CHAPITRE I
POLITIQUES ÉCONOMIQUES QUE HAÏTI DEVRAIT
APPLIQUER POUR ÊTRE COMPÉTITIVE VIS-À-VIS DES CONCURRENTS
DE LA ZLEA
Une politique économique peut
se définir comme un ensemble de mesures prises par les pouvoirs publics
en vue de peser sur les structures et l'évolution de l'économie
d'un pays. Ainsi, cette politique peut être : agricole,
budgétaire, touristique, commerciale, éducative pour ne
citer que celles-là.
Haïti, eu égard à cette
intégration régionale, devrait faire des choix économiques
pour augmenter en substance les résultats des indicateurs
macroéconomiques, choses sans lesquelles les autorités du pays ne
peuvent changer les conditions de vie de nos frères qui vivent
aujourd'hui dans une extrême pauvreté.
La ZLEA est un vaste marché concurrentiel avec
de grandes opportunités d'échanges, mais elle ne fera pas de
cadeau à Haïti. C'est à nous, les Haïtiens,
d'identifier nos potentiels économiques pour établir de bonnes
politiques nationales via le modèle de développement «
clusters » avec une stratégie nationale de
compétitivité qui va donner naissance à des secteurs
émergents dans l'économie nationale, et le tout va nous conduire
à des véritables pôles de développement dans le
pays. Enfin, ce chapitre est consacré à l'étude des
politiques économiques qu'Haïti devrait appliquer face aux
concurrents de la ZLEA pour qu'elle ait un avantage compétitif dans la
région.
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A- POLITIQUE AGRICOLE Panorama actuel du secteur
agricole haïtien
a) Ressources en sol
Pendant ces dernières années, les
terres du pays ont été très touchées par
l'érosion qui a déjà ravagé plusieurs lieux,
causant la mort de beaucoup de nos compatriotes. Par conséquent, ceci a
engendré chaque année des gaspillages énormes de sols
arables, soit 15.000.000 de m3 suivant une étude
réalisée par la FAO. Il en résulte une diminution
de la productivité du pays, avec des suites néfastes sur le
niveau général de la production dans le secteur primaire. Le
«Ministère de l'Agriculture et de Ressources Naturelles et de
Développement Rural (MARNDR) », a fait une estimation sur la
capacité des sols d'Haïti et elle est estimée à
2.700.000 has qui sont réparties comme suit :
- Sols à forte potentialité agricole
qui sont autour de 305.450 has, soit 11.3%
- Sols à potentialité moyenne qui sont
chiffrés à 857.220 has, leur poids est de 31.8%
- Sols à faible potentialité qui sont
avoisinés les 1.537.330 has, soit 56. 9%
En fait, en considérant le relief et la
déclivité, nous pouvons dire que la capacité agricole des
terres haïtiennes se présente ainsi :
- Terres cultivables entre 0 à 10% pente :
800.000 has, soit 30%
- Terres cultivables avec aménagement autour
de 10 à 40% pente : 500.000 has, soit 16%
- Terres non cultivables à 40% de pente
estimées à 1.500.000 has, soit 54%. Ainsi, nous pouvons conclure
en disant qu'Haïti a une superficie cultivable très faible pendant
que sa population à nourrir dépasse les huit (8) millions
d'habitants.
b) Mode de distributions des 800.000 has
cultivables
Haïti possède 800.000 has de terres
cultivables, soit 30%. Cependant, son mode de distribution est plus que
mauvais. Près de 200.000 has qui sont estimés à 25% sont
entre les mains de propriétaires absentéistes. Et, nous
constatons un très grand morcellement des 600.000 has restants, source
de conflits effrénés par défaut des lois sur la
succession. À titre
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d'exemple, la quantité d'exploitations de
taille de moins de 1 ha est passée de 177.000 en 1 950, à plus de
360.000 en 1 985, d'après les données du MARNDR. En
outre, il est important de mentionner qu'il y a une piteuse gestion des
ressources en sol, traduite par :
1. l'utilisation irrationnelle de l'espace vital
disponible donnant lieu à une réelle compétition entre
l'urbanisation et l'agriculture comme à la Plaine du Cul de Sac
à Port-au-Prince, à Bigot et « Assifa
» aux Gonaïves et dans d'autres zones du
pays.
2. la destruction progressive de la couverture
naturelle de protection, sous la double influence du déboisement
systématique et de l'expansion continue des cultures sarclées sur
des pentes à forte déclivité.
D'où, avec ce mode de distributions
conflictuelles nous voyons la nécessité pour que l'État
haïtien puisse engager une vraie réforme agraire conduisant les
zones rurales à des villages agricoles où les paysans puissent
trouver toutes les infrastructures indispensables à leur
épanouissement social et économique comme cela s'est fait dans
les Aurès en Algérie orientale.
RESSOURCES EN EAU
a) Pluviométrie
La pluviométrie du pays n'est pas forte et
elle est mal partagée à travers le temps et l'espace sur tout le
pays. Ainsi, nous décelons des périodes de grandes
sécheresses qui, des fois, dérangent les résultats des
indicateurs macroéconomiques, car la majorité des agriculteurs
haïtiens dépendent des eaux de pluies pour arroser leurs
jardins.
b) Eaux de surface
Les eaux de surface sont des eaux des rivières
à régime torrentiel. Des cours d'eau à débit
presque régulier sont utilisés à des fins d'irrigation.
Par contre, à l'exception des eaux de lac de « Péligre
» qui sont exploitées pour irriguer des terres en plus de la
production de mégaWatts d'électricité additionnelle pour
la zone métropolitaine de Port-au-Prince pendant les périodes de
fortes pluies, tous les lacs et les étangs du pays sont
inexploités. Ces sources
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oisives avec une bonne politique agricole
d'exploitation pourraient nous aider à avoir plus d'espaces irrigables
en lieu et place de ces 200.000 has.
c) Eaux souterraines
D'après des recherches réalisées
par les experts du MARNDR, plusieurs réserves d'eaux
souterraines sont identifiées dans le pays telles que :
1. Unités riches en eaux souterraines
facilement accessibles. Elles se trouvent localisées dans toutes les
plaines côtières du pays ;
2. Unités riches en eaux souterraines
difficilement accessibles. Elles se localisent dans les formations montagneuses
calcaires ;
3. Unités pauvres en eaux souterraines. Elles
sont situées dans la zone du Plateau Central, du Nord-Ouest, de l'Ile de
la Gonâve.
Pour l'agriculture, les eaux souterraines peuvent
considérer comme un moyen complémentaire d'approvisionnement en
eau. Cependant, par manque de visions elles sont très peu
utilisées sauf dans les plaines des Gonaïves et du Cul de Sac on
les utilise et on n'identifie jusqu'à maintenant pas d'autres zones qui
font usage de ces dernières pour irriguer des terres dans le souci
d'augmenter la production agricole du pays.
d) Irrigation
En Haïti, il y a près de 121
systèmes d'irrigation qui couvrent une superficie autour de 100.000 has
sur un total irrigable de 200.000 has. Mais, avec le temps ces systèmes
ont connu des dommages successifs dont souvent les causes essentielles sont
:
1- Les fréquents cyclones ;
2- Le manque d'entretien et de réparation
;
3- L'érosion des bassins versants
entraînant de forts volumes de débris solides avec pour effet, la
surélévation des lits des rivières, l'inondation des
terres riveraines et des systèmes d'irrigation aux périodes des
crues ;
4- Le pourcentage élevé des canaux en
alluvions causant des pertes d'eau par dérivation ;
5- Les mauvais états des tronçons
d'autoroute empêchant les visites d'inspection. Pour l'exploitation du
potentiel d'irrigation, on a :
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5 Superficie irrigable estimée à 200.000 ha
;
- Superficie sous irrigation effective autour de 45.000
ha, soit 22.5% ;
- Superficie à réhabiliter 55.000, soit
27.5% ;
- Superficie nouvelle à irriguer 100.000 ha avec
un poids de 50%.
Haïti, comme tous les PVD, va participer en
majeure partie à la ZLEA avec des produits agricoles, mais avec une
pareille superficie irrigable, elle aura des contraintes pour augmenter en
valeur ses exportations agricoles de manière à diminuer le
déficit de sa balance commerciale.
Ressources halieutiques
La République d'Haïti a 1700 Km de
côte. Près de 10.000 pêcheurs du pays pratiquent tout au
long de notre côte une pêche très archaïque avec des
matériels rudimentaires. Le pays a une très grande
capacité en richesses piscicoles marines qui est estimée à
plus de 25.000 tonnes par an. Cependant, il n'y a pas des données
fiables sur les disponibilités réelles de ces richesses. En
matière des eaux continentales, Haïti a près de 26.000 has
de lacs naturels et plans d'eau à utiliser, ce qui nous donnerait une
disponibilité en protéines autour de 60.000 Kg/ha sur un
intervalle de trois (3) ans.
Campagnes de vulgarisation
Le Secteur primaire est l'un des secteurs de
l'économie sur lequel le pays peut compter pour qu'elle arrive à
corriger le déficit de la Balance commerciale qui ne cessait
depuis des années de se déprécier.
En fait, pour y arriver les tenants de la
Politique agricole du pays devraient se lancer dans une
véritable campagne de vulgarisation pour valoriser les produits
agricoles haïtiens comme : le cacao haïtien qui est le meilleur
à l'échelle internationale, les manques « madame
francisque » qui sont le premier produit d'exportation du pays, le
café « Haitian Blue », le « vétiver
haïtien » qui est très demandé par des parfumeurs
internationaux.
Ainsi, cette campagne pourrait nous aider à
déboucher sur des filières porteuses allant encourager un
marché interne qui, par la suite, pourrait développer un
véritable marché mixte encourageant les exportations des produits
agricoles haïtiens. Et tout ceci va engendrer une
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croissance dans ce dit secteur qui pourrait avoir un
effet multiplicateur sur l'économie nationale.
Agriculture haïtienne, ses contraintes et ses
potentialités
Haïti est un pays essentiellement agricole,
dit-on, mais depuis des années, le pays importe des Etats-Unis, de la
République Dominicaine et dans d'autres pays de la région des
produits agricoles, tandis que 60% de la population d'Haïti vit dans des
zones pastorales et pratique l'agriculture. Ils se trouvent confrontées
à des contraintes de tous ordres pour développer une agriculture
très productive qui pourrait changer leurs conditions
socio-économiques et corriger les déficits chroniques de la
balance commerciale du pays. En fait, les contraintes les plus évidentes
sont :
1. Contraintes institutionnelles:
> insuffisance de cadres techniques dans le secteur
agricole ;
> faiblesse des organisations paysannes ;
> manque de coordinations inter et
intra-institutionnelles ;
> haut degré d'analphabétisme des
agriculteurs.
2. Contraintes physiques :
> limitation de l'espace cultivable
entraînant le morcellement excessif des unités d'exploitation
;
> détérioration des conditions
naturelles de l'environnement entraînant une diminution progressive de la
capacité productive des terres ;
> faiblesse des infrastructures agricoles
existantes, c'est-à-dire irrigation, drainage, voies d'accès,
facilités d'entreposage et de conservation;
> absentéisme de la plupart des grands
propriétaires fonciers.
3. Contraintes économiques :
> coût élevé des intrants
agricoles ;
> faiblesse du pouvoir d'achat en milieu rural
;
> difficulté d'accès au crédit
agricole ;
> absence de politique de soutien des
prix.
4. Contraintes technologiques :
> déficience de la recherche et de la
vulgarisation agricole ;
>
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inefficacité de l'outillage et des
équipements utilisés dans l'agriculture haïtienne
;
> déficience de l'encadrement
technique.
5. Contraintes conjoncturelles :
> inondations périodiques ;
> sécheresses prolongées;
> incidences de certaines maladies
végétales et animales ;
> migration progressive de la population rurale
active vers certains centres
urbains comme Port-au-Prince, Cap-Haïtien,
Gonaïves, Cayes, Jacmel, Jérémie.
Ainsi, ce sont autant de contraintes empêchant
au secteur agricole du pays d'atteindre l'efficacité dans le but de
dégager un surplus agricole excédentaire, chose sans laquelle le
secteur primaire ne pourrait jamais aider l'économie nationale à
juguler la pauvreté des millions d'Haïtiens.
Vu l'importance du secteur agricole dans le pays, tout
gouvernement sérieux devrait élaborer une politique agricole
très ambitieuse avec des visions claires et des plans directeurs bien
charpentés dans l'idée de minimiser les contraintes ci-dessus
pour maximiser la productivité agricole dans le pays.
Enfin, la politique agricole n'est pas la seule
politique économique qu'un gouvernement innovateur saurait
élaborer pour arriver à la croissance car il y a d'autres
politiques comme : touristique, industrielle, éducative, culturelle,
politique encourageant la sous-traitance électronique par le biais de la
nouvelle technologie de l'information et de la communication (NTIC) qu'un
gouvernement pourrait appliquer pour trouver la croissance soutenable et
durable en Haïti.
Néanmoins, on étudie en premier lieu la
politique agricole c'est parce qu'on voit comment certains produits
agricoles du pays ont une forte potentialité exportatrice, par exemple :
les manques « madame francisque » à Gros-Morne qui
ont une forte potentialité exportatrice et le pays a un avantage
compétitif dans cette filière. Il suffit que l'État
haïtien développe un « cluster » dans ce domaine
accompagné d'une assistance technique en matière de normes
phytosanitaires pour que l'exportation dans ce secteur soit acceptée par
tous les départements d'agriculture et de services d'hygiène
mondiale. Gonaïves a 10.000 hectares environ de terre salée non
aptes à pratiquer l'agriculture, mais ceux-ci représentent
une
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richesse pour la ville car Haïti importe chaque
année 225 tonnes métriques de sel fin pour un chiffre de
260.000 gourdes.
Quelle absurdité ! Le sel marin dans
les différents endroits aux Gonaïves avec un processus d'iodation
pourrait nous aider à entrer beaucoup de devises même sans
être iodé. Il pourrait être rentable parce qu'on pourrait
l'exporter à l'état brut pour fondre la neige dans les pays
tempérés en saison hivernale. Une zone comme la Savane
Désolée est riche en spirulines. Les grains
d'oliviers qui peuvent être transformés en huile d'olive et
les huiles essentielles sont des produits très utilisés dans les
cuisines et demandés pour les avions de transport. Le cacao, le
café « Haitian Blue », le « vétiver
» et le riz haïtien cultivé dans la
vallée de l'Artibonite, sans mentionner d'autres plaines qui sont
capables de le cultiver pourraient nous aider à diminuer les coûts
d'importations du pays. Il suffit d'une bonne politique d'encadrement
technique, de vulgarisation de nos produits agricoles, de crédit
agricole, de développement d'un marché interne,
d'alphabétisation des agriculteurs, des hôpitaux dans les milieux
ruraux, de réfection des routes secondaires pour permettre la libre
circulation des denrées agricoles vers les grands centres urbains, des
usines de conservation des denrées agricoles, d'augmentation du pouvoir
d'achat des agriculteurs du pays, de petites industries de transformation des
agrumes en confiture et des gousses d'arachide en beurre d'arachide, de
construction des citernes pour conserver les eaux de pluies en saison pluvieuse
avec un débit acceptable puis pour les utiliser dans les saisons de
grande sécheresse et des lacs collinaires pourraient nous aider à
développer une agriculture productive et compétitive dans la
région des Amériques ce qui, avec une bonne politique
d'austérité et d'équité des gens, va nous conduire
à la croissance, chose indispensable au développement durable
d'Haïti.
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