
rapport au droit interne haïtien. Ainsi, le Dr. Louis
57
NKOPIPIE DEUMENI, intervenant sur le sujet : «
Le fonctionnement de la justice pénale et les exigences du
droit des droits de l'homme : l'exigence de célérité
» à l'Hôtel El Rancho en mai 2011 a fait
remarquer :
Parce que les instruments internationaux relatifs aux droits
de l'homme trouvent leur source dans le droit international conventionnel, et
parce que les droits qu'ils proclament ont pour destinataire l'individu,
citoyen, étranger ou apatride résidant sur le territoire d'un
État, il paraît utile d'envisager l'étude de la
réception de ces instruments dans l'ordre juridique haïtien.
L'une des questions à laquelle il a voulu
répondre en faisant cette considération, concernait l'application
directe ou non des instruments juridiques internationaux dans l'ordre juridique
haïtien. A cette question, on a pu récupérer du Dr. NKOPIPIE
DEUMENI l'assertion suivante :
Une analyse combinée du droit international et du droit
interne permet d'affirmer que les dispositions des instruments conventionnels
relatifs aux droits de l'homme, notamment celles contenues dans le Pacte Civil
et Politique [sic] octroyant à l'Homme en procès le droit
à la célérité de la procédure
enclenchée contre lui sont directement applicables dans l'ordre
juridique haïtien, mieux, qu'elles revêtent un caractère
d'ordre public77.
Par cette assertion, l'auteur met en évidence le
caractère auto exécutoire [...sont directement
applicables...] de certaines dispositions stipulées dans les
conventions. Il convient de faire remarquer que grâce à cette
particularité, les traités ou conventions signés et
ratifiés par Haïti peuvent être appliqués
automatiquement dans l'ordre juridique interne, c'est-a-dire, qu'ils sont auto
exécutoires ou self executing. L'intérêt
d'évaluer l'applicabilité directe des dispositions
stipulées dans les instruments juridiques internationaux nous permet de
voir leur caractère contraignant dans l'ordre juridique interne. Il
s'agit de regarder si ces instruments ont besoin de l'accompagnement d'un autre
texte juridique national pour les rendre effectifs dans la législation
haïtienne.
En effet, Le terme self executing trouve son origine
dans le droit constitutionnel des États Unis
d'Amérique78. Selon Max SORENSEN79, une
disposition d'un traité serait self executing, c'est à
dire auto exécutoire :
77-Dr. Louis NKOPIPIE DEUMENI, Loc. Cit.,
p.3.
78- Dans l'affaire Forster et Elain Enlilson, le
Chief Justice Marshall affirmait « Our Constitution declares a treaty to
be the law of the land. It is, consequently, to be regarded in Courts of
justice as equivalent to an act of the legislature, whenever it operates of
itself without the aid of any legislative provision. But when the terms of the
stipulation import a contract, when either of the parties engages to perform a
particular act, the treaty addresses itself to the political, not to the
judicial department; and the legislature must execute the contract before it
can become a rule for the Court». Cité par ERADES ET GOULD,
«The relation between international law and municipal law in the
Netherland and in the United States», Leyde, 1961.
58
Si elle est conçue en des termes qui permettent de la
considérer comme s'adressant non seulement aux États
contractants, mais aussi, sans modification de texte, aux sujets de droit
interne. Elle se prêterait alors à une application
immédiate par les tribunaux internes. Par contre, ne revêtirait
pas ce caractère la ou (les) disposition (s) d'un traité qui
serait (seraient) rédigée (s) en des termes qui s'adressent aux
Etats contractants comme sujets de droit international et exigent de leur part
que des mesures législatives ou réglementaires soient prises en
vue de son application effective sur le plan du droit interne. Il s'ensuit que
l'applicabilité directe d'un traité, c'est-à-dire son
caractère self executing, peut être totale si toutes ses
dispositions obéissent à la qualité tantôt
définie, ou partielle, s'il n'en est ainsi de quelques unes de ses
dispositions.
Donc, en analysant l'article 14 du pacte relatif aux droits
civils et politiques, nous pouvons extrapoler les arguments du Dr. NKOPIPIE
DEUMENI sur l'applicabilité directe des dispositions des alinéas
2 et 3 dudit pacte. Car, le 2ème alinéa de l'article
qui est ainsi libellé-Toute personne accusée d'une infraction
pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie ;
emprunte également le caractère auto exécutoire. Car,
la référence au terme célérité
auquel le Docteur fait allusion [point c du 3ème
alinéa] se trouve inséré dans le même article
(14) du pacte relatif aux droits civils et politiques que l'énonciation
du principe de la présomption d'innocence ci-dessus cité. Ainsi,
l'évidence que le point c du 3ème alinéa soit auto
exécutoire est aussi bien applicable pour toutes les autres dispositions
dudit pacte en général, sinon, celles de l'article 14 en
particulier. Donc, étant donné l'applicabilité directe, au
moins, des dispositions de l'article 14 du pacte relatif aux droits civils et
politiques, il convient seulement d'évaluer leur
réceptibilité dans l'ordre juridique haïtien pour mieux
cerner leur importance. Alors, ceci nous amène à
considérer les articles 276 et 276-2 de la constitution de la
République d'Haïti de 1987 amendée pour mesurer cette
réceptibilité.
L'article 276 de la constitution stipule :
L'Assemblée Nationale ne peut ratifier aucun Traité,
Convention ou Accord Internationaux comportant des clauses contraires à
la présente Constitution. Au regard de cet article, toutes les
conventions, tous les traités signés et ratifiés par
l'assemblée nationale haïtiennes ont considérées
comme étant conformes aux prescrits constitutionnels. Or, le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques adopté à
New-York par l'Assemblée générale de l'Organisation des
Nations unies dans sa résolution 2200A (XXI) du 16 décembre 1966
a été ratifié par le parlement haïtien le 06
février 1991. La convention américaine relative aux droits de
l'homme adoptée à San José le 22 novembre 1969, à
la Conférence spécialisée interaméricaine sur les
droits de l'homme de l'Organisation des États
79- Max SORENSEN, « Obligations d'un Etat
partie à un traité sur le plan de son droit interne »,
2ème Colloque international sur la Convention
européenne des droits de l'homme (18-20 octobre 1965), les droits de
l'homme en droit interne et en droit international, P.U.F., Bruxelles, 1968,
p.60.
59
américains, a été elle aussi
ratifiée par Haïti le 18 août 1979. Ainsi, l'article 276-2,
stipulant que : « Les Traités ou Accord Internationaux, une
fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par
la Constitution, font partie de la Législation du Pays et abrogent
toutes les Lois qui leur sont contraires. », nous donne le plein
droit d'affirmer, l'applicabilité directe des dispositions de ces
instruments juridiques internationaux. En plus de cela, ledit article nous
donne la latitude de nous approprier du respect de la présomption
d'innocence comme, désormais, l'une des règles sanctionnant la
procédure pénale en Haïti et le place, suivant la
hiérarchie des normes en vigueur, dans la catégorie de Loi, en
rappelle à la conclusion de l'article 276-2 [font partie de la
Législation du Pays et abrogent toutes les Lois qui
leur sont contraires].
2.3.1.2.- Sous-section II- Violation du droit à
la défense par l'émission allo la police
Comme nous venons de le voir, l'émission allo la police
a une première conséquence, celle de la violation de la
règle de procédure pénale «présomption
d'innocence ». Nous affirmons à ce sujet que la présomption
d'innocence constitue la garantie primordiale faite au suspect d'un traitement
bienveillant de la société par rapport à la cause qui lui
est reprochée. Cette garantie principale, une fois violée, il
n'en demeure pas moins de celles qui lui sont corollaires. Ainsi, le suspect
est forcé de répondre à des questions en absence de son
avocat et de témoigner contre lui-même, d'où notre
hypothèse de la violation du droit à la défense. En effet,
la constitution haïtienne amendée donne le ton dans son article 24
: « La liberté individuelle est garantie et
protégée par l'État. » In limine litis, cette
précision constitutionnelle confère à l'État la
responsabilité de veiller au respect des droits et libertés
individuels. Cependant, il arrive quelques fois que cette structure garante de
ces droits et libertés constitue l'entité même qui les
viole. En quoi consiste donc ce droit reconnu au suspect de se défendre
? Quel est son fondement philosophique et quelle est sa portée juridique
? Comment la législation haïtienne aborde-t-elle cette
problématique ? À qui est-il opposable ? Autant de questions qui
rendent nécessaire une étude approfondie du concept droit
à la défense.
2.3.1.2.1. Présentation du droit à
la défense
Comme dit un vieil adage : « la défense est un
droit sacré ». Il constitue la deuxième violation faite
dans le cadre de la publication de l'image et de l'identité d'un suspect
dans l'émission allo la police. Étroitement lié au
principe de la présomption d'innocence, duquel il constitue
l'accessoire, sa violation résulte du non respect du principal, donc, le
principe de la
60
présomption d'innocence. Le droit pénal touche
aux libertés fondamentales. En effet, pour réparer une
infraction, une personne peut être privée de liberté.
Cependant, pour éviter les abus et garantir à l'individu un droit
pénal impartial et une procédure juste, certains principes
fondamentaux ont été érigés. Alors, le droit
à la défense constitue cette garantie accordée à
une personne interpellée dans le cadre d'une enquête judiciaire de
pouvoir s'expliquer sur une infraction qui lui aurait été
reproché. Donc, si la défense de l'intérêt de la
société réclame la poursuite et la sanction des coupables
d'infractions pénales, celle de l'intérêt des individus
commande la prudence, la possibilité de se défendre et le respect
de certaines formalités procédurales.
2.3.1.2.2. Caractéristique du droit
à la défense
Le droit à la défense est corollaire au principe
de la présomption d'innocence. Il met en évidence la preuve de
l'acceptation du suspect à répondre du fait à lui
reproché. Dans notre cas d'étude, il est évident que le
non respect du principe de la présomption d'innocence entraine ipso
facto la violation du droit pour l'accusé de s'expliquer et de
présenter ses arguments par devant une instance compétente de
jugement. Ainsi, le droit à la défense se résume dans
l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de
1948, référence internationale fondamentale dans le domaine des
droits de l'Homme, citée explicitement au point 1 du préambule de
la constitution haïtienne de 1987 amendée. Il est
précisé que : « Toute personne a droit, en pleine
égalité, à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et
impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du
bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle. »
On note dans cet article l'exigence d'impartialité qui
est faite à la structure appelée à entendre l'accusation
et la défense et également, la reconnaissance des droits de
l'accusé. En effet, en développement de cette prérogative,
le Code de l'Instruction Criminel haïtien renchérit en son article
200.- : « L'accusé sera interpellé de déclarer le
choix qu'il aura fait d'un conseil pour l'aider dans sa défense ; sinon
le juge lui en désignera un sur le champ, à peine de
nullité de tout ce qui suivra. Cette désignation sera comme non
avenue, et la nullité ne sera pas prononcée, si l'accusé
choisit un conseil».
L'esprit de ces deux articles laisse entrevoir trois
caractéristiques de l'exercice du droit à la défense : le
droit à un procès équitable, le principe de
légalité des peines qui en découlera et le droit de se
faire représenter par un avocat ou un fondé de procuration.
Alors, le droit pour le
61
suspect de se défendre est clairement défini
dans la législation haïtienne et exige d'être appliqué
autant que présente une situation le rendant applicable. Il constitue
entre autre :
a. Le droit à un procès
équitable ; c'est le droit d'être jugé par un
juge indépendant et impartial dans le cadre d'un procès
équitable c'est-à-dire juste, neutre et dans un délai
raisonnable. Ce principe a pour but d'empêcher des procédures
arbitraires (injustes). Cette prérogative reconnue au suspect a
été également consacrée par la constitution de la
République d'Haïti de 1987 amendée en son article 24-1 ;
b. Le principe de légalité des
peines ; implique que le juge ne peut appliquer que des sanctions
prévues par la loi, c'est-à-dire, celles prévues par le
Code pénal. Cela correspond à l'un des grands principes qui
dominent le fonctionnement des Tribunaux des diverses juridictions, notamment,
le deuxième principe qui fait interdiction au juge de se prononcer par
voie de disposition générale et réglementaire sur les
causes qui lui sont soumises (art 8, Code Civil Haïtien) ;
c. Le droit à un avocat ;
tout accusé a le droit de se faire accompagné pendant son
procès. Cela se traduit par le droit de se défendre pendant la
procédure que ce soit seul ou bien assisté par un avocat. Ce
dernier peut être présent dès le début de la
procédure (pendant la garde à vue). Ce droit est aussi garanti
par la constitution en son article 25-1 qui stipule : « Nul ne peut
être interrogé en absence de son avocat ou d'un témoin de
son choix. »
2.3.1.2.3. Fondement philosophique du droit
à la défense
Le fondement philosophique du droit à la défense
suppose que l'infraction qui est commise ne reste pas impunie, mais surtout,
que la punition qui y est réservée soit imputée à
son auteur effectif. Par cette précaution, la société veut
se montrer très prudente quant à infliger les sanctions. Elle
veut s'assurer de ne pas, par inadvertance, condamner un innocent à la
place de l'auteur de l'infraction. Il est un principe qui stipule : «
mieux vaut libérer mille coupable que de condamner un innocent
».
Le choix des gouvernants haïtiens d'adhérer aux
principaux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits
de l'homme, témoignent de leur volonté de faire leurs les valeurs
qu'ils stipulent. Ces instruments et la jurisprudence
générée par leur application, posent certains principes
qui ne sont pas sans conséquence sur la définition de la
politique criminelle des Etats Parties. Ainsi, le droit de punir, droit
régalien et exclusif de l'État, est de plus en plus
62
limité par le droit international des droits de
l'homme. L'État moderne doit, plus que par le passé,
raisonner la raison d'État et tenir compte des valeurs
précédemment évoquées dans l'élaboration de
sa politique criminelle. Ces valeurs, du reste, ne sont pas en contradiction
avec le projet politique des gouvernants d'instaurer un véritable
État de droit. Donc, punir les délinquants reste l'une des
prérogatives exclusives de l'État. Cependant, nombreuses sont les
approches qui ont été faites concernant le but qui devait
être visé par la peine. Certains théoriciens croient que la
punition devait être une rétribution, quand d'autre voient son
caractère utilitariste.
Ainsi Pudendorf soutient que : « j'entends par le mot
peine, un mal que l'on souffre à cause du mal que l'on
a fait volontairement » et «le but des peines [...] est de
détourner les hommes du crime par la crainte de ses
suites80». Néanmoins, les théoriciens
associent fréquemment une motivation utilitariste avec une motivation
rétributive de la punition. Une analyse attentive suggère que
Montesquieu a combiné les deux approches, utilitariste et
rétributive, dans L'Esprit des lois. [...]. Il soutient que : «
Pour être justifiable, tout système de punition doit permettre
la plus grande extension possible de liberté : en ne criminalisant que
les actions qui portent atteinte à la paix et à l'ordre public,
en protégeant les droits des accusés, en modérant les
peines, [sic] de façon à ce qu'elles s'accordent au degré
correspondant de gravité du crime81».
Le dosage de la peine en fonction du degré de
l'infraction commise laisse comprendre que la société n'entend
pas agir au même niveau que le délinquant. Par cette prudence,
elle veut se montrer plus sensible à l'égard de ce dernier,
pourvu qu'il reste encore, malgré son forfait, un membre du corps
social. Elle se montre consciente de la faiblesse de ce dernier qui subit
parfois des pressions psychologiques susceptibles de le pousser à
commettre une infraction. Donc, ce n'est nullement un hasard quand la
société se ménage autant avant de punir un de ses
membres.
2.3.1.2.4. Fondement juridique du droit à la
défense
Le fondement juridique du droit à la défense
constitue les garanties judiciaires reconnues à toute personne qui se
trouve engagée par devant la justice. L'article 8de la Convention
80-Voir Samuel Von Pudendorf, Les Devoirs de
l'homme et du citoyen (trad. Barbeyrac, 1707), livre II, chapitre XIII,
reprint Caen, 1984, 2 vol. , II, p.128-129.
81-David.W., CARRITHERS, La philosophie
pénale de Montesquieu, University of Tennesse at Chattanooga,
p.14.
63
Américaine des Droits de l'Homme traite des garanties
judiciaires, dans son premier alinéa, il consacre le privilège
pour l'accusé de pouvoir porter sa cause par devant une instance
judiciaire. A savoir :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable, par un juge ou un
tribunal compétent, indépendant et impartial, établi
antérieurement par la loi, qui décidera du bien-fondé de
toute accusation dirigée contre elle en matière pénale, ou
déterminera ses droits et obligations en matière civile ainsi que
dans les domaines du travail, de la fiscalité, ou dans tout autre
domaine.
Les précisions de cet article touchent à la fois
les exigences de célérité, d'impartialité et de
légalité. Il fait obligation au tribunal saisi de vérifier
sa compétence et également la légalité de la
détention avant même de statuer sur le fait qui est
reproché à l'accusé. Cette notion trouve également
son fondement dans la constitution haïtienne en ses articles 25-1 et 46,
nonobstant les autres points de l'article ci-dessus mentionné. En effet,
nous pouvons aussi considérer que les règles de procédure
sont d'application stricte. C'est-a-dire, le non respect de celles-ci
entrainera un vice de procédure susceptible d'emporter de graves
conséquences sur la conduite du procès. Ainsi, le processus du
recours en habeas corpus trouvera les conditionnalités de son
application.
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