UNIVERSITÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES DE BAMAKO
(USJPB)
INSTITUT SUPÉRIEUR DE FORMATION ET DE RECHERCHE
APPLIQUÉE
(ISFRA)
DÉPARTEMENT DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
SECTION DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION
Mémoire
En vue de l'obtention du Diplôme d'études
approfondies en Curricula
TITRE :
ANALYSE DES OBSTACLES À LA MISE EN OEUVRE DU
MICRO-ENSEIGNEMENT
À L'ÉCOLE NORMALE D'INSTITUTEURS
TANIMOUNE DE TILLABÉRY AU NIGER
Présenté et soutenu par : Oumarou
AMADOU
Sous la direction de : Dr Koulougna Edmond
DEMBÉLÉ, Directeur de Recherche
Membres du jury :
Dr Cheick Oumar FOMBA Président
Dr Nouhoum SIDIBÉ Membre
Dr Koulougna Edmond DEMBÉLÉ
Membre
M. Bakary SAMAKÉ Membre
Date de soutenance : Samedi, le 10 mai 2014
DÉDICACE
À mon père et à ma mère, vous qui
ne pourrez voir ce document. Recevez, à titre posthume, la
légitime reconnaissance de vos sacrifices. Que Dieu, le
Tout-puissant, puisse vous accorder son Paradis éternel !
II
REMERCIEMENTS
Ce mémoire est la partie visible d'un travail rendu
possible grâce à l'aide de plusieurs personnes auxquelles nous
tenons à adresser notre profonde gratitude. Nos remerciements vont
particulièrement :
· Au Docteur Koulougna Edmond DEMBÉLÉ pour
son encadrement éclairé et judicieux sans lequel ce document
n'aurait pu voir le jour. Son regard avisé, sa disponibilité
constante, l'importance qu'il a accordée à ce mémoire et
surtout ses conseils ont été des atouts incontournables à
la réalisation de ce travail ;
· À tous les enseignants et à tous les
administrateurs de l'Institut supérieur de formation et de recherche
appliquée (ISFRA) de Bamako. Les uns pour avoir dispensé les
cours avec beaucoup de courage et d'estime, les autres pour avoir
créé les conditions nécessaires à l'installation de
compétences chez les stagiaires que nous sommes ;
· Aux collègues stagiaires de l'ISFRA pour leur
sens de solidarité, de respect mutuel mais aussi et surtout pour leurs
conseils, leurs avis critiques et leurs encouragements ;
· Au Docteur Modibo COULIBALY de l'École normale
supérieure (ENS) de Niamey pour sa contribution à l'aboutissement
de ce travail. Il mérite cet honneur non seulement pour la documentation
fournie mais aussi pour la correction de certaines parties de ce
mémoire. Ses compétences et ses conseils nous ont
été également très utiles dans le traitement des
données qualitatives ;
· Au Docteur Oumarou HAMA de l'Université Abdou
Moumouni (UAM) de Niamey pour son soutien, sa disponibilité constante
à corriger toutes les parties de cette recherche et pour la mise en
forme du document final. Qu'il nous soit permis ici de l'en remercier vivement
;
· À la direction de l'École normale
d'instituteurs Tanimoune de Tillabéry (ENI/TT), aux formateurs et aux
futurs maîtres de cet établissement pour leur bonne collaboration,
leur patience et leur temps qu'ils ont consacré à la
réalisation de la présente étude malgré leurs
multiples tâches quotidiennes ;
· Enfin, à ma femme Mariama et à mes
enfants qui, par leur courage et leur patience, ont appris à supporter
les absences prolongées et répétitives d'un être qui
leur est cher.
III
SOMMAIRE
DÉDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SOMMAIRE iii
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS v
LISTE DES TABLEAUX viii
LISTE DES FIGURES ix
RÉSUMÉ x
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1 : LA FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANTS DE
BASE 1 4
1.1. Le bilan de la formation initiale 5
1.2. Le bilan à mi-parcours du PDDE 7
1.3. Le nouveau programme des ENI 8
1.4. L'École normale d'instituteurs Tanimoune de
Tillabéry 14
CHAPITRE 2 : PROBLÉMATIQUE 17
2.1. Problème de recherche 18
2.2. Questions de recherche 23
2.3. Objectifs de la recherche 24
2.4. Hypothèses de recherche 24
CHAPITRE 3 : REVUE DES THÉORIES ET DE LA
LITTÉRATURE 25
3.1. Définition des concepts 26
3.2. Revue et analyse des théories et de la
littérature 31
iv
CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE 49
4.1. Approche méthodologique 50
4.2. Échantillonnage 50
4.3. Techniques et outils de collecte de données 53
4.4. Étapes de collecte des données 54
4.5. Techniques et plans d'analyse des données 56
4.6. Limites de l'étude 58
CHAPITRE 5 : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
59
5.1. Présentation des résultats 60
5.2. Analyse et interprétation des résultats
84
CONCLUSION ET SUGGESTIONS 95
LISTE DES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
99
ANNEXES xiii
Annexe 1 : Outils de collecte des données xiv
Annexe 2 : Textes des entretiens xxi
Annexe 3 : Listes des aptitudes selon les auteurs xxxiv
V
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
AB : Apprentissage de base
APC : Approche par les compétences
BEPC : Brevet d'études du premier
cycle
BM : Banque mondiale
CD-R : Compact disc-read only memory
CE : Chargé d'enseignement
CE : Cours élémentaire
CE1 : Cours élémentaire
1e année
CE2 : Cours élémentaire
2e année
CFEPD : Certificat de fin d'études du
premier degré
CFTV : Circuit fermé de
télévision
CI : Cours d'initiation
CM : Cours moyen
CM1 : Cours moyen 1e
année
CM2 : Cours moyen 2e
année
CME : Campagne mondiale pour
l'éducation
CP : Cours préparatoire
DFIC: Direction de la formation initiale et
continue
EF : Évaluation finale
EN : École normale
ENI : École normale d'instituteurs
vi
ENI/TT : École normale d'instituteurs
Tanimoune de Tillabéry
ENS : École normale
supérieure
ENTT : École normale Tanimoune de
Tillabéry
EPS : Éducation physique et
sportive
EPT : Éducation pour tous
FMI : Fonds monétaire international
FP : Formation pédagogique
I : Instituteur
IA : Instituteur adjoint
IA1 : Instituteur adjoint 1e
année
IA2 : Instituteur adjoint 2e
année
IAC : Infrastructure, Autorité,
Consensus
IACR : Infrastructure, Autorité,
Consensus, Ressources
IE : Internationale de l'éducation
IEB : Inspecteur de l'enseignement de base
ISFRA : Institut supérieur de
formation et de recherche appliquée
LOSEN : Loi d'orientation du système
éducatif nigérien
M-E : Micro-enseignement
MEB1/A : Ministère de
l'éducation de base 1 et de l'alphabétisation
ME/F : Ministère de l'économie
et des finances
MEN : Ministère de l'éducation
nationale
PAS : Programme d'ajustement structurel
VII
MEN/A/PLN : Ministère de
l'éducation nationale de l'alphabétisation et de la
promotion des langues nationales
MF : Ministère des finances
P/CEG : Professeur de collège
d'enseignement général
PDDE : Programme décennal de
développement de l'éducation
PES : Professeur de l'enseignement
secondaire
PhD : Philosophy doctor
RC : Renforcement/consolidation
SP : Stage pratique
SO : Stage d'observation
SR : Stage en responsabilité
SS : Section spéciale
SS : Stage de sensibilisation
TBS : Taux brut de scolarisation
TIC : Technologies de l'information et de la
communication
TISSA : Initiative pour la formation des
enseignants en Afrique
Subsaharienne
UAM : Université Abdou Moumouni
UF : Unité de formation
UP : Unité pédagogique
VHS : Video home system
VIII
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Horaires par discipline et par
cycle 11
Tableau 2 : Diagramme de composition et
d'enchaînement 13
Tableau 3 : Effectifs des futurs
maîtres 15
Tableau 4 : Dispositif temporel de
présentation et d'analyse d'un exercice de M-E 20
Tableau 5 : Structure de l'échantillon
52
Tableau 6 : Répartition des formateurs
et des responsables administratifs par sexe 60
Tableau 7 : Répartition des futurs
maîtres par sexe et par cycle 61
Tableau 8 : Répartition des
enquêtés selon leur âge 62
Tableau 9 : Niveau d'études des
formateurs et des responsables administratifs 63
Tableau 10 : Ancienneté des formateurs
et des responsables administratifs à l'ENI/TT 64
Tableau 11 : Répartition des
formateurs par discipline 65
Tableau 12 : État d'information des
futurs maîtres sur le M-E 66
Tableau 13 : État de la formation des
formateurs et des responsables administratifs 67
Tableau 14 : Fréquence de formation
des formateurs et des responsables administratifs 67
Tableau 15 : Durée des formations des
formateurs et des responsables administratifs 68
Tableau 16 : Répartition des
formateurs selon leur niveau de maîtrise du filmage 69
Tableau 17 : Appréciations des futurs
maîtres sur la qualité de la mise en oeuvre du M-E 76
Tableau 18 : Fréquence d'application
du M-E par discipline 76
Tableau 19 : Fréquence de
présentation des formateurs * Fréquence de visionnement 78
Tableau 20 : Fréquence de
présentation des leçons de M-E par les futurs maîtres 81
Tableau 21 : Fréquence de visionnement
des leçons de M-E par les futurs maîtres 81
ix
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Appréciation de la
formation en M-E 69
Figure 2 : Appréciation de
l'état d'équipement de la salle de M-E par les formateurs 71
Figure 3 : Inventaire des ressources
matérielles du M-E 72
Figure 4 : Appréciations des futurs
maîtres sur l'utilisation des salles de M-E 73
Figure 5 : Répartition des formateurs
selon qu'ils pratiquent le M-E ou pas 75
Figure 6 : Avis des formateurs sur
l'état des salles de M-E 82
Figure 7 : Suggestions des formateurs et des
responsables administratifs 84
X
RÉSUMÉ
De l'accession du pays à l'indépendance à
nos jours, le système éducatif nigérien a connu plusieurs
réformes et innovations pédagogiques dont les plus
récentes trouvent leur fondement dans la Loi d'orientation du
système éducatif nigérien (LOSEN)1.
Sur la base de cette loi et tenant compte de ses engagements
pris lors des différents fora, le Niger a mis en chantier, en 2003, le
Programme décennal de développement de l'éducation (PDDE).
L'évaluation de la première phase de ce vaste programme montre
que beaucoup reste à faire pour l'atteinte des objectifs visés.
Cet échec est, en partie, imputé à la formation initiale
des enseignants.
Dans le souci d'améliorer cette formation, les
autorités en charge de l'éducation de base ont
élaboré et mis en oeuvre un nouveau curriculum des Écoles
normales d'instituteurs (ENI). Celui-ci prévoit le micro-enseignement
(M-E) comme une des solutions aux difficultés liées à la
pratique enseignante.
Cependant, à la pratique, on se rend compte que le M-E
est confronté à de nombreuses difficultés. C'est pour
contribuer à la compréhension de ces difficultés que la
présente étude est entreprise en vue d'améliorer la
qualité de l'enseignement au Niger.
Dans cette optique, nous avons émis une question
principale et deux questions spécifiques de recherche. La question
principale a consisté à savoir les difficultés que
rencontrent les formateurs de l'ENI/TT dans la mise en oeuvre du M-E. La
première question spécifique a consisté à savoir si
les formateurs de l'ENI/TT sont suffisamment formés pour la mise en
oeuvre du M-E et la seconde, si l'ENI/TT dispose de ressources
matérielles nécessaires en matière de M-E.
L'étude se fixe trois objectifs : (i) identifier les
différentes difficultés que rencontrent les formateurs de
l'ENI/TT dans la mise en oeuvre du M-E, (ii) analyser ces difficultés en
vue de renforcer cette nouvelle façon de former les futurs maîtres
et (iii) proposer des solutions d'amélioration.
1 Loi 98-12 du 1er juin 1998, portant orientation du
système éducation nigérien.
xi
Pour ce faire, nous avons formulé deux
hypothèses de recherche, à savoir (i) les pratiques
pédagogiques insuffisantes du M-E à l'ENI/TT sont liées au
faible niveau de formation des formateurs dans ce domaine et (ii) la
non-disponibilité des ressources matérielles à l'ENI/TT
contribue à un faible niveau de mise en oeuvre du M-E.
Pour vérifier ces hypothèses, trois types
d'informateurs ont été ciblés au niveau de cet
établissement. Il s'agit des futurs maîtres, des formateurs et des
responsables administratifs.
À ces informateurs, il a été soumis deux
types d'outils de collecte de données. Ainsi, un premier questionnaire a
été administré aux 37 formateurs et un second à 114
futurs maîtres.
En plus de ces questionnaires, deux guides d'entretien ont
été utilisés. L'un a servi pour rencontrer trois groupes
composés chacun de 5 formateurs et l'autre pour rencontrer un groupe de
5 responsables administratifs.
Une méthodologie d'analyse des données
basée sur l'analyse de contenu et l'analyse statistique a
été utilisée pour étudier les données.
La présente étude révèle que 62 %
des formateurs et près de la moitié des responsables
administratifs ont certes été formés en M-E mais la
formation n'a duré qu'une seule journée chez 52 % d'entre eux. 48
% de ces agents ont reçu une seule session de formation. Ce qui fait que
76 % des formateurs ne savent pas manipuler une caméra. La formation a
donc été insuffisante pour 48 % des répondants. En outre,
pour 70 % des participants, les salles de M-E sont bien équipées.
Cependant, ces salles ne sont pas du tout adaptées au M-E (65 %). Aussi
sur les 20 participants aux entretiens semi-directifs, 12 affirment-ils qu'il
n'y a jamais eu de suivi de mise en oeuvre du M-E. En raison de toutes ces
difficultés, 84 % des formateurs de même que 81 % des futurs
maîtres n'ont jamais pratiqué le M-E.
De ces résultats, il ressort que les obstacles à
la mise en oeuvre du M-E à l'ENI/TT sont de divers ordres. Ce sont entre
autres l'insuffisance de la formation en M-E, la mauvaise qualité de la
formation reçue, l'inadaptation des salles à la
réalisation des séances de M-E et le manque de suivi. Ainsi, il
apparaît clairement l'existence d'un lien entre l'insuffisance des
pratiques pédagogiques du M-E et le niveau de formation des formateurs
dans ce domaine,
XII
d'une part et, le faible niveau de mise en oeuvre du M-E et la
non-disponibilité des ressources matérielles, notamment les
salles qui ne sont pas adaptées aux leçons de M-E, de l'autre.
Au regard de ces résultats, nous avons fait un certain
nombre de propositions en vue d'une meilleure mise en oeuvre du M-E à
l'ENI/TT. C'est ainsi que nous avons suggéré aux plus hautes
autorités en charge de l'éducation entre autres
l'élargissement de la formation en M-E à tous les formateurs et
responsables administratifs de l'ENI/TT en quantité et en
qualité, la réhabilitation des salles de M-E et la mise en place
d'une équipe de suivi de la mise en oeuvre du M-E. Aux formateurs, il a
été suggéré de s'impliquer et d'impliquer
pleinement les futurs maîtres dans la mise en oeuvre du M-E. Aux futurs
maîtres, nous leur avons suggéré de participer activement
à toutes les activités concernant le M-E, notamment la
préparation des leçons, leur présentation et leur
visionnement.
1
INTRODUCTION
Le système éducatif nigérien se
caractérise par une structure pyramidale comportant trois ordres
d'enseignement : l'éducation de base qui comprend le préscolaire,
le cycle de base
1 et le cycle de base 2 ; l'enseignement moyen composé
de trois filières, à savoir l'enseignement général,
l'enseignement technique et professionnel et l'enseignement normal ; et
l'enseignement supérieur qui comprend l'ensemble des formations
post-moyen (chapitre 1 de la LOSEN).
La durée des cycles se présente comme suit : un
à trois ans pour le préscolaire, six ans pour le cycle de base 1,
quatre ans pour le cycle de base 2, un à trois ans pour le cycle moyen
et quatre ans pour le supérieur. Le cycle de base 1 est
sanctionné par le Certificat de fin d'études du premier
degré (CFEPD) ou le Certificat d'études primaires
élémentaires franco-arabe (CEPEFA) et, celui de base 2 par le
Brevet d'études du premier cycle (BEPC). L'enseignement moyen est
sanctionné par différents diplômes, à savoir le
Baccalauréat d'enseignement général, le
Baccalauréat d'enseignement technique, le Certificat d'aptitude
professionnelle (CAP), le Brevet d'aptitude professionnelle (BAP) et le
Certificat de fin d'études d'écoles normales (CFEEN).
Au Niger, l'éducation est garantie aux enfants de
quatre à dix-huit ans (article 2 de la loi précitée). Le
taux brut de scolarisation (TBS) était estimé à 76,1 % en
2010-2011 tandis que celui d'alphabétisation était estimé
à 75 % en 2009-2010 (Ministère de l'éducation nationale,
de l'alphabétisation et la promotion des langues nationales [MEN/A/PLN],
2011). Dans les écoles primaires, les activités
pédagogiques sont censées être assurées par des
enseignants formés dans les ENI.
À l'heure actuelle, au Niger, l'enseignement normal est
dispensé dans sept ENI2, à savoir l'ENI
d'Agadès, l'ENI de Diffa, l'ENI Bawa Jongorzo de Maradi, l'ENI Kaocen de
Tahoua, l'ENI Mali Béro de Dosso et l'ENI Tanimoune de Tillabéry
(Ministère de l'économie et des finances [ME/F], 2010).
2 Le conseil des ministres du 26 avril 2013 a prévu
l'ouverture de quatre autres établissements dès la rentrée
scolaire 20132014 pour décongestionner ceux déjà
existants. Il s'agit des ENI de Dogondoutchi, de Magaria, de Niamey et de
Tessaoua.
2
Une analyse plus approfondie des principes du nouveau
programme des ENI fait ressortir une nette intention de reconstitution du
profil de sortie des futurs maîtres. Cependant, les formateurs des ENI
butent à des difficultés de mise en oeuvre de ce nouveau
programme. Au nombre de ces difficultés, figure la mise en oeuvre du
M-E.
Quatre ans après sa mise en application, ce programme a
fait l'objet de plusieurs études au Niger (Djaharou, 2009 ;
Maïdanda, 2012) mais aucune ne s'est intéressée,
jusque-là, au M-E. C'est là donc l'objet de cette recherche.
Il est peut-être risqué de travailler sur un
terrain vierge. Mais pour le chercheur, il n'existe pas de terrain interdit et
en toute chose, il faut un début.
Par ailleurs, compte tenu du coût du M-E, nous pensons
qu'il est nécessaire d'entreprendre une réflexion à son
sujet d'autant plus qu'on est plus ou moins informé qu'il rencontre des
difficultés dans sa mise en oeuvre. Le coût d'une salle de M-E
équipée est de vingt-cinq millions de francs CFA au Niger (D.
Issa, communication personnelle, 26 juillet 2013 ; A. Bori, communication
personnelle, 27 juillet 2013).
Le choix de ce thème tient tout d'abord du fait qu'il
n'existe actuellement au Niger aucune recherche sur la question. Cependant, au
cours de cette recherche, nous ne saurions prétendre aborder tous les
aspects relatifs au sujet du M-E. Nous allons focaliser notre attention sur les
contraintes liées au fonctionnement du M-E à l'ENI/TT.
Le choix de ce thème est lié également
à notre parcours professionnel. En effet, affecté à
l'ENI/TT pour enseigner le français, nous avons, par la suite,
reçu une formation pour gérer la salle de M-E de cet
établissement. Cette position nous a permis d'apprécier le niveau
de mise en oeuvre de cette méthode et aussi d'observer les attitudes des
formateurs et leurs comportements face à l'introduction de celle-ci dans
les programmes de formation initiale des enseignants.
Dans tous les cas, ce choix n'est nullement pas fortuit. En
effet, en matière de recherche, Van Campenhoudt et Quivy (2011) estiment
que :
Si nous choisissons de traiter un sujet donné, c'est
forcément parce qu'il nous intéresse. Nous en avons presque
toujours une connaissance préalable et souvent une expérience
concrète. Peut-être que nous sommes désireux de
3
réaliser notre recherche pour mettre au jour un
problème social ou pour défendre une cause qui nous tient
à coeur (p. 17).
Ce travail est structuré en cinq chapitres. Le premier
chapitre fait le point de la situation de la formation initiale des enseignants
du cycle de base 1 du Niger. Le second aborde la problématique. Le
troisième présente la revue des théories et de la
littérature. Quant au quatrième chapitre, il décrit la
démarche méthodologique suivie. La présentation des
résultats constitue le cinquième et dernier chapitre. Enfin, une
conclusion et des suggestions d'amélioration de la pratique du M-E
marquent la fin du travail. Une bibliographie topique suivie de trois annexes
(outils de collecte des données, textes des entretiens et listes des
aptitudes selon les auteurs) est présentée immédiatement
après la conclusion.
4
CHAPITRE 1 : LA FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANTS DU
CYCLE DE BASE 1
1.1. Le bilan de la formation initiale
1.2. Le bilan à mi-parcours du PDDE
1.3. Le nouveau programme des ENI
1.4. L'École normale d'instituteurs Tanimoune de
Tillabéry
5
CHAPITRE 1 : LA FORMATION INITIALE DES
ENSEIGNANTS DU CYCLE DE BASE 1
Ce chapitre aborde, d'entrée de jeu, le bilan de la
formation initiale des enseignants du cycle de base 1 du Niger (1.1). Ensuite,
il présente un bilan à mi-parcours du PDDE (1.2). En
troisième position, il présente le nouveau programme des ENI
(1.3). Enfin, il fait une présentation de l'École normale
d'instituteurs Tanimoune de Tillabéry (1.4).
1.1. Le bilan de la formation initiale
La formation initiale des enseignants, notamment ceux de
l'enseignement du cycle de base 1, est au coeur des questions éducatives
qui se posent au Niger. En effet, dès 1958, les autorités en
charge de l'éducation optèrent pour une politique de formation
rapide d'enseignants locaux en vue de remplacer les instituteurs et officiers
blancs qui dispensaient les cours dans les quelques rares écoles du
pays. Ainsi, on procéda à une formation
accélérée de jeunes certifiés et on fit même
recours à un personnel venu des pays voisins tels que le Dahomey (actuel
Bénin), la Guinée Conakry, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso),
le Mali, etc.3 Puis s'en est suivie l'ouverture des Cours normaux de
Dosso, Maradi, Tahoua, Tillabéry et Zinder.
En 1998, le Niger a instauré dans l'enseignement
primaire le système de volontariat (Ministère de
l'éducation de base 1 et de l'alphabétisation [MEB1/A], 2004)
sous l'impulsion de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire
international (FMI) à travers le Programme d'ajustement structurel
(PAS). Le volontariat n'exigeait pas une formation qualifiée pour
enseigner. Ainsi, l'on n'avait plus besoin de séjourner dans une
école de formation de maîtres pour être enseignant. Le
principal critère de sélection était l'obtention du BEPC
ou du Baccalauréat ou tout autre diplôme équivalent.
À partir de cette période, le métier d'enseignant sera
dévalorisé et ouvert à un personnel non
qualifié.
L'État nigérien prendra également un
certain nombre de mesures qui contribueront à nouveau à la
dégradation du système éducatif. Ainsi, pour faire face au
besoin pressant d'enseignants, la durée de la formation dans les
Écoles normales (EN) sera réduite de deux à un an
dès la rentrée 2001-2002. Dans le souci d'une
professionnalisation des programmes de
3 Source : Entretien en date du 3 août 2012
accordé par Mamoudou Djibo, PhD, à la télévision
privée Dounia à l'occasion du 52e anniversaire de
l'indépendance du Niger.
6
formation initiale des enseignants, on procéda à
la suppression de certaines disciplines d'enseignement, notamment le
français et les mathématiques (Ministère de
l'éducation nationale [MEN], 2008). Cela causera quelques
préjudices au système éducatif nigérien.
Le séminaire sur la réforme des EN du Niger,
tenu à Niamey du 10 au 14 décembre 2001, avait
décelé les limites de la formation initiale des enseignants
(Maïdanda, 2012). Selon Maïdanda, ce séminaire avait
dégagé cinq raisons pouvant expliquer les failles de la formation
initiale des enseignants : « (1) contenus plus axés sur la
théorie ; (2) impertinence des contenus ; (3) inadéquation du
profil d'entrée des futurs maîtres ; (4) non-qualification du
personnel formateur et enfin (5) non-respect de l'alternance entre la
théorie et la pratique » (p. 3).
Les première et cinquième raisons tournent
autour d'une mauvaise gestion de la formation donnée aux futurs
maîtres, particulièrement concernant l'alternance entre la
théorie et la pratique. Or, cette alternance constitue le moteur de
toute formation professionnelle. C'est dans ce sens que Altet (2005 a) souligne
que :
Les situations de formation en alternance développent
les capacités à réfléchir, analyser,
problématiser, comprendre et faire évoluer les situations et
pratiques professionnelles vécues, par l'articulation des constructions
théoriques et des questions suscitées par le terrain,
ancrées dans la réalité des terrains d'exercice (p.
27).
Paradoxalement, de nouvelles mesures n'allant pas dans le sens
de l'amélioration de la qualité de l'enseignement ont
été mises en place : mise à la retraite d'office des
formateurs et enseignants après trente années de services
effectifs et contractualisation du métier d'enseignant à partir
d'octobre 2003 (MEB1/A, 2004). Le décret
2003-234/PRN/MESS/RT/MEB1/A/MFP/T du 26 septembre 2003 détermine le
statut des enseignants contractuels. Le contrat, tout comme le volontariat
qu'il remplace, ouvre la voie non seulement à des diplômés
des ENI mais aussi à d'autres personnes sans formation professionnelle
en pédagogie et souvent sans vocation. Selon l'Initiative pour la
formation des enseignants en Afrique subsaharienne [TTISSA] (2010), des «
études tendent à indiquer que l'achèvement du cycle
suivant est le minimum requis pour enseigner à un niveau d'enseignement
donné » (p. 55). La nouvelle catégorie d'enseignants est
insuffisamment formée et sous-motivée (Campagne mondiale pour
l'éducation et Internationale de l'éducation
7
[CME et IE], 2012) mais le choix du Niger est sans
équivoque. En effet, selon la CME et l'IE :
L'emploi d'enseignants non qualifiés a souvent
été utilisé comme stratégie à la place d'un
investissement accru (les enseignants non qualifiés coûtent moins
cher) ou d'une réforme du système éducatif (les
enseignants non qualifiés sont employés en contrat à court
terme, ce qui les tient à l'écart du système traditionnel
de gestion des enseignants) (p. 21).
Dans cette situation, un bilan du PDDE permettrait
d'éclairer davantage la situation de la formation initiale des
enseignants.
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