B. Considérations sur les rapports
parents-enfants dans le système matrilinéaire
Géographiquement moins répandu9 que
le précédent, le système matrilinéaire
considérait que tous les enfants indistinctement appartenaient à
la famille de leur mère.
Un tronc commun se dégageait cependant de ces deux
systèmes traditionnels. Il s'agit de ce qu'une certaine doctrine
qualifie d'idée forte ayant marqué cette période
précoloniale10.
Primo : dans l'un comme dans l'autre
système, l'enfant qui naissait dans une famille était
considéré comme une aubaine, un événement de joie
ou une réincarnation d'un ancêtre11. Il incombait donc
aux parents de lui apporter les soins appropriés pour sa croissance.
Le Professeur KIENGE KIENGE INTUDI renchérit que dans
ce cadre, l'enfant jouissait, en raison de son immaturité physique et
mentale, d'une protection et des soins spéciaux. Dans les milieux
traditionnels, il était rare de rencontrer des enfants abandonnés
à eux-mêmes ou désavoués par leurs géniteurs
ou par leurs familles d'appartenance. L'enfant trouvé dès sa
naissance, un cadre dans lequel il pouvait vivre et s'épanouir
harmonieusement12.
Secundo : dans les deux systèmes, il
était admis que l'enfant une fois né - cet ancêtre
réincarné - cessait d'être l'être propre à ses
seuls père et mère pour appartenir à la famille au sens
élargi. Par voie de conséquence, les oncles, tantes et grands
parents avaient un mot à dire tant sur la personne de l'enfant que sur
ses biens.
9 Il semble que le système
matrilinéaire était adopté au Congo par un tiers seulement
de la population. A ce sujet, Voy. MANZILA, « Le statut juridique des
enfants nés hors mariage », In Zaïre Afrique
n°77, août-septembre, 1973, p. 424.
10 NDOMBA KABEYA, E. L., « Planification
familiale en République démocratique du Congo : bonnes ou
mauvaises moeurs ? », In Cahiers Africains des Droits de l'Homme et de
la Démocratie, n°031, vol. I, janvier-juin 2011, p. 16.
11 KENGO WA DONDO, « Les réflexions sur la
filiation hors mariage », in R.J.Z., n° 1, 1975, p. 57.
12 KIENGE KIENGE INTUDI, « Quelques
spécificités de la charte africaine sur les droits et le
bien-être de l'enfant », in Zaïre-Afrique, n°295,
1995, p. 287. Voy. également IDZUMBUIR ASSOP, « Le système
onusien de protection des droits de l'homme : les groupes nécessitant
une protection spéciale : cas des femmes et des enfants », In
Droits de l'homme et droit international humanitaire, Séminaire de
formation cinquantenaire de la DUDH, 18 novembre-10 décembre 1998,
PUK, 1999, p. 203.
5
Tertio : toutes les règles des droits
traditionnels, patrilinéaires ou matrilinéaires, étaient
de nature non écrite. La culture africaine de l'oralité qui les
véhiculait si bien d'un coin à un autre de chaque contrée
et les perpétuait de générations en
générations, n'a, de notre point de vue, rien à envier au
système moderne de publication des textes de lois au bulletin ou journal
officiel13.
Ce sont des temps et des moeurs qui diffèrent... Cela
s'est fait sentir, dans les rapports parents-enfants, avec
l'expérimentation à l'Etat Indépendant du Congo (EIC) d'un
droit civil écrit, une espèce de greffon sur un corps
étranger connu sous le nom de code civil congolais, livre
1er, porté par le décret du 04 mai 1895, publié
au Bulletin officiel14.
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